Discours 1975 25

25 Nous voulions aussi rendre l’hommage qui leur est dû à ceux qui ont organisé ces deux Congrès et leur exprimer notre reconnaissance. Leur exemple d’amour filial envers la Mère du Christ et l’étude approfondie de la personne et de la mission de Marie ne peuvent manquer d’être féconds pour l’Eglise. Notre remerciement va en premier lieu au très cher Cardinal Léo Joseph Suenens, Président de ce Congrès ; au Père Charles Balic, o.f.m., Président de l’Académie pontificale mariale internationale ; au Recteur Magnifique de cet Athénée pontifical Antonianum, le Père Roberto Zavalloni, aux illustres orateurs, aux Associations mariales qui ont adhéré aux Congrès et à tous ceux qui y ont participé. Nous voudrions que se vérifie pour tous ce qui est dit de la Sagesse et que l’Eglise applique à la Vierge Marie : Qui élucidant me, vitam aeternam habebunt (Si 24,31).

Les thèmes choisis pour les deux Congrès méritaient aussi de notre part considération et louange. Le premier, le Congrès mariologique, se proposait l’étude de Culte de la Mère de Dieu du XII° au XV° siècle. L’autre, le Congrès mariai, est centré sur « L’Esprit Saint et Marie ». On pouvait difficilement trouver des sujets plus opportuns et plus intéressants.



I. Nous sommes heureux d’observer d’abord que ces deux Congrès s’insèrent très heureusement dans le cadre de la recherche théologique actuelle et de la nouvelle dimension de la piété mariale telle que l’a présentée avec autorité la doctrine du deuxième Concile du Vatican. Cette doctrine, qui met dans une juste lumière la place qui revient à la très Sainte Vierge dans le mystère du Christ et de l’Eglise, constitue désormais un fondement dont ne peuvent faire abstraction un véritable développement de la mariologie et une saine orientation des fidèles vers la Mère de Dieu qui est aussi notre Mère.

Du fait que « quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme » (Ga 4,4), et que Marie, comme l’enseigne le Concile, « ne fut pas un instrument purement passif dans les mains de Dieu, mais coopéra au salut de l’homme dans la liberté de sa foi et de son obéissance » (Lumen Gentium LG 56), il découle que Marie a une part essentielle dans le mystère du salut. Le Christ est venu à nous par Marie, nous l’avons reçu d’elle. C’est pourquoi, si nous voulons être de vrais chrétiens, il nous faut reconnaître le rapport essentiel, vital, qui unit la Vierge à Jésus et qui nous ouvre la voie qui conduit à Lui. Et nous ne saurions détourner notre regard de Celle qui est la créature la plus ressemblante au Christ, le « type » de l’Eglise, et qui est, comme l’affirme le Concile, « le modèle admirable dans la foi et dans la charité » (Lumen Gentium, LG 53 cf. LG 61,65). Il faut toujours bien se rappeler cette doctrine car c’est sur elle que sont fondés les rapports d’amour, d’honneur et de vénération que nous devons à Marie et qui, dans leur expression légitime et très heureuse — pourvu que l’on conserve à cette expression la signification que l’Eglise lui donne — sont appelés culte marial. Cela, nous l’avons déjà rappelé dans notre Exhortation Apostolique Marialis cultus : « Que, dans les manières d’exprimer le culte de la Vierge, soit spécialement mis en relief l’aspect christologique, pour qu’elles reflètent le plan de Dieu, qui a fixé à l’avance par une seule et même disposition l’origine de Marie et l’incarnation de la Sagesse divine ». Cela, sans aucun doute, non seulement n’affaiblira pas, mais au contraire, « contribuera à développer le culte dû au Christ lui-même, puisque, conformément au sentiment permanent de l’Eglise, (...) ce qui s’adresse à la servante se rapporte au Maître ; ainsi remonte au Fils ce qui est attribué à la Mère ; (...) ainsi rejaillit sur le Roi l’honneur rendu en humble hommage à la Reine » (n. 25). De cette manière, « la piété envers la Mère du Seigneur devient pour le fidèle une occasion de croissance dans la grâce divine : c’est le but final de toute action pastorale. Il est impossible en effet d’honorer la Pleine de grâce sans honorer en soi-même l’état de grâce, et donc l’amitié avec Dieu, la communion avec lui, la présence intérieure de l’Esprit. Cette grâce divine investit tout l’homme et le rend conforme à l’image dû Fils de Dieu » (n. 57).



II. D’après ce que nous avons dit jusqu’ici, vous pourrez facilement comprendre la grande importance que nous attachons au double hongres qui se déroule actuellement. Il sera certainement une semence qui produira des fruits nombreux et salutaires, non seulement au plan de la mariologie, mais aussi dans les domaines de la théologie, de la liturgie, de l’oecuménisme et surtout de la pastorale. Vraiment, en poursuivant le travail entrepris par les deux précédents Congrès, organisés par l’Académie pontificale mariale internationale, on aborde d’une part les recherches sur une des périodes les plus fécondes quant à l’affirmation et à la promotion du culte mariai, sous l’impulsion notamment de grands théologiens comme Saint Albert le Grand, Saint Thomas, Saint Bonaventure, Jean Duns Scot, pour citer seulement quelques noms parmi les plus illustres, qui tentèrent d’approfondir la mission et les prérogatives de la Très Sainte Vierge. D’autre part, l’étude des rapports entre l’Esprit Saint et Marie, qui constitue l’objectif spécifique du Congrès marial, pourra aider à clarifier le rôle qui revient à chacun dans l’économie du salut. A cet égard, dans l’Exhortation Apostolique ci-dessus mentionnée, nous écrivions : « On affirme parfois que de nombreux textes de la piété moderne ne reflètent pas suffisamment toute la doctrine concernant le Saint Esprit » ; et nous ajoutions : « C’est aux spécialistes de vérifier cette affirmation et d’en évaluer la portée » (n. 27). Aussi regardons-nous votre double congrès comme le lieu le plus qualifié pour répondre à notre attente.



III. Nous pourrions ici conclure nos considérations si, pris par l’élévation de notre sujet, nous n’étions poussé à ajouter nous aussi une fleur à l’apport doctrinal que, comme une couronne précieuse, vous entendez déposer, en cette Année Sainte, aux pieds de la bienheureuse Vierge Marie. Cette fleur, nous la cueillons plus en notre coeur qu’en notre esprit, dans un but plus pastoral que scientifique ; cet aspect pastoral est d’ailleurs également présent dans l’hommage que ces Congrès (même le premier) entendent offrir à Marie. Donc, nous voudrions répondre à une question de grande actualité pastorale, et aussi doctrinale : comment présenter à nouveau Marie de manière adéquate au Peuple de Dieu, de manière à redonner à ce dernier un renouveau de ferveur dans sa piété mariale.

A cet égard, on peut suivre deux voies. La voie de la vérité, tout d’abord, c’est-à-dire de la spéculation d’ordre biblique, historique et théologique, qui concerne la place exacte de Marie dans le mystère du Christ et de l’Eglise : c’est la voie des savants, la vôtre, elle est certainement nécessaire, et la doctrine mariologique en tire grand profit. Mais il y a aussi, outre cette voie, une voie accessible à tous, même aux âmes simples : c’est la voie de la beauté, à laquelle nous conduit, finalement, la doctrine mystérieuse, merveilleuse et même stupéfiante qui forme le thème du Congrès marial : Marie et l’Esprit Saint. En effet, Marie est la créature « toute belle » ; elle est le « miroir sans tache » elle est l’idéal suprême de perfection que les artistes de tous les temps ont cherché à reproduire dans leurs oeuvres ; elle est la « femme revêtue du soleil » (Ap 12,1), chez laquelle les rayons très purs de la beauté humaine se rencontrent avec les rayons transcendants, mais accessibles de la beauté surnaturelle. Et pourquoi tout cela ? Parce que Marie est celle qui est « pleine de grâce », ou, pourrions-nous dire, celle qui est remplie de l’Esprit Saint, dont la lumière brille en elle d’une incomparable splendeur. Oui, nous avons besoin de regarder Marie, de fixer sa beauté sans tache, car nos yeux sont trop souvent blessés et comme aveuglés par les images trompeuses de la beauté de ce monde. Quels nobles sentiments, quel désir de pureté, quelle spiritualité rénovatrice pourrait susciter la contemplation d’une beauté aussi sublime !

Alors que de nos jours la femme progresse dans la vie sociale, il n’est rien de plus bénéfique et de plus exaltant que l’exemple de cette Vierge-Mère, rayonnante de la lumière de l’Esprit Saint, qui dans sa beauté, résume et incarne les valeurs authentiques de l’esprit humain.

Travaillons donc, Vénérables Frères et chers Fils, à ce que, pour notre génération moderne, la lumière suave et maternelle de la dévotion à Marie n’aille pas s’affaiblissant, mais, soit au contraire toujours ravivée. C’est en formulant ce voeux que nous vous donnons de grand coeur, à vous tous qui êtes présents, comme à tous les participants à ces Congrès, en gage des divines grâces, notre Bénédiction Apostolique.





AUX MEMBRES DU CONSEIL SUPÉRIEUR

DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

Vendredi 16 mai 1975




Nous sommes heureux d’accueillir avec vous, Monsieur le Cardinal, les membres des Conseils supérieurs des OEuvres pontificales missionnaires, Depuis mardi, vous tenez votre Assemblée plénière, attentifs aux besoins des missions et soucieux de leur apporter l’aide la plus efficace possible.

26 Nous voulons d’abord, chers Frères et Fils, vous féliciter, vous remercier des efforts que vous déployez, et notre pensée va, à travers vos personnes, à tous ceux que vous représentez ici, à tous les membres des diverses oeuvres missionnaires, qui se dévouent chaque jour pour soutenir l’activité missionnaire de toute l’Eglise.

Vous êtes bien Placés, cependant, pour voir combien les moyens actuels, dont disposent l’Eglise et notamment les organismes consacrés à l’évangélisation des peuples et rattachés à cette Congrégation, ne vous permettent pas de répondre encore, comme vous le voudriez, à tous les appels qui vous parviennent. Car les besoins missionnaires n’ont certes pas diminué. Ils croissent du contraire continuellement, non seulement à cause des nouveaux champs d’action qui se présentent, grâce à Dieu, mais aussi à cause des nouvelles méthodes d’évangélisation. Concernant l’éducation, il faut souvent développer l’enseignement catholique aux plans élémentaire et secondaire, et aussi au niveau supérieur. Pour ce qui est de la préparation du clergé, non seulement il est nécessaire de donner aux missionnaires des possibilités d’études plus approfondies, mais il faut assurer la formation du clergé autochtone dans des conditions plus difficiles, parfois à l’extérieur de leur propre pays. La contribution des catéchistes est en maints endroits très appréciable, mais elle demande une préparation et un soutien Onéreux. De même les mouvements chrétiens, nécessaires pour soutenir ou maintenir une action apostolique du laïcat, cohérente et stable. Nous pensons encore à la presse catholique, aux émissions radiophoniques ou télévisées, aux autres moyens de communication sociale, sans lesquels aujourd’hui l’Eglise ne peut faire entendre suffisamment sa voix, alors que les consciences subissent tant d’autres influences. Oui, les besoins seraient très nombreux: nous devons même choisir les plus urgents, les mieux ordonnés à l’évangélisation. Par ailleurs, le témoignage de l’Evangile est celui de la charité, et il est normal que l’Eglise participe, à la mesure de ses moyens, à l’oeuvre d’alphabétisation des adultes, à l’entraide sanitaire, au développement sous toutes ses formes, qui sont si fréquemment et à bon droit associés à l’action évangélisatrice.

C’est dire que nous vous encourageons vivement à recueillir les ressources nécessaires. Mais votre ambition ne se limite pas là, et nous apprécions tout autant l’effort que vous développez pour sensibiliser et éduquer tout le peuple chrétien au sens missionnaire: lui faire voir l’immensité des besoins matériels et spirituels, contribuer à former sa générosité et sa prière missionnaires, n’est-ce pas une excellente manière de lui donner concrètement le sens de l’Eglise?

Une telle charité envers le «prochain», même apparemment lointain, doit faire partie de la préoccupation habituelle des chrétiens et de la formation spirituelle donnée aux jeunes. Le souci des missions est toujours capable de susciter des merveilles de solidarité, même chez les plus démunis de biens matériels: tels la veuve de l’Evangile, ils savent prendre sur leur nécessaire, alors que tant d’autres n’ont pas le courage de prendre sur leur superflu. Là encore, il importe évidemment d’adopter des moyens modernes appropriés - presse, films éducatifs - pour développer ce sens missionnaire, en faisant mieux comprendre les situations, les besoins, les méthodes, les initiatives concrètes à réaliser . . .

Enfin comment ne pas souligner l’oeuvre des prêtres envoyés au titre de Fidei donum? Ils continuent à se mettre au service de l’Eglise autochtone, avec beaucoup de désintéressement, et même si leur apostolat est temporaire il est très appréciable, il est, en beaucoup d’endroits, nécessaire, sans compter les liens précieux qui sont ainsi tissés entre le pays d’origine et le pays d’adoption. Oui, nous souhaitons que cet élan de solidarité missionnaire ne se ralentisse pas.

A travers tout cela - et nous n’avons pu évoquer que quelques aspects - c’est l’Esprit Saint qui est à l’oeuvre, c’est Lui que nous voulons invoquer spécialement en ces jours préparatoires à la Pentecôte. Vivons nous-mêmes dans l’action de grâces pour ce Don de Dieu que nous avons reçu. Qu'il féconde votre activité! Qu’il permette ainsi à l’Eglise d’annoncer hardiment l’Evangile à ceux qui l’attendent, «à ceux qui sont au loin» (Cfr. Act
Ac 2,39).

De grand coeur, en signe d’encouragement, nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique.

Peace and blessings to the members of the Pontifical Missionary Works. When you work for the missions you continue Christ’s own work and you fulfil his command to teach all people. May he help you with his grace to carry on with this work, and to make use of the wonderful means of communication which God in his goodness has allowed man to develop in modern times.

Nuestro cordial y afectuoso saludo a los Representantes de las Obras Misionales Pontificias de los Países de lengua española. Que estas reuniones de Roma os animen, amados hijos, a seguir inculcando en vuestras comunidades el ideal misionero, tan vital para la Iglesia. Con nuestra Bendición Apostólica para vosotros y para todos vuestros colaboradores.

Ein wort herzlicher Begrüßung und aufrichtiger Anerkennung richten Wir auch an jene von Ihnen, die aus den Ländern deutscher Sprache kommen. Von Herzen danken Wir einem jeden einzelnen im Namen Jesu Christi für Ihren unermüdlichen, jahrelangen Einsatz im Dienste unserer katholischen Weltmission. Sie wissen es sehr wohl und haben Ihre Tätigkeit ganz darauf eingestellt: Die pilgernde Kirche ist ihrem Wesen nach missionarisch, da sie selbst ihren Ursprung aus der Sendung des Sohnes und der Sendung des Heiligen Geistes herleitet, gemäß dem Plan Gottes des Vaters (Cfr. Ad Gentes AGD 2). Möge Gott Ihnen alle Opfer überreich lohnen!





AUX PARTICIPANTS AU IIIème CONGRÈS INTERNATIONAL

DU RENOUVEAU CHARISMATIQUE CATHOLIQUE

Lundi 19 mai



LE PRINCIPE DU RENOUVELLEMENT SPIRITUEL : FIDÉLITÉ À LA DOCTRINE ET CHARITÉ ACTIVE





27 Le lundi 19 mai à 10 heures, dans la Basilique Saint-Pierre, le Saint-Père s’est adressé aux membres du 3° Congrès International pour le renouveau charismatique catholique. Nous reviendrons dans notre prochain numéro sur cet important rassemblement et publions ci-dessous l’allocution de Paul VI :



Vous avez choisi en cette Année Sainte la ville de Rome pour célébrer votre troisième Congrès international, chers fils et chères filles ; vous nous avez demandé de vous rencontrer aujourd’hui et de vous adresser la parole : vous avez voulu montrer par là votre attachement à l’Eglise instituée par Jésus-Christ et tout ce que représente pour vous ce Siège de Pierre. Ce souci de bien vous situer dans l’Eglise est un signe authentique de l’action de l’Esprit Saint. Car Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ, dont l’Eglise est le Corps mystique, et c’est en elle que l’Esprit du Christ fut communiqué au jour de la Pentecôte, quand il descendit sur les Apôtres réunis dans « la chambre haute », « assidus à la prière », « autour de Marie, mère de Jésus » (cf. Ac
Ac 1,13-14).

Nous le disions en octobre dernier devant quelques-uns d’entre vous, l’Eglise et le monde ont besoin plus que jamais que « le prodige de la Pentecôte » se poursuive dans l’histoire » (Audience générale du 16 oct. 1974, voir L’Oss. Rom., éd. française du 25 oct. 1974). En effet, grisé par ses conquêtes, l’homme moderne a fini par s’imaginer que, selon les expressions du dernier Concile, « il est à lui-même sa propre fin, le seul artisan et démiurge de sa propre histoire » (Gaudium et Spes, GS 20,1). Hélas ! chez combien de ceux-là mêmes qui continuent, par tradition, à professer son existence, et, par devoir, à lui rendre un culte, Dieu n’est-il pas devenu un étranger dans leur vie ?

Rien n’est plus nécessaire à un tel monde, de plus en plus sécularisé, que le témoignage de ce « renouveau spirituel », que nous voyons le Saint-Esprit susciter aujourd’hui dans les régions et les milieux les plus divers. Les manifestations en sont variées : communion profonde des âmes, contact intime avec Dieu dans la fidélité aux engagements pris lors du baptême, dans une prière souvent communautaire, où chacun, s’exprimant librement, aide, soutient, nourrit la prière des autres, et à la base de tout, une conviction personnelle, qui n’a pas sa source uniquement dans un enseignement reçu par la foi, mais aussi dans une certaine expérience vécue, à savoir que, sans Dieu, l’homme ne peut rien, qu’avec lui, par contre, tout devient possible : d’où ce besoin de le louer, de le remercier, de célébrer les merveilles qu’il opère partout autour de nous et en nous. L’existence humaine retrouve sa relation à Dieu, ce qu’on appelle la « dimension verticale », sans laquelle l’homme est irrémédiablement mutilé. Non certes que cette recherche de Dieu apparaisse comme une volonté de conquête ou de possession ; elle veut être pur accueil de Celui qui nous aime et librement se donne à nous, désirant, parce qu’il nous aime, nous communiquer non sans humble fidélité de notre part. Et cette fidélité doit savoir unir l’action à la foi selon l’enseignement de Saint Jacques : « De même que le corps sans âme est mort, la foi sans les oeuvres est morte » (Jc 2,26).

Comment alors ce « renouveau spirituel » ne pourrait-il pas être une « chance » pour l’Eglise et pour le monde ? Et comment, en ce cas, ne pas prendre tous les moyens pour qu’il le demeure ?

Ces moyens, chers fils et chères filles, le Saint-Esprit voudra bien vous les indiquer, selon la sagesse de ceux qu’il a lui-même « établis gardiens pour paître l’Eglise de Dieu » (Ac 20,28). Car c’est le Saint-Esprit qui a inspiré à Saint Paul certaines directives fort précises, que nous nous contenterons de vous rappeler. Y être fidèles sera pour vous la meilleure des garanties pour l’avenir.

Vous savez le grand cas que l’Apôtre faisait des « dons spirituels » : « N’éteignez pas l’Esprit », écrivait-il aux Thessaloniciens (1Th 5,19), tout en ajoutant aussitôt : « Vérifiez tout, retenez ce qui est bon » (ibid. 5, 21). Il estimait donc qu’un discernement était toujours nécessaire, et il en confiait le contrôle a ceux qu’il avait mis à la tête de la communauté (ibid. 5, 12). Avec les Corinthiens, quelques années plus tard, il entre dans plus de détails : il leur signale notamment trois principes à la lumière desquels ils pourront plus aisément pratiquer ce discernement indispensable.

Le premier, par quoi il commence son expose, est la fidélité à la doctrine authentique de la foi (1Co 12,1-3). Ce qui la contredirait ne saurait provenir du Saint-Esprit : celui qui distribue ses dons est le même qui a inspiré l’Ecriture et qui assiste le Magistère vivant de l’Eglise auquel, selon la foi catholique, le Christ a confié l’interprétation authentique de cette Ecriture (Cf. Constitution Dei Verbum, DV 10). C’est bien pourquoi vous éprouvez le besoin d’une formation doctrinale toujours plus approfondie : biblique, spirituelle, théologique. Seule une telle formation, dont l’authenticité doit être garantie par la Hiérarchie, vous préservera de déviations toujours possibles, et vous donnera la certitude et la joie d’avoir servi la cause de l’Evangile « sans frapper dans le vide » (1Co 9,26).

Deuxième principe. Tous les dons spirituels sont à recevoir avec gratitude ; et vous savez que l’énumération est longue (1Co 12,4-10 1Co 12,28-30). Toutefois, accordés « en vue du bien commun » (1Co 12,7), ils ne le procurent pas tous au même degré. Aussi les Corinthiens doivent-ils « ambitionner les dons supérieurs (ibid. 12, 31), les plus utiles à la communauté (cf. ibid. 14, 1-5).

Le troisième principe est, dans la pensée de l’Apôtre, le plus important. Il lui a suggéré une des pages les plus belles, sans doute, de toutes les littératures, à laquelle un traducteur récent a donné un titre évocateur : « Au-dessus de tout plane l’amour » (E. Osty). Si désirables que soient les dons spirituels — et ils le sont —, seul l’amour de charité, l’agape, fait le chrétien parfait, seul il rend l’homme « agréable à Dieu », « gratia gratum faciens », diront les théologiens. C’est que cet amour ne suppose pas seulement un don de l’Esprit ; il implique la présence active de sa Personne au coeur du chrétien. Commentant ces versets, les Pères de l’Eglise l’expliquent à l’envie. Au dire de Saint Fulgence, pour ne citer qu’un exemple, « le Saint-Esprit peut conférer tout espèce de dons sans être présent lui-même ; il prouve en revanche qu’il est présent par la grâce, quand il accorde l’amour », « se ipsum demonstrat per gratiam praesentem, quando tribuit caritatem » (Contra Fabianum, Fragment 28 ; P.L. 65, 791). Présent dans l’âme, il lui communique, avec la grâce, la propre vie de la Très Sainte Trinité, l’amour même dont le Père aime le Fils dans l’Esprit (cf. Jn Jn 17,26), l’amour dont le Christ nous a aimés et dont à notre tour nous pouvons et devons aimer nos frères (cf. Jn Jn 13,34), « non seulement en paroles, avec la langue, mais en actes, véritablement » (1Jn 3,18).

Oui, l’arbre se juge à ses fruits, et Saint Paul nous dit que « le fruit de l’Esprit, c’est l’amour » (Ga 5,22), tel qu’il l’a décrit dans son hymne à l’amour. C’est à lui que sont ordonnés tous les dons que l’Esprit Saint distribue à qui il veut, car c’est l’amour qui édifie (cf. 1Co 8,1), comme c’est lui qui, après la Pentecôte, a fait des premiers chrétiens une communauté « assidue à la communion fraternelle » (Ac 2,42), « tous n’ayant qu’un coeur et qu’une âme » (ibid, 4, 32).

28 Soyez fidèles à ces directives du grand Apôtre. Et selon l’enseignement du même Apôtre, soyez également fidèles à célébrer fréquemment et dignement l’Eucharistie (cf. 1Co 11,26-29). C’est la voie que le Seigneur a choisie pour que nous ayons sa Vie en nous (cf. Jn Jn 6,53). De même encore, approchez-vous avec confiance du sacrement de la réconciliation. Ces sacrements expriment que la grâce nous vient de Dieu, par la médiation nécessaire de l’Eglise.

Chers Fils et chères Filles, avec le secours du Seigneur, forts de l’intercession de Marie, mère de l’Eglise, et en communion de foi, de charité et d’apostolat avec vous Pasteurs, vous serez sûrs de ne pas vous tromper. Et vous contribuerez ainsi, pour votre part, au renouveau de l’Eglise.

Jésus est le Seigneur ! Alléluia !





AU CONGRÈS ANNUEL DE L’ACADÉMIE EUROPÉENNE

D’ALLERGOLOGIE ET D’IMMUNOLOGIE CLINIQUE

Lundi 26 mai 1975




Mesdames, Messieurs,

Vous avez manifeste le désir de Nous rencontrer avant que ne commence le Congrès annuel de votre Académie européenne d’Allergologie et d’immunologie clinique.

Nous sommes sensible à cette démarche. Sans entrer dans le détail des matières hautement spécialisées qui vont faire l’objet de vos rapports et de vos échanges, Nous souhaitons que vos travaux contribuent à éclairer les mécanismes très complexes de l’auto-immunité et de l’allergie, par lesquels notre organisme vivant semble s’assurer une certaine défense naturelle, mais qui peuvent handicaper les interventions et les soins s’avérant nécessaires.

Ce progrès de la médecine Nous tient à coeur à Nous aussi. C’est à nos yeux une façon de coopérer à l’oeuvre du Créateur de la vie. Et Nous nous en réjouissons pour les malades qui tiennent une place spéciale dans le coeur du Christ et des chrétiens.

Nous espérons aussi que ces échanges favoriseront le rapprochement humain, la sympathie, la fraternité entre vous, chercheurs, qui êtes venus d’horizons européens très divers: cela aussi Nous apparaît très positif.

Le choix de la ville de Rome pour votre Congrès est d’ailleurs particulièrement significatif: sur le plan religieux aussi, vous le savez, l’Année Sainte en fait plus que jamais un carrefour de peuples, unis dans la même foi et la même prière.

Nous prions Dieu de vous assister et de bénir tous ceux qui vous sont chers.



À LA COUR DE JUSTICE


DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES*


29
Jeudi 5 juin 1975




Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Vous n’avez pas voulu achever votre séjour romain sans venir Nous rendre visite. Nous sommes Nous aussi heureux de cette rencontre: elle Nous permet de témoigner à la Cour de Justice des Communautés européennes la haute estime que Nous portons à cette institution, garante des Traités, et les voeux ardents que Nous formons pour le progrès de la collaboration européenne qui vous tient tellement à coeur.

Certes, la mise en application des Traités communautaires entre les neuf Etats membres ne cesse d’être laborieuse: tant de traditions diverses à harmoniser, tant d’intérêts à concilier, tant de difficultés économiques à surmonter et à résoudre ensemble! Et pourtant, qui douterait aujourd’hui qu’il y a un bien commun à promouvoir dans cette partie de l’Europe, hier morcelée et divisée? Il y va de la paix et du progrès social de deux cent cinquante millions de citoyens, qui sont appelés à avoir des échanges de plus en plus fréquents. Et Nous osons penser que cette Europe a aussi un témoignage d’entente à porter devant la face du monde, une contribution de poids à fournir à la paix internationale et au développement de tous.

Mais, c’est évident, de tels Traités courraient un grand risque sans la vigilance de la Commission et sans la justice qu’exerce votre Cour sur demande de la Commission ou des juges nationaux, sous forme de sanction ou d’interprétation du droit. Le fonctionnement de cette Cour de Justice mérite d’être relevé. Même si les juges et les avocats généraux viennent nécessairement d’Etats nationaux et sont proposés par eux, Nous savons qu’ils ont à coeur de dégager une règle commune, avec une autorité commune qui s’impose à tous. Cette indépendance, capitale, est favorisée par le fait que vous recevez l’investiture de la Communauté, par la Conférence des Ministres des Affaires Etrangères; elle est aussi le fait de votre volonté, et de la conscience que vous avez de devoir répondre à l’objectivité et à l’impartialité qu’on attend de vous.

De cela, Nous nous réjouissons, Nous vous félicitons. Sans cette indépendance dans le jugement, sans cette autorité au-dessus des Etats, les institutions internationales sont réduites à l’impuissance, les principes restent lettre morte, le bien commun n’est pas assuré. L’Eglise catholique apprécie cet effort, elle qui est si soucieuse de voir respecté le droit de chacun, de chaque personne et de chaque peuple, dans la mise en oeuvre d’une solidarité élargie, de plus en plus nécessaire, et dans la fidélité aux engagements solennellement contractés.

Que le Dieu Tout Puissant vous assiste dans votre noble fonction! Qu’il vous bénisse, avec vos familles et tous ceux qui vous sont chers.



*Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIII, p.600-601.

L'Osservatore Romano, 6.6.1975, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n .24 p.4.

30 La Documentation catholique n.1679 p.606.



AUX ANCIENS DÉPORTÉS ET INTERNÉS DE LA RÉSISTANCE


Jeudi 12 juin 1975




Mesdames, Messieurs,

Nous sommes heureux de vous accueillir et de Nous entretenir quelques instants avec vous, anciens Déportés et Internés de la Résistance, qui célébrez cette année le trentième anniversaire de votre libération. Nous savons Combien vous désirez contribuer sans cesse au rapprochement et à la paix entre les peuples!

La réconciliation n’est-elle pas un des buts majeurs de la présente Année Sainte? Chacun de vous doit comprendre qu’il s’agit bien là, en effet, d’une réalité essentielle de notre religion, car notre affirmation que le Christ nous a réconciliés avec Dieu par les mérites de sa croix est vraiment au centre de notre foi, et c’est d’elle que nous vivons. Chaque homme de bonne volonté doit être à même de percevoir la signification profondément humaine de ce message: il appartient à chacun d’oeuvrer en ces sens et de s’efforcer d’abord de changer s’il en est besoin, son propre coeur, de vaincre le mal par le bien, comme le recommandait l’apôtre saint Paul, de progresser sur ce chemin voulu par Dieu de l’union fraternelle de tous les hommes, puisqu’il les a tous appelés à la grâce de devenir ses fils adoptifs dans le Christ.

Quelles résonnances ce grave appel de l’Année Sainte peut trouver en vous, Nous le savons, mais il serait vain de compter seulement sur le temps pour guérir Certaines blessures des corps et encore plus des esprits s’il n’y avait pas avant tout, dans des coeurs généreux, une volonté non pas seulement d’oubli, mais de dépassement: de réconciliation. Là se trouve, certes, l’achèvement et le point le plus haut de l’exemple que peuvent laisser aux générations futures ceux qui ont été victimes de la déportation. Nous ne doutons que ces sentiments n’inspirent le meilleur de l’action de votre Association. Nous vous encourageons sur ce chemin, et Nous remettons vos intentions aux mains du Père Tout-Puissant que Nous prions de vous bénir ainsi que tous ceux que vous représentez aujourd’hui.




23 juin



L’ANNÉE SAINTE TÉMOIGNE DE LA VITALITÉ DE L’EGLISE







Nous répondons avec toute notre affection aux voeux que le cardinal Doyen vient d’exprimer, en interprétant avec tant de délicatesse vos propres sentiments, Vénérables Frères du Sacré Collège. C’est une circonstance bien agréable pour nous : ce n’est pas seulement pour l’attention accordée à notre personne, qui voudrait constamment s’éclipser devant la lumière du Christ Seigneur, en suivant l’exemple du Précurseur dont nous portons le nom de baptême: « Il faut que lui croisse et que moi je diminue » (Jn 3,30). Mais cette circonstance est surtout agréable parce qu’elle constitue un fait de communion, de koinonia, elle est un signe de cette charité qui est vivante dans l’Eglise et qui unit tous ses membres, dans un unique lien d’amour que l’Esprit Saint soutient, dans un engagement solidaire de service, dans une harmonie profonde des volontés et des conduites.

Merci, donc, Frères vénérés. La rencontre d’aujourd’hui survient au coeur de l’Année Sainte. Précisément demain six mois se seront écoulés depuis la nuit de Noël où, frémissant d’émotion et plongé dans la prière, nous avons ouvert la Porte Sainte, à travers laquelle sont passés, jusqu’à ce jour, des millions de fidèles, engagés par ce passage symbolique sur les voies de la conversion, de la rencontre avec Dieu et de l’amour pour les frères.



L’Année Sainte





Un courant de spiritualité intense envahit le monde, et il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaître. L’itinéraire de Rome n’est que le point final d’une trajectoire qui a pris le départ dans chacune des Eglises locales : c’est la digne conclusion, la conclusion logique des célébrations accomplies au plan paroissial, diocésain, national et communautaire, dans tous les pays de la communion catholique ; elles ont amené et elles amènent encore ici, non pas des masses amorphes, ni des touristes distraits, mais des personnes qui prient, qui affrontent des sacrifices, même pénibles, d’argent, de temps, d’adaptation, de fatigue etc. Ces personnes sont attirées, non pas par quelque chose d’extérieur, mais par l’appel solennel et austère de ces lieux et des grands thèmes de l’Année Sainte. Ce qui nous frappe le plus, c’est qu’il s’agit pour la plupart de gens simples, à tel point que cette Année Sainte, plus que les autres du passé, en est caractérisée : il s’agit du peuple qui travaille, qui dispose de ressources limitées, dont l’unique richesse est la famille et leur fidélité aux valeurs les plus saintes. Et la relative facilité des moyens de transport favorise leur pèlerinage, pour lequel ils se contentent des heures et des journées indispensables. Nulle statistique ne pourra jamais connaître exactement leur nombre, et leur ferveur est connue seulement de Celui qui voit tout.



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Nous ne pouvons que remercier Dieu du fond du coeur pour avoir, même visiblement, accompagné de sa grâce un aussi vaste mouvement de-piété, de prière, de pénitence. Et nous sommes touché de cette très large réponse à ce que nous avons demandé au Peuple de Dieu, depuis la première annonce de l’Année Sainte, le 9 mai 1973 (cf. AAS 65, 1973, PP 322-325), et à ce que nous avons rappelé dans la Bulle d’indiction Apostolorum limina du 23 mai de l’année passée, en demandant que les célébrations jubilaires soient centrées sur le renouveau et sur la réconciliation : « Les aspirations — écrivions-nous — signifiées par ces deux thèmes... trouveront une expression plus complète à Rome, où les pèlerins aux tombeaux, des Apôtres Pierre et Paul, ainsi qu’aux mémoires des autres martyrs, entreront plus facilement en contact avec les sources anciennes de la foi et de la vie de l’Eglise, dans la résolution de faire retour, à Dieu par la pénitence, de se fortifier dans la charité et d’être unis plus étroitement à leurs frères par là grâce de notre Dieu. Ce renouveau et cette réconciliation doivent porter en premier lieu sur la vie intérieure, car c’est au fond du coeur que se trouve la racine de tout bien comme aussi, hélas ! de tout mal. C’est donc là que doit s’opérer la conversion » (I ; AAS 66, 1974, p. 292).


Discours 1975 25