Discours 1975 31

31 Nous voyons maintenant chaque jour, nous entendons de notre fenêtre ouverte sur le monde, comment nos fils de tous les peuples, de toutes les langues, de toutes les civilisations ont compris et mis en pratique cette invitation. C’est l’Esprit Saint qui fait entendre fortement, aujourd’hui comme toujours, sa voix qui appelle à l’intériorité, à la paix, à la vie nouvelle. Des « gémissements ineffables » (Rm 8,26) s’élèvent chaque jour, suscités par Lui, du coeur des milliers et milliers de fidèles qui viennent ici faire une halte de prière et de méditation.

Une réponse aussi large et aussi consolante nous permet de déduire, avec une profonde conviction, que c’est avec la même attention généreuse et sincère qu’aura été accueillie aussi notre « chaleureuse invitation à la charité, à l’union réciproque... dans le lien de l’unique charité du Christ » (AAS 67, 1975, p. 6), contenue dans notre Exhortation Apostolique sur la réconciliation à l’intérieur de l’Eglise, promulguée le 8 décembre 1974, à l’approche imminente de l’ouverture de l’Année Sainte. De nombreuses voix nous le confirment, même si nous ne voulons pas ignorer — nous le disons avec une profonde peine — que certains de nos fils, car nous les considérons toujours comme tels, demeurent dans des positions d’incertitude doctrinale, quand ce n’est pas de critique destructrice, de méfiance hostile, de connivence avec des idéologies opposées à l’Evangile et à l’Eglise. A eux, encore et toujours, s’adresse notre invitation : comme nous l’avons dit récemment, dans l’Audience générale du 11 juin, « puissent-ils ne pas nous priver ni se priver eux-mêmes de la joie de la nouvelle paix fraternelle ! » (L’Osservatore Rotnano, 13 juin 1975). Nos bras sont ouverts, le coeur encore davantage : la charité et la coopération mutuelles doivent montrer toujours davantage que l’Eglise est « dans le monde signe efficace d’union avec Dieu et d’unité entre toutes ses créatures » (AAS 67, 1975, p. 21).

Cette fusion des coeurs, dans la charité et dans la fidélité absolue à la norme apostolique de la doctrine, produit en outre la floraison suprême de la joie. Nous avons voulu le mettre expressément en relief dans notre récente Exhortation Apostolique sur la joie chrétienne, sur laquelle nous nous arrêterons plus loin. Il nous suffit d’avoir recueilli ici les motifs d’optimisme, qui viennent de la très grande consonance de toute l’Eglise avec son Suprême Pasteur et avec ses Evêques, et de cette prééminence de l’intériorité et de la prière, qui a jusqu’ici caractérisé les célébrations de l’Année Sainte, d’une façon vraiment inespérée, et peut-être dans une mesure qui ne s’était encore jamais manifestée pareillement lors des autres Jubilés.



Renouveau et Réconciliation





Notre appel au renouveau et à là réconciliation a suscité dans les diverses Eglises locales une intense participation de réflexion et de coresponsabilité dont on recueille maintenant les fruits, en cette phase terminale du pèlerinage, sommet et couronnement de toutes les initiative prises à une très grande échelle dans la communauté ecclésiale tout entière. Si l’on est en train de recueillir des fruits si réconfortants, dont l’expérience nous donne la confirmation chaque jour ici à Rome — même si aucune page de chronique ne pourra jamais enregistrer des faits essentiellement surnaturels comme l’est celui que nous vivons — c’est justement parce que, grâce à Dieu, les Eglises locales, dans un élan magnifique et silencieux, ont pu se préparer pendant plus d’un an à la grâce du Jubilé par leurs célébrations particulières. Les pasteurs, le clergé, les religieux et les fidèles ont compris tout de suite que le voyage à Rome ne devait pas constituer un fait sporadique, une détente plus ou moins pieuse, et encore moins un acte « magique » qui aurait déclenché — permettez-nous de le dire en rappelant un souvenir historique bien connu — le mécanisme mystérieux de l’indulgence. Non, le pèlerinage aux tombeaux des Apôtres a été préparé par un large courant de vie intérieure et de prière, et par l’invitation à la conversion dans les rapports avec Dieu et avec nos frères; et cela a fait comprendre en profondeur cette « dimension verticale de la vie », que, dans la Bulle Apostolorum limina, nous avons souhaitée comme étroitement liée au message de l’Année Sainte pour que « toutes les aspirations et les recherches se réfèrent à une valeur absolue et vraiment universelle » (ASS 66, 1974, p. 293).

Nous remercions nos frères de l’épiscopat du monde entier d’avoir, par leur collaboration pastorale, favorisé ce déroulement de l’Année Sainte qui aujourd’hui, à Rome, se réalise sous des formes nobles et élevées, au grand bénéfice certainement des diocèses eux-mêmes qui y prennent part avec ferveur et initiative. Ici aussi se manifeste, sur un plan plus élevé, c’est-à-dire sur le plan théologique et spirituel, la fameuse parole d’Ignace d’Antioche qui, écrivant aux Romains, regarde l’Eglise de Rome comme celle qui « préside à la communauté universelle de la charité » (Ad Rom., Prol. ; Fulk, 1, 213). C’est un immense reflux de charité qui, des plages du monde entier, converge vers Rome. Et Rome, qui l’a suscité, est la première à goûter cette expérience et ses fruits spirituels.

En effet, quel caractère présentent les divers pèlerinages auxquels nous avons assisté sinon celui de reproduire en soi, d’une certaine façon, les « notes » de l’Eglise ? Ne voyons-nous pas concrètement tous l’es jours la réalité admirable de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique ? Elle est Une : et, en effet, chaque jour nous est offert le spectacle de la multitude réunie dans la prière, devenant « un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32) par les célébrations pénitentielles et surtout par la participation à Tunique foi et à l’unique Eucharistie : « Puisqu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique » (1Co 10,17). Elle est sainte, parce que l’Esprit Saint l’anime, l’entraîne à imiter le Christ humble, pauvre, crucifié ; il suscite en elle le don du repentir ; et — comme nous l’avons écrit dans l’Exhortation Apostolique sur la réconciliation — « il est déjà présent et agissant dans le secret du coeur de chaque fidèle, capable de les conduire tous, dans l’humilité et dans la paix, sur les chemins de la vérité et de l’amour » (AAS 67, 1975, p. 22). Elle est catholique, parce que — il suffit de jeter un regard lors d’une des cérémonies solennelles dans la basilique vaticane, comme aux audiences générales ou lors des rencontres dominicales de l’Angélus sur la place Saint-Pierre — dans l’Eglise il n’y a pas de différences de peuples et de cultures; l’Année Sainte renouvelle en quelque sorte le don du matin de la Pentecôte : c’est la catholicité en acte, la collaboration internationale qui se cherche péniblement sur le plan de la vie sociale, politique, culturelle, économique, une réalité déjà à l’oeuvre dans l’Eglise ; et le jubilé en est le stimulant très vif en même temps qu’il la révèle infailliblement. Enfin, l’Eglise est apostolique : et cela est souligné par la signification même de l’indulgence, liée au pèlerinage aux mémoires sacrées du martyre des Apôtres, dans leurs splendides basiliques qui, avant d’être des monuments insignes d’art, sont de sublimes actes de foi. Selon l’économie en vigueur dans l’Eglise par disposition divine, le don spirituel est lié à un signe sensible : dans le cas présent, aux lieux sanctifiés par le suprême témoignage d’amour donné au Christ par ses martyrs et apôtres, là où les fidèles se recueillent en prière et pour la célébration de l’Eucharistie, aujourd’hui comme dans les premiers temps de l’Eglise. Oui, nous avons la confirmation de cette réalité selon laquelle nous ne sommes plus des étrangers ni des hôtes, nous sommes concitoyens des saints, nous sommes de la maison de Dieu. Car la construction que nous sommes a pour fondations les apôtres et prophètes, et pour pierre d’angle le Christ Jésus lui-même (cf. Ep Ep 2,19-20).



Béatifications et Canonisations





Cette réalité intérieure de l’Eglise, qui est mise en relief par le Jubilé que nous célébrons, brille d’une façon spéciale, avec une splendeur exemplaire, car on y trouve toute la richesse de l’Epouse du Christ « sans tache ni ride... mais sainte et immaculée » (Ep 5,27), dans les modèles que nous avons proposés et que nous proposerons cette année à l’imitation et à la vénération de tous nos fils. Nous parlons des Bienheureux et des Saints, que nous avons eu la grâce de déclarer tels, dans l’atmosphère exceptionnelle d’un peuple priant et exultant de joie.

Nous rappelons avec émotion les béatifications de Marie Eugénie de Jésus Milleret de Brou, fondatrice des Soeurs de l’Assomption, et celle de César de Bus, fondateur des Doctrinaires, célébrées respectivement le 9 février et le 27 avril derniers ; de même la canonisation simultanée, le 25 mai, de Saint Jean-Baptiste de la Conception, réformateur de l’Ordre de la Très Sainte Trinité, et de Sainte Vicenta Maria Lopez y Vicuna, fondatrice des religieuses de Marie-Immaculée. D’autres suivront dans les prochains mois, parmi lesquelles il nous plaît de citer la béatification de Don Steeb, en juillet, et celles de Monseigneur de Mazenod, de Mère Ledochovska, du Père Janssen, du Père Freidnademetz, prévues pour la Journée missionnaire en octobre; et les canonisations d’Elisabeth Anne Seton, de Jean Macias en septembre, du martyre Olivier Plunkett et de Justin De Jacobis, en octobre.

Ce sont de nouveaux astres, humbles et lumineux, qui brillent dans le firmament de l’Eglise pour indiquer aux regards de l’homme moderne, souvent aveuglé par des sources de lumière artificielle, ou perdu dans le vide sidéral du doute ou du désespoir, que la vie vaut la peine d’être vécue pour Dieu et pour nos frères, et que, au-delà de son cours éphémère, il y a le jugement de Dieu et la récompense sans fin réservée aux serviteurs bons et fidèles (cf. Mt Mt 25,21 Mt Mt 25,23 Lc 19,17).



Rapport avec le Concile





Vénérables Frères, la Bonne Providence — pour employer un terme cher à notre prédécesseur Jean XXIII qui a commencé le Concile Vatican II — nous fait célébrer cette Année Sainte pour le dixième anniversaire de l’achèvement de ce grand événement qui a laissé une trace indélébile dans la vie de l’Eglise d’aujourd’hui et de demain. Cela ne nous paraît pas exagéré de voir dans le Jubilé 1975 comme la grande démonstration de la vitalité du Concile et de son application au niveau de l’Eglise universelle ; nous avons ici l’indication que ses enseignements ne sont pas tombés dans le vide, ni non plus — comme on l’a dit — dans l’abus de simples citations, mais sont entrés dans la vie quotidienne, sont devenus la substance qui donne sa force à la pensée et à la vie chrétienne, dans la recherche passionnée et sincère de la conformité avec le Christ, Voie, Vérité et Vie, dans la confrontation quotidienne et stimulante avec son Evangile.

Ne voyons-nous pas se réaliser chaque jour ce qu’a dit le Concile dans un de ses documents ? « Par la charité, la prière, l’exemple, les efforts de pénitence, la communauté ecclésiale exerce encore une véritable maternité pour conduire les âmes au Christ : elle est un instrument efficace pour montrer ou préparer à ceux qui ne croient pas encore un chemin vers le Christ et son Eglise, pour réveiller les fidèles, les nourrir, leur donner des forces pour le combat spirituel » (Presbyterorum Ordinis, PO 6).

32 Nous avons là comme le programme de l’Année Sainte, et nous voyons vraiment se réaliser cette maternité de l’Eglise, qui se manifeste principalement dans la conscience ecclésiale, dans les contacts oecuméniques et dans ceux avec les religions non-chrétiennes. En effet, l’Année Sainte nous fait surtout toucher du doigt comment l’amour dont le Christ nous a aimés est « le commandement nouveau » du Peuple messianique qu’est l’Eglise qui, établie par le Christ pour communier à la vie, à la charité et à la vérité, est entre ses mains l’instrument de la rédemption de tous les hommes », et « constitue pour tout l’ensemble du genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut » (Lumen Gentium, LG 9). Cette charité brille aussi dans l’aide que les communautés les mieux pourvues de moyens fournissent incessamment pour aider les plus pauvres à venir à Rome, avec simplicité et mesure. C’est cette charité qui unit continuellement les coeurs dans l’exemple et l’aide réciproque, spirituelle et matérielle, et qui se manifeste comme en un lieu privilégié autour de l’autel.

La prière, oui, est elle aussi le signe de cette continuité entre le Concile et l’Année Sainte : on dirait que les fruits de la réforme liturgique apparaissent maintenant dans toute leur splendeur, et que l’accent placé par les documents conciliaires, sur la réalité mystérieuse et magnifique de l’Esprit Saint, qui prie dans l’Eglise et avec l’Eglise (cf. Lumen Gentium, LG 4,34 Sacrosanctum Concilium, SC 6) ; sur la présence du Christ dans l’Eglise en prière, particulièrement dans son action liturgique (Sacrosanctum Concilium, SC 7) ; sur la nécessité et la valeur de la prière aussi bien personnelle (ibid. 12, 90) que communautaire (ibid. 7, 12). Elle a trouvé dans la célébration de l’Année Sainte une vérification et une lumineuse confirmation : nous avons des informations très consolantes sur les diverses cérémonies liturgiques qui se déroulent dans les quatre Basiliques, surtout celle du Vatican, comme dans les catacombes et les autres lieux de prière, et qui sont fréquentées par de nombreux jeunes. Les pèlerinages grandioses comme les humbles groupes ou les simples fidèles se font remarquer surtout par ce besoin, cette faim et cette soif de prière et de grâce. Leur itinéraire romain ne leur promet rien d’autre, et les fidèles ne se contentent pas de quelque geste extérieur qui assurerait le gain de l’indulgence ; mais nous savons qu’ils vont à la source de la piété chrétienne, et qu’ils y trouvent, particulièrement dans le sacrifice eucharistique, la plénitude de la vie. Nous pensons que ce sens retrouvé de la prière est une grande et précieuse richesse du Jubilé : et nous nous réjouissons de voir ainsi arriver à terme les prémisses que le Concile avait posées avec tant d’espérance, commençant vraiment une ère nouvelle de la vie de l’Eglise en notre temps.

L’Année Sainte signifie également un nouvel engagement dans la conscience ecclésiale tant souhaitée par nous-même et par les Père conciliaires et demeurant vraiment l’un des plus remarquables signes des temps, donné par le Seigneur. Cette conscience ecclésiale se manifeste dans ce caractère communautaire, dans cette solidarité humaine, dans cette communion fraternelle que le Christ Lui-même a réalisée par son Incarnation, a déployée au cours de sa vie terrestre, et a confiée à son Corps qui est l’Eglise, avec l’obligation de la faire grandir jusqu’au jour où elle sera consommée (Gaudium et Spes, GS 32 cf. Ad Gentes, AGD 15).

Cette solidarité s’est aussi manifestée au cours de cette Année dans les relations discrètes mais continues avec nos frères qui portent avec nous le nom du Christ, même s’ils ne sont pas encore unis à nous par les liens de la communion parfaite. Il est vraiment réconfortant de voir que l’Année Sainte a exercé sur eux, spécialement sur les jeunes, un puissant attrait dans lequel on doit reconnaître une impulsion de l’Esprit Saint. De même, nous sommes informé de l’intérêt mystérieux que les cérémonies jubilaires ont provoqué dans l’âme profondément religieuse des adeptes des religions non chrétiennes. Les germes déposés par le Concile Vatican II et le travail continu qui se déploie dans son sillage, conduisent peu à peu vers des réalités merveilleuses qui, à une époque même très récente, étaient encore insoupçonnées. Il faut ensemble en louer le Seigneur, parce que « tout don excellent, toute donation parfaite vient d’en haut et descend du Père des lumières » (Jc 1,17).



Rapport avec le monde et avec l’histoire de ce temps





Mais le Jubilé veut favoriser également la poursuite de ce dialogue avec le monde contemporain et avec l’histoire présente, que le Concile Vatican II a confié à l’Eglise comme un devoir auquel elle ne peut renoncer (Gaudium et Spes ). De notre côté, c’est une volonté ferme et cordiale, et nous croyons en avoir donné des preuves concrètes en ces douze années de pontificat. Oh, nous ne nous faisons pas d’illusions sur les obstacles, sur les difficultés, sur le délais, comme sur les forces aveugles qui souvent semblent vouloir asservir ce monde, qui est pourtant une « réalité très bonne » (Gn 1,31) parce que créé par Dieu, tant aimé par le Père, sauvé par son Fils unique qu’il a envoyé (cf. Jn Jn 3,16). Il n’est pas dans nos intentions de mentionner explicitement les horreurs de la guerre qui ensanglantent toujours une si grande partie du monde, tant elles sont présentés à la conscience de tous. Nous ne voudrions pas non plus passer sous silence les assauts qui aujourd’hui, au nom d’une liberté mal comprise qui offense Dieu et avilit l’homme, ont tendance à se multiplier dans une société qui ne veut pas reconnaître d’autre loi morale que son autonomie absolue et ses propres affirmations : il suffit de penser à la limitation artificielle des naissances, à l’avortement, à l’euthanasie, et à tant d’autres formes, manifestes ou larvées, de manipulation de l’homme, qui constituent ou constitueront pour le monde contemporain un lourd passif sur le cadran de l’histoire, laquelle, à sa manière est témoin et juge sévère des actions et des erreurs des hommes.

Si nous rappelons ces choses, c’est pour dire que, malgré tout, nous semons la Parole de Dieu pour la défense de l’homme, spécialement du pauvre, de l’innocent, de tous ceux qui n’ont pas la capacité et la force de se défendre. Nous diffusons notre message de Vérité, qui est aussi un message de dignité humaine et de libération de toute forme d’esclavage. Nous ne savons pas s’il aura de l’efficacité, et nous n’avons pas là prétention de le savoir. Mais nous n’en persévérons pas moins, « espérant contre toute espérance » (Rm 4,12), comme Abraham, comme nos Pères en route vers la Terre promise. Dieu seul le sait, et nous mettons en Lui notre espérance.

Il en est de même pour l’oeuvre de la paix, que nous nous efforçons de continuer, grâce aux initiatives publiques et privées, connues et inconnues, qui nous sont possibles. Nous avons la ferme volonté de la stimuler, parce que la paix est un bien trop précieux pour l’humanité ; nous revendiquons la charge, pourtant si lourde, de la promouvoir. Assurément, nous ne cherchons pas à faire remarquer nos mérites, même si de grands organismes internationaux les reconnaissent, ce dont nous les remercions de tout coeur. Nous sommes engagé dans la poursuite de cette oeuvre ; même si les résultats ne correspondent pas parfois aux efforts accomplis, même si continuellement des événements semblent démentir cet effort vers la paix. Qu’il en soit de même dans l’humanité, c’est bien ce que signifient les foules de toute provenance qui, ici à Rome, fusionnent dans la prière, célèbrent les rites de l’Eglise autour de l’Eucharistie ; foules fraternellement unies même sans se connaître, grâce au lien de la charité du Christ, grâce à l’unique nourriture qui alimente l’Eglise. C’est d’elles aussi que monte un appel au monde, pour qu’il veuille vraiment aimer et défendre la paix, promouvoir le progrès humain et social, respecter l’homme qui est un frère et un ami, puisqu’il est fils de Dieu.



La joie chrétienne





« On s’en va, en pleurant, on porte la semence; on s’en vient en chantant, on rapporte les gerbes » (Ps 125,6). C’est avec cette espérance que nous avançons, heureux de répondre, à la volonté de Dieu qui nous a choisi pour annoncer et étendre son Royaume parmi les hommes. Nous allons de l’avant, le coeur plein d’espoir, sachant que Dieu secondera notre oeuvre, même si nous n’en mesurons pas l’effet immédiat, et nous souvenant d’une splendide page de Saint Augustin : « Dans les larmes vous semez, dans la joie vous moissonnez. Comment cela, mes frères ? Quand l’agriculteur passe la charrue et qu’il porte la semence, n’arrive-t-il pas parfois que le vent soit glacial et que la pluie fasse obstacle ? Il scrute le ciel, il le voit triste, il tremble de froid et cependant il entreprend et sème » (Enarr. in Ps. CXXV, 13 ; PL 37, 1666). Nous aussi, regardant le ciel obscurci de nuages, nous allons de l’avant et nous semons. C’est pour cela que nous avons adressé à l’Eglise, et même à tous les hommes, notre récente Exhortation sur la joie chrétienne, comme une invitation à dépasser les motifs graves et réels de découragement, d’angoisse, de tristesse qui accablent une si grande partie de l’humanité, pour atteindre, dans une vision supérieure, les motifs de la joie. Nous n’ignorons certes pas, comme nous le disions dans ce document, qu’aujourd’hui l’homme souffre des tensions que lui impose la civilisation contradictoire dans laquelle il vit ; mais nous avons relevé le besoin de joie, qui jaillit au coeur de tous les hommes et qui est l’écho de la joie même de Dieu, et nous avons entonné l’hymne à la joie chrétienne. L’Année Sainte doit être — et elle est certainement, autant qu’il nous est donné de voir — une contribution très forte à la satisfaction de ce besoin de joie qui est de caractère essentiellement spirituel. La promesse du pardon de Dieu, le renouveau des consciences, la réconciliation avec les frères à tous les niveaux de la vie communautaire, sociale, internationale, qui sont les pôles du Jubilé, sont les conditions toujours nécessaires de la paix de l’âme qui permettent à la joie de s’épanouir ; et voilà pourquoi, reprenant les paroles de l’Exhortation, « Nous souhaitons en tout temps, mais plus encore en cette célébration catholique de l’Année Sainte que vous éprouviez avec nous, soit à Rome, soit en toute Eglise consciente de devoir s’accorder avec l’authentique tradition conservée à Rome, combien il est bon, combien il est doux d’habiter en frères tous ensemble » (AAS 67, 1975, p. 319).



Propos et voeux





Vénérés et chers Frères ! Parvenu au terme de ce colloque, qui a voulu être comme un premier bilan spirituel et pastoral de l’Année Sainte et de son rayonnement dans les âmes, dans l’Eglise et dans le monde, nous ne pouvons pas ne pas tourner notre pensée vers ce qui nous attend encore dans les mois à venir, qui seront toujours plus denses de profonds enrichissements et rencontres spirituelles. Mais nous pensons aussi à ce qui arrivera après l’Année Sainte. En effet, ce courant de renouveau et de réconciliation ne saurait se clore en même temps que les battants de la Porte Sainte, à Noël prochain, lorsque s’achèvera le Jubilé 1975, de même que le vaste mouvement des âmes suscité par ce dernier ne saurait s’assoupir en attendant le prochain Jubilé. De 1950 jusqu’à aujourd’hui, la main de Dieu a conduit l’Eglise à travers des événements, mémorables, d’extraordinaires expériences, des joies lumineuses et des épreuves difficiles et purificatrices. Et aujourd’hui l’Eglise est vivante, l’Eglise, malgré toute apparence contraire, est unie, l’Eglise est et reste le levain dans la pâte (cf. Mt Mt 13,33), le signe levé sur les nations (cf. Is Is 5,26). L’horizon qui s’ouvre maintenant pour ces vingt-cinq prochaines années prépare pour l’Eglise de nouveaux champs d’apostolat, de nouvelles confrontations avec le monde qu’elle est appelée à sauver, de nouvelles purifications, dans la participation au mystère, toujours à l’oeuvre, de la Croix. Nous ne nous arrêterons certainement pas là. Nous sommes ouvert, nous sommes disponible, tout en ayant conscience de nos limites humaines, à l’oeuvre que la Très Sainte Trinité veut poursuivre en se servant de nos humbles moyens : sans hésitation, sans paresse, sans crainte. Une ère nouvelle s’ouvre, une ère de fidélité à l’Esprit Saint d’amour pour le Christ Crucifié, de dévouement à nos frères, d’édification d’une société plus humaine et plus juste. Nous ne voulons pas reculer. En avant, in nomine Domini ! Que Saint Jean-Baptiste nous aide à préparer les voies du Seigneur comme il l’a fait lui-même, par la parole et par l’exemple, jusqu’au martyre ! Que les Saints Pierre et Paul soient pour nous un stimulant et un modèle pour la générosité avec laquelle nous devons accomplir notre mission et pour l’évangélisation jusqu’aux confins de la terre ! Que la Vierge très sainte, Mère de l’Eglise, soit encore et toujours au milieu de nous, comme elle était au Cénacle en attendant la Pentecôte (cf. Ac Ac 1,14), pour nous donner joie et espérance !

Telle est notre prière, tels sont nos voeux, que nous confirmons par la Bénédiction Apostolique.





AU NOUVEL AMBASSADEUR DU GABON


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 26 juin 1975




33 Monsieur l’Ambassadeur,

Nous venons d’écouter avec satisfaction les propos que Votre Excellence a bien voulu Nous adresser en Nous remettant ses Lettres de créance.

Vous vous êtes plu à souligner en effet la croyance en Dieu très enracinée au coeur de vos compatriotes, l’oeuvre bénéfique des missionnaires, le rôle spirituel et pacifique de l’Eglise, les relations confiantes entre le Saint-Siège et le Gouvernement Gabonais. Oui, tout cela est un motif d’espérance pour vous et pour Nous.

L’Eglise catholique, comme vous l’avez suggéré, vise d’abord la formation des chrétiens, baptisés et catéchumènes, à une foi solide, qui puise en Dieu, avec l’espérance d’une vie éternelle avec Lui, la force d’une charité active et ouverte à tous. Par là même, elle pense contribuer à l’épanouissement de toutes les vertus qui permettent de construire, des ici-bas, la société à laquelle les hommes aspirent: une société juste, où la vie, l’honneur et tous les droits humains sont respectés, une société ardente à préparer pour tous de dignes conditions de vie, grâce aux nombreuses ressources du pays, une société fraternelle. C’est sur les mêmes critères que s’édifie la paix internationale durable, qui Nous tient tant à coeur.

Cette Année Sainte Nous donne l’occasion d’un contact très chaleureux avec nos Frères et Fils de tout l’univers. L’Afrique – dont Nous suivons avec attention l’évolution, les promesses de vitalité et aussi les difficultés - tient une place particulière dans ces rencontres.

Nous sommes heureux d’exprimer cette estime affectueuse, non seulement aux catholiques de votre pays, dont Nous sommes fiers Nous aussi, mais à tout le peuple du Gabon, sur lequel Nous implorons les Bénédictions de Dieu, afin qu’ll les guide dans la voie du progrès et de la paix.

Vous voudrez bien exprimer à Son Excellence Monsieur le Président Albert Bernard Bongo notre gratitude pour les voeux dont vous vous êtes fait l’interprète, et le vivant souvenir que Nous gardons de sa cordiale visite. Et à Votre Excellence, qui inaugure aujourd’hui ses fonctions d’ambassadeur auprès du Saint-Siège, Nous souhaitons une heureuse et fructueuse mission.

*AAS 67 (1975), p.480-481;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIII, p.698-699;

L’Attività della Santa Sede 1975, p.233-234:

L'Osservatore Romano, 27.6.1975, p.1;

34 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.27 p.4:

La Documentation catholique n.1680 p.660.



À L’ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES>


DE BELGIQUE


Jeudi 26 juin 1975




Messieurs,

Malgré les nombreux groupes qui demandent à Nous voir en cette Année Sainte et auxquels Nous ne pouvons malheureusement consacrer le temps que Nous voudrions, Nous avons tenu à vous recevoir quelques instants. Car, de longue date, Nous connaissons les mérites de l’Association des Journalistes catholiques de Belgique; Nous apprécions leur loyalisme envers l’Eglise, leur fidélité au Saint-Siège, leur compréhension des charges qui pèsent sur lui, bien plus leur souci de faire largement participer les lecteurs à cette oeuvre solidaire.

Merci, chers Fils, grand merci de votre démarche; grand merci pour ces « étrennes pontificales », qui ont été offertes avec une générosité encore plus remarquable qu’à l’ordinaire, en écho à l’effort que l’Année Sainte suscite dans le Peuple de Dieu. Nous y voyons un signe très encourageant de l’attachement au Saint-Siège de nos fils de Belgique. Dites bien notre satisfaction et notre gratitude à tous les donateurs, dont l’offrande nous parvient par votre canal. A eux, à leur famille, et d’abord à vous-mêmes, responsables de l’association, Nous accordons de grand coeur notre Bénédiction Apostolique.




6 août



LA MISSION IRREMPLAÇABLE DES UNIVERSITÉS CATHOLIQUES





Le 6 août dernier, avant sa rencontre hebdomadaire Place Saint-Pierre avec les pèlerins de l’Année Sainte, Paul VI a reçu en audience un groupe d’environ 70 Recteurs des Universités dirigées par la Compagnie de Jésus. Sous la présidence du Préposé Général, le R.P. Pedro Arrupe, les Recteurs, venus de tous les continents du monde, participent actuellement à une rencontre consacrée à l’examen de questions concernant l’apostolat de l’éducation supérieure et les décisions à ce sujet prises par la XXXII° Congrégation Générale de la Compagnie. Il s’agit, en quelque sorte d’une étude préparatoire au Congrès Général de toutes les Universités Catholiques du monde qui allait s’ouvrir quelques jours plus tard (LE 10 août) à New Delhi. Le Saint-Père a adressé à ses visiteurs un discours en langue latine dont voici la traduction :



Fils bien-aimés dans le Christ,



Nous nous réjouissons de cette présente rencontre avec vous, Recteurs des Universités que la Compagnie de Jésus soutient dans le monde entier. Dès ses origines, votre Institut a reçu de son Fondateur, parmi d’autres tâches, celle de consacrer vos soins et votre sensibilité aux problèmes de la culture et à la jeunesse qui se livre aux études supérieures. Et de fait, la Compagnie de Jésus à toujours considéré comme une de ses fins la promotion du message chrétien dans le domaine de la culture. Il nous plaît de souligner sans tarder cette prérogative, soit pour en souligner la valeur intrinsèque, soit pour vous dire notre gratitude et nos appréhensions pour un travail si important et délicat dont dépend la promotion de l’Eglise dans les avant-postes de la pensée humaine et de la vie de l’Esprit où la place suprême de l’homme se trouve en jeu. L’apostolat dans le domaine de la culture est, surtout aujourd’hui, irremplaçable : et le démontrent les pages que la Constitution Pastorale Gaudium et Spes aréservées au progrès de la culture et à la responsabilité des fidèles en la matière (cf. nn. 53-62 ; spécialement le n. 62).

Ceci pour vous dire l’estime que nous nourrissons pour votre mission ainsi que l’importance que nous attribuons à notre rencontre pour souligner quelques points qui nous paraissent fondamentaux dans le contexte actuel de la société et de l’Eglise, avec un regard particulier sur le rôle que doivent remplir les Universités Catholiques.



I. Les Universités Catholiques face à l’évolution culturelle





35 Le monde actuel se caractérise par une vertigineuse évolution culturelle dans tous les secteurs. La culture se présente comme un défi à l’homme même qui en est l’artisan et le promoteur. La Constitution précitée a donné de cette situation un diagnostic des plus lumineux (Gaudium et Spes, GS 54-57). Devant la transformation si décisive que le monde connaît aujourd’hui, la mission de l’Université Catholique devient toujours plus importante et même plus originale. Au cours de ces dernières années les Dirigeants des Universités ecclésiastiques, en collaboration avec notre si méritoire Congrégation pour l’Education catholique ont étudié les multiples problèmes que pose l’évolution culturelle, et ce, dans le but de rechercher et de déterminer avec précision quel service l’Université Catholique doit offrir à l’Eglise et au monde face à l’impétueuse transformation actuelle. Le véhicule technologique court toujours plus rapide, et il lui faut par conséquent des phares qui permettent de voir de plus en plus loin si l’on veut éviter à une telle évolution culturelle, qui porte en soi une polarité ambiguë, de se résoudre finalement au détriment de l’homme. L’Université Catholique, quelle lumière doit-elle apporter ?




Discours 1975 31