Discours 1978 28

L’ÉGLISE DU CHRIST EST UNE RÉALITÉ BIEN VIVANTE





28 Paul VI au Sacré Collège

En fin de matinée, le vendredi 23 juin, le Pape a reçu, dans la Salle du Consistoire, les voeux du Sacré Collège qui lui ont été présentés par le Cardinal Confalonieri, doyen, en l’honneur de Saint Jean et pour le début de la seizième année du Pontificat.

Le Pape a répondu par le discours dont voici la traduction :



Vénérables Confrères du Sacré-Collège !



Nous devons remercier sincèrement chacun de vous pour l’expression affectueuse des voeux qui nous sont présentés aussi bien pour notre fête, en cette veille de la Saint Jean-Baptiste, qu’à l’occasion des anniversaires liés à notre service pontifical, que l’on peut désormais qualifier de long. Et nous adressons un merci tout particulier à Monsieur le Cardinal Doyen, qui a recueilli et interprété ces souhaits, leur donnant non seulement la forme et l’expression qui conviennent mais aussi un relief particulier, eu égard aux quinze années écoulées depuis la date de notre élection. Comment pourrions-nous, de notre côté, passer sous silence ou oublier la valeur, le poids, la responsabilité littéralement « unique » de la mission apostolique qui nous fut conférée en cette radieuse matinée de juin, il y a exactement quinze ans ? Ce souvenir est toujours vivant et limpide en nous, au point de tenir notre conscience attentive et anxieuse à la fois devant cette charge redoutable qui depuis lors pèse sur nos épaules. Et la conscience se tourne immédiatement vers l’Eglise, qui en ce jour nous fut confiée afin que nous l’aimions d’un amour intarissable comme Jésus-Christ l’a aimée (cf. Ep
Ep 5,25), comme l’Apôtre Pierre l’a aimée (cf. 1P 5,2-3), et pour que — en qualité de Vicaire de l’un, et de Successeur de l’autre — nous la guidions sur cette terre dans sa marche vers la patrie céleste (cf. Mt Mt 16,18-19 Jn 21,15-17).

Permettez-nous donc, en cette rencontre, de tourner notre pensée particulièrement vers elle, oui vers la sainte Eglise, mère et épouse, et de diriger vers elle les voeux qui viennent de nous être si aimablement adressés. Permettez que l’attention, pourtant si appréciable, que vous avez eue pour notre humble personne soit par elle comme détournée, afin d’être concentrée par nous tous sur l’Eglise. Combien de fois, Frères très chers, dans les audiences analogues des années passées, nous avons pensé à elle, méditant son mystère essentiel, comme aussi — vu leur lien inséparable — les phases de son cheminement dans le temps ! Aujourd’hui encore, l’Eglise du Christ est devant nous, ou mieux, elle est en notre coeur. C’est pourquoi nous voulons la contempler, non pas tellement dans le déroulement extérieur de son histoire, mais surtout dans sa vitalité intérieure et dans son dynamisme, qui lui ont été garantis par la promesse de son Fondateur, qui lui ont été infusés par le souffle indéfectible de l’Esprit, et que l’on peut réellement rencontrer — dirions-nous — à la base comme au sommet, dans les multiples cellules et communautés qui la constituent, et aussi dans les organes plus vastes de ce corps mystique : les familles chrétiennes, les instituts religieux, l’ordre des prêtres, le collège épiscopal ; c’est en effet de leur action, de leur cohésion, de leur unité qu’est faite la vitalité de l’ensemble (cf. Ep Ep 4,16). N’avons-nous pas nous-même comme mission à l’intérieur de cette communion, de stimuler, de développer, de favoriser cette vitalité, à la suite du Bon Pasteur venu « pour que les brebis aient la vie et l’aient en abondance » (Jn 10) ?





1. Tout d’abord, nous devons reconnaître que l’Eglise du Christ est une réalité bien vivante, même si — et ce n’est pas d’aujourd’hui, ni seulement de l’extérieur ! — s’élèvent des voix qui se complaisent à souligner ses malaises, à accréditer l’impression de sa léthargie, à annoncer son agonie et sa décomposition inéluctable.

Cette critique, disons même cette contestation, va bien au-delà du besoin salutaire qu’a l’Eglise de se purifier sans cesse, pour progresser sur la voie de la Croix vers la Résurrection. Certes, nous n’ignorons rien des situations qui, un peu partout, affligent l’Eglise, soit dans les pays où l’on essaie d’étrangler la liberté religieuse, soit dans les pays où cette même liberté, parfaitement assurée, est utilisée par certains fils de l’Eglise pour dénaturer son Credo et saper ses institutions.

Et cependant, nous ne voulons pas que ces situations, extrêmement douloureuses pour tout membre responsable de l’Eglise, empêchent d’admirer la vitalité du Peuple de Dieu cheminant aujourd’hui dans un monde qui apparaît souvent sans références essentielles et sans finalités autres que la seule consommation. En reprenant les paroles de l’Apôtre Jean dans sa première Epître (1, 1), nous ne craignons pas de vous confier que chaque jour, dans notre prière, nous contemplons de nos yeux et nous touchons pour ainsi dire de nos mains la vitalité profonde de l’Eglise, jaillissant de la fidélité même de son Fondateur à son ultime promesse : « Et moi, je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

Le Peuple de Dieu, appelé par le Concile Vatican II à prendre des responsabilités nouvelles dans la vie de l’Eglise, a répondu avec beaucoup de générosité. Partout des milliers de catéchètes se sont levés pour lancer ou guider les enfants et les adolescents dans la découverte et dans l’expérience du Christ et de son message évangélique. Et combien parmi eux ont puisé dans cet engagement d’Eglise la bienheureuse nécessité d’approfondir leurs connaissances et leur vie de foi ! Combien de laïcs également ont pris la place qui leur revient dans la préparation ou l’accomplissement des célébrations liturgiques, sans réduire la fonction des ministres ordonnés ! En maints endroits, à côté de monastères florissants, ont surgi des centres et des groupes fervents de prière : petites cellules de vie ecclésiale, souvent discrètes et même inconnues, qui diffusent dans un monde matérialiste l’oxygène tonifiant des altitudes spirituelles. En plus des laïcs chrétiens, nous devons nommer les religieux et religieuses qui continuent à se consacrer entièrement à la mission inestimable de la louange de Dieu, au magnifique travail de l’éducation catholique ou aux activités socio-caritatives. Tout cela n’est-il pas un témoignage très valable rendu à l’Evangile du Christ ?

Il nous plaît encore d’évoquer les communautés de base, celles qui sont dignes de ce nom, (cf. Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, EN 58), qui se multiplient en certains pays et permettent aux personnes d’un même quartier urbain, d’un même village, d’une situation sociale ou psychologique analogue, de mieux prendre en charge fraternellement leur vie spirituelle et humaine. Nous pensons encore à la variété des mouvements apostoliques qui, dans des situations humaines très diverses, s’efforcent d’exercer une influence sur la vie des personnes et des milieux, pour permettre à la vérité et à la charité d’avancer dans les coeurs, afin que la justice et la paix l’emportent également dans les structures sociales de leur pays et dans les relations entre les nations. Nous apprécions le labeur intellectuel de nombreux théologiens et penseurs chrétiens qui ne se résignent pas à ce qu’un dangereux fossé se creuse entre la foi traditionnelle et les cultures fragiles et ambivalentes de notre temps, et tentent d’ouvrir celles-ci à l’Esprit de Pentecôte. Nous pourrions poursuivre l’énumération de ces initiatives, de ces gestes de participation ou de responsabilité, qui sont à la fois signe et source de; cette vitalité croissante de l’Eglise qui nous réjouit et nous fait souhaiter de nouveaux développements.



29 2. Mais cette vitalité très réelle, fruit de la fidélité du Christ à son Eglise, exige en retour une fidélité inconditionnelle des chrétiens au Christ et aux médiations ecclésiales qu’il a directement instituées ou qui se sont développées au cours des siècles, dans la ligne de son message. L’Eglise est vivante partout où les Evêques, successeurs des Apôtres, sont rigoureusement fidèles à leur mission de docteurs et de pasteurs, et partout où les chrétiens, de leur côté, demeurent extrêmement soucieux de coopérer loyalement à la mission des Evêques. L’Eglise est vivante partout où l’Evangile et les sacrements sont intégralement respectés et reçus avec la préparation voulue. L’Eglise est vivante là où les membres du Peuple de Dieu, qui ont reçu des vocations différentes et complémentaires, sont fidèles jusqu’au bout aux engagements qu’ils ont librement contractés devant Dieu et devant leurs frères.

Ce n’est donc pas à une moindre responsabilité que nous appelons les fils de l’Eglise mais bien plutôt à un sens plus vif des devoirs correspondant à ce statut qui est le leur : un sens qui les pousse à s’interroger eux-mêmes spontanément sur leur propre fidélité, sur leur cohérence avec la foi objective de l’Eglise et avec les moeurs évangéliques rappelées par elle ; et cela, sans attendre que les Evêques ou le Pape, en vertu de leur mandat pastoral, interviennent pour les mettre en garde contre des déviations regrettables.

Oui, tous ceux qui prennent l’initiative d’être plus actifs au sein de l’Eglise — et Dieu veuille qu’ils soient toujours plus nombreux ! — doivent se demander : est-ce bien l’Eglise de Jésus-Christ que je cherche à construire ? Est-ce bien son message, sa doctrine, sa tradition authentique qui constituent l’axe sur lequel s’appuient ma recherche théologique, ma prédication, ma catéchèse ? Ou bien s’agit-il d’une idéologie religieuse de mon invention ou d’une opinion personnelle élaborée au gré de ma raison toujours tentée de réduire le mystère de la Révélation, souvent suggérée par des analyses philosophiques étrangères à la foi, prête à suivre mes goûts personnels et peut-être aussi la sensibilité de mes auditeurs? N’y a-t-il pas le risque que mon langage « ne réduise à néant la Croix du Christ » : ut non evacuetur crux Christi (
1Co 1,17) ? Est-ce que ce sont bien les moeurs évangéliques — celles du Sermon sur la Montagne — qui sont le point de référence de mon action apostolique ? Ou est-ce que, au contraire, je ne m’aligne pas en partie sur les moeurs de ce monde en matière de violence, d’impureté, d’idolâtrie de la richesse ? Bref, est-ce que je construis sur le sable mouvant de ce monde, ou sur le roc du message évangélique (cf. Mt Mt 7,24-27) ? Et quels matériaux est-ce que j’apporte à la construction de l’Eglise, en me souvenant que, selon l’affirmation de Saint Paul, l’oeuvre de chacun sera jugée et comme éprouvée par le feu (cf. 1Co 3,10-15) ? C’est une question de cohérence, d’authenticité et, pourquoi pas, d’honnêteté.

Vous le voyez, ce dont il y a besoin dans l’Eglise, au niveau des fidèles comme des pasteurs, c’est de se maintenir dans une attitude de fidélité authentique. Celle-ci s’appuie sur une connaissance de perspicacité et de discernement dans l’évaluation du temps présent. Elle exige l’humilité qui fait recourir sans cesse à la lumière de Dieu et rechercher la cohésion avec ceux que l’Esprit Saint a institués Pasteurs (cf. Ac Ac 20,28). Elle n’a rien du subjectivisme qui méprise le passé, de l’innovation fantaisiste, de l’opération démagogique et publicitaire. Aussi la créativité qui résulte d’une telle attitude est-elle constructive, parce qu’il s’agit, en définitive, d’une fidélité, qui, se rattachant solidement à la tradition vivante et pluriséculaire de l’Eglise, s’élance généreusement vers un avenir cohérent.

Mais nous pouvons pousser plus loin notre réflexion. L’action d’un chrétien n’est pas seulement le fruit d’une conformité extérieure aux normes de l’Eglise, ni d’un engagement au service du prochain. Ce doit être le fruit d’un dynamisme intérieur, celui qui provient d’un rapport profond et intime avec le Seigneur, mûri dans la prière, dans l’ascèse, dans l’amour, dans le désir du salut de soi-même et des autres. Car « l’Amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et il s’agit de correspondre à cet amour : en lui en effet se trouve la source de cette vie divine, de cette grâce, de cette sève intérieure qui permettent de porter du fruit, en union avec les autres baptisés. La vitalité extérieure de l’Eglise serait une façade trompeuse ou du moins une oeuvre très fragile si elle ne se fondait pas ni ne s’articulait sur le dynamisme spirituel cohérent de ses membres, sur leur vitalité intérieure, à la fois mystérieuse et réelle, qui est, répétons-le, fidélité au Christ vivant et présent au milieu d’eux.



3. Nous voulons vous proposer une ultime réflexion: cette vitalité et cette fidélité ne peuvent se réaliser que dans la communion profonde avec l’ensemble du Corps du Christ.

C’est vrai, d’abord, de chaque chrétien: il doit toujours s’agréger à une communauté, en y devenant un membre actif, comme l’exigent les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie qu’il a reçus. C’est vrai aussi de chaque communauté chrétienne : elle ne peut jamais prétendre être la source de sa propre foi ni le terme de son dynamisme. Le prêtre chargé de cette communauté a à son égard un rôle spécifique, celui d’être au milieu d’elle le témoin de l’Eglise et d’ouvrir ses membres à une dimension universelle.

C’est vrai encore de chaque Eglise locale. Certes, la plupart des questions pastorales peuvent trouver leur solution adéquate en son sein, sous la vigilance de l’Eglise, de cette Eglise. Mais dans les domaines fondamentaux de la foi, de l’éthique chrétienne, de la discipline ecclésiale, elle doit chercher dans la mesure du possible, l’harmonie avec les autres Eglises locales et peser les répercussions que peuvent avoir ses initiatives sur la vie ecclésiale. Il y va de sa propre vitalité ; il y va de la solidarité organique entre les membres du Corps, telle que le Christ l’a voulue et que l’Apôtre Paul l’a soulignée avec tant de vigueur (cf. 1Co 12 Ep 4,16).

C’est vrai, enfin, pour la communion entre les Eglises locales et le Saint-Siège. A douze ans de la clôture du Concile Vatican II, il est réconfortant de constater comment les Eglises locales ont mieux approfondi la connaissance de leurs propres responsabilités, tout en conservant avec le Saint-Siège la cohésion nécessaire au plan de la foi, de la charité et de l’obéissance. Il y a encore, certainement, des progrès à réaliser dans cette direction : le Saint-Siège devra estimer, avec encore plus d’attention, la diversité des problèmes des Eglises particulières ; et celles-ci, à leur tour, devront saisir mieux encore que le souci qui anime le Saint-Siège et ses organismes est de garantir l’authenticité et l’unité de la foi, les échanges de la charité, l’harmonie la plus parfaite possible entre les membres vivants de l’Eglise indivise du Christ.

Au sujet de ce lien toujours nécessaire, nous voulons rappeler que ce sera dans peu de temps le dixième anniversaire de notre encyclique Humanae Vitae. Ce document de notre pontificat fut pour nous une occasion de souffrance, non seulement à cause de son sujet grave et délicat, mais aussi, et peut-être davantage, à cause d’un certain climat d’attente qui avait fait naître, parmi les catholiques et dans le cercle plus vaste de l’opinion publique, l’idée de concessions présumées, de facilités ou d’une libéralisation dans la doctrine morale et matrimoniale de l’Eglise. Il nous semble que la décennie écoulée désormais depuis sa promulgation est une période suffisamment longue pour mieux évaluer — après les confirmations venues de la science la plus sérieuse — la portée des décisions que nous avons prises alors coram Domino, et qu’elle est, entre autres, l’occasion de rappeler les principes importants que, dans le sillage du Concile achevé depuis peu, nous énoncions avec le plus grand soin: le principe du respect des lois de cette nature qui — disons-le avec Dante — « prend son cours de l’intellect divin et de son art » (cf. Enfer, XI, vv. 99-100) ; le principe d’une paternité consciente et moralement responsable.

Pour ce rappel particulier d’un texte important du Magistère, mais aussi pour tout ce que nous avons dit, en général, au sujet de la vitalité de l’Eglise, qui en est une qualité intrinsèque susceptible d’heureux développements, nous comptons sur l’apport éclairé et diligent de chacun de vous, comme sur celui de tous nos Frères dans l’épiscopat. L’engagement généreux et le dévouement unanime, aussi bien de vous-mêmes, qui nous aidez de plus près dans notre service, que de ceux qui ont la responsabilité directe d’une partie de l’Eglise du Christ, assureront une montée abondante de la sève dans le tronc de cet arbre séculaire qui étend ses rameaux sur toutes les parties de la terre (cf. Mt Mt 13,31 ss.).

30 En vous confiant ces réflexions et ces voeux, nous vous renouvelons l’expression de la vive reconnaissance qui remplit notre esprit, tandis que nous implorons sur vous l’abondance des faveurs célestes et vous donnons de tout coeur la bénédiction apostolique.







AU NOUVEL AMBASSADEUR DES PAYS BAS


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Lundi 26 juin 1978




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous vous remercions vivement des paroles déférentes que vous venez de Nous adresser, au moment où vous Nous remettez les lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Sa Majesté la Reine des Pays-Bas auprès du Saint-Siège.

En termes élevés, Votre Excellence vient de rappeler brièvement les nobles soucis qui inspirent l’action internationale de son pays, et en particulier sa volonté de participer activement à la lutte contre la pauvreté dans le monde, au maintien des droits de l’homme et au progrès de la paix. C’est pour Nous une satisfaction et un réconfort d’avoir également entendu Votre Excellence témoigner des efforts déjà accomplis et souligner que les Pays-Bas ne cesseront de contribuer, notamment au sein des diverses instances internationales, à l’union de tous les hommes de bonne volonté dans la recherche d’une collaboration efficace et désintéressée.

En raison même de la vocation surnaturelle et de la mission proprement religieuse qui sont les siennes, l’Eglise se doit de participer aux efforts déployés pour assurer à tous les peuples, avec la sécurité, une vie humaine digne de ce nom. C’est pourquoi notre joie est profonde en voyant grandir, chez nos chers Fils catholiques des Pays-Bas, un sens remarquable de l’action caritative et sociale, au plan national comme au niveau international.

Pour les chrétiens, en effet, cette attention aux plus déshérités n’est pas un simple altruisme humanitaire. Ils savent reconnaître la mystérieuse présence du Seigneur dans la personne des pauvres, des malades, des étrangers, et de tous ceux qui attendent le passage et le secours du Bon Samaritain. C’est bien ce regard évangélique qui motive et entraîne l’attention si vive des catholiques néerlandais à tous ceux qui souffrent de conditions sociales difficiles: les personnes âgées ou isolées, les abandonnés, les marginaux, les migrants et tant d’autres gens affectés de misères physique ou morales.

Comment s’étonner qu’un tel sens du prochain dépasse les limites nationales et s’étende aux besoins essentiels de l’humanité: les problèmes des droits de l’homme, du désarmement, du développement des nations défavorisées? Et l’inspiration proprement catholique que Nous aimons reconnaître dans l’action sociale de nos fils néerlandais - est-il besoin de la souligner - ne conduit aucunement à quelque concurrence avec les initiatives prises par les autres communautés religieuses ou par d’autres mouvements de secours aux détresses humaines. Les exigences mêmes de l’amour selon 1’Evangile appellent au contraire à collaborer généreusement à l’action commune que vous avez si justement relevée.

Cette harmonieuse collaboration est possible, il Nous est particulièrement agréable d’en prendre acte ici, Monsieur l’Ambassadeur, grâce au climat de liberté que les institutions de votre pays garantissent à tous les citoyens. En effet dans le domaine si important de la formation scolaire, vos compatriotes jouissent de cette liberté à bien des égards exemplaire, et également dans les différentes initiatives privées ou collectives au service du bien commun.

Nous sommes heureux de présenter nos respectueuses salutations à Sa Majesté la Reine qui vous a confié votre mission, et de vous exprimer les voeux de prospérité que Nous formons de tout coeur dans la prière pour les Pays-Bas. Et vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, Nous vous assurons de la cordialité avec laquelle Nous vous accueillons dans la Ville éternelle, en vous adressant nos meilleurs souhaits de bienvenue.

*AAS 70 (1978), p.461-463;

31 Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.506-507;

L’Attività della Santa Sede 1978, p.161-162;

OR 26-27.1.1978, p.1;

ORf n. 27 p.4;

La Documentation catholique n.1748 p.771.



AU PÈLERINS DE HAUTE-VOLTA


Lundi 26 juin 1978




Vénérable Frère, Chers Fils, chrétiens de Haute-Volta,

dès que Nous avons su votre intention de vous arrêter à Rome, sur la route du retour de Terre Sainte, Nous avons pensé: il faut recevoir ce groupe, il faut que ce pèlerinage s’achève par une rencontre avec le Pape, il faut leur exprimer notre affection et les encourager. C’est vous dire combien Nous sommes heureux de vous accueillir ce matin.

Il Nous semble, en vous voyant tout près de Nous, que vos regards brillent d’un éclat particulier, d’une sorte de lumière intérieure. Ce n’est pas étonnant: vous venez de faire l’expérience la plus profonde et la plus riche que puisse faire un chrétien, en vous mettant dans les pas de Jésus, sur les lieux-mêmes où il a vécu.

Très peu nombreux sont vos compatriotes qui ont eu, jusqu’ici, un tel bonheur. Il y a donc pour vous comme une invitation spéciale du Christ à devenir, maintenant, de meilleurs disciples, et à rendre témoignage de tout ce que vous avez vu et entendu (Cfr. 1Jn 1,1).

N’oubliez jamais cet appel! C’est le souhait que Nous formons, en espérant aussi que votre bref passage à Rome fortifiera votre amour de l’Eglise et votre désir de la servir, de toutes vos forces, auprès de vos frères voltaïques que Nous bénissons de grand coeur avec vous.






28 juin



LES DROITS DE L’ENFANT DANS LA SOCIETE D’AUJOURD’HUI





32 Le Pape au Directeur de l’UNICEF

Le Pape Paul VI a reçu en audience, le 28 juin, M. Henry R. Labouisse, directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) responsable de la coordination de l’Année Internationale de l’Enfance. M. Labouisse était accompagné da M. John Grun, Directeur du secrétariat de New York pour l’Année Internationale. Le Saint-Père a prononcé en anglais l’allocution dont voici la traduction :



Monsieur le Directeur Exécutif,



A l’approche de l’Année Internationale de l’Enfance, nous sommes vraiment heureux de recevoir votre visite. Nous saluons en vous le Directeur Exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, sachant que votre organisation a été désignée par l’Assemblée Générale comme agence-directrice de l’Année Internationale.

Nous désirons vous dire sans tarder combien nous apprécions tout le bien que, depuis des années, l’UNICEF, accomplit en faveur des enfants du monde. Nous avons soutenu de bon coeur toutes vos activités tendant à subvenir aux besoins essentiels de l’enfant, et, en même temps nous avons sans cesse exprimé notre opposition à toute implication dans des projets directement ou indirectement favorables à la contraception, à l’avortement ou à toute autre pratique qui manque de respect pour la valeur suprême de la vie.

Quant à l’Année Internationale de l’Enfant, le Saint-Siège était d’avis qu’un tel événement ne devait pas être une occasion pour multiplier des initiatives étrangères au bien-être de l’enfant. Le Saint-Siège constate avec satisfaction que cette même opinion a été exprimée par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies lorsqu’elle a déterminé les objectifs généraux de l’A.I.E., qui parle d’« amener les autorités et le public à avoir une plus nette conscience des droits spéciaux de l’enfant » et qui préconise « des activités soutenues au bénéfice de l’enfance » (Résolution de l’Assemblée Générale A/31/169 du 21 décembre 1976).

L’intérêt de l’Eglise pour cet événement est en harmonie avec la constante sollicitude que tout au long des siècles elle a démontrée pour le bien-être des enfants. Cette sollicitude est une expression de sa fidélité au programme que lui a fixé son Fondateur Jésus-Christ qui a affirmé que « quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas » (
Lc 18,17). Et surtout, le Christ identifie l’enfant avec sa propre personne : « Quiconque accueille un de ces petits enfants à cause de mon Nom, c’est moi qu’il accueille » (Mc 9,37). Pour l’Eglise donc, un service à l’enfance n’est pas un objectif transitoire, mais plutôt une tâche permanente accomplie avec dignité et en constante priorité.

Un intérêt renouvelé pour les réels besoins de l’enfance est dicté en outre par une conscience réaliste de la situation actuelle du monde. Malgré les progrès techniques, des enfants continuent à souffrir et à mourir par manque d’alimentation ou comme victimes de violences ou de conflits armés qu’ils ne comprennent pas. D’autres sont victimes de négligence affective. Il y a des gens qui empoisonnent l’esprit des jeunes en leur insufflant des préjugés ou de stériles idéologies. Et aujourd’hui, des enfants sont exploités même au point d’être utilisés pour satisfaire les plus basses dépravations des adultes. Un méprisable aspect de cette exploitation est le fait que ceci est souvent réglé par de puissantes forces en vue de gains financiers.

Etendant notre regard encore plus loin sur la situation du monde, nous voyons qu’il y a une autre discrimination nuisible dont l’enfant est l’objet et qui devra attirer très sérieusement l’attention de l’A.I.E. A notre époque, beaucoup de gens considèrent l’enfant comme un fardeau, comme une restriction de leur liberté, plutôt que comme la vivante expression de l’amour des parents. D’autres dénient à l’enfant le droit fondamental d’avoir une mère et un père unis par le mariage. Or, il faut que toute société répète vigoureusement que l’enfant a un droit qui lui vient de Dieu, le droit de naître et celui d’avoir un père et une mère unis par les liens du mariage, le droit de naître dans une famille normale. Ce serait une manière de contradiction, si, à l’occasion de l’Année Internationale de l’Enfant, on développait ces activités dont l’inspiration et le dessein sont de refuser la bienvenue à l’enfant ou même de l’empêcher de naître.

Afin de réaliser ses objectifs, cette Année est appelée à promouvoir l’inestimable valeur de l’enfant dans le monde actuel : l’enfant comme enfant, comme être humain et pas simplement comme adulte en puissance. L’enfance est une phase essentielle de la vie humaine, et chaque enfant a le droit de vivre pleinement son enfance et de donner une contribution personnelle pour l’humanisation de la société et pour son développement et son renouvellement. Nous connaissons tous personnellement cette contribution de l’enfant au monde. Qui n’a pas été frappé par le simple, direct et innocent discernement qu’ont les enfants des situations, par leur générosité ouverte et aimable, par leur manque de préjugés et de discrimination, leur joie contagieuse et leur sens spontané de fraternité, et aussi par leur capacité de sacrifice remarquable et leur idéalisme ?

C’est pourquoi l’Eglise insiste vivement sur le fait que chaque enfant est une personne humaine et qu’il a droit au développement intégral de sa propre personnalité. Le rôle de la famille est irremplaçable à cet effet, car l’enfant ne peut être soutenu et assisté en dehors de sa famille qui est le premier facteur de son développement physique, psychique, intellectuel, moral et religieux. Nous encourageons en conséquence tous les efforts faits pour développer les services en faveur de l’enfance et pour augmenter la qualité de ces services, spécialement sur une base permanente.

33 Dans tous ces efforts l’enfant doit rester au centre de l’intérêt : chaque enfant et tout enfant dans le monde. Nous avons l’espoir que des projets nouveaux et revitalisés fleuriront pour pourvoir, partout, aux besoins de l’enfant. Et nous sommes convaincu que sur cette voie les profondes exigences de la jeune et vulnérable personne humaine seront satisfaites : avant tout leur droit à la vie, à la vérité, à l’amour.

Nous constatons avec plaisir que beaucoup de catholiques, individuellement, ainsi que de nombreuses organisations catholiques et Eglises locales ont pris part à la préparation de l’Année Internationale de l’Enfance. Leur contribution effective sera de se dédier eux-mêmes — dans un esprit de fidélité au message de l’Evangile — aux besoins de l’enfant, et de développer des programmes appropriés qui assisteront les enfants sous les différents aspects de leur vie. Nous avons confiance que de tels programmes accorderont tout particulièrement la priorité aux besoins des enfants désavantagés, aux handicapés physiques et mentaux, aux enfants abandonnés et à tous ceux qui se trouvent dans une particulière situation de misère et de souffrance.

Animé de ces sentiments, nous implorons les bénédictions du Seigneur sur tous ceux qui travaillent pour réaliser ces idéaux de grande élévation et nous prions le Seigneur pour qu’il vous soutienne, vous-mêmes et tous ceux qui collaborent dans cette grande oeuvre de solidarité humaine.





AU MÉTROPOLITE DE CHALCÉDOINE


Samedi 1 juillet 1978




E tout coeur, Frères vénérés, Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous à l’occasion des fêtes des saints apôtres Pierre et Paul que nous venons de célébrer. C’est avec affection et estime que Nous vous accueillons. Nous sommes heureux que nos Eglises aient décidé cet échange de visites chaque fois qu’elles célèbrent leurs saints patrons. C’est un nouveau signe du progrès de la redécouverte de la profonde communion ecclésiale qui existe déjà entre nos Eglises.

Ces célébrations communes des saints apôtres sont une exigence de fidélité renouvelée. Fidélité à leur foi, fidélité à leur mission qui, à travers une succession ininterrompue, se continue dans le temps pour annoncer au monde la grande et bonne nouvelle du Christ mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification (Cfr. Rom Rm 4,26).

Cet échange annuel de visites offre aussi une occasion propice à de fraternelles conversations en vue d’harmoniser notre commune recherche de la pleine unité entre nos Eglises. L’achèvement de l’oeuvre commencée requiert en effet une collaboration toujours plus décidée dans la recherche du but, et une volonté inébranlable de trouver une solution à toutes les difficultés qui nous séparent encore du jour où nous pourrons commémorer ensemble tous les apôtres et tous les saints de l’Orient et de l’Occident, dans une grande concélébration eucharistique d’unité et de joie plénière.

Dans ces perspectives, Nous sommes heureux de savoir que les deux commissions chargées de préparer le dialogue théologique dans l’Eglise catholique et dans l’Eglise orthodoxe ont déjà accompli un bon travail. Le fait que le comité de coordination composé des représentants des deux commissions se soit déjà rencontré pour un travail commun montre clairement le progrès réalisé, et la volonté d’arriver rapidement au terme de cette phase préparatoire et de pouvoir commencer le vrai dialogue théologique.

Que le Seigneur bénisse ces efforts, afin que nous puissions une fois pour toutes clarifier définitivement tous ces points qui, dans le passé, ont provoqué des tensions, des heurts et même l’interruption de la communion sacramentelle. Puissions-nous, dans l’intégralité de la foi commune, réaliser cette pleine unité que le Christ a demandée pour ses disciples et pour ceux qui croiraient en leurs paroles.

Votre présence à la célébration de la fête des saints Pierre et Paul a renouvelé en Nous cette joyeuse espérance. Nous vous en remercions, et Nous vous prions de transmettre ces sentiments de fraternité, de communion et d’espérance à notre frère vénéré et aimé le patriarche Dimitrios, et à tout son saint synode.





APPEL DU PAPE PAUL VI POUR LA PAIX AU LIBAN


Mercredi 5 juillet 1978





Discours 1978 28