Discours 1977 104

À SON EXCELLENCE MONSIEUR MILOS MINIC*


Président du Conseil Exécutif Fédéral et secrétaire général pour les affaires extérieures de la République socialite fédérative de Yougoslavie


Jeudi 17 novembre 1977




Excellence,

Nous sommes heureux de vous exprimer la satisfaction que Nous éprouvons à vous recevoir aujourd’hui et de vous présenter à vous-même, à Madame Minic, ainsi qu’à toutes les éminentes personnalités qui vous accompagnent, nos souhaits de bienvenue. Le Saint-Siège suit avec intérêt et apprécie l’action que mène la Yougoslavie pour parvenir à une meilleure coopération dans le domaine international. Votre pays, en particulier, se penche avec attention sur les problèmes qui touchent à la paix, au désarmement, au respect des minorités, à l’appui qui est dû aux pays en voie de développement. Actuellement la Yougoslavie participe d’une manière très active à la réunion qui a lieu précisément à Belgrade, comme suite à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

Pour sa part, le Siège Apostolique désire apporter sa contribution, selon les moyens qui lui sont propres, à la promotion de tous les hommes et de tous les peuples. L’universalité de sa mission et de son action lui ont donné une expérience certainement privilégiée dans le domaine de la rencontre et de la collaboration des peuples les plus divers. De cette expérience historique, l’Eglise a tiré la conviction profonde que la coopération ordonnée et fructueuse entre les diverses communautés humaines, aussi bien à l’intérieur d’un Etat qu’au plan international, est possible seulement lorsque la dignité de tous ses membres est reconnue effectivement comme base et comme expression du plein respect des droits fondamentaux de tout homme.

Vous savez combien Nous avons voulu et encouragé le développement des rapports entre le Saint-Siège et le Gouvernement yougoslave. Nous sommes heureux de constater qu’ils ont donné de bons résultats et Nous souhaitons, pour l’avantage des deux parties, qu’ils en donnent d’autres encore plus considérables à l’avenir. Le Saint-Siège sera en mesure de contribuer plus efficacement à la réalisation de ce souhait s’il peut compter pleinement, en Yougoslavie, sur les conditions concrètes qui permettent à l’Eglise, dans son ensemble aussi bien qu’à chacune de ses communautés même les plus périphériques, de mettre au service des personnes comme de la société la richesse des valeurs authentiques dont elle est porteuse.

Nous avons confiance, et Nous sommes certain que Votre Excellence partage notre espérance, que la bonne volonté ne fera jamais défaut pour surmonter les difficultés éventuelles, afin de garantir à chaque personne une paix et une liberté d’esprit qui ne manqueront pas de rejaillir sur toute la communauté civile.

Nous vous renouvelons, Excellence, nos souhaits cordiaux, et Nous vous prions de transmettre à Monsieur le Président de la République, en l’assurant du bon souvenir que Nous gardons de sa visite, nos salutations et les voeux fervents que Nous formons en Dieu pour la prospérité de toutes les populations de Yougoslavie.

*AAS 69 (1977), p.725-726;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XV, p.1061-1062;

L’Osservatore Romano, 18.11.1977, p.1;

105 La Documentation catholique, n.1731 p.1014;

ORf n°47 p.12.




18 novembre



UNE CONCEPTION DE L’HOMME DOIT GUIDER LES TRAVAUX ET LES RECHERCHES



Le vendredi 18 novembre, le Pape Paul VI a reçu en audience les représentants des 144 pays membres de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, connue sous le sigle de FAO, qui a son siège à Rome et qui y tenait sa XIX° session. Les participants étaient conduits par M. Toyib Hadiwija, président élu de cette XIX° Conférence et par M. Edouard Saouma, directeur général de la FAO. En présence de Mgr Agostino Ferrari Toniolo, Observateur permanent du Saint-Siège et Chef de la délégation à la Conférence, le Souverain Pontife a prononcé, en français, l’allocution suivante :



Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général, Mesdames, Messieurs,



Nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui vous qui participez actuellement à la XIX° session de la Conférence de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture. C’est bien une joie de voir les Délégués de si nombreux pays réunis pour étudier les moyens de répondre aux besoins de ceux qui ont faim : Nous apprécions vos efforts, et nous vous en félicitons. La satisfaction ne saurait cependant empêcher de considérer le chemin qui reste encore à parcourir : vous en avez tous conscience, et nous vous renouvelons ce matin, avec nos voeux pour un fécond travail, les espoirs que tant d’hommes dépourvus du nécessaire voudraient pouvoir mettre dans votre Organisation.

Le problème alimentaire reste en effet un des soucis principaux de notre temps ; il s’inscrit parmi ces besoins de l’humanité dont la satisfaction requiert avec urgence des initiatives de grande envergure, dans le cadre du renouvellement des actions économiques et sociales de la communauté internationale. L’Eglise n’a cessé de partager cette préoccupation lancinante.

Nous évoquerons simplement deux manifestations particulièrement tragiques et pressantes de ce problème : la répétition si fréquente de catastrophes qui doivent donner à réfléchir à l’humanité tout entière : sécheresses, famines, inondations... où le terme « mort de faim » revêt sa signification la plus littérale. Pensons aussi à la sous-alimentation et à la malnutrition comme caractéristiques majeures du sous développement, avec toutes leurs conséquences : mortalité infantile, diminution ou disparition de la capacité de travail, etc.

Certes, des rapports font preuve d’optimisme en ce qui concerne la production. La situation plus satisfaisante de l’agriculture dépend non seulement des causes climatiques, mais aussi des dispositifs mis en place à divers échelons notamment depuis la Conférence Alimentaire Mondiale, et surtout de la prise de conscience que cette Conférence a déclenchée dans l’opinion très particulièrement dans la conscience des responsables de la conduite des politiques internationales et nationales. Cet optimisme doit cependant être tempéré car, comme vous le releviez vous-même, Monsieur le Directeur général, en matière de développement alimentaire et agricole. « Si on obtient des résultats spectaculaires, ils sont souvent éphémères : les lendemains ne tiennent pas leurs promesses et il faut déchanter brutalement ». C’est précisément à votre Organisation qu’il revient principalement de jouer le rôle de catalyseur et de « modérateur » des efforts du développement agricole international, pour veiller à ce que les améliorations se confirment et que le progrès se fonde sur des bases suffisamment approfondies pour rester constant.

Dans cette perspective, il nous semble important de rappeler que la F.A.O. compte parmi ses objectifs premiers non seulement la production, mais aussi la promotion des zones rurales et des ruraux, surtout dans les pays en voie de développement. Si la production internationale s’est améliorée, il ne semble pas qu’on puisse en dire autant des zones rurales du Tiers-Monde elles-mêmes. La preuve en est que la proportion de la production en provenance de pays développés est en nette augmentation sur celle de l’autre partie du monde. Il y a là un problème structurel et institutionnel en soin d’amélioration de la condition et de la formation de la classe paysanne, particulièrement des petits paysans et des jeunes ruraux, que nous avons déjà signalé en nous adressant à la Conférence Mondiale de l’Alimentation.

Mais il y a aussi, pour les pays en voie de développement, une option à faire qui concerne l’organisation de leurs plans économiques et sociaux. Sans prétendre vouloir pour toujours attacher à leur terre les larges couches de population qui en tirent aujourd’hui leur peu de subsistance, il reste qu’il est sagesse de penser à la promotion dans le secteur agricole d’une vaste proportion de cette masse, plutôt que de songer à la transplanter dans le secteur industriel ou surtout de s’exposer à la voir s’entasser dans des banlieues. En outre, il est de la plus haute importance que ces pays visent, dans toute la mesure du possible, à l’autosuffisance dans le domaine de la consommation agricole de leurs populations. La dépendance dans laquelle trop d’entre eux se trouvent aujourd’hui, en conséquence d’ailleurs de systèmes d’échanges internationaux dont ils ne sont pour la plupart du temps pas responsables, est profondément malsaine pour leurs économies qui en sont lourdement obérées.

106 Comment enfin ne pas attirer de nouveau votre attention sur le problème de la distribution des produits alimentaires et des équilibres à réaliser dans tous les facteurs qui président à leurs échanges ? D’une part, le coût des importations de produits agricoles requis par les pays en voie de développement opère une large ponction dans leurs maigres ressources, d’autre part les recettes de leurs exportations agricoles ne sont pas de nature à leur fournir un gain équitable qui constituerait un apport normal et une incitation pour les producteurs. Toute spéculation sur les besoins est inique, mais d’une façon toute particulière celle qui joue sur les aliments et sur les armes. On doit souhaiter qu’en cette matière les pays développés, quel que soit leur système sociale et économique, se décident enfin à des révisions, fussent-elles déchirantes, des pratiques qu’ils imposent à la majorité de l’univers. Des lieux de concertation comme la F.A.O. doivent être des points privilégiés pour y réussir.

Il n’échappe à personne que les problèmes qui vous occupent, et dont nous avons seulement évoqué quelques points saillants, ne sont pas seulement techniques ; ils sont aussi moraux. Ils impliquent en effet une conception de l’homme qui ne saurait être indifférente lorsqu’il s’agit d’envisager des solutions. Nous vous encourageons donc à ne jamais perdre de vue l’aspect éthique des questions que vous traitez, et à considérer vos activités d’abord comme un service, un service rendu à cette partie de l’humanité qui manque des biens les plus élémentaires : ceux qui assurent la subsistance.

Puissez-vous avoir la joie d’être comptés un jour, par le Seigneur lui-même, parmi ceux qui ont répondu vraiment aux besoins de leurs frères affamés. Nous lui demandons dès maintenant de bénir vos efforts et vos personnes.






19 novembre



UNE MISSION AU SERVICE DE LA VIE HUMAINE DÈS SA CONCEPTION





Le samedi 19 novembre, le Pape a reçu en audience les 900 participants au cinquième Congrès d'obstétrique et de gynécologie psychosomatiques qui se tenait à Rome sous la présidence du Prof. Luigi Carenza, titulaire de la Chaire d'Obstétrique et de Gynécologie de Rome Le Souverain Pontife a adressé à ses visiteurs le discours suivant, en français.



Mesdames, Messieurs,



Nous remercions votre Président, le Professeur Carenza, et nous sommes heureux d'accueillir et de saluer aujourd'hui les participants au cinquième Congrès d'obstétrique et de gynécologie psychosomatiques actuellement réuni à Rome.

Qu'il nous soit permis de vous exprimer d'abord l'estime de l'Eglise pour votre profession, qui est vraiment une « mission » au service de la vie humaine. Dans la recherche à laquelle vous vous adonnez dans un domaine difficile, dans la responsabilité que vous assumez chaque fois qu'un cas vous est soumis, dans votre souci de partager les problèmes et les angoisses de celles qui se confient à vos soins, l'amour du prochain — à Lui-Même (cf. Mt Mt 25,40) — trouve une de ses plus belles expressions.

En parcourant la liste des différentes questions soumises à votre étude, on voit que vos spécialités, bien qu'elles concernent essentiellement les débuts de la vie humaine, recouvrent en fait un champ très vaste de recherches et de traitements. Cette ampleur ne serait-elle pas due, au moins en partie, à l'élargissement de perspective qui caractérise vos travaux, à cette prise en considération des interactions, aussi réelles que mystérieuses, qui existent entre le somatique et le psychique, et qui déterminent étroitement la santé et la maladie ?

Vous vous penchez donc sur le problème des répercussions que les conditions psychosomatiques des parents et leurs états émotionnels peuvent avoir sur le développement physique et psychique de l'enfant. Les faits démontrent en effet une telle influence et, bien qu'il y ait des difficultés à expliquer scientifiquement ce phénomène, vos analyses cliniques et votre expérience professionnelle vous confirment chaque jour l'importance que revêt, dans l'unité psychosomatique de la personne humaine, l'élément qui la distingue des vivants dénués de raison: l'âme spirituelle, intelligente et libre.

Ainsi votre science professionnelle ne peut-elle faire abstraction des considérations morales et religieuses qui, à un degré plus ou moins fort, interviennent de fait dans la personnalité humaine. Il faut apprécier à leur juste valeur l'importance que les critères moraux et les convictions religieuses peuvent avoir chez les époux aussi bien pour le contrôle et l'expression de leurs sentiments, la promotion ou le refroidissement de leur amour, de leur affection réciproque, de leurs soucis et de leurs espérances, toutes réalités qui peuvent être modifiées, stimulées ou réprimées par les orientations de l'esprit. Vous insistez sur la nécessité de la maîtrise de soi et la domination des passions, afin d'assurer la transmission de la vie dans une rencontre d'amour, dans le respect de la dignité de chacun des époux et l'harmonie de leurs volontés, assurant ainsi les conditions les meilleures pour l'évolution psychologique et somatique ultérieure de l'enfant. Il faut donc louer votre sollicitude à informer les futurs parents de l'importance que revêt l'exercice raisonnable de la sexualité, comme aussi des risques que comporte toute violence exercée sur la faculté générative par l'emploi de médicaments qui ne sont pas ordonnés à corriger ses défauts mais à en empêcher les fonctions normales. C'est pour nous une grande satisfaction de constater que la psychosomatique génétique appuie et confirme la norme éthique en dénonçant avec une préoccupation croissante les dangers inhérents à l'emploi des contraceptifs. Au contraire, pour augmenter chez les parents la conscience de leur devoir d'exercer leur paternité de façon responsable, l'Eglise encourage, comme nous l'avons déjà dit en d'autres occasions, tous les progrès que vos recherches peuvent susciter pour faciliter l'exercice d'une telle paternité, de même qu'elle se félicite de vos efforts pour assurer à la conception humaine les conditions les plus favorables pour le développement somatique et psychique de l’enfant.

107 Vous cherchez, comme c’est votre devoir, à combattre toute douleur anormale de la grossesse et de l’enfantement, à condition évidemment de la faire sans risque, sans porter non plus atteinte aux sentiments d’amour qu’inspiré une maternité assumée en esprit de sacrifice, apte à exprimer le rapport intime existant entre la mère et son enfant. Mais vous ne devez jamais oublier aussi que votre profession est au service de la vie humaine, de toute vie humaine depuis le moment de sa conception. Les malformations organiques, lorsque ce malheur arrive, ne peuvent priver aucun être humain de sa dignité ni de son droit inaliénable à l’existence : c’est en fait une vision matérialiste de la vie que d’envisager les choses autrement. C’est pourquoi un médecin catholique conscient de ces exigences ne saurait se prêter à des expériences sur l’embryon ou le foetus humain, même pour le progrès de la science, ni même si cet être était destiné, pour des raisons naturelles ou par le fait criminel des hommes, à périr avant d’avoir vu le jour. Et surtout il ne peut, après avoir porté un diagnostic fatal, céder à des pressions, même les plus respectables en apparence, comme celles de parents qui voudraient recourir à sa science pour échapper à l’épreuve de mettre au monde un enfant gravement handicapé.

Lourde responsabilité que la vôtre ! Contre toute tentation qui tendrait à porter atteinte à votre belle profession dont le seul but est de protéger et d’épanouir la vie, efforcez-vous de montrer toujours mieux que ce but ne peut être atteint qu’en mettant au premier plan la signification des valeurs spirituelles.

Nous demandons à l’Esprit Saint, Esprit de science et de force, de vous y aider, et nous demandons de grand coeur au Seigneur de bénir vos personnes et toutes vos familles.






21 novembre



DANS UN SAIN OPTIMISME SUIVRE LE CONCILE



Le lundi 21 novembre, dans sa Bibliothèque privée, le Pape a reçu en audience les Archevêques et Evêques de la Conférence Episcopale de Yougoslavie. Parlant au nom de celle-ci, Mgr Franjo Kuharic, archevêque de Zagreb, a exprimé son attachement au Saint-Siège et défini la situation de l’Eglise en Yougoslavie. Le Saint-Père a répondu, en latin, aux six Archevêques et dix-huit Evêques présents, par le discours, dont voici la traduction :



Vénérables Frères,



Les rencontres qui nous donnent l’occasion de nous entretenir avec nos frères dans l’épiscopat, sont pour nous une cause de joie. C’est donc d’un coeur joyeux que nous vous saluons vous qui êtes venus de vos diocèses de Yougoslavie pour votre visite ad limina. Nous voulons aussi manifester l’amour que nous vous portons à tous et à chacun et en particulier à notre vénérable Frère François Kuharic, archevêque de Zagreb qui, au nom de tous les autres Evêques, s’est exprimé en termes excellents et nous a adressé de très bons voeux. Nous vous remercions beaucoup de votre bonté.

Dans certaines régions de votre pays, la foi catholique remonte à un passé très lointain de l’Eglise, dans d’autres elle est plus récente : toutes maintenant sont des membres vivants du corps mystique du Christ. Il faut dire que les fidèles qui sont confiés à vos soins se recommandent tous par leur vigueur religieuse.

Cependant ni vous ni nous n’ignorons certaines difficultés qui se manifestent ici ou là dans votre pays. Ces difficultés, d’ailleurs, se retrouvent plus ou moins dans d’autres lieux où pérégrine l’Eglise. Mais il faut pourtant manifester une confiance chrétienne dans les hommes et dans les événements, confiance que nous pouvons définir comme « un optimisme sain ». Bien plus, au milieu des vicissitudes de cette vie il nous faut retourner aux véritables sources de la joie dont nous avons parlé dans notre exhortation apostolique Gaudete in Domino : « La joie chrétienne est essentiellement une participation spirituelle à cette joie ineffable, à la fois divine et humaine qui est en Jésus Christ glorifié » (AAS 67, 1975, p. 295). Quant à vous qui vous dépensez avec zèle et qui prenez votre peine dans le champ du Seigneur, nous voulons que vous retourniez dans vos diocèses, confirmés et avec joie au coeur, prêts à reprendre votre tâche pastorale avec une ardeur renouvelée.

Mais pour rendre cette tâche plus légère et plus fructueuse, vous aurez à veiller sur certains points dont font état les rapports sur l’état de vos diocèses que, selon la coutume, vous avez remis au Saint-Siège en temps voulu.

Il nous semble encore entendre les belles paroles que Jean XXIII, notre prédécesseur d’heureuse mémoire, a prononcées au tombeau de Pierre au moment de l’ouverture du Concile Vatican II : « Le Concile Oecuménique... veut transmettre la doctrine catholique, intégralement sans la diminuer ni la déformer ». (AAS 54, 1962, p. 791). Il est clair que la vérité est ouverte à la recherche selon de nouvelles méthodes qui expriment cependant cette vérité « dans un sentiment identique et une pensée identique » (ibidem p. 792) et que c’est tout d’abord le rôle du magistère de l’Eglise de montrer la voie droite dans ce domaine.

108 Il faut donc que les pasteurs veillent à la doctrine « certaine et immuable » et, le cas échéant, qu’ils usent de leur autorité pour rejeter les opinions qui ne concordent pas avec la foi authentique ou qui sont dangereuses. Que l’on ait surtout ce souci dans les collèges où l’on fait des études ecclésiastiques et où les élèves sont formés pour les ordres sacrés ainsi que parmi les prêtres qui écrivent des ouvrages de vulgarisation ainsi que dans les institutions qui dépendent de l’Eglise.

Quand nous fixons les yeux sur vos diocèses, nous rendons grâces à Dieu de ce que nous y trouvons de meilleures conditions pour les vocations religieuses et sacerdotales que dans bon nombre d’autres régions même en Europe. Néanmoins, dans certaines parties de la Yougoslavie, il ne manque pas de signes annonciateurs de crise, dans ce domaine qui viennent soit de difficultés, soit de la mentalité et cela suscite l’inquiétude. Quant à vous, vénérables Frères qui agissez vigoureusement et franchement en faveur de cette cause capitale des vocations, vous redoublez sans doute vos efforts pour que les ouvriers soient toujours en nombre suffisant dans la vigne du Seigneur. Il faut inviter tous les membres des communautés ecclésiales à encourager et à promouvoir les vocations de cette nature. A ce propos, nous vient aussitôt à l’esprit le séminaire qui est le « coeur » de chaque diocèse (cf. Optatam Totius,
OT 5). C’est là, en effet, que réside la grande espérance de l’Eglise : il faut donc que le plus grand soin soit apporté à la formation des élèves à la vie spirituelle, à la doctrine et à la discipline chrétienne de façon à ce que ces maisons réalisent vraiment les buts de piété et d’étude qu’elles se proposent.

Nous approuvons et nous louons, vénérables Frères, vos efforts pour faire de vos prêtres des auxiliaires adaptés à leur tâche : les cours de théologie, de pastorale et de spiritualité sont de cet ordre. Nous comptons beaucoup sur les relations de ce genre entre les évêques et les prêtres : en effet, actuellement, il importe essentiellement que les pasteurs, inspirés par un sentiment paternel, considèrent leurs prêtres comme des amis et qu’ils s’attachent les uns aux autres par les liens d’une amicale charité. Qu’une étroite collaboration s’instaure entre eux, de façon à ce que les évêques partagent volontiers avec les prêtres les charges et les devoirs du saint ministère.

Nous savons que de nombreux religieux rendent le témoignage d’une vie consacrée à Dieu et qu’ils ont une grande part à l’action pastorale, surtout dans certaines régions. Ces fils sont donc dignes de nos louanges. Il faut cependant qu’ils se souviennent que les évêques sont chargés de paître le troupeau, qu’ils dépendent d’eux, selon l’enseignement très clair du Concile Vatican II : « Tous les religieux, exempts et non exempts, sont soumis au pouvoir des ordinaires des lieux, pour ce qui concerne... le soin des âmes, la sainte prédication à faire au peuple, l’éducation religieuse et morale des fidèles, surtout des enfants, l’enseignement catéchétique et la formation liturgique, la bonne tenue du clergé. Il en va de même pour les oeuvres diverses en ce qui regarde l’exercice de l’apostolat » (Christus Dominus, CD 35,4). C’est pourquoi le souci des âmes, confiées à ces religieux, doit être porté en accord avec les évêques et en harmonie avec les directives et les initiatives pastorales du diocèse. On doit même l’insérer efficacement dans un cadre plus vaste.

Il nous semble devoir aborder encore un autre sujet. Dans votre pays, ici, est diffusé ce qu’on appelle le matérialisme « scientifique » dans les écoles et dans les publications, ailleurs, ce sont des difficultés notoires qui se manifestent jusque dans l’institution religieuse. C’est pourquoi la catéchèse doit être dispensée surtout aux jeunes. Elle est, en effet, d’une telle importance que rien ne peut se substituer à elle. Nous savons certes que vous, les évêques de Yougoslavie, vous souciez de cette catéchèse avec une volonté déterminée et que vous vous efforcez de bien organiser l’institution des catéchistes et de faire que ces catéchistes s’adaptent aux besoins de notre temps. Nous vous félicitons de ce zèle vraiment apostolique. Sans doute aurez-vous à coeur, dans cette oeuvre primordiale que représente la catéchèse, de veiller à ce que l’intégrité de la doctrine soit toujours respectée ainsi que les moyens et justifications de cette institution. Il faudra encourager les parents catholiques à prendre conscience de la tâche primordiale et première, qui leur revient, de transmettre à leurs enfants, par l’éducation et le témoignage l’inestimable don de la foi.

Il faut aussi former des chrétiens en vue d’une catéchèse saine et sage. Qu’ils acquièrent une véritable maturité, c’est-à-dire qu’ils soient capables de transmettre l’annonce de l’Evangile dans la vie quotidienne en toutes circonstances, dans l’adversité et dans la prospérité. Qu’ils puissent rendre témoignage de cette annonce avec courage devant qui que ce soit. Que, dans le même esprit, ils soient prêts à dialoguer avec leurs frères appartenant à d’autres confessions chrétiennes ou à des religions non chrétiennes ou même avec ceux qui, sans le savoir, cherchent Dieu dans le bien des hommes. Que les chrétiens enfin qui se sentent portés à l’annonce de l’Evangile, comme elle est mentionnée plus haut, soient formés en vue d’une coopération sincère et généreuse avec tous les hommes de bonne volonté pour la construction d’une société dans laquelle chacun puisse jouir de la justice et de la paix.

Enfin nous proposons ceci à votre réflexion : l’Eglise de Yougoslavie représente plusieurs peuples et fractions de peuples de langues différentes, de religions différentes, de coutumes différentes. Dans ces conditions de pluralisme, que chaque communauté ecclésiale — soit qu’elle se trouve dans une région où la tradition catholique est prospère depuis des temps très reculés soit qu’elles se trouve en d’autres circonstances — et la communauté catholique yougoslave tout entière témoignent de Jésus Christ d’une façon particulière, à la suite de leurs évêques. Ce témoignage se rapporte surtout à l’Eglise universelle et à sa construction qui est une.

C’est précisément cet éloge qui a toujours été fait aux évêques de Yougoslavie : le lien étroit qui les reliait au siège de Pierre, qu’ils s’efforçaient de servir avec amour et avec la plus grande énergie. Nous sommes certains que ces liens qui sont pour vous une sorte d’héritage sacré, rendront très féconde votre action apostolique future.

Voici les paroles que notre amour nous a poussé à vous dire, vénérables Frères. Que la bénédiction apostolique que nous vous donnons très volontiers à vous et à tous ceux dont vous avez la charge, vous le confirme.






24 novembre



REMPLIR LE SERVICE ÉPISCOPAL AVEC ARDEUR



Le jeudi 24 novembre, le Saint-Père a reçu en audience un groupe d’Evêques de l’Allemagne de l’Est, venus à Rome pour leur visite « ad limina ». Etaient présents NN. SS. Hugo Aufderbeck, administrateur apostolique d’Erfurt-Meiningen, qui adressa au Pape un discours d’hommage, H. Theissing, administrateur apostolique de Schwerin et J.G. Braun, administrateur apostolique de Maydeburg. S’adressant en latin à ses visiteurs, Paul VI a prononcé le discours suivant :



Vénérables Frères,



109 C’est avec joie que nous vous accueillons dans cette maison du Vatican, vous qui êtes venus à Rome pour votre visite ad limina apostolorum. Nous nous réjouissons de ce qu’il nous est donné de nous entretenir un peu avec vous qui êtes les dignes pasteurs de communautés catholiques, confiées à vos soins dans le territoire de la République Démocratique Allemande, et désignées sous le nom de sièges d’Erfurt, de Magdeburg et de Schwerin dont vous avez la juridiction.

Nous vous remercions des paroles pleines de déférence que vous nous avez adressées par l’intermédiaire de notre vénérable Frère Hugo Aufderbeck, administrateur apostolique d’Erfurt-Meiningen et par lesquelles vous avez confirmé les liens qui vous unissent étroitement, vous et vos fidèles, avec le siège du bienheureux Pierre.

C’est pourquoi cette assemblée est pour ainsi dire l’image de cette communion des esprits et des coeurs par laquelle vous et vos communautés catholiques, vous adhérez à celui que le Christ a placé comme le fondement visible de son Eglise. Vraiment — comme vous le savez tous — cette koinonia ecclésiale — pour utiliser un mot grec — est tout d’abord un caractère invisible, réalisé par l’Esprit Saint qui la rend une — en tant que principe d’unité de l’Eglise — (cf. Unitatis Redintegratio,
UR 2). Mais il y a aussi un élément visible ; en effet, cette unité, selon la volonté du Christ, se manifeste harmonieusement à l’extérieur dans l’Eglise locale autour de son évêque et dans l’Eglise universelle autour du successeur du bienheureux Pierre que le Seigneur a constitué pierre, gardien des clefs de son Eglise (Mt 16,18-19) et pasteur de tout son troupeau (Jn 21,15-17).

Dans un sentiment de gratitude envers Dieu pour ces brefs instants qui nous permettent de jouir plus ardemment de cette communion ecclésiale, il nous plaît de nous arrêter un peu pour considérer avec vous les conditions de vos communautés catholiques particulièrement en ces temps difficiles qu’elles traversent. Nous désirons vous affermir dans le service apostolique que vous aurez à assumer. Une rencontre semblable aura lieu ensuite entre vous et nos collaborateurs des différents Dicastères de la Curie Romaine auxquels vous soumettrez vos rapports d’activité pastorale et avec qui vous tiendrez conseil sur l’avenir de cette action pastorale.

Il nous appartient de vous exhorter avec bonté à poursuivre courageusement votre administration ecclésiastique dans les territoires que vous gouvernez en qualité, d’administrateurs apostoliques, en notre nom et sous notre autorité, mais revêtus de tous les pouvoirs et astreints à toutes les obligations qui sont ceux des évêques résidents. De fait, une bonne organisation du soin des âmes demande que l’évêque soit aidé par un conseil épiscopal et que ce conseil soit effectif puisqu’il comporte différents services et qu’il doit diriger et harmoniser, coordonner convenablement les formes de vie apostolique des prêtres, des religieux, des religieuses ainsi que la coopération des laïcs dans de si nombreux domaines de l’action. de l’Eglise.

Nous vous demandons d’une façon particulière de ne jamais diminuer les efforts assidus et compétents que vous apportez à la catéchèse qui doit être dispensée à tous les ordres de fidèles du Christ. Comme vous le savez, la récente assemblée du Synode général des évêques a proposé comme une urgence l’oeuvre d’instruction dans la foi des baptisés, surtout les enfants et les jeunes, bien que de graves difficultés entravent parfois l’exercice de ce droit et de ce devoir de l’Eglise, difficultés qui ne peuvent être complètement abolies. Votre Délégué à cette assemblée, notre vénérable Frère Joachim Meisner, évêque auxiliaire de l’administrateur apostolique d’Erfurt-Meiningen, vous a fait ou vous fera le rapport des conclusions des délibérations du Synode et des orientations qui en sont issues.

Nous-même nous vous encourageons à vous pencher sur cet apostolat catéchétique avec la plus grande énergie, qu’il s’agisse des enfants des jeunes ou des adultes. Il faut que vous puissiez promouvoir à leur service une action pastorale, y compris au plan de la doctrine et de la culture chrétienne (Directoire général de catéchèse, n. 97 ; AAS 64, 1972, p. 156).

Nous vous demandons aussi d’assister avec un zèle infatigable et un amour paternel les adolescents qui se préparent au sacerdoce dans les trois collèges destinés à leur formation dans les limites des territoires de vos juridictions, c’est-à-dire le séminaire régional d’Erfurt, l’oeuvre St Norbert de Magdeburg et le séminaire de Huysburg. Et puisque cette occasion se présente, nous vous prions de porter notre salut et notre bénédiction aux élèves de ces séminaires et de les assurer de notre souvenir fréquent dans la prière. Nous prions, en effet, pour qu’ils se préparent dignement à leurs charges futures et pour qu’en temps voulu leurs évêques les trouvent prêts à se dévouer au service de Dieu et au ministère de l’Eglise.

Vénérables Frères, à votre retour dans vos belles régions, continuez nous vous le demandons, à remplir votre service épiscopal avec ardeur, bien que la difficulté des temps y fasse obstacle. Que, sur votre route, les normes du Concile Vatican II soient comme une lumière radieuse selon le décret qui y est inclus sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise. Et, à propos, nous voulons mettre particulièrement en lumière la doctrine du second chapitre du décret sur le devoir d’enseigner, de sanctifier et de gouverner la portion du peuple de Dieu, confiée à chacun d’entre vous.

Quant à nous qu’il nous suffise de vous confirmer par nos prières: nous supplions Dieu que par la Vierge Marie, reine des apôtres et par l’intercession de vos saints du ciel, surtout saint Norbert, archevêque de Magdeburg, de vous affermir et de vous consoler dans votre dur labeur quotidien.

Que notre bénédiction apostolique soit l’augure et le gage de ces dons célestes : nous vous la donnons de tout coeur, à vous, vénérables frères, aux prêtres qui sont associés à votre labeur, aux religieux des deux sexes et à tous les fidèles dont vous avez la charge pastorale.






Discours 1977 104