Sacramentum carit. FR 48

La prière eucharistique

48 La prière eucharistique est « le centre et le sommet de toute la célébration ». (145) Son importance mérite d'être soulignée de manière appropriée. Les différentes prières eucharistiques contenues dans le Missel nous sont parvenues par la Tradition vivante de l'Église et elles se caractérisent par une richesse théologique et spirituelle inépuisable. Les fidèles doivent être en mesure de l'apprécier. La Présentation générale du Missel romain nous aide à le faire, nous rappelant les éléments fondamentaux de chaque prière eucharistique: action de grâce, acclamation, épiclèse, récit de l'institution, consécration, anamnèse, offrande, intercession et doxologie finale. (146) En particulier, la spiritualité eucharistique et la réflexion théologique sont mises en lumière si l'on contemple la profonde unité dans l'anaphore entre l'invocation de l'Esprit Saint et le récit de l'institution, (147) où « s'accomplit le sacrifice que le Christ lui-même institua à la dernière Cène ». (148) En effet, « par des invocations particulières, l'Église invoque la puissance de l'Esprit Saint, pour que les dons offerts par les hommes soient consacrés, c'est-à-dire deviennent le Corps et le Sang du Christ, et pour que la victime sans tache, que l'on reçoit dans la communion, contribue au salut de ceux qui vont y participer ». (149)

(145) Présentation générale du Missel romain, n. 54.
(146) Cf. ibidem, n. 55.
(147) Cf. Proposition 22.
(148) Présentation générale du Missel romain, n. 55 d.
(149) Ibidem, n. 55 c.

Le geste de paix

49 L'Eucharistie est par nature Sacrement de la paix. Cette dimension du Mystère eucharistique trouve dans la célébration liturgique une expression spécifique par le rite de l'échange de la paix. C'est sans aucun doute un signe de grande valeur (cf. Jn 14,27). À notre époque, si terriblement éprouvée par le poids des conflits, ce geste prend, même du point de vue de la sensibilité commune, un relief particulier en ce que l'Église considère toujours plus comme sa tâche propre, à savoir d'implorer du Seigneur le don de la paix et de l'unité pour elle-même et pour la famille humaine tout entière. La paix est certainement une aspiration irrépressible, présente dans le coeur de chacun. L'Église se fait la voix de la demande de paix et de réconciliation qui monte de l'esprit de toute personne de bonne volonté, en la faisant se tourner vers Celui qui « est notre paix » (Ep 2,14) et qui peut réconcilier peuples et personnes, même là où les tentatives humaines échouent. À partir de tout cela, on comprend l'intensité avec laquelle le rite de la paix est ressenti dans la Célébration liturgique. À ce propos, durant le Synode des Évêques, il a paru toutefois opportun de modérer ce geste, qui peut prendre des expressions excessives, suscitant un peu de confusion dans l'assemblée juste avant la Communion. Il est bon de rappeler que la sobriété nécessaire pour maintenir un climat adapté à la célébration, par exemple en limitant l'échange de la paix avec la personne la plus proche, n'enlève rien à la haute valeur du geste.(150)

(150) Tenant compte des coutumes antiques et vénérables et des désirs exprimés par les Pères synodaux, j'ai demandé aux Dicastères compétents d'étudier la possibilité de placer le geste de paix à un autre moment, par exemple avant la présentation des dons à l'autel. Ce choix, d'autre part, ne manquerait pas de rappeler de manière significative l'avertissement du Seigneur sur la réconciliation requise avant toute offrande à Dieu (cf. Mt 5,23s). Cf. Proposition 23.

Distribution et réception de l'Eucharistie

50 Un autre moment de la célébration auquel il est nécessaire de faire référence concerne la distribution et la réception de la sainte Communion. Je demande à tous, en particulier aux ministres ordonnés et aux personnes qui, préparées de manière appropriée et en cas de réelle nécessité, sont autorisées à exercer le ministère de la distribution de l'Eucharistie, de faire leur possible pour que le geste, dans sa simplicité, corresponde à sa valeur de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus dans le Sacrement. Pour ce qui est des prescriptions pour la pratique correcte, je renvoie aux documents récemment publiés. (151) Que toutes les communautés chrétiennes s'en tiennent fidèlement aux normes en vigueur, voyant en elles l'expression de la foi et de l'amour que tous doivent avoir pour ce sublime Sacrement. De plus, que l'on n'omette pas le temps précieux d'action de grâce après la Communion: outre l'exécution d'un chant opportun, il peut aussi être très utile de se recueillir en silence. (152)

À ce propos, je voudrais attirer l'attention sur un problème pastoral qu'il est fréquent de rencontrer de nos jours. Je fais référence au fait que, en certaines circonstances, comme par exemple lors de Messes célébrées à l'occasion de mariages, de funérailles ou d'événements analogues, participent à la célébration non seulement des fidèles pratiquants, mais aussi d'autres qui, malheureusement, ne s'approchent plus de l'autel depuis des années, ou qui peut-être se trouvent dans une situation de vie qui ne permet pas l'accès aux sacrements. Il arrive aussi que des personnes d'autres confessions chrétiennes ou même d'autres religions soient présentes. Des situations similaires se rencontrent dans des églises qui sont des buts de visite, surtout dans les grandes villes d'art. On comprend la nécessité de trouver alors des moyens brefs et incisifs pour rappeler à tous le sens de la communion sacramentelle et les conditions de sa réception. Là où se rencontrent des situations dans lesquelles il n'est pas possible de garantir la clarté qui s'impose sur le sens de l'Eucharistie, on doit évaluer l'opportunité de remplacer la célébration eucharistique par une célébration de la Parole de Dieu. (153)

(151) Cf. Cong. pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Instr. Redemptionis Sacramentum (25 mars 2004), nn. 80-96: AAS 96 (2004), pp. 574-577; La Documentation catholique 101 (2004), pp. 475-477.
(152) Cf. Proposition 34.
(153) Cf. Proposition 35.

L'envoi: « Ite, missa est\i »

51 Je voudrais souligner pour terminer ce que les Pères synodaux ont dit sur la salutation du renvoi à la fin de la célébration eucharistique. Après la bénédiction, le diacre ou le prêtre renvoie le peuple avec les paroles: Ite, missa est. Dans ce salut, il nous est donné de comprendre le rapport entre la Messe célébrée et la mission chrétienne dans le monde. Dans l'Antiquité, « missa» signifiait tout simplement « envoi » (dimissio). Dans l'usage chrétien, ce mot a trouvé une signification bien plus profonde. En réalité, l'expression « envoi » se transforme en « mission ». Ce salut exprime de manière synthétique la nature missionnaire de l'Église. Par conséquent, il est bon d'aider le peuple de Dieu à approfondir cette dimension constitutive de la vie ecclésiale, en s'inspirant de la liturgie. Dans cette perspective, pour la prière sur le peuple et pour la bénédiction finale, il peut être utile de disposer de textes dûment approuvés, qui expliquent ce lien. (154)

(154) Cf. Proposition 24.

Actuosa participatio

Participation authentique

52 Le Concile Vatican II avait opportunément voulu un développement particulier de la participation active, pleine et fructueuse du peuple de Dieu tout entier à la célébration eucharistique. (155) Le renouveau mis en oeuvre au cours de ces années a bien certainement favorisé des progrès notables dans la direction souhaitée par les Pères conciliaires. Nous ne devons pas cependant nous cacher qu'une certaine incompréhension, précisément sur le sens de cette participation, s'est parfois manifestée. Il convient par conséquent de dire clairement que, par ce mot, on n'entend pas faire référence à une simple attitude extérieure durant la célébration. En réalité, la participation active souhaitée par le Concile doit être comprise en termes plus substantiels, à partir d'une plus grande conscience du mystère qui est célébré et de sa relation avec l'existence quotidienne. Demeure encore totalement valable la recommandation de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium qui exhortait les fidèles à ne pas assister à la liturgie eucharistique « comme des spectateurs étrangers et muets », mais à participer « de façon consciente, pieuse et active à l'action sacrée ». (156) Développant la réflexion, le Concile poursuivait: que les fidèles « se laissent instruire par la Parole de Dieu, refassent leurs forces à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu, et qu'offrant la victime sans tache non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent ainsi à s'offrir eux-mêmes et soient conduits de jour en jour, par le Christ Médiateur, à la perfection de l'unité avec Dieu et de l'unité entre eux ». (157)

(155) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, nn.
SC 14-20 SC 30s; SC 48s; Cong. pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Instr. Redemptionis Sacramentum (25 mars 2004), nn. 36-42: AAS 96 (2004), pp. 561-564; La Documentation catholique 101 (2004), pp. 468-469.
(156) N. SC 48.
(157) Ibidem. SC 48

Participation et ministère sacerdotal

53 La beauté et l'harmonie de l'action liturgique trouvent une expression significative dans l'ordre par lequel chacun est appelé à participer de manière active. Cela comporte la reconnaissance des différents rôles hiérarchiques présents dans la célébration elle-même. Il est utile de rappeler que la participation active à la célébration ne coïncide pas en soi avec l'accomplissement d'un ministère particulier. Surtout, une confusion qui serait engendrée par l'incapacité de distinguer, dans la communion ecclésiale, les diverses tâches qui reviennent à chacun, ne sert pas la cause de la participation active des fidèles. (158) Il est en particulier nécessaire que soient clarifiées les tâches spécifiques du prêtre. Ce dernier est de manière irremplaçable, comme l'atteste la Tradition de l'Église, celui qui préside la célébration eucharistique tout entière, depuis le salut initial jusqu'à la bénédiction finale. En vertu de l'Ordre sacré qu'il a reçu, il représente Jésus Christ, chef de l'Église et, selon son mode propre, il représente aussi l'Église elle-même. (159) Toute célébration de l'Eucharistie est en effet dirigée par l'Évêque, « soit par lui-même, soit par les prêtres qui le secondent ». (160) Il est aidé par le diacre, qui accomplit dans la célébration certains rôles spécifiques: préparer l'autel et assister le prêtre, annoncer l'Évangile, éventuellement faire l'homélie, proposer aux fidèles les intentions de la prière universelle, distribuer l'Eucharistie aux fidèles. (161) En relation avec ces ministères, liés au sacrement de l'Ordre, on trouve aussi d'autres ministères liés au service liturgique, accomplis de manière appréciable par des religieux et par des laïcs formés. (162)

(158) Cf. Cong. pour le Clergé et autres Dicastères de la Curie romaine, Instruction sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres Ecclesiae de mysterio (15 août 1997): AAS 89 (1997), pp. 852-877; La Documentation catholique 94 (1997), pp. 1009-1020.
(159) Cf. Proposition 33.
(160) Présentation générale du Missel romain, n. 59.
(161) Cf. ibidem, n. 61.
(162) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n.
AA 24;Présentation générale du Missel romain, nn. 65-73; Congr. pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, Instr. Redemptionis Sacramentum (25 mars 2004), nn. 43-47: AAS 96 (2004), pp. 564-566; La Documentation catholique 101 (2004), p. 470; Proposition 33: « Ces ministères devront être introduits selon un mandat spécifique et selon les exigences réelles de la communauté qui célèbre. Les personnes chargées de ces services liturgiques confiés à des laïcs doivent être soigneusement choisies, bien préparées et accompagnées par une formation permanente. Leur nomination se fera pour un temps déterminé. Ces personnes doivent être connues par la communauté et elles doivent aussi recevoir d'elle une reconnaissance cordiale ».

Célébration eucharistique et inculturation

54 À partir des affirmations fondamentales du Concile Vatican II, l'importance de la participation active des fidèles au Sacrifice eucharistique a été plus d'une fois soulignée. Pour favoriser cette implication, on peut faire droit à certains aménagements appropriés aux divers contextes et aux différentes cultures. (163) Le fait qu'il y ait eu certains abus n'entache pas la clarté de ce principe, qui doit être maintenu selon les nécessités réelles de l'Église, qui vit et qui célèbre le même mystère du Christ dans des situations culturelles différentes. En effet, le Seigneur Jésus, précisément dans le mystère de l'Incarnation, naissant d'une femme comme homme parfait (cf. Ga 4,4), s'est mis en relation directe non seulement avec les attentes présentes dans l'Ancien Testament, mais aussi avec celles que nourrissent tous les peuples. De cette façon, il a montré que Dieu entend nous rejoindre dans notre contexte de vie. Par conséquent, pour une participation plus efficace des fidèles aux saints Mystères, la poursuite du processus d'inculturation dans le cadre de la célébration eucharistique est utile, compte tenu des possibilités d'adaptation offertes par la Présentation générale du Missel romain, (164) interprétées à la lumière des critères fixés par la IVe Instruction de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements Varietates legitimae du 25 janvier 1994, (165) et par les directives exprimées par le Pape Jean-Paul II dans les exhortations post-synodales Ecclesia in Africa, Ecclesia in America, Ecclesia in Asia, Ecclesia in Oceania, Ecclesia in Europa. (166) Dans ce but, je recommande aux Conférences épiscopales d'agir en favorisant le juste équilibre entre les critères et les directives qui existent déjà et les nouveaux aménagements, (167) toujours en accord avec le Siège apostolique.

(163) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, nn. SC 37-42.
(164) Cf. Présentation générale du Missel romain, Normes universelles de l'année liturgique, nn. 48-61.
(165) AAS 87 (1995), pp. 288-314; La Documentation catholique 91 (1994), pp. 435-446.
(166) Cf. Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), nn. : AAS88 (1996), pp. 33-47; La Documentation catholique 92 (1995), pp. 830-835. Exhort. apost. post- synodale Ecclesia in America (22 janvier 1999), nn. : AAS 91 (1999), pp. 752-753; 775-776; 799; 805-809; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 112; 121-122; 131; 134-135. Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Asia (6 novembre 1999), nn. : AAS92 (2000), pp. 482-487; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 990-991. Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Oceania (22 novembre 2001), n. 16: AAS 94 (2002), pp. 382-384; La Documentation catholique 98 (2001), pp. 1082-1083. Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Europa (28 juin 2003), nn. 58-60: AAS 95 (2003), pp. 685-686; La Documentation catholique100 (2003), p. 689.
(167) Cf. Proposition 26.

Conditions personnelles pour une « actuosa participatio »

55 Considérant le thème de l'actuosa participatio des fidèles au rite sacré, les Pères synodaux ont mis aussi en relief les conditions personnelles dans lesquelles doit se trouver tout fidèle pour une participation fructueuse. (168) L'une d'elles est assurément l'esprit de constante conversion qui doit caractériser la vie de tous les fidèles. On ne peut attendre une participation active à la liturgie eucharistique si l'on s'en approche de manière superficielle, sans s'interroger auparavant sur sa propre vie. Le recueillement et le silence, au moins quelques minutes avant le début de la liturgie, le jeûne et, lorsque cela est nécessaire, la Confession sacramentelle, favorisent, par exemple, cette disposition intérieure. Un coeur réconcilié avec Dieu permet la vraie participation. Il convient en particulier de rappeler aux fidèles le fait qu'une actuosa participatio aux saints Mystères ne peut pas se réaliser si l'on ne cherche pas en même temps à prendre une part active à la vie ecclésiale dans son intégralité, qui comprend aussi l'engagement missionnaire de porter l'amour du Christ dans la société.

Sans aucun doute, la pleine participation à l'Eucharistie se réalise quand on s'approche aussi personnellement de l'autel pour recevoir la Communion. (169) Toutefois, on doit veiller à ce que cette juste affirmation n'introduise pas parmi les fidèles un certain automatisme, comme si par le seul fait de se trouver dans une église durant la liturgie on avait le droit ou peut-être même le devoir de s'approcher de la Table eucharistique. Quand il n'est pas possible de s'approcher de la communion sacramentelle, la participation à la Messe demeure cependant nécessaire, valable, significative et fructueuse. Dans ces circonstances, il est bon de cultiver le désir de la pleine union avec le Christ, par exemple par la pratique de la communion spirituelle, rappelée par Jean-Paul II (170) et recommandée par de Saints maîtres de vie spirituelle. (171)

(168) Cf. Proposition 35; Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n.
SC 11.
(169) Cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. CEC 1388; Conc. oecum. Vat. II, Const.Sacrosanctum Concilium, n. SC 55.
(170) Cf. Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. EE 34: AAS 95 (2003), p. 456; La Documentation catholique 100 (2003), p. 380.
(171) Tels, par exemple, S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, III 80,1 III 80,2; S. Thérèse de Jésus, Le chemin de la perfection, ch. CV 35. La doctrine a été confirmée avec autorité par le Concile de Trente, sess. XIII, c. VIII.

Participation des chrétiens non catholiques

56 Avec le thème de la participation, nous avons inévitablement à traiter la question des chrétiens appartenant à des Églises ou à des Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique. À ce sujet, on doit dire que, d'une part, le lien intrinsèque existant entre l'Eucharistie et l'unité de l'Église nous fait désirer ardemment le jour où nous pourrons célébrer la divine Eucharistie avec tous ceux qui croient au Christ et exprimer ainsi visiblement la plénitude de l'unité que le Christ a voulue pour ses disciples (cf. Jn 17,21). D'autre part, le respect que nous devons au sacrement du Corps et du Sang du Christ nous empêche d'en faire un simple « moyen » à utiliser sans discrimination pour atteindre cette unité elle-même. (172) L'Eucharistie, en effet, ne manifeste pas seulement notre communion personnelle avec Jésus Christ, mais elle implique aussi la pleine communio avec l'Église. C'est donc là le motif pour lequel nous demandons, avec souffrance, mais non sans espérance, aux chrétiens non catholiques de comprendre et de respecter notre conviction qui se réfère à la Bible et à la Tradition. Nous considérons que la Communion eucharistique et la communion ecclésiale sont si intimement liées que cela rend généralement impossible, pour les chrétiens non catholiques, d'accéder à l'une sans jouir de l'autre. Une concélébration véritable avec les ministres d'Églises ou de Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique serait plus encore privée de sens. Il reste vrai toutefois qu'en vue du salut éternel, il est possible d'admettre des chrétiens non catholiques individuellement à l'Eucharistie, au sacrement de la Pénitence et à l'Onction des malades. Cela suppose cependant de vérifier qu'il s'agit de situations déterminées et exceptionnelles selon des conditions précises. (173) Elles sont clairement indiquées dans le Catéchisme de l'Église catholique (174) et dans son Abrégé.(175) C'est le devoir de chacun de s'y tenir fidèlement.

(172) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. UUS 8: AAS 87 (1995), pp. 925-926;La Documentation catholique 92 (1995), p. 569.
(173) Cf. Proposition 41; Conc. oecum. Vat. II, Décret sur l'oecuménisme Unitatis redintegratio, nn. UR 8 UR 15; Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. UUS 46: AAS 87 (1995), p. 948; La Documentation catholique 92 (1995), p. 580; Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), nn. EE 45-46: AAS 95 (2003), pp. 463-464; La Documentation catholique 100 (2003), pp. 383-384. Code de Droit canonique, can. CIC 844 §§ 3-4; Code des Canons des Églises orientales, can. CIO 671 §§ 3-4; Conseil pont. pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, Directoire pour l'application des Principes et des Normes sur l'oecuménisme (25 mars 1993), nn. 125, 129-131: AAS 85 (1993), pp. 1087, 1088-1089; La Documentation catholique 90 (1993), pp. 630- 631.
(174) Cf., nn. CEC 1398-1401.
(175) Cf. n. 293.

Participation par les moyens de communication

57 En raison du développement formidable des moyens de communication, au cours des dernières décennies, le mot « participation » a acquis une signification plus ample que dans le passé. Nous reconnaissons tous avec satisfaction que ces instruments offrent aussi de nouvelles possibilités pour la célébration eucharistique. (176) Cela requiert des agents pastoraux de ce secteur une préparation spécifique et un vif sens de la responsabilité. En effet, la Messe transmise à la télévision prend inévitablement un certain caractère d'exemplarité. On doit donc être particulièrement attentif à ce que la célébration, non seulement se déroule dans des lieux dignes et bien préparés, mais respecte les normes liturgiques.

Enfin, pour ce qui concerne la valeur de la participation à la Messe, rendue possible par les moyens de communication, celui qui assiste à ces retransmissions doit savoir que, dans des conditions normales, il ne satisfait pas au précepte dominical. En effet, le langage de l'image représente la réalité, mais il ne la reproduit pas en elle-même. (177) S'il est très louable que les personnes âgées et les malades participent à la Messe dominicale par les retransmissions radio-télévisées, on ne pourrait en dire autant de celui qui, par ces retransmissions, voudrait se dispenser de se rendre à l'église pour participer à la célébration eucharistique dans l'assemblée de l'Église vivante.

(176) Cf. Conseil pont. pour les Communications sociales, Instr. past. sur les communications sociales pour le 20(e )anniversaire de « Communio et progressio », Aetatis novae (22 février 1992): AAS 84 (1992), pp. 447-468; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 359-367.
(177) Cf. Proposition 29.

« Actuosa participatio » des malades

58 Considérant la condition de ceux qui, pour des raisons de santé ou d'âge, ne peuvent pas se rendre dans les lieux de culte, je voudrais attirer l'attention de toute la communauté ecclésiale sur la nécessité pastorale d'assurer l'assistance spirituelle aux malades, à ceux qui restent chez eux ou qui se trouvent à l'hôpital. À plusieurs reprises au cours du Synode des Évêques leur condition a été mentionnée. Il faut faire en sorte que nos frères et soeurs puissent s'approcher fréquemment de la communion sacramentelle. Renforçant de cette façon leur relation avec le Christ crucifié et ressuscité, ils pourront ressentir leur existence comme pleinement insérée dans la vie et dans la mission de l'Église par l'offrande de leur souffrance en union avec le sacrifice de notre Seigneur. Une attention particulière doit être réservée aux personnes handicapées; là où leur condition le leur permet, la communauté chrétienne doit favoriser leur participation à la célébration dans le lieu de culte. À ce propos, on fera en sorte d'enlever des lieux de culte d'éventuels obstacles architecturaux qui empêchent l'accès aux personnes handicapées. Enfin, la communion eucharistique doit aussi être assurée, autant que possible, aux handicapés mentaux, baptisés et confirmés: ils reçoivent l'Eucharistie dans la foi également de leur famille ou de la communauté qui les accompagne. (178)

(178) Cf. Proposition 44.

L'attention aux prisonniers

59 La tradition spirituelle de l'Église, se fondant sur une parole précise du Christ (cf. Mt 25,36), a reconnu dans la visite aux prisonniers l'une des oeuvres de miséricorde corporelle. Les personnes qui se trouvent dans cette situation ont particulièrement besoin d'être visitées par le Seigneur lui-même dans le sacrement de l'Eucharistie. Faire l'expérience de la proximité de la communauté ecclésiale, participer à l'Eucharistie et recevoir la sainte Communion dans une période de la vie si particulière et si douloureuse peut certainement contribuer à la qualité de son propre cheminement de foi et favoriser la pleine réinsertion sociale de la personne. Interprétant les désirs exprimés par l'assemblée synodale, je demande aux diocèses de faire en sorte que, dans les limites du possible, il y ait un investissement approprié de forces dans l'activité pastorale concernant l'assistance spirituelle des détenus. (179)

(179) Cf. Proposition 48.

Les migrants et la participation à l'Eucharistie

60 Abordant le problème des personnes qui, pour divers motifs, sont contraintes à laisser leur terre, le Synode a exprimé sa particulière gratitude envers ceux qui sont engagés dans l'assistance pastorale des migrants. Dans ce contexte, une attention spécifique doit être portée aux migrants qui appartiennent aux Églises catholiques orientales et pour lesquels, à l'éloignement de chez eux, s'ajoute la difficulté de ne pas pouvoir participer à la liturgie eucharistique selon leur rite d'appartenance. C'est pourquoi, là où c'est possible, on doit leur accorder d'être assistés par des prêtres de leur rite. En tout cas, je demande aux Évêques d'accueillir ces frères dans la charité du Christ. La rencontre entre fidèles de rites différents peut aussi devenir une occasion d'enrichissement mutuel. Je pense en particulier au bénéfice qui peut découler, surtout pour le clergé, de la connaissance des diverses traditions. (180)

(180) Cette connaissance peut aussi être effectuée au cours des années de formation des candidats au sacerdoce, dans le séminaire, à travers des initiatives opportunes: cf. Proposition 45.

Les grandes concélébrations

61 L'assemblée synodale a pris en considération la qualité de la participation dans les grandes célébrations qui se déroulent dans des circonstances particulières, où il y a aussi, en plus d'un grand nombre de fidèles, beaucoup de prêtres concélébrants. (181) Il est facile, d'une part, de reconnaître la valeur de ces moments, spécialement quand c'est l'Évêque qui préside entouré de son presbytérium et des diacres. D'autre part, en de telles circonstances, des problèmes peuvent se poser quant à l'expression visible de l'unité du presbytérium, spécialement dans la prière eucharistique, et quant à la distribution de la sainte Communion. On doit éviter que ces grandes concélébrations ne créent la dispersion. On pourvoira à cela par des moyens de coordination appropriés et en installant le lieu de culte de manière à permettre aux prêtres et aux fidèles une participation pleine et réelle. Il faut donc se souvenir qu'il s'agit de concélébrations à caractère exceptionnel et limitées à des situations extraordinaires.

(181) Cf. Proposition 37.

La langue latine

62 Ce qui vient d'être dit ne doit pas, toutefois, cacher la valeur de ces grandes liturgies. Je pense en ce moment, en particulier, aux célébrations qui ont lieu durant des rencontres internationales, aujourd'hui toujours plus fréquentes. Elles doivent justement être mises en valeur. Pour mieux exprimer l'unité et l'universalité de l'Église, je voudrais recommander ce qui a été suggéré par le Synode des Évêques, en harmonie avec les directives du Concile Vatican II: (182) excepté les lectures, l'homélie et la prière des fidèles, il est bon que ces célébrations soient en langue latine; et donc que soient récitées en latin les prières les plus connues (183) de la tradition de l'Église et éventuellement que soient exécutés des pièces de chant grégorien. De façon plus générale, je demande que les futurs prêtres, dès le temps du séminaire, soient préparés à comprendre et à célébrer la Messe en latin, ainsi qu'à utiliser des textes latins et à utiliser le chant grégorien; on ne négligera pas la possibilité d'éduquer les fidèles eux-mêmes à la connaissance des prières les plus communes en latin, ainsi qu'au chant en grégorien de certaines parties de la liturgie. (184)

(182) Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, nn.
SC 36 SC 54.
(183) Proposition 36.
(184) Cf. ibidem.

Célébrations eucharistiques en petits groupes

63 Une situation très différente est créée dans certaines circonstances pastorales où, justement pour une participation plus consciente, plus active et plus fructueuse, les célébrations en petits groupes sont favorisées. Tout en reconnaissant la valeur formatrice sous-jacente à ces choix, il est nécessaire de préciser qu'ils doivent être harmonisés avec l'ensemble de la proposition pastorale du diocèse. En effet, ces expériences perdraient leur caractère pédagogique si elles donnaient l'impression d'être en opposition ou en parallèle avec la vie de l'Église particulière. À ce sujet, le Synode a souligné quelques critères auxquels se conformer: les petits groupes doivent servir à unifier la communauté, non à la fragmenter; cela doit trouver confirmation dans la pratique concrète; ces groupes doivent favoriser la participation fructueuse de l'assemblée tout entière et préserver le plus possible l'unité de la vie liturgique dans chaque famille. (185)

(185) Cf. Proposition 32.


Participation intériorisée à la célébration

Catéchèse mystagogique

64 La grande tradition liturgique de l'Église nous enseigne qu'en vue d'une participation fructueuse, il est nécessaire de s'engager à correspondre personnellement au mystère qui est célébré, par l'offrande à Dieu de sa propre vie, unie au sacrifice du Christ pour le salut du monde entier. Pour cette raison, le Synode des Évêques a recommandé de s'assurer de l'accord profond des gestes et des paroles des fidèles avec leurs dispositions intérieures. Si cela faisait défaut, nos célébrations, bien que vivantes, s'exposeraient à la dérive du ritualisme. C'est pourquoi il faut promouvoir une éducation de la foi eucharistique qui dispose les fidèles à vivre personnellement ce qu'ils célèbrent. Face à l'importance essentielle de cette participatiopersonnelle et consciente, quels peuvent être les instruments de formation appropriés? À l'unanimité, les Pères synodaux ont indiqué, à ce sujet, la voie d'une catéchèse à caractère mystagogique, qui pousse les fidèles à entrer toujours mieux dans les mystères qui sont célébrés. (186) En particulier, concernant la relation entre l'ars celebrandi et l'actuosa participatio, on doit avant tout affirmer que « la meilleure catéchèse sur l'Eucharistie est l'Eucharistie elle-même bien célébrée ». (187) En effet, de par sa nature, la liturgie a son efficacité pédagogique propre pour introduire les fidèles à la connaissance du mystère célébré. Toujours à ce sujet, dans la tradition la plus antique de l'Église, le chemin de formation du chrétien, sans négliger l'intelligence organique du contenu de la foi, comportait toujours un caractère d'initiation où la rencontre vivante et persuasive avec le Christ, annoncé par des témoins authentiques, était déterminante. En ce sens, celui qui introduit aux mystères est avant tout le témoin. Cette rencontre s'approfondit assurément dans la catéchèse et elle trouve sa source et son sommet dans la célébration de l'Eucharistie. De cette structure fondamentale de l'expérience chrétienne, naît l'exigence d'un itinéraire mystagogique, dans lequel trois éléments doivent toujours être présents:

a) Il s'agit d'abord de l'interprétation des rites à la lumière des événements salvifiques, conformément à la tradition vivante de l'Église. En effet, la célébration de l'Eucharistie, dans son infinie richesse, contient de continuelles références à l'histoire du salut. Dans le Christ crucifié et ressuscité, il nous est donné de célébrer vraiment le centre qui récapitule toute la réalité (cf.
Ep 1,10). Depuis ses origines, la communauté chrétienne a lu les événements de la vie de Jésus, en particulier le mystère pascal, en relation avec toute l'histoire vétéro-testamentaire.

b) La catéchèse mystagogique devra, par ailleurs, se préoccuper d'introduire au sens des signescontenus dans les rites. Ce devoir est particulièrement urgent à une époque fortement technicisée comme la nôtre, où il existe un risque de perdre la capacité de percevoir les signes et les symboles. Plutôt que d'informer, la catéchèse mystagogique devra réveiller et éduquer la sensibilité des fidèles au langage des signes et des gestes qui, associés à la parole, constituent le rite.

c) Enfin, la catéchèse mystagogique doit se préoccuper de montrer la signification des rites en relation avec la vie chrétienne dans toutes ses dimensions, travail et engagement, réflexion et sentiments, activité et repos. Mettre en évidence le lien des mystères célébrés dans le rite avec la responsabilité missionnaire des fidèles fait partie de cet itinéraire mystagogique. En ce sens, le résultat final de la mystagogie est la conscience que sa propre existence est progressivement transformée par la célébration des saints Mystères. De fait, le but de toute l'éducation chrétienne est de former le fidèle, comme « homme nouveau », à une foi adulte, qui le rend capable de témoigner dans son milieu de l'espérance chrétienne qui l'anime.

Pour pouvoir accomplir, au sein de nos communautés ecclésiales, une telle tâche éducative, il faut disposer de formateurs préparés de manière appropriée. Le peuple chrétien tout entier doit assurément se sentir engagé dans cette formation. Toute communauté chrétienne est appelée à être un lieu d'introduction pédagogique aux mystères qui se célèbrent dans la foi. À cet égard, durant le Synode, les Pères ont souligné l'opportunité d'une plus forte implication des Communautés de vie consacrée, des mouvements et des groupes qui, en vertu de leur charisme propre, peuvent offrir un nouvel élan à la formation chrétienne. (188) En notre temps aussi, l'Esprit Saint répand largement ses dons pour soutenir la mission apostolique de l'Église, à laquelle il revient de diffuser la foi et de l'éduquer jusqu'à sa pleine maturité. (189)

(186) Cf. Proposition 14.
(187) Proposition 19.
(188) Cf. Proposition 14.
(189) Cf. Benoît XVI, Homélie pour les premières Vêpres de la Pentecôte (3 juin 2006): AAS 98 (2006), p. 509; La Documentation catholique 103 (2006), pp. 625-626.


Sacramentum carit. FR 48