Sacrosanctum Concilium 2


SESSION III 4 décembre 1963


Constitution sur la sainte liturgie

1 Comme le saint Concile se propose de faire croître toujours davantage la vie chrétienne parmi les fidèles, de mieux adapter aux besoins de notre époque celles des institutions qui sont soumises à des changements, de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et de donner plus de force à tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il est de son devoir, à un titre tout particulier, de s’appliquer à restaurer et à promouvoir la liturgie.


2 En effet, la liturgie, par laquelle, principalement dans le divin sacrifice de l’Eucharistie, « s’exerce l’oeuvre de notre rédemption 1 », contribue au plus haut point à ce que les fidèles, en la vivant, expriment et manifestent aux autres le mystère et la nature authentique de la véritable Église, dont le propre est d’être à la fois humaine et divine, visible et dotée de dons invisibles, pleine d’ardeur dans l’action et adonnée à la contemplation, présente dans le monde et cependant en chemin ; mais cela de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est ordonné et est soumis à ce qui est divin, ce qui est visible, à l’invisible, ce qui est action, à la contemplation et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons 2. Par conséquent, comme la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans en temple saint dans le Seigneur, en habitation de Dieu dans l’Esprit  3, jusqu’à la taille de la plénitude du Christ  4, elle affermit en même temps, de façon admirable, leurs forces en vue de la proclamation du Christ, et, ainsi, elle montre l’Église à ceux qui sont au-dehors comme un signe levé sur les nations 5, sous lequel les enfants de Dieu dispersés sont destinés à se rassembler dans l’unité6 jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur7.

1 Missel romain, secrète du IXe dimanche après la Pentecôte.
2 Cf. He 13, 14.
3 Cf. Ep 2, 21-22.
4 Cf. Ep 4, 12.
5 Cf. Is 11, 12.
6 Cf. Jn 11, 52.
7 Cf. Jn 10, 16.


3 C’est pourquoi le saint Concile juge que pour assurer le progrès et la restauration de la liturgie, il faut rappeler les principes et fixer les normes pratiques qui suivent.

Parmi ces principes et ces normes, il en existe un certain nombre qui peuvent et doivent être appliqués aussi bien au rite romain qu’à tous les autres rites, bien que les normes pratiques qui suivent soient a comprendre comme concernant le seul rite romain, à moins qu’il ne s’agisse de ce qui, put la nature même des choses, affecte aussi les autres rites.


4 Enfin, obéissant fidèlement a la Tradition, le saint Concile déclare que la sainte Mère l’Église tient pour égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus et qu’elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes les façons, et il souhaite que, là où le besoin existe, ils soient révisés entièrement avec prudence, dans l’esprit d’une saine tradition, et qu’une nouvelle vigueur leur soit donnée, en fonction des circonstances et des besoins d’aujourd’hui.


Chapitre I. Principes généraux pour restaurer et promouvoir la liturgie


I. Nature de la sainte liturgie et son importance dans la vie de l'Eglise

5 Dieu, qui « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4), « qui jadis avait parlé bien des fois et de bien des manières à nos pères par les prophètes » (He 1,1), lorsque vint la plénitude des temps, envoya son Fils, le Verbe fait chair, oint par le Saint-Esprit, pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir les coeurs meurtris 8, comme « médecin charnel et spirituel9 », le Médiateur entre Dieu et les hommes 10. En effet, l’humanité de celui-ci, dans l’unité de la personne du Verbe, fut l’instrument de notre salut. C’est pourquoi dans le Christ « s’est présentée la parfaite rançon de notre réconciliation et en lui la plénitude du culte divin a été introduite parmi nous 11 ».

Cette oeuvre de la rédemption des hommes et de la parfaite glorification de Dieu, à laquelle avaient préludé les hauts faits de Dieu au profit du peuple de l’Ancien Testament, le Christ Seigneur l’a accomplie, principalement par le mystère pascal de sa bienheureuse passion, de sa résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse ascension, mystère par lequel « en mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il a restauré la vie 12 ». C’est en effet du côté du Christ endormi sur la croix qu’est né « l’admirable sacrement de l’Église tout entière 13».

8 Cf. Is 61, 1 ; Lc 4, 18.
9 Ignace d’Antioche, Ad Eph 7, 7 (éd. X. Funk, Patres Apostolici, I, Tübingen, 1901, p. 218 ; SC 10).
10 Cf. 1 Tm 2, 5.
11 Sacramentaire de Vérone (Leonianum), éd. Mohlberg, Rome, 1956, n° 1265, p. 162.
12 Missel romain, préface de Phium.
13 Cf. Augustin, Enarr in Ps 138, 2, CCL 40, 1956, p. 1991 et oraison suivant la 2e lecture du Samedi saint, dans le Missel romain, avant la réforme de la Semaine sainte.


6 C’est pourquoi, de même que le Christ a été envoyé par le Père, de même lui-même, à son tour, envoya les apôtres, remplis de l’Esprit Saint, non seulement afin que, proclamant l’Évangile à toute créature 14, ils annoncent que le Fils de Dieu, par sa mort et sa résurrection, nous a libérés du pouvoir de Satan 15 et de la mort et nous a transférés dans le royaume du Père, mais aussi afin qu’ils exercent cette oeuvre de salut, qu’ils annonçaient, par le sacrifice et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique. Ainsi, par le baptême, les hommes sont insérés dans le mystère pascal du Christ : morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui16 ; ils reçoivent l’esprit d’adoption des fils, « dans lequel nous crions : Abba Père » (Rm 8,15), et de cette façon ils deviennent les vrais adorateurs que cherche le Père 17. De la même manière, chaque fois qu’ils mangent la Cène du Seigneur, ils annoncent sa mort jusqu’à ce qu’il vienne 18. C’est pourquoi, le jour même de la Pentecôte où l’Église apparut au monde, « ceux qui accueillirent la parole » de Pierre « furent baptisés ». Et ils étaient « assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion dans la fraction du pain et aux prières [...] louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple » (Ac 2,41-42 Ac 2,47). Jamais depuis lors l’Église n’omit de se réunir en commun pour célébrer le mystère pascal : en lisant « dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,27), en célébrant l’Eucharistie dans laquelle « sont rendus présents la victoire et le triomphe de sa mort19 », et, en même temps, en rendant grâces « à Dieu pour son don ineffable » (2Co 9,15) dans le Christ Jésus, « pour la louange de sa gloire » (Ep 1,12) par la puissance de l’Esprit Saint.

14 Cf. Mc 16, 15.
15 Cf. Ac 26, 18.
16 Cf. Rm 6, 4 ; Ep 2, 6 ; Col 3. 1 ; 2 Tm 2, 11.
17 Cf. Jn 4, 23.
18 Cf. 1 Co 11,26.
19 Concile de Trente, Sess XIII, 11 oct. 1551, décr. De ss Eucharist., chap. 5, CT, Diariorum, Actorum, Epistularum, Tractatuum nova collectio, éd. Goerresgesellschaft, t. VII, Actorum pars IV, Fribourg-en-Brisgau, 1961, p. 202 (voir plus haut p. 696, 4).


7 Pour accomplir une si grande oeuvre, le Christ est toujours présent à son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, dans la personne du ministre, « le même, qui s’offrant maintenant par le ministère des prêtres 20, s’offrit alors lui-même sur la croix », et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est là présent, par sa puissance, dans les sacrements, si bien que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise 21. Il est là présent dans sa parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l’Église les saintes Écritures. Enfin, il est là présent quand l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20).

De fait, pour une si grande oeuvre, par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Église, son épouse bien-aimée, qui invoque son Seigneur et qui, par la médiation de celui-ci, rend son culte au Père éternel.

La liturgie est donc considérée à juste titre comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’entre eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, à savoir par le Chef et par ses membres. J

Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’oeuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence, dont nulle autre action de l’Église n’égale l’efficacité au même titre et au même degré.

20 Concile de Treme, Ses». XXII, 17 sept. 1562, doctr. De ss. Missae sacrificio, chap. 2, CT, éd. cit., t. VIII, Actorum pars V, Fribourg-en-Brisgau, 1919, p. 960.
21 Cf. Augustin, In Joannis Evangelium Tractatus VI, chap. I, n° 7, PL 35, 1428 ; CCL 36.


8 Dans la liturgie terrestre nous participons, en y goûtant par avance, à cette liturgie céleste qui est célébrée dans la sainte cité de Jérusalem vers laquelle nous tendons dans notre pèlerinage, et où le Christ est assis à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et de la vraie tente22 ; avec toute la milice de l’armée céleste nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, jusqu’à ce que lui-même, qui est notre vie, se manifeste et que nous soyons manifestés nous-mêmes avec lui dans la gloire 2\

22 Cf. Ap 21, 2 ; Col 3, 1 ; He 8, 2.


9 La sainte liturgie n’épuise pas toute l’action de l’Église ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés à la foi et à la conversion : « Comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Comment croiront-ils en lui sans l’avoir entendu ? Comment l’entendront-ils sans celui qui le proclame ? Comment le proclameront-ils sans être envoyés ? » (Rm 10,14-15).

C’est pourquoi l’Église annonce aux non-croyants le kérygme du salut, pour que tous les hommes connaissent le seul vrai Dieu et Celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ, et pour qu’ils se détournent de leurs voies, en faisant pénitence24. Mais aux croyants, elle doit toujours prêcher la foi et la pénitence ; en outre, elle doit les disposer aux sacrements, leur enseigner à observer tout ce que le Christ a prescrit25, et les amener à pratiquer toutes les oeuvres de charité, de pitié et d’apostolat, afin de rendre manifeste par ces oeuvres que, tout en n’étant pas de ce monde, les chrétiens sont cependant la lumière du monde et qu’ils rendent gloire au Père devant les hommes.

23 Cf. Ph 3, 20; Col 3, 4.
24 Cf. Jn 17, 3 ; Lc 24, 47 ; Ac 2, 38
25 Cf. 28, 20.


10 Toutefois, la liturgie est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. En effet, le travail apostolique est ordonné à ce que tous, devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de l’Église, participent au sacrifice et prennent le repas du Seigneur.

En retour, la liturgie elle-même pousse les fidèles rassasiés des « mystères de la Pâque » à être d’un « seul coeur dans la piété26 » ; elle prie pour « qu’ils gardent dans leur vie ce qu’ils ont reçu dans la foi27 » ; et le renouvellement dans l’Eucharistie de l’alliance du Seigneur avec les hommes attire et enflamme les fidèles à la charité du Christ qui nous presse. C’est donc de la liturgie, et en premier lieu de l’Eucharistie, que, comme d’une source, la grâce découle en nous et que sont obtenues, avec la plus grande efficacité, cette sanctification des hommes et cette glorification de Dieu dans le Christ auxquelles tendent, comme à leur fin, toutes les autres oeuvres de l’Église.

26 Missel romain, postcommunion de la vigile pascale et du dimanche de Pâques.
27 Ibid., oraison du mardi de Pâques.


11 Cependant, pour que cette pleine efficacité soit obtenue, il faut que les fidèles s’approchent de la sainte liturgie avec les dispositions d’une âme droite, mettent en accord leur âme et leur voix, et coopèrent à la grâce qui vient d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain 28. C’est pourquoi les pasteurs ont le devoir de veiller attentivement non seulement à ce que dans l’action liturgique soient observées les lois pour une célébration valide et licite, mais aussi à ce que les fidèles participent à celle-ci de façon consciente, active et fructueuse.

28 Cf. 2 Co 6, 1.


12 Toutefois, la vie spirituelle n’est pas enfermée dans les limites de la participation à la seule sainte liturgie. Car le chrétien, appelé à prier en commun, doit néanmoins aussi entrer dans sa chambre pour prier le Père dans le secret29 et il doit même, selon l’enseignement de l’Apôtre, prier sans relâche 30. Et l’Apôtre nous enseigne aussi à toujours porter dans notre corps la mort de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste elle aussi dans notre chair mortelle31. C’est pourquoi, dans le sacrifice de la messe, nous prions le Seigneur « qu’ayant agréé l’oblation de l’offrande spirituelle », il fasse pour lui « de nous-mêmes une éternelle offrande » 32.

29 Cf. Mt 6, 6.
30 Cf. 1 Th 5, 17.
31 Cf. 2Co 4, 10-11.
32 Missel romain, secrète du lundi de Pentecôte.


13 Les « pieux exercices » du peuple chrétien, dans la mesure où ils sont conformes aux lois et aux normes de l’Église, sont hautement recommandés, surtout lorsqu’ils se font sur l’ordre du Siège apostolique.

Les « exercices sacrés » des Églises particulières jouissent aussi d’une dignité spéciale, quand ils sont célébrés sur recommandation des évêques, selon les coutumes ou les livres légitimement approuvés.

Mais ces « exercices » exigent d’être réglés compte tenu des temps liturgiques, de manière à s’accorder avec la sainte liturgie, à en dériver d’une certaine façon, à y conduire le peuple, parce que, par nature, celle-ci leur est de loin supérieure.


II. Efforts en vue de la formation liturgique et de la participation active

14 La Mère Église désire fortement que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu du baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple que Dieu s’est acquis » (1P 2,9 cf. 1P 2,4-5). Cette participation pleine et active de tout le peuple doit être recherchée avec le plus grand soin dans l’oeuvre visant à restaurer et à promouvoir la liturgie : elle est en effet la source première et en même temps indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien ; et c’est pourquoi les pasteurs d’âmes doivent chercher avec soin à l’atteindre dans toute leur action pastorale, par la formation qui convient.

Mais parce qu’il n’y a aucune lueur d’espoir d’obtenir ce résultat si tout d’abord les pasteurs eux-mêmes ne sont pas profondément imprégnés de l’esprit et de la vertu de la liturgie et ne se font pas maîtres pour l’enseigner, il est absolument indispensable qu’on veille en premier lieu à la formation liturgique du clergé. C’est pourquoi le saint Concile a décidé de fixer les prescriptions suivantes.



15 Les maîtres qui sont chargés de l’enseignement de la sainte liturgie dans les séminaires, les maisons d’études des religieux et les facultés de théologie doivent recevoir, en vue de cette fonction, une formation de qualité dans des instituts spécialement destinés à cette tâche.


16 L’enseignement de la liturgie dans les séminaires et les maisons d’études des religieux est à ranger parmi les disciplines nécessaires et plus importantes, et dans les facultés de théologie parmi les disciplines principales ; et il faut le dispenser en tenant compte des aspects théologique et historique, aussi bien que des aspects spirituel, pastoral et juridique. En outre, les maîtres des autres disciplines, surtout de théologie dogmatique, d’Écriture sainte, de théologie spirituelle et pastorale, veilleront, en fonction des exigences intrinsèques de chaque objet propre, à bien mettre en lumière le mystère du Christ et l’histoire du salut, de telle sorte qu’à partir de là leur lien avec la liturgie et l’unité de la formation sacerdotale apparaissent clairement.


17 Dans les séminaires et les maisons religieuses, les clercs devront acquérir une formation liturgique à la vie spirituelle, à la fois par une initiation appropriée leur permettant de comprendre les rites sacrés et d’y participer de toute leur âme, par la célébration même des saints mystères et par les autres exercices de piété imprégnés de l’esprit de la sainte liturgie ; ils devront également apprendre à observer les lois liturgiques de telle sorte que la vie des séminaires et des établissements de religieux soit marquée en profondeur par l’esprit de la liturgie.


18 Les prêtres, séculiers ou religieux, déjà à l’oeuvre dans la vigne du Seigneur, seront aidés par tous les moyens opportuns à comprendre toujours plus pleinement ce qu’ils accomplissent dans les fonctions sacrées, à vivre de la vie liturgique, à y faire participer les fidèles qui leur sont confiés.


19 La formation liturgique et la participation active des fidèles, intérieure et extérieure, en fonction de leur âge, de leur condition, de leur mode de vie et du degré de leur culture religieuse, seront recherchées avec soin et patience par les pasteurs d’âmes, qui s’acquitteront ainsi d’une des principales fonctions du fidèle dispensateur des mystères de Dieu ; et, dans ce domaine, ils conduiront leur troupeau non seulement par la parole, mais aussi par l’exemple.


20 Les retransmissions d’actions sacrées par voie de radiophonie ou de télévision, surtout s’il s’agit de la célébration du saint sacrifice, se feront avec discrétion et dignité sous la direction et la responsabilité d’une personne qualifiée, nommée à cette fonction par les évêques.


III. La restauration de la liturgie

21 Pour que le peuple chrétien bénéficie plus sûrement de l’abondance des grâces dans la liturgie, la sainte Mère l’Église désire veiller avec soin à la restauration générale de la liturgie elle-même. En effet, la liturgie comporte une partie immuable, en tant que divinement instituée, et des parties sujettes au changement, qui peuvent varier au cours des temps ou même le doivent, si s’y sont introduits des éléments qui correspondent moins bien à la nature intime de lu liturgie ou si ces parties sont devenues moins appropriées.

Dans le cadre de cette restauration, il faut régler l’ordonnancement des textes et des rites de telle façon qu’ils expriment plus clairement les réalités saintes qu’ils signifient, et que le peuple chrétien, autant que possible, puisse les saisir facilement et y participer par une célébration pleine, active et proprement communautaire.

C’est pourquoi le saint Concile a établi ces normes générales.


A. Normes générales.

22 § 1. Le droit de régler l’organisation de la liturgie revient uniquement à l’autorité de l’Église : celle-ci appartient au Siège apostolique et, selon les règles du droit, à l’évêque.

§ 2. En vertu du pouvoir donné par le droit, l’organisation de la liturgie appartient aussi, dans les limites fixées, aux diverses assemblées territoriales d’évêques, compétentes et légitimement constituées.

§ 3. C’est pourquoi, absolument personne d’autre, fût-ce un prêtre, n’ajoutera, n’enlèvera, ou ne changera rien, de sa propre initiative, dans la liturgie.


23 Pour que la saine tradition soit maintenue et que, néanmoins, la voie soit ouverte au légitime progrès, pour la révision de chacune des parties de la liturgie, on se livrera tout d’abord à de soigneuses recherches d’ordre théologique, historique, pastoral. De plus, seront prises en considération les lois générales relatives à la structure et à l’esprit de la liturgie aussi bien que l’expérience qui résulte de la récente restauration liturgique et des induits accordés en différents endroits. Enfin, les innovations ne se feront que si elles sont exigées par un besoin réel et incontestable pour l’Église, les précautions étant prises pour que les formes nouvelles se développent à partir des formes déjà existantes selon une croissance en quelque sorte organique.

On veillera aussi, autant que possible, à ce qu’il n’y ait pas de différences notables pour les rites entre des régions limitrophes.


24 Dans la célébration de la liturgie, la sainte Écriture est de la plus grande importance. C’est d’elle que sont tirés les textes qui sont lus et qui sont expliqués dans l’homélie, ainsi que les psaumes qui sont chantés, et c’est sous son inspiration et sous son impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont pris naissance et c’est d’elle que les actions et les signes reçoivent leur signification. Par conséquent, pour procurer la restauration, le progrès et l’adaptation de la sainte liturgie, il faut promouvoir ce goût vif et exquis de la sainte Écriture, qu’atteste la vénérable tradition des rites tant orientaux qu’occidentaux.


25 Les livres liturgiques seront révisés au plus tôt ; à cette fin, on fera appel à des experts et on consultera des évêques, de diverses régions du monde.


B. Normes tirées du caractère de la liturgie en tant qu’action hiérarchique et communautaire.

26 Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église qui est « le sacrement de l’unité », c’est-à-dire le peuple saint réuni et ordonné sous l’autorité des évêques ”.

C’est pourquoi elles concernent le corps tout entier de l’Église, elles le manifestent et elles l’affectent ; mais elles atteignent chacun des membres de façon diverse, selon la diversité des ordres, des fonctions et de la participation effective.

33 Cyprien, De cath. eccl unitate, 7, cd. G. Hartel, in CSEL, t. III, 1, Vienne, 1868, p. 215-216 ; cf. Ep. 60, n° 8, 3, éd. cit., t. III, 3, Vienne, 1871, p. 732-733.


27 Chaque fois que les rites, selon la nature propre de chacun, prévoient une célébration communautaire, avec fréquentation et participation active des fidèles, on soulignera que celle-ci, autant que possible, doit être préférée à la célébration individuelle et quasi privée.

Cela vaut avant tout pour la célébration de la messe - étant sauf le fait que toute messe garde toujours sa nature publique et sociale —, et pour l’administration des sacrements.


28 Dans les célébrations liturgiques, chacun, qu’il soit ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement mais intégralement ce qui lui revient de par la nature de la chose et les normes liturgiques.


29 Même les servants, les lecteurs, les commentateurs et ceux qui font partie de la schola cantorum s’acquittent d’un véritable ministère liturgique. C’est pourquoi ils exerceront leur fonction avec la piété sincère et le bon ordre qui conviennent à un si grand ministère, et que le peuple de Dieu exige d’eux à bon droit.

C’est pourquoi il faut qu’ils soient, chacun de la façon qui lui convient, soigneusement imprégnés de l’esprit de la liturgie et qu’ils soient formés à tenir leur rôle de manière exacte et ordonnée.


30 Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré.


31 Pour la révision des livres sacrés, on apportera une soigneuse attention à prévoir aussi dans les rubriques le rôle des fidèles.


32 Dans la liturgie, à part la distinction qui découle de la fonction liturgique et de l’ordre sacré, et à part les honneurs dus, conformément aux lois liturgiques, aux autorités civiles, aucune acception de personnes privées ou de rang social ne sera faite, ni dans les cérémonies ni dans les pompes extérieures.


C. Normes tirées du caractère didactique et pastoral de la liturgie.

33 Même si la liturgie est principalement le culte de la divine majesté, elle offre cependant en même temps de précieux éléments de formation du peuple fidèle ,4. En effet, dans la liturgie, Dieu parle à son peuple ; le Christ annonce encore l’Évangile. Le peuple, de son côté, répond à Dieu par les chants et la prière.

Bien plus, les prières adressées à Dieu par le prêtre, qui préside l’assemblée en la personne du Christ, sont formulées au nom de tout le peuple saint et de tous les assistants. Enfin les signes visibles, que la sainte liturgie utilise pour signifier les réalités divines invisibles, ont été choisis par le Christ ou l’Église. Par conséquent, non seulement lorsqu’on lit « ce qui a été écrit pour notre instruction » (
Rm 15,4), mais encore lorsque l’Église prie, chante ou agit, la foi des participants est nourrie, les âmes s’élèvent vers Dieu pour lui rendre un hommage spirituel et recevoir sa grâce avec plus d’abondance.

C’est pourquoi, pour la restauration à réaliser, les normes générales suivantes devront être observées.

34 Cf. concile de Trente, Sess. XXII, 17 sept. 1562, doctr. De ss. Missae sacrif., chap. 8, CT, éd. cit., t. VIII, p. 961.


34 Les rites se distingueront par une beauté faite de noble simplicité, seront transparents du fait de leur brièveté et éviteront les répétitions inutiles, seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, n’auront pas besoin de beaucoup d’explications.


35 En vue de faire apparaître clairement que les rites et les paroles sont intimement liés entre eux dans la liturgie :

1. Dans les célébrations sacrées, on restaurera une lecture de la sainte Écriture plus abondante, plus variée et mieux adaptée.

2. Comme le sermon est une partie de l’action liturgique, sa place la plus appropriée, pour autant que le rite le permet, sera indiquée même dans les rubriques et on accomplira très fidèlement et consciencieusement le ministère de la prédication. Celle-ci puisera avant tout à la source de la sainte Écriture et de la liturgie, car elle est l’annonce des merveilles de Dieu dans l’histoire du salut c’est-à-dire dans le mystère du Christ, lequel est toujours là présent et agissant en nous, surtout dans les célébrations liturgiques.

3. De même, une catéchèse plus directement liturgique devra être pratiquée de toutes les manières ; et dans les rites eux-mêmes seront prévues, si nécessaire, de brèves admonitions prononcées put le prêtre ou le ministre compétent, cependant seulement aux moments les plus opportuns et dans les termes prescrits ou dans des termes équivalents.

4. On favorisera la célébration sacrée de la Parole de Dieu à l’occasion des veilles des fêtes solennelles, de certaines féries de l’Avent et du Carême, ainsi que les dimanches et jours de fête, surtout dans les localités privées de prêtres ; dans ce cas, un diacre ou quelqu’un d’autre délégué par l’évêque dirigera la célébration.


36 § 1. L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera maintenu dans les rites latins.

§ 2. Toutefois, du moment que pour la messe ou l’administration des sacrements ou pour les autres parties de la liturgie, le recours à la langue du pays peut être souvent fort utile pour le peuple, il sera permis de ce fait de lui accorder une place plus importante, surtout dans les lectures et les admonitions, dans un certain nombre d’oraisons et de chants, en conformité avec les normes qui sont établies sur chaque point en cette matière dans les chapitres suivants.

§ 3. Ces normes étant sauves, il est du ressort de l’autorité ecclésiastique qui a compétence sur un territoire donné, mentionnée à l’article 22, § 2 — le cas échéant même après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue — de statuer sur l’usage de la langue du pays et des modalités de cet usage, ces actes étant approuvés ou ratifiés par le Siège apostolique.

§ 4. La traduction du texte latin en langue du pays qui est destinée à l’usage liturgique doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique compétente pour le territoire respectif, dont il a été question plus haut.



D. Normes pour l’adaptation de la liturgie au caractère et aux traditions des différents peuples.

37 Dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, l’Église ne désire pas, même pas dans la liturgie, imposer la forme rigide d’une formulation unique ; bien au contraire, elle cultive et promeut les qualités et les dons des divers nations et peuples ; tout ce qui dans les moeurs de ces peuples n’est pas lié de façon indissoluble à des superstitions et à des erreurs, elle l’examine avec une bienveillante attention et, si possible, elle le conserve sans altération ; bien plus, elle l’admet quelquefois dans la liturgie elle-même, pourvu que cela puisse se concilier avec les principes d’un véritable et authentique esprit liturgique.


38 L’unité substantielle du rite romain étant sauve, on acceptera des différences légitimes et des adaptations aux diverses communautés, régions et aux divers peuples, surtout dans les missions, même lors de la révision des livres liturgiques ; ce principe doit être pris en considération, de façon opportune, pour l’aménagement de la structure des rites et la fixation des rubriques.


39 Dans les limites fixées par les éditions typiques des livres liturgiques, il est du ressort de l’autorité ecclésiastique territoriale compétente, mentionnée à l’article 22, § 2, de définir les adaptations, surtout pour l’administration des sacrements, les sacramentaux, les processions, la langue liturgique, la musique sacrée et les arts, en conformité toutefois avec les normes fondamentales contenues dans la présente constitution.


40 Cependant, comme en différents lieux et en différentes circonstances, des adaptations plus profondes de la liturgie sont urgentes, ce qui rend l’entreprise plus difficile :

1. L’autorité ecclésiastique compétente pour le territoire, mentionnée à l’article 22, § 2, examinera avec une prudente attention ce qui, en ce domaine, à partir des traditions et du génie de chaque peuple, peut opportunément être admis dans le culte divin. Les adaptations jugées utiles ou nécessaires seront proposées au Siège apostolique en vue d’être introduites avec son consentement.

2. Mais pour que l’adaptation se fasse avec la nécessaire circonspection, le Siège apostolique concédera à cette autorité ecclésiastique territoriale la faculté de permettre et de diriger, le cas échéant, pour un temps limité et dans des assemblées qui y sont adaptées, les expériences préalables nécessaires.

3. Parce que les lois liturgiques comportent d’ordinaire des difficultés spéciales, sous le rapport de l’adaptation, surtout dans les missions, on fera appel, pour les établir, à des gens experts en cette matière.


IV. Du développement de la vie liturgique dans le diocèse et la paroisse

41 L’évêque doit être considéré comme le grand prêtre de son troupeau : de lui découle et dépend en quelque manière la vie des fidèles dans le Christ.

C’est pourquoi tous doivent tenir dans la plus haute estime la vie liturgique du diocèse autour de l’évêque, surtout dans l’église cathédrale, étant convaincus que la principale manifestation de l’Église réside dans la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l’autel unique où préside l’évêque entouré de son presbyterium et de ses ministres 35.

35 Cf. Ignace d’Antioche, Ad Magn , 7 ; Ad Philad., 4 ; Ad Smyrn., 8 (éd. F. X. Funk, cit.
1P 236, 266, 281 ; SC 10).


Sacrosanctum Concilium 2