Thomas A. sur Rm (1999) 28

Leçon 2 [versets 6 à 11]

28
075 (
Rm 6,6-11)


[n° 478] 6 sachant bien que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit, et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché.

[n° 482] 7 Car celui qui est mort est justifié du péché.

[n° 484] 8 Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec le Christ,

[n° 487] 11 sachant que le Christ ressuscitant d’entre les morts ne meurt plus, que la mort ne dominera plus sur lui.

[n° 489] 10 Car en tant qu’il est mort au péché, il est mort une fois pour toutes; mais en tant qu’il vit, il vit pour Dieu.

[n° 491] 11 Ainsi de vous, estimez-vous comme morts au péché, mais <ne> vivant <plus que> pour Dieu dans le Christ Jésus Notre Seigneur.



478. Après avoir montré que nous ne devons pas demeurer dans le péché, étant donné que nous sommes morts au péché par le baptême [n° 470], l’Apôtre montre ici en outre que nous avons le pouvoir de mettre cela en pratique. Et à ce sujet:

I) Il commence par exposer son intention.

II) Puis il manifeste son propos [n° 482]: 7 Car celui qui est mort, etc.

I. Pour exposer son intention

A) Il fait connaître le bienfait que nous avons obtenu.

B) Puis, l’effet de ce bienfait [n° 481] afin que le corps du péché soit détruit.

479. — A. <L’Apôtre> commence donc par dire: On a avancé que nous devions marcher dans une nouveauté <de vie>, à savoir, en nous éloignant du péché. Et, pour que nul ne dise que cela est impos sible, il ajoute: sachant bien que notre vieil homme, c’est-à-dire la vieillesse de l’homme amenée par le péché, avec lui, à savoir avec le Christ, a été crucifié, c’est-à-dire a été mis à mort par la croix du Christ. Car, ainsi qu’il a été dit plus haut, la vieillesse de l’homme a été introduite par le péché, en tant que par le péché le bien de la nature est corrompu 1. Or cette vieillesse domine dans l’homme aussi longtemps que l’homme est soumis au péché. Et puisque ce qui domine dans l’homme est regardé comme l’homme lui-même, dès lors dans celui qui est soumis au péché la vieillesse même du péché est appelée le vieil homme.

480. Par vieillesse du péché 2 on peut entendre soit la culpabilité elle-même, soit la tache des péchés actuels, ou aussi l’habitude de pécher qui pousse nécessai rement au péché, ou encore le foyer même du péché provenant du péché du premier père.

1. Lieux parallèles: Somme Théologique Ia, Q. 48, a. 4; 1a-2ae, Q. 85, a. 1; 2 Sentences dist. 3, Q. 3, sol. 5; dist. 30, Q. 1, a. 2, sol. 3; dist. 34, Q. 1, a. 5; 3 Sentences dist. 20, a. 1, Q. 1, sol. 1; 3 Contra Gentiles c. 12; De malo, Q. 2, a. 11.

2. Sur les différents sens donnés à cette expression, voir Glosa in Rom. VI, 6 (GPL, col. 1404 B).



Ainsi donc notre vieil homme est dit être crucifié avec le Christ, en tant que cette vieillesse a été ôtée par la puissance du Christ. Ou bien parce qu’elle a été totalement enlevée, comme la culpabilité et la tache du péché sont totalement enlevées dans le baptême 1. Ou bien parce que sa puissance est affaiblie, comme cela arrive pour la puissance du foyer ou même pour la puissance de l’habitude du péché: "Effaçant la cédule du décret porté contre nous, qui nous était contraire, il l’a fait disparaître en l’attachant à la croix 2."

481. — B. Lorsque 3 <l’Apôtre> dit afin que le corps du péché soit détruit, etc., il expose un double effet de ce bienfait, dont le premier est la destruction des fautes commises. Et voilà pourquoi il dit: que le corps du péché soit détruit. Car on appelle corps du péché l’accumulation des oeuvres mauvaises, comme l’assemblage des mem bres forme le corps naturel "Son corps est comme des boucliers soudés, agencé d’écailles serrées 4." Le second effet est de nous préserver désormais du péché. C’est ce qu’il ajoute en disant: et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché. Car l’homme est asservi au péché lorsque, par son consentement joint à l’oeuvre du corps, il obéit à la convoitise du péché: "Qui commet le péché est esclave du péché 5."

482. — II. Lorsqu’il dit: 7 Car celui qui est mort, etc., l’Apôtre manifeste ce qu’il avait dit:

A) D’abord quant au premier effet.

B) Puis, quant au second [n° 484]: 8 Mais si nous sommes morts, etc.

483. — A. À l’égard du premier effet, il faut considérer que l’accumulation des péchés est détruite lorsque les péchés de l’homme sont remis. Ainsi donc <l’Apôtre> manifeste la destruction du corps du péché en disant: Car celui qui est mort, à savoir au péché par le baptême, où nous mourons avec le Christ, est justifié du péché, c’est-à-dire qu’après la rémission de ses péchés il passe à l’état de justice: "C’est ce que quelques-uns de vous ont été, mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de Notre Dieu 6." Ainsi donc, du fait que par la croix du Christ l’homme meurt au péché, il s’ensuit qu’il est justifié du péché, et donc que le corps du péché est détruit.

484. — B. Lorsqu’il ajoute: 8 Mais si nous sommes morts, etc., il manifeste le second effet par la conformité à la vie du Christ, selon ce raisonnement: celui qui meurt avec le Christ mourant vit aussi avec le <Christ> ressuscitant. Or le Christ est ressuscité d’entre les morts comme si désormais il ne devait plus mourir; donc celui qui est mort au péché vit avec le Christ ressuscitant, de telle sorte qu’il a le pouvoir de ne plus jamais retourner au péché.

1. Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 49, a. 3, sol. 2; Q. 68, a. 5; Q. 69, a. 1 et 2; Q. 79, a. 5, sol. 1; Q. 86, a. 4, sol. 3; 2 Sentences dist. 32, Q. 1, a. 1, arg. I; 3 Sentences dist. 19, a. 3, Q. 2; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, Q. 1, 2; dist. 12, Q. 2, a. 2, Q. 1, sol. 3; dist. 14, Q. 2, a. 1, Q. 2, sol. 3; dist. 17, Q. 2, a. 2, Q. 6, sol. 3; dist. 18, Q. 1, a. 3, Q. 2; 4 Cons. Gentiles ç. 59, 72; Ad Rom. 11, 29, lect. 4 (éd. Marietti, n° 928).

2. Col 2, 14.

3. Lieux parallèles 5. Th. 1a-2ae, Q. 85, a. 5, sol. 2; Q. 87, a. 7, sol. 1; Q. 109, a. 9; 2 Q. 104, a. 6, sol. 1; 3a, Q. 49, a. 3, sol. 3; Q. 52, a. 5, sol. 2; Q. 69, a. 3; a. 7, sol. 3; 2 Sentences dist. 32, Q. 1, a. 2; dist. 44, Q. 2, a. 2, sol. 2, 3; 3 Sentences dist. 19, Q. I, a. 3, Q. 2; 4 Sentences dist. 4, Q. 2, a. 1, Q. 3; dist. 46, Q. 2, a. 2, Q. 1, sol. 3; 4 Contra Gentiles c. 55; De malo, Q. 4, a. 6, sol. 4; De quodlibet 6, Q. 9, a. 1.

4. Jb 41, 6.

5. Jn 8, 34.

6. 1 Co 6, 11.



485. Sur ce point <l’Apôtre> fait trois choses:

1) Il montre d’abord la conformité de l’homme fidèle à la vie du Christ ressuscitant.

2) Puis, il expose la condition de la vie du ressuscitant [n° 487]: sachant que le Christ ressuscitant, etc.

3) Enfin, il en déduit la conclusion qu’il s’est proposée [n° 491]: Ainsi de vous, etc.

486. — 1. Il commence 1 donc par dire: Mais si nous sommes morts avec le Christ, c’est-à-dire si par la puissance du Christ nous sommes morts au péché, nous croyons que nous vivrons aussi avec <lui>, c’est-à-dire à la ressemblance de sa vie. Nous vivrons, dis-je, ici-bas de la vie de la grâce, et au ciel de la vie de la gloire: "Lorsque nous étions morts par les péchés, <Dieu> nous a vivifiés dans le Christ — par la grâce duquel vous êtes sauvés —, Il nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir dans les cieux dans le Christ Jésus; pour manifester dans les siècles à venir les richesses abondantes de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus 2."

487. 2. Lorsqu’il ajoute: 9 sachant que le Christ ressuscitant d’entre les morts, etc., il expose la condition de la vie du ressus citant. Et:

a) Premièrement il l’expose.

b) Puis, il le prouve [n° 489]: 10 Car en tant qu’il est mort au péché, etc.

488. a. <L’Apôtre> dit donc d’abord: Nous croyons ce qui vient d’être dit, sachant que le Christ ressuscitant d’entre les morts ne meurt plus, mais vit de la vie éternelle: "J’ai été mort, mais voici que je suis vivant dans les siècles des siècles, et j’ai les clefs de la mort et de l’enfer" Et, qui plus est, la mort ne dominera plus sur lui, à savoir la mort qui a sa domination sur l’homme non seulement lorsqu’il meurt par la sépa ration de l’âme d’avec le corps, mais aussi avant la mort, quand il endure la maladie, la faim et la soif, et tant d’autres <calamités> qui nous acheminent vers la mort. Mais la vie du Christ ressuscitant est libérée de ces <misères>. Et c’est pourquoi <le Christ> n’est pas soumis à la domi nation de la mort, mais il domine plutôt sur la mort: "<Il a> les clefs de la mort et de l’enfer"

489. b. Lorsqu’il dit: 10 Car en tant qu’il est mort, etc., il prouve sa proposition, à savoir que le Christ ressuscitant ne meurt plus, et cela de deux manières [n° 490].

D’abord, par une raison prise du côté de la mort qu’il a soufferte, en disant: Car en tant qu’il est mort au péché, il est mort une fois pour toutes. Il ne faudrait cependant pas interpréter ces paroles dans le sens où lui-même est mort au péché qu’il aurait lui-même commis ou dont il aurait contracté <la souillure>, puisque le péché ne s’est trouvé en aucune manière en lui "Lui qui n’a pas commis de péché et en la bouche de qui n’a pas été trouvée la tromperie 5." Mais on le dit mort au péché de deux manières 6.Selon une première manière, parce qu’il est mort pour supprimer le péché: "Celui qui n’avait pas connu le péché, <Dieu> l’a fait péché pour nous 7", c’est-à-dire l’a fait victime pour le péché 8. Selon une seconde manière, parce qu’il est mort à la similitude de la chair du péché, c’est-à-dire à la vie passible et mortelle: "Dieu <a envoyé> son Fils dans une chair semblable à celle du péché 8" Selon l’une et l’autre manière, on peut conclure que le Christ est mort une fois pour toutes, en ce qu’il est mort au péché.

1. Lieu parallèle Somme Théologique V, Q. 69, a. 2.

2. Ep 2, 5-7.

3. Ap 1, 18.

4. Ibid.
5. 1 P 2, 22.

6. Voir Glosa in Rom. VI, 10 (GPL, col. 1406 A).

7. 2 Co 5, 21.

8. Rm 8, 3.



Car, quant à la première raison, il est évident que par une seule mort il a détruit tous les péchés, selon ce passage de l’épître aux Hébreux: "Par une seule oblation, il a rendu parfaits à jamais ceux qui ont été sanctifiés 1." Il n’y a désormais plus de nécessité pour lui de mourir pour le péché: "Le Christ est mort une fois pour toutes pour nos péchés, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort selon la chair, mais vivifié selon l’esprit 2." Quant à la seconde raison, on peut en tirer la même conclusion. Car si le Christ a enduré la mort, afm de faire dispa raître en lui la ressemblance de la chair du péché, sa mort a dû être conformée à celle des autres, qui portent la chair du péché, et qui meurent une fois pour toutes. D’où cette parole de l’épître aux Hébreux: "Comme il est arrêté que les hommes meurent une seule fois, et qu’ensuite ils sont jugés, ainsi le Christ s’est offert une fois, pour effacer les péchés d’un grand nombre; et la seconde fois il apparaîtra sans le péché à ceux qui l’attendent pour les sauver 3."

490. Puis, <l’Apôtre> montre la même chose à partir de la condition de la vie qu’il a acquise en ressuscitant 4, en disant: mais en tant qu’il vit, il vit pour Dieu, c’est-à-dire en conformité avec <la vie de> Dieu 5.Car il est dit que "bien qu’il ait été crucifié selon la faiblesse, il vit cependant par la puissance de Dieu." Or l’effet est conforme à la cause. Voilà pourquoi aussi la vie que le Christ a acquise en ressus citant est conforme à celle de Dieu. Donc, de même que la vie de Dieu est éternelle et sans corruption, selon cette parole de l’Apôtre à Timothée: "Lui qui seul a l’immortalité et qui habite une lumière inaccessible 6", ainsi la vie du Christ est elle aussi immortelle.

491. 3. Enfin, en ajoutant: 11 Ainsi de vous, estimez-vous, etc., il en déduit la conclusion qu’il s’est proposée, c’est-à-dire que nous devons nous conformer à la vie du Christ ressuscitant, et en tant qu’il est mort au péché, c’est-à-dire à la vie mortelle qui porte la ressemblance du péché, pour n’y jamais revenir, et en tant qu’il vit en conformité avec <la vie de> Dieu. Quant au premier devoir de confor mité il dit: Ainsi de vous, estimez-vous comme morts au péché, à savoir comme ne devant jamais y revenir: "Que les morts ne revivent point." Quant au second devoir de conformité, il dit: mais <ne> vivant <plus que> pour Dieu, c’est-à-dire pour l’honneur ou selon la ressemblance de Dieu, en sorte que jamais nous ne mourions par le péché: "Car ce que je vis maintenant dans la chair, c’est dans la foi au Fils de Dieu que je le vis, lui qui m’a aimé, et qui s’est lui-même livré pour moi" Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute: dans le Christ Jésus Notre Seigneur, c’est-à-dire par Jésus-Christ, par qui nous mourons au péché et vivons pour Dieu. Ou bien: dans le Christ Jésus, c’est-à-dire comme incorporés au Christ Jésus, afin que par sa mort nous mourions au péché et que par sa résurrection nous vivions pour Dieu: "<Dieu> nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés."

1. He 10, 14.
2. 1 P 3, 18.

3. He 9, 27.

4. Comme le fait remarquer Jean-Pierre Torrell t’ Thomas parle toujours de la résurrection en devenir " (Sasnt Thomas d’Aquin, maure spirituel, p. 180). — Lieux paralléles: Somme Théologique 3a, Q. 56, a. 1 et 2; 4 Sens., dist. 43, Q. 1, a. 2, sol. 1; Super lob 19, 25; Ad Rom. 6, li, lect. 2 (éd. Marietti, n° 491).

5. 2 Co 13, 4.

6. 1 Tm 6, 16.

7. Is 26, 14.

8. Ga 2, 20.

9. Ep 2, 5.


Leçon 3 [versets 12 à 18]

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075 (
Rm 6,12-18)


[n° 493]: 12 Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses convoitises.

[n° 494] ‘ Et n’offrez pas vos membres au péché comme des armes d’iniquité; mais offrez-vous vous-mêmes â Dieu, comme étant vivants, de mort que vous étiez, et <offrez> à Dieu vos membres comme des armes de justice.

[n° 496] 14 Car le péché ne dominera pas sur vous: vous n’êtes pas sous la Loi, mais sous la grâce.

[n° 499] 15 <Quoi donc?> Pécherons-nous, parce que nous ne sommes pas sous la Loi, mais sous la grâce? Loin de là

[n° 501] 16 Ne savez-vous pas qu’en vous offrant à quelqu’un en esclaves d’obéissance, vous êtes les esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché pour la mort, soit de l’obéissance pour la justice?

[n° 502] 17 Mais grâces soient rendues à Dieu de ce que, après avoir été esclaves du péché, vous avez obéi de coeur à cette règle de la doctrine à laquelle vous avez été livrés.

[n° 503] 18 libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice.

492. Après avoir montré que nous ne devons pas demeurer dans le péché [n° 470], et que nous en avons le pouvoir [n° 478], <l’Apôtre> conclut ici sur une exhortation morale.

I) Il donne d’abord un avertissement.

II) Puis, il en indique la raison [n° 496] 14 Gar le péché, etc.

III) Enfin, il pose une question et la résout [n° 499] 15 Quoi donc? Pécherons-nous, etc.

I. À propos de l’avertissement

A) Il commence par le donner.

B) Puis, il l’explique [n° 494] en sorte que vous obéissiez, etc.

493. — A. <L’Apôtre> dit donc d’abord: On a avancé que notre vieil homme a été crucifié avec le Christ afin que le corps du péché soit détruit. Il nous est donné de comprendre par là que la puis sance du péché est diminuée de telle sorte qu’elle ne peut pas dominer en nous. Donc 12 que le péché, â l’avenir, ne règne point dans votre corps mortel. Cependant <l’Apôtre> ne dit pas: Que le péché ne soit pas dans votre corps mortel, parce que, aussi longtemps que notre corps est mortel, c’est-à-dire soumis à la nécessité de la mort, il n’est pas possible que le péché, c’est-à-dire le foyer du péché, ne soit pas dans notre corps. Mais puisque nous sommes libérés par Dieu du règne du péché, nous devons faire effort pour que le péché ne récupère pas la domination qu’il a déjà perdue dans notre corps. Et d’où ces paroles <de l’Apôtre> Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel. Cependant il est nécessaire d’y veiller, tant que nous portons un corps mortel, parce qu’il est dit: "Le corps, qui se corrompt, appesantit l’âme; et <cette> habitation terrestre abat l’esprit aux préoc cupations multiples 1."

494. — B. En disant ensuite: en sorte que vous obéissiez, etc., <l’Apôtre> explique l’avertissement qu’il a donné. Sur ce point, il faut considérer que le péché règne dans l’homme de deux manières: selon une première manière, par le consentement intérieur de la raison 2.Et <dans l’intention> d’écarter cela, <l’Apôtre> dit: en sorte que vous obéissiez à ses convoitises. Car obéir par le consentement de la raison aux convoitises du péché, c’est faire régner le péché en nous: "Ne va pas à la suite de tes convoitises et détourne-toi de ta volonté 3." Selon une seconde manière, le péché règne en nous par l’exécution de l’oeuvre. Et <dans l’intention> d’écarter cela, <l’Apôtre> ajoute: 13 Et n’offrez pas vos membres au péché, c’est-à-dire au foyer du péché, comme des armes d’iniquité, c’est-à-dire des instruments pour commettre l’iniquité. Car l’homme, lorsqu’il commet le péché par ses membres, accomplit l’iniquité; et en cela, il semble combattre pour restituer la domination au péché, qui se fortifie en nous par son habitude: "Ils sont descendus dans l’enfer avec leurs armes 4."

495. Lorsqu’il ajoute: mais offrez-vous vous-mêmes à Dieu, etc., <l’Apôtre> exhorte à faire le contraire, c’est-à-dire à nous offrir à Dieu.

Et d’abord quant à l’affection inté rieure: mais offrez-vous vous-mêmes à Dieu, à savoir de telle sorte que votre raison lui soit soumise: "Et maintenant Israël, qu’est-ce que le Seigneur ton Dieu demande de toi, si ce n’est que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu l’aimes, que tu serves le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ton âme, et que tu gardes les commandements du Seigneur et ses céré monies, que moi je te prescris aujourd’hui pour ton bonheur 6 ?" Et vous devez faire cela comme étant vivants, de morts que vous étiez, c’est-à-dire en tant que ramenés de la mort de la faute à la vie de la grâce. Aussi est-il juste que "ceux qui vivent ne vivent plus pour eux, mais pour Celui qui est mort pour eux, et est ressuscité 7."

Puis, quant à l’acte extérieur, aussi dit-il: <offrez> à Dieu, c’est-à-dire pour son service, vos membres comme des armes de justice, c’est-à-dire comme des instruments 8 pour pratiquer la justice, au moyen desquels vous combattez contre les ennemis de Dieu: "Revêtez-vous de l’armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable."

496. II. En disant: 14 Car le péché, etc., <l’Apôtre> donne la raison de l’avertissement dont on vient de parler. On pourrait, en effet, s’excuser en alléguant la domination du péché, et prétexter l’empê chement d’observer cet avertissement. L’Apôtre rejette donc d’abord ce prétexte en disant: Car le péché ne dominera pas sur vous, à savoir si vous commencez à résister au péché et à vous offrir à Dieu, selon cette parole de Jacques: "Approchez-vous de

1. Sg 9, 15.

2. Lieux parallèles S, Th. 1 Q. 15, a. 3 et 4; Q. 74, a. 7, sol. 1 Consentir est un acte de l’appétit, pas absolument toutefois, mais c’est un acte de la volonté consécutif à un acte de la raison délibérant et jugeant. Le consentement s’achève en effet dans l’adhésion de la volonté à ce qui est jugé par la raison. C’est pourquoi le consentement peut être attribué et à la volonté et à la raison. s

3. Eccli (Si) 18, 30.

4. Ez 32, 27.

5. Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 25, a. 5.
6. D 10, 12-13.

7. 2 Co 5, 15.

8. Origène, dans son Commentaire de e’épître aux Romains VI, 13 (PG 14, 1055-1058), explique le sens de la riiétaphore "armes d’iniquité" et "armes de justice", de la manière suivante "Toutes ces oeuvres de la chair, énumérées plus haut, ressemblent à une armée équipée qui fait la guerre sous ce roi du péché, et qui obéit à sa Loi inscrite dans les membres de la chair [ Mais qu’en revanche nos membres dtviennent pour Dieu, pour le Roi, dts armes de justice."

9. Ep 6, 11.



Dieu et il s’approchera de vous; résistez au diable et il s’enfuira loin de vous 1." Comme s’il disait: la raison pour laquelle vous pouvez observer ce qui vient d’être dit, c’est que vous ne trouverez point que le péché domine en vous pour vous faire retourner en arrière; car nous sommes libérés par le Christ, selon cette parole de Jean: "Si donc le Fils vous libère, vous serez vraiment libres 2"

497. Ensuite, <l’Apôtre> explique ce qu’il avait dit: vous n'êtes pas sous la Loi, mais sous la grâce. Sur ces paroles, il faut considérer qu’il ne parle pas ici seulement de la Loi quant aux préceptes cérémoniels, mais aussi quant aux préceptes moraux. Or on peut être sous la Loi de deux manières:

A. Selon une première manière, en tant que soumis volontairement à son obser vance. Dans ce sens, le Christ fut aussi sous la Loi, selon cette parole <de l’Apôtre> aux Galates: "Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, fait d’une femme, fait sujet de la Loi", parce qu’il observa la Loi non seulement quant aux préceptes moraux, mais aussi quant aux préceptes cérémoniels. Et de cette manière, les fidèles du Christ sont également sous la Loi quant aux préceptes moraux, mais non quant aux préceptes cérémoniels.

B. Selon une autre manière, on dit être sous la Loi lorsqu’on est comme contraint par la Loi; et ainsi dit-on qu’est sous la Loi celui qui est forcé de l’observer non volon tairement par amour, mais par crainte. Or celui-là n’a pas la grâce, car si elle avait été présente, elle aurait incliné sa volonté à l’observance de la Loi, afin d’en accomplir les préceptes moraux par amour. Ainsi donc, tant que quelqu’un est sous la Loi, de telle sorte qu’il ne l’accomplisse pas volontairement, le péché domine en lui et par conséquent incline sa volonté à vouloir ce qui est contraire à la Loi; tandis que la grâce libère de cette domination, de telle sorte que l’homme observe la Loi, non en tant qu’il lui est assujetti, mais en toute liberté: "Nous ne sommes pas les fils de la servante, mais de la femme libre; et c’est par cette liberté que le Christ nous a rendus libres 4."

498. Or 5 cette grâce, qui donne à l’homme d’accomplir librement la Loi, n’était pas conférée par les sacrements de la Loi <ancienne>, mais bien par les sacrements du Christ; et voilà pourquoi ceux qui se soumettaient aux cérémonies de la Loi, selon le point de vue de l’effi cacité des sacrements de l’ancienne Loi, n’étaient pas sous la grâce mais sous la Loi, à moins qu’ils n’aient acquis la grâce du Christ par leur foi. Mais ceux qui se soumettent aux sacrements du Christ obtiennent la grâce par leur efficacité propre, de telle sorte qu’ils ne sont pas sous la Loi, mais sous la grâce, à moins que par leur propre faute ils se soumettent à la servitude du péché.

499. — III. Lorsqu’il dit: 15 Quoi donc, etc., <l’Apôtre> soulève une question contre ce qui vient d’être dit.

A) Et premièrement il la formule.

B) Puis, il la résout, en la poussant jusqu’à la contradiction [n° 501]: 16 Loin de là! Ne savez-vous pas, etc.

C) Enfin, il montre l’évidence de cette inconséquence [n° 502] 17 Mais grâces soient rendues à Dieu, etc.

1. Jc 4, 8 et 7.

2. Jn 8, 36.

3. Ga 4, 4. Voir chap. 6; leçon 2, n° 39. — Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2a, Q. 107, a. 2; Ad Gal. 4, 4, lect. 2 (éd. Marietti, n 208).

4. Ga 4, 31.

5. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a Q. 100, a. 12; Q. 102, a. 5, sol. 4; Q. 103, a. 2; 3a, Q. 62, a. 6; 4 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 5, q 1, 3; Ad Gal. 2, 16, Iect. 4 (éd. Marietti, n° 94).



500. — A. Sur la question formulée, il faut considérer que cette parole précédente, à savoir que les fidèles du Christ ne sont pas sous la Loi, pouvait être mal inter prétée par certains, quant à l’obligation d’observer les préceptes moraux; il s’ensui vrait qu’il serait licite aux disciples du Christ de pécher, c’est-à-dire en agissant contre les préceptes moraux. C’est dans ce sens qu’il soulève cette question, en disant: Quoi donc, que dirons-nous? Pécherons-nous, à savoir en agissant contre les préceptes moraux de la Loi, parce qu’il a été dit: nous ne sommes pas sous la Loi, mais sous la grâce. Or l’Apôtre désapprouve ce sens en disant aux Galates: "Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté seulement ne faites pas de cette liberté une occasion pour la chair, mais soyez par la charité les serviteurs les uns des autres 2."

501. — B. Et c’est pourquoi 3, en répondant ici, il ajoute: 16 Loin de là!, à savoir que nous péchions parce que nous sommes libérés de la Loi; car si nous péchions, il s’ensuivrait cette contradiction que nous serions de nouveau réduits à la servitude du péché. Et c’est bien ce qu’il dit: Ne savez-vous pas qu’en vous offrant à quelqu’un, de votre propre volonté, en esclaves d’obéissance, vous êtes spontanément les esclaves de celui à qui vous obéissez.Car obéir est un devoir que les esclaves sont tenus de rendre à leurs maîtres: "Esclaves, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremble ment, dans la simplicité de votre coeur, comme au Christ même, les servant, non parce que vous êtes vus, comme pour plaire aux hommes, mais comme des esclaves du Christ, accomplissant de coeur la volonté de Dieu. "Aussi quand on obéit à quelqu’un, on s’avoue son serviteur en obéissant. Cependant le salaire de l’obéissance diffère selon les maîtres auxquels on obéit. Car celui qui obéit au péché est conduit à la mort par la servitude du péché. Et c’est bien ce que <l’Apôtre> dit: soit du péché, à savoir que vous êtes ses esclaves en lui obéissant. Et cela pour la mort, c’est-à-dire pour être précipités dans la damnation éter nelle, à propos de laquelle il est dit: "La seconde mort n’aura pas de pouvoir sur eux" Mais celui qui obéit à Dieu devient l’esclave de cette obéissance, parce que, par l’habitude d’obéir, sa raison s’incline de plus en plus à l’obéissance, et accomplit ainsi la justice. Et c’est bien ce qu’il dit: soit de l’obéissance, à savoir aux préceptes divins dont vous êtes les esclaves pour accomplir la justice, selon ce qui a été dit plus haut "les observateurs de la Loi seront justifiés 6." Et c’est avec assez de conve nance que <l’Apôtre> oppose l’obéissance au péché, parce que, selon Ambroise le péché est la transgression de la Loi divine et la désobéissance aux préceptes célestes.

502. — C. Lorsque <l’Apôtre> dit: 17 Mais grâces soient rendues à Dieu, il montre que cela ne convient pas, à savoir qu’en obéissant au péché nous serons de nouveau réduits à l’esclavage du péché. <Et il montre cela> d’abord par une raison qui est prise du côté du bienfait que nous avons reçu. Si, en effet, par la grâce d’autrui on est libéré d’une servitude, il ne convient pas de s’y soumettre spontanément <et de nouveau>; or, puisque nous sommes libérés du péché par la grâce de Dieu, il ne convient pas que nous, nous retournions spontanément et de nouveau à la servitude du péché. Ensuite, <il montre cela> à partir de la condition dans laquelle nous sommes entrés après avoir été libérés du péché, à savoir, que <nous sommes> devenus les esclaves de la justice. Il n’est pas permis, en effet, à l’esclave d’un maître de s’assu jettir à un maître rival; par conséquent il ne nous est pas permis, depuis que nous sommes devenus les esclaves de la justice, de retourner de nouveau à la servitude du péché.

1. Et en effet une telle interprétation du texte de saint Paul a été soutenue, au long de l’histoire de l’Eglise, par de multiples groupes de chrétiens "spirituels." Saint Paul est d’ailleurs d’une audace extrême, et peut paraître justifier les débordements de ceux qui, au nom de la grèce, de l’Esprit et de la vérité de l’amour, s’estiment affranchis des obligations de la Loi. "Les initiés, dit le père Lagrange dans son commentaire à propos de ce passage, sont souvent enclins à exagérer les avantages de l’initiation. Devenus les intimes du dieu, sinon divinisés, ils peuvent tout se permettre." (Saint Paul. Epïtre aux Romains, p. 154). A l’époque de saint Thomas apparaissent en Allemagne, en Flandres et en France, les Frères du libre esprit, dont saint Albert le Grand, le maître de saint Thomas, analyse et condamne les principes. Le commentaire de saint Thomas que nous lisons ici vise moins à dénoncer l’immoralité d’une telle doctrine que son inconséquence.

2. Ga 5, 13.

3. Lieux parallèles: Somme Théologique 1 Q. 73, a. 1, obj. 1 et sol. 1 2 Q. 183, a. 4.

4. Ep 6, 5.

5. Ap2, 11.

6. Rm2, 13.

7. Voir SAINT AMBROISE, De paradiso, c. 8, 39 (CSEL 32/1, 294-298).



503. L’Apôtre traite de l’une et l’autre raison, en disant: Mais grâces soient rendues à Dieu, et vous devez aussi rendre grâces vous-mêmes, de ce que, après avoir été esclaves du péché — parce que "quiconque commet le péché est esclave du péché" - vous avez obéi, à savoir, en croyant: "pour <prêcher> l’obéissance à la foi à toutes les nations 2" et cela non par la contrainte, mais de bon coeur: "On croit de coeur pour la justice." — à cette règle de doctrine, c’est-à-dire à la doctrine de la foi catholique: "Prends pour règle les saines paroles que tu as entendues de moi dans la foi et l’amour, qui sont dans le Christ Jésus 4." — à laquelle vous avez été livrés, c’est-à-dire à laquelle vous vous êtes totalement soumis: "Ils se sont donnés eux-mêmes, premièrement à Dieu, ensuite à nous par la volonté de Dieu 5." Et 18 ainsi vous vous êtes libérés du péché, il n’est donc pas raison nable que vous désertiez la justice: "Vous avez été achetés à grand prix 6", "et vous n’êtes plus à vous-mêmes 7."

1. Jn 8, 34.

2. Rm 1, 5.

3. 14m 10, 10.

4. 2 Tm 1, 13.

5. 2 Corinthiens 8, 5.

6. 1 Corinthiens 7, 23.

7. 1 Corinthiens 6, 19.


Leçon 4 [versets 19 à 23]

30
075 (
Rm 6,19-23)


[n° 505] 19 parle humainement, à cause de la faiblesse de votre chair. Car de même que vous avez offert vos membres à l’esclavage de l’impureté et de l’iniquité pour l’iniquité, offrez-les de même maintenant à l’esclavage de la justice pour la sanctification.

[n° 507] 20 Car lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres de la justice.

[n° 5101 21 Quel fruit aviez-vous donc alors d’actions dont vous rougissez à présent? Car leur fin est la mort.

[n° 512] 22 Mais maintenant libérés du péché, et faits esclaves de Dieu, vous en avez pour fruit la sanctification, et pour fin la vie éternelle.

[n° 516]: 23 Car la solde du péché est la mort; mais la grâce de Dieu est la vie éternelle dans le Christ Jésus Notre Seigneur.

504. Après avoir montré, à partir d’une raison déduite du bienfait divin, que nous ne devons pas demeurer dans le péché, mais qu’il faut servir Dieu, l’Apôtre montre ici la même chose à partir d’une raison déduite de l’habitude de la vie passée. Et à ce propos il fait trois choses

I) Il fait d’abord connaître la nature de l’enseignement qui va suivre.

II) Ensuite, il l’exprime [n° 506] Car de même que vous avez offert, etc.

III) Enfin, il en donne la raison [n° 507]: Car lorsque vous étiez esclaves, etc.

505. — I. Il commence donc par dire Je vous ai exhortés à vous offrir à Dieu; 19 vous parle encore humainement, c’est-à-dire en rapport avec la faiblesse humaine. Parfois, en effet, le mot homme est employé dans l’Ecriture selon qu’il signifie la condition de la faiblesse humaine "Je suis un homme infirme et de peu de temps, et peu capable de comprendre les juge ments et les lois." — "Puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ?" Et l’Apôtre en donne la raison, en ajoutant: à cause de la faiblesse. Car c’est aux parfaits que doivent être enseignés les préceptes les plus parfaits: "Nous prêchons la sagesse parmi les parfaits." — "C’est pour les parfaits qu’est la nourriture solide" Aux plus faibles doivent être donnés des préceptes plus faciles: "Comme à des petits enfants dans le Christ, c’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide, parce que vous ne le pouviez pas encore; et à présent même, vous ne le pouvez point, parce que vous êtes encore charnels." — "Vous en êtes venus à avoir besoin de lait, non de nourriture solide 6." Or cette faiblesse vient non de l’esprit mais de la chair, parce que "le corps qui se corrompt appesantit l’âme", ainsi qu’il est dit au livre de la Sagesse 7. Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute: de votre chair.

1. Sg 9, 5.

2. 1 Corinthiens 3, 3.

3. 1 Corinthiens 2, 6.

4. He 5, 14.

5. 1 Corinthiens 3, 1-2.

6. He 5, 12.

7. Sg 9, 15.



"L’esprit est prompt, mais la chair est faible 1."

506. — II. Lorsqu’il dit: Car de même que vous avez offert, etc., <l’Apôtre> expose cet enseignement qu’il appelle humain et qui consiste à offrir notre corps pour servir la justice, tout comme nous l’avons offert nous-mêmes pour servir au péché. Et c’est bien ce qu’il dit: Car de même que vous avez offert vos membres à l’esclavage, à savoir par l’accomplissement des oeuvres mauvaises, de l’impureté et de l’iniquité conçues dans le coeur; en sorte que l’impureté se rapporte aux péchés de la chair: "Que la fornication et toute impureté, ou l’avarice ne soit pas même nommée parmi vous, comme il convient à des saints 2" et l’iniquité se rapporte aux péchés spirituels, et surtout à ceux qui blessent le prochain "Il a médité l’iniquité sur son lit 3." Ces péchés une fois conçus dans le coeur, les membres servent pour l’iniquité, à savoir en l’accomplissant en acte. <L’Apôtre> désigne ici l’iniquité par l’impureté et l’injustice, en tant que tout "péché est iniquité 4." Et cela, en tant qu’il est en désaccord avec l’équité de la Loi divine. De même maintenant, ayant été libérés du péché, offrez vos membres, par l’accomplis sement des bonnes oeuvres, à l’esclavage de la justice qui nous est proposée dans la Loi divine, et cela pour la sanctification, c’est- à-dire pour mettre en oeuvre et augmenter la sainteté: "Que celui qui est saint se sanctifie encore 5." Et il dit que c’est <une manière> humaine <de parler>, parce que selon la rectitude du jugement il serait exigé de l’homme qu’il serve beaucoup plus la justice qu’il n’a servi auparavant le péché 6: "Car comme votre sentiment a été d’errer loin de Dieu, en revenant à lui, vous le rechercherez dix fois plus 7."

507. — III. En disant: 20 Car lorsque vous étiez esclaves, etc., <l’Apôtre> donne ensuite la raison de cet enseignement. Et à cet effet:

A) Il donne la raison de ce qu’il vient de dire.

B) Il prouve ensuite ce qu’il avait supposé [n° 516]: 23 Car la solde du péché est la mort, etc.

A. Or il montre la raison de ce qu’il vient de dire, en préférant l’état de la grâce à celui de la faute. Si en effet un plus grand nombre de biens nous viennent de la justice que de la faute, nous devons plus nous adonner au service de la justice que nous ne nous serions appliqués à servir le péché.

1) <L’Apôtre> expose donc en premier lieu la condition de l’état de péché.

2) Puis, la condition de l’état de justice [n° 512]: 22 Mais maintenant libérés, etc.

1. À l’égard de l’état de péché, il en expose

a) Premièrement, la condition.

b) Deuxièmement, l’effet [n° 510] 21 Quel fruit aviez-vous donc, etc.

c) Troisièmement, la fin [n° 511]: Car leur fin est la mort.

508. a. Sur la condition de l’état de péché, il faut considérer que l’homme possède naturellement le libre arbitre 8, parce que sa raison et sa volonté ne peuvent être forcées, mais <seulement> inclinées par quelques causes. Donc l’homme demeure toujours libre de contrainte 9 quant à l’usage de sa raison, mais il n’est

1. Mt 26, 41.

2. Ep 5, 3.

3. Ps 35, 5.

4. Quiconque commet le péché commet l’iniquité; car le péché est l’iniquité" (lin 3, 4).

5. Ap 22, 11.

6. Voir Glosa in Rom. VI, 19 (GPL, col. 1410 B).

7. Ba 4, 28.

8. Lieux parallèles Somme Théologique I’, Q. 59, a. 3; Q. 83, a. 1; 1 Q. 13, a. 6; De verse., Q. 14, a. 1, 2; De malo, Q. 6.

9. Lieux parallèles: 2 Sentences dist. 25, Q. 1, a. 5; D verse., Q. 24, a. 1, sol. 11; De malo, Q. 6, sol. 23; Super Ioan. 8, 34, lect. 4 (éd. Marietti, n° 1204).



cependant pas libre d’inclination 1. Parfois, en effet, le libre arbitre est incliné au bien par l’habitude de la grâce ou de la justice, et alors il est sous l’esclavage de la justice et libre du péché. Mais parfois le libre arbitre est incliné au mal par l’habitude du péché, et alors il est sous l’esclavage du péché et libre de la justice. Sous l’esclavage du péché, dis-je, par lequel il est entraîné à consentir au péché contre le jugement de la raison: "Qui commet le péché est esclave du péché 2." Et c’est à ce propos que <l’Apôtre> dit Car lorsque vous étiez esclaves du péché. Mais libre par rapport à la justice, en tant que n’ayant plus le frein de la justice, l’homme se précipite vers le péché. Et c’est en parlant de cela que <l’Apôtre> ajoute vous étiez libres de la justice; ce qui arrive surtout à ceux qui pèchent de propos délibéré. Car ceux qui pèchent par faiblesse ou par passion sont encore retenus en quelque manière par le frein de la justice, en sorte qu’ils ne semblent pas en être tout à fait libres: "Dès les temps anciens, tu as brisé mon joug, tu as rompu mes liens et tu as dit: "Je ne servirai pas." — "L’homme vain s’élève jusqu’à l’orgueil, et il se croit né libre comme le petit d’un onagre 4."

509. Pourtant il faut savoir que cet état est une vraie servitude, une liberté non véri table mais apparente. En effet, étant donné que l’homme est selon la raison 5, il est véri tablement esclave dès lors qu’une cause étrangère le détourne de la raison. Mais que quelqu’un, grâce au frein de la raison, ne subisse pas l’entraînement de sa convoitise, c’est une liberté, comparé à l’opinion de celui qui considère la poursuite de ses désirs comme le souverain bien.

510. b. Quand <l’Apôtre> dit: 21 Quel fruit aviez-vous donc, etc., il montre l’effet du péché. Et il en écarte un, à savoir l’effet fructueux, lorsqu’il dit: Quel fruit aviez-vous donc, à savoir lorsque vous commettiez ces péchés. Car les oeuvres du péché sont infructueuses, parce qu’elles n’aident pas l’homme à acquérir la béatitude: Leurs oeuvres sont des oeuvres inutiles 6" — "Malheur à vous qui formez des projets inutiles et qui vous appliquez au mal sur vos couches 7." Mais il ajoute un effet de confusion, en disant: d’actions, c’est-à-dire des péchés, dont maintenant, c’est-à-dire dans l’état de pénitence, vous rougissez, à cause de leur turpitude: "Après que tu m’as converti, j’ai fait pénitence, et après que tu m’as montré <mon état>, j’ai frappé ma cuisse, j’ai été confondu, et j’ai rougi 8"— "Vous rougirez des jardins", de volupté, "vous aviez choisis."

1. La question du libre arbitre, on le sait, est l’un des points majeurs sur lesquels se sont affrontées les doctrines catholique et protestante. En 1525, Luther répond à la Diatribe sur le libre arbitre d’Erasme (1524) par son célèbre Traité du serf arbitre la bonté de la nature humaine est entièrement détruite par le péché originel, Dieu seul est libre; par lui-même l’homme est incapable de résister aux inclinations de sa nature ni de faire le moindre bien; le libre arbitre est une fiction, il conviendrait d’en supprimer la notion. Pour saint Thomas, au contraire, la capacité de discerner le bien du mal et de vouloir le bien demeure en l’homme après la faute d’Adam, laquelle ne s’identifie pas à la concupiscence, comme il semble que ce soit le cas chez Luther qui répute pour péché même les inclinations invo lontaires. Au fond, chez Luther, le péché est un état général dans lequel est plongée l’humanité déchue, quoi qu’elle fasse. Pour saint Thomas, au contraire, quelle que soit la puissance de cette condition peccamineuse, il y a dans l’homme une dimension personnelle, spin tuelle et libre qui, d’une certaine manière, échappe à ce condition nement et peut toujours donner ou refuser son consentement. Ce qui rend malaisée l’appréciation des thèses luthériennes, en matière théologique, c’est qu’elles entendent ignorer toute consistance propre de l’ordre naturel humain (objet de la philosophie) et qu’elles l’envisagent exclusivement en fonction de son rapport à la foi au Christ toute discussion de ces thèses sera réputée comme une négation sacrilège de la situation spirituelle de l’homme. Alors que chez saint Thomas cette consistance et cette positivité de l’ordre naturel ne sont jamais perdues de vue et peuvent être l’objet d’un jugement philosophique: la grêce ne détruit pas la nature, elle la perfectionne; elle ne saurait donc l’ignorer dans sa finalité surnatu relle voulue par Dieu.

2. Jn 8, 34.

3. Jr 2, 20.

4. Jb 11, 12.

5. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a Q. 31, a. 7; 2 Q. 155, a. 1, sol. 2; Q. 179, a. 1, sol. 2; 2 Sentences dist. 39, Q. 2, a. 1; 3 Sentences dist. 33, Q. 2, a. 4, Q. 2; a. 5, sol. 3; dut. 34, Q. 1, a. 1; 3 Contra Gentiles c. 34, sol. 3; 4 Contra Gentiles c. 33, sol. I; De virtut., Q. 1, a. 13; Super Metaphys. 7, lect. 9 (éd. Marietti, n° 1463).

6. Is 59, 6.

7. Mi 2, 1.

8. Jr31, 19.

9. Is 1, 29.



511. c. Lorsqu’il dit: Car leur fin, etc., il expose la fin du péché. Car leur fin, dit-il, c’est-à-dire la fin des péchés, est la mort. Bien qu’elle ne soit pas la fin de celui qui commet le péché, puisque en péchant il n’a pas l’intention d’encourir la mort, cette fin est cependant celle des pécheurs eux-mêmes, parce que de soi le péché entraîne la mort temporelle — en effet, lorsque l’âme se sépare de Dieu, il est juste que le corps se sépare d’elle — et <la mort> éternelle, car il est juste que celui qui veut être séparé de Dieu pour un temps en vue de satisfaire la convoitise, en soit séparé éternellement 1, ce qui est la mort éternelle: "ceux qui commettent de telles actions sont dignes de mort 2."

512. 2. Lorsqu’il dit: 22 maintenant libérés, etc., <l’Apôtre> expose la qualité de l’état de justice. Et

a) Premièrement, sa condition.

b) Deuxièmement, son effet [n° 514] Vous en avez pour fruit, etc.

c) Troisièmement, sa fin [n° 515]: et pour fin, etc.

513. a. Sur la condition de l’état de justice, il faut considérer que, comme celui qui est enclin au mal par le péché est libre de la justice, ainsi celui qui par l’habitude de la justice et de la grâce est porté vers le bien est libre du péché, en ce sens qu’il n’est pas dominé par lui au point d’y consentir. Aussi <l’Apôtre> dit-il: Mais maintenant, c’est-à-dire dans l’état de justice, libérés du péché. — "Si donc le Fils vous libère, vous serez vraiment libres 3." Semblablement, par opposition, dans l’état de péché on est esclave du péché auquel on obéit, ainsi dans l’état de justice on est esclave de Dieu en lui obéissant volontai rement, suivant ce passage: < Servez le Seigneur avec joie 4" Et c’est bien ce que <l’Apôtre> ajoute: et faits esclaves de Dieu. — "O Seigneur, parce que moi je suis ton serviteur, je suis ton serviteur et le fils de ta servante 5." Or cette liberté est la vraie liberté, et cette servitude la meilleure servitude, parce que par la justice l’homme est incliné vers ce qui convient à sa nature, vers ce qui est le propre de l’homme, et il est détourné de ce qui convient à la concu piscence, ce qui relève principalement de l’animal 6.

514. b. Lorsqu’il dit: vous en avez pour fruit, etc., il expose l’effet de la justice. Vous en avez pour fruit la sanctification, c’est-à-dire que la sanctification elle-même, ou l’acquisition de la sainteté par les bonnes oeuvres, est votre fruit en tant que cela vous réjouit spirituellement et saintement: "Mes fleurs sont des fruits d’honneur et de richesse 7"— "Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la conti nence, la chasteté. Contre de pareilles choses, il n’y a point de Loi 8."

1. Nous retrouvons le rapport, déjà souligné, qui unit la mort corporelle à la mort spirituelle, la première étant la conséquence visible de la seconde. Ce rapport est dans le droit fil de la pensée de saint Paul.

2. Rn, 1, 32.

3. Jn 8, 36.

4. Ps 99, 2.

5. Ps 115, 16.

6. Ce qui fonde la vision thomasienne de la nature, c’est qu’elle a été créée par Dieu et donc voulue par lui. Ainsi, la fin que poursuit la nature lui a été assignée par Dieu, si bien que la volonté de cette nature, dans sa rectitude originelle, est une expression de la volonté même de Dieu. Dès lors, la restauration de l’état de justice — où cette rectitude pouvait s’exercer — permet seule à la volonté d’accomplir son vouloir, ce qui est la définition même de la liberté. (On est loin de la conception sartrienne de la liberté qui exige, dans son infinité stérile, la destruction de toute nature liberté-néant qui s’oppose à la liberté-réalisation de la philosophia perennis. ) Sans doute la nature déchue est-elle incapable par elle—même d’accéder à cet état de justice et requiert-elle l’opération de la grâce sanctifiante. Mais cette opération qui comble la nature au-delà de tout ce à quoi elle s’attendait, la perfectionne dans son ordre même " dans la nature de l’âme ou de toute créature raisonnable, il y a aptitude à recevoir la grâce (habilitas ad gratiam), laquelle aptitude est un bien de nature (bonum naturae)" (De malo, Q. 2, a. 11).

7. Eccli (Si) 24, 23.

8. Ga 5, 22.



515. c. En ajoutant: etpourfin vous en avez la vie éternelle, il expose la fin <de l’état de justice>. La vie éternelle, c’est la fin des justes eux-mêmes, qui mettent tout en oeuvre pour l’obtenir: "Avant tout, cherchez le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît." C’est aussi la fin des oeuvres elles-mêmes qui, lorsqu’elles sont accomplies dans l’obéissance à Dieu et à son imitation, méritent la vie éternelle: "Mes brebis écoutent ma voix; moi je les connais et elles me suivent: et je leur donne la vie éternelle 2."

516. — B. Lorsque <l’Apôtre> dit ensuite: 23 Car la solde du péché est la mort, il manifeste ce qu’il avait dit à propos de la fin du mal et du bien.

Et premièrement quant au mal, on a dit que la fin des péchés est la mort, car la solde du péché est la mort. On appelle solde le trai tement des soldats, de la pièce de monnaie qui devait leur être payée, c’est-à-dire pesée, parce qu’on pesait l’argent qu’on devait distribuer aux soldats. Donc, parce que les pécheurs militent sous le péché, en offrant leurs membres comme armes au péché, ainsi qu’on l’a dit plus haut, la mort est appelée solde du péché, c’est-à-dire la rétribution que le péché donne à ceux qui en sont les esclaves. Par là il est manifeste que la mort est la fm des pécheurs; ce n’est pas celle que cherchent les pécheurs, mais celle qui leur est donnée: "Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges; le feu, le soufre et le vent des tempêtes sont la part de leur calice 4."

517 — Mais en parlant du bien il dit: la grâce de Dieu est la vie éternelle.

Ayant dit, en effet, que les justes ont la vie éternelle, qu’indubitablement on ne peut avoir sans la grâce, en conséquence l’acte même d’accomplir le bien et le fait que notre oeuvre soit digne de vie éternelle viennent eux aussi de la grâce de Dieu. Aussi est-il dit dans un psaume: "Le Seigneur donnera la gloire et la grâce 6." Si donc on considère nos oeuvres dans leur nature et selon qu’elles procèdent du libre arbitre de l’homme, elles ne méritent pas de plein droit (ex condigno), mais seulement en tant qu’elles procèdent de la grâce de l’Esprit-Saint. Aussi est-il dit qu’"il y aura

1. Mt 6, 33. Voir n° 196, n. 8, p. 136.

2. Jn 10, 27-28a.

3. Voir HAYMON D’AUXERRE, Super epistulam ad Romanos VI, 23 (PL 117, 418 C); Glosa in Rom. VI, 23 (GPL, col. 1412 B).

4. Ps 10, 7.

5. Lieux parallèles: Somme Théologique 1 Q. 109, a. 5, Q. 114, a. 1 et 2; 2 Sentences dist. 27, a. 3; dist. 28, a. 1; dist. 29, a. 1; 3 Sentences dist. 18, s. 2; 3 Contra Gentiles c. 147; De veritate, Q. 24, a. 1, sol. 2; a. 14; De quodlibet I, Q. 4, a. 2; Ad Rom., 4, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n° 329); 8, 18, lect. 4 (éd. Marietti, n° 655).

6. Ps 83, 12.

7. La question 5 ici abordée est d’une grande délicatesse. Certains de ses aspects ont suscité de séculaires débats parmi les commentateurs, et le Maître lui-même a sans doute modifié ses thèses au cours du temps, en particulier sur le point de savoir si l’acte du libre arbitre par lequel on se toume vers Dieu suffit à mériter la grâce de la conversion (que couronnera la grâce de la justification), ou si, comme saint Thomas le dira plus tard, cet acte suppose lui-même une grâce spéciale (voir Henri BoUul. ARD, Conversion et grô. ce chez saint Thomas d’Aquin). Nous nous en tiendrons à ce qui concerne le paragraphe 517. Par rapport à Dieu, l’idée de mérite semble à la fois inconvenante et absurde inconvenante parce que Dieu ne nous doit rien, absurde parce qu’il n’y a aucune égalité entre la valeur finie de notre mérite et la grandeur infinie de la récompense (la vie éter nelle). Cependant rejeter toute idée de mérite c’est, du côté humain, anéantir le libre arbitre et, du côté de Dieu, nier la justict divine et l’ordre dans lequel sa sagesse a établi toutes choses. Reste évidemment que Dieu ne nous doit rien et que la récompense surpasse le mérite. "Il ne peut y avoir de mérite de l’homme auprès de Dieu, si l’on ne présuppose l’ordre <d’une finalité> divinement établie: c’est à savoir que l’homme par ses oeuvres obtient de Dieu, en manière de récompense, ce en vue de quoi Dieu lui a dévolu la puissance d’oeuvrer. Au demeurant, les choses naturelles elles-mêmes obtiennent par leurs propres mouvements et opérations ce en vue de quoi Dieu les a ordonnées; avec cette différence, toutefois, que la créature raisonnable se meut d’elle-même vers son action grâce au libre arbitre. Et c’est pourquoi son action renferme l’idée de mérite, ce qui n’est pas le cas pour les autres créatures. * Et saint Thomas ajoute " de ce que notre action ne renferme l’idée de mérite qu’à la condition qu’on présuppose l’ordre d’une finalité divi nement établi, il ne s’ensuit pas que l’on fasse de Dieu, purement et simplement, un débiteur à notre égard, mais bien à l’égard de lui-même, en tant qu’il est dû que soit réalisé l’ordre qu’il " institué" (Somme Théologique 1a-2ae Q. 114, a. 1). Ainsi l’idée de mérite résulte-t-elle de la rencontre entre la divine ordination des choses et la liberté humaine. Par là est assurée la nécessaire dignité de l’ordre du créé face à Dieu, dans sa consistance naturelle. Mais de quel mérite s’agit-il? D’un mérite de condignité ou d’un mérite de convenance (ex congruo) ? Il n’y a condignité que là où le mérite égale la récompense (ibid., a. 3). Or, une telle égalité n’est réalisée qu’à raison de la grâce divine opérant en nous. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il s’agit d’une seule et même opération (et non pas de deux opérations), mais qui peut être envisagée de deux côtés. Par son côté humain, c’est-à-dire en tant qu’elle résulte de notre libre arbitre, une oeuvre humaine ne peut accéder qu’à un mérite de convenance, relativement à la récompense de la vie éternelle. Mais si l’on envisage cette même oeuvre dans la source divine de son opération, alors elle mérite condignement" la vie étemelle: "Si l’on parle de l’oeuvre méritoire en tant qu’elle procède de la grâce du Saint-Esprit, alors elle mérite la vie éternelle par condignité. La valeur du mérite, en effet, est alors estimée selon la puissance du Saint-Esprit qui nous meut vers la vie éternelle […] Le prix de l’oeuvre s’évalue d’après la dignité de la grâce par laquelle l’homme devient participant de la nature divine, fils de Dieu par adoption, un fils à qui est dû l’héritage <de la vie éternelle> en vertu même de son droit de fils adoptifs (ibid., a. 3).



en lui une source d’eau jaillissant en vie éternelle 1.Et cela se fait dans le Christ Jésus Notre Seigneur, c’est-à-dire par le Christ, ou bien, en tant que nous sommes en lui par la foi et la charité: "Quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle 2."

1. Jn 4, 14.

2. Jn 6, 40.




Thomas A. sur Rm (1999) 28