Verbum Domini FR


EXHORTATION APOSTOLIQUE

POST-SYNODALE


VERBUM DOMINI

DU PAPE


BENOÎT XVI

AUX ÉVÊQUES, AU CLERGÉ,

AUX PERSONNES CONSACRÉES

ET AUX FIDÈLES LAÏCS

SUR LA PAROLE DE DIEU

DANS LA VIE ET DANS LA MISSION

DE L'EGLISE



INTRODUCTION

1 «La parole du seigneur demeure pour toujours. Or cette Parole, c’est l’Évangile qui vous a été annoncé» (1P 1,25 cf. Is 40,8). Avec cette expression de la première Lettre de saint Pierre, qui reprend les paroles du prophète Isaïe, nous sommes placés face au Mystère de Dieu qui se communique lui-même par le don de sa Parole. Cette Parole, qui demeure pour toujours, est entrée dans le temps. Dieu a prononcé sa Parole éternelle de façon humaine; son Verbe «s’est fait chair» (Jn 1,14). C’est cela la Bonne Nouvelle. C’est l’annonce qui traverse les siècles, pour arriver jusqu’à nous aujourd’hui. La XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, célébrée au Vatican du 5 au 26 octobre 2008, a eu pour thème La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église. Ce fut une profonde expérience de rencontre avec le Christ, Verbe du Père, qui est présent là où deux ou trois sont réunis en son nom (cf. Mt 18,20). Par cette Exhortation apostolique post-synodale, j’accueille volontiers la demande des Pères de faire connaître au Peuple de Dieu tout entier la richesse ressortie des assises vaticanes et les indications exprimées dans le travail commun.[1] Dans cette perspective, j’entends reprendre tout ce qui a été élaboré par le Synode, tenant compte des documents présentés: les Lineamenta, l’Instrumentum laboris, les Relations ante et post disceptationem et le texte des interventions, lues en séance et in scriptis, les comptes rendus des groupes de travail et de leurs échanges, le Message de conclusion adressé au Peuple de Dieu et surtout certaines propositions spécifiques (Propositiones) que les Pères ont retenues comme étant d’un intérêt particulier. De cette façon, je désire indiquer quelques lignes fondamentales pour une redécouverte, dans la vie de l’Église, de la Parole divine, source de renouvellement constant, souhaitant en même temps qu’elle devienne toujours plus le coeur de toute activité ecclésiale.

[1] Cf. Proposition 1.

Pour que notre joie soit parfaite

2 Je voudrais avant tout faire mémoire de la beauté attrayante de la rencontre renouvelée avec le Seigneur Jésus expérimentée au cours de l’Assemblée synodale. Pour cela, faisant écho à la voix des Pères, je m’adresse à tous les fidèles avec les paroles de saint Jean dans sa première Lettre: «Nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ» (1Jn 1,2-3). L’Apôtre utilise les verbes entendre, voir, toucher etcontempler (cf. 1Jn 1,1) le Verbe de Vie, puisque la Vie elle-même s’est manifestée dans le Christ. Et nous qui sommes appelés à la communion avec Dieu et entre nous, nous devons être des messagers de ce don. Dans cette perspective kérygmatique, l’Assemblée synodale a été pour l’Église et pour le monde un témoignage de la beauté de la rencontre avec la Parole de Dieu dans la communion ecclésiale. Par conséquent, j’exhorte tous les fidèles à refaire l’expérience de la rencontre personnelle et communautaire avec le Christ, Verbe de Vie qui s’est rendu visible, et à s’en faire les messagers pour que le don de la vie divine, la communion, s’étende toujours davantage dans le monde entier. En effet, participer à la vie de Dieu, Trinité d’Amour, est plénitude de joie (cf. 1Jn 1,4). Et c’est un don et une tâche incontournable de l’Église de communiquer la joie qui vient de la rencontre avec la Personne du Christ, Parole de Dieu présente au milieu de nous. Dans un monde qui souvent considère Dieu comme superflu ou lointain, nous confessons comme Pierre que lui seul a «les paroles de la vie éternelle» (Jn 6,68). Il n’existe pas de priorité plus grande que celle-ci: ouvrir à nouveau à l’homme d’aujourd’hui l’accès à Dieu, au Dieu qui parle et qui nous communique son amour pour que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10,10).

De «Dei Verbum» au Synode sur la Parole de Dieu

3 Avec la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques sur la Parole de Dieu, nous sommes conscients d’avoir pris pour thème, en un certain sens, le coeur même de la vie chrétienne, en continuité avec la précédente Assemblée synodale sur l’Eucharistie source et sommet de la vie et de la mission de l’Église. En effet, l’Église est fondée sur la Parole de Dieu, elle en naît et en vit.[2]Tout au long des siècles de son histoire, le Peuple de Dieu a toujours trouvé en elle sa force et aujourd’hui encore la communauté ecclésiale grandit dans l’écoute, dans la célébration et dans l’étude de la Parole de Dieu. On doit reconnaître qu’au cours des dernières décennies la sensibilité de la vie ecclésiale sur ce thème s’est accrue, avec une attention particulière à la Révélation chrétienne, à la Tradition vivante et à la Sainte Écriture. À partir du pontificat du Pape Léon XIII, il y a eu un crescendo d’interventions tendant à faire prendre une plus grande conscience de l’importance de la Parole de Dieu et des études bibliques dans la vie de l’Église,[3] et qui a culminé avec le Concile Vatican II, de façon particulière avec la promulgation de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei Verbum. Elle représente une borne milliaire sur le chemin ecclésial: «Les Pères synodaux reconnaissent avec gratitude les grands bénéfices apportés par ce document à la vie de l’Église, au point de vue exégétique, théologique, spirituel, pastoral et oecuménique».[4] Au cours de ces années, la conscience de «l’horizon trinitaire, historique et salvifique de la Révélation»[5] et la reconnaissance de Jésus-Christ, comme «le médiateur et la plénitude de toute la Révélation»[6] ont particulièrement grandi. L’Église confesse sans cesse à toutes les générations que le Christ, «par toute sa présence et par toute la manifestation de lui-même, par ses paroles et ses oeuvres, par ses signes et ses miracles, mais surtout par sa mort et sa Résurrection glorieuse d’entre les morts, enfin par l’envoi de l’Esprit de vérité, achève la Révélation en l’accomplissant».[7]

La grande impulsion que la Constitution dogmatique Dei Verbum a donnée à la redécouverte de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église, à la réflexion théologique sur la Révélation divine et à l’étude de la Sainte Écriture, est connue de tous. Nombreuses ont aussi été les interventions du Magistère ecclésial en ces matières au cours des quarante dernières années.[8] Avec la célébration de ce Synode, l’Église, dans la conscience de la continuité de son propre parcours sous la conduite de l’Esprit Saint, s’est sentie appelée à approfondir davantage le thème de la Parole divine, à la fois pour vérifier la mise en oeuvre des indications conciliaires, et pour faire face aux nouveaux défis que le temps présent lance à ceux qui croient dans le Christ.

[2] Cf. XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 27.
[3] Cf. Léon XIII, Lett. enc. Providentissimus Deus (18 novembre 1893): ASS (1893-94), 269-292; Benoît XV, Lett. enc. Spiritus Paraclitus (15 septembre 1920): AAS 12 (1920), pp. 385-422; Pie XII, Lett. enc. Divino afflante Spiritu (30 septembre 1943): AAS 35 (1943), pp. 297-325.
[4] Proposition 2.
[5] Ibidem.
[6] Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n.
DV 2 (Traduction française tirée de Les Conciles oecuméniques, tome 2, Cerf, Paris, 1994).
[7] Ibidem, n. DV 4.
[8] Cf. Parmi les interventions de diverses natures on rappellera: Paul VI, Lett. Apost. Summi Dei Verbum (4 novembre 1963): AAS 55 (1963), pp. 979-995; idem, Motu proprio Sedula cura (27 juin 1971) AAS 63 (1971), pp. 665-669; Jean-Paul II, Audience générale (1° mai 1985): L’Osservatore Romano en langue française (par la suite L’ORf ), 2-3 mai 1985, p. 12; Id.,Discours sur l’interprétation de la Bible dans l’Église (23 avril 1993) AAS 86 (1994), pp. 232-242: La Documentation catholique (par la suite La DC ) n. 2073, p. 503; Benoît XVI, Audience au Congrès pour le 40ème anniversaire de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine (16 septembre 2005): AAS 97 (2005), p. 957, L’ORf, 20 septembre 2005, p. 3; Id., Angelus (6 novembre 2005): L’ORf, 8 novembre 2005, p. 1. Il faut aussi rappeler les interventions de la Commission Biblique Pontificale, De sacra Scriptura et christologia (1984): Ench. Vat. 9. n. 1208-1339; Unité et diversité dans l’Église (11 avril 1988): Ench. Vat. 11. n. 544-643;L’interprétation de la Bible dans l’Église (15 avril 1993): Ench. Vat. 13. n. 2846-3150; Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne (24 mai 2001): Ench. Vat.20. n. 733-1150; Bible et morale. Racines bibliques de l’agir chrétien (11 mai 2008), Città del Vaticano 2008.

Le Synode des Évêques sur la Parole de Dieu

4 Durant la XIIe Assemblée synodale, des Pasteurs provenant du monde entier se sont réunis autour de la Parole de Dieu et ont symboliquement mis au centre de l’Assemblée le texte de la Bible pour redécouvrir ce que dans le quotidien nous risquons de considérer comme allant de soi: le fait que Dieu nous parle et répond à nos demandes.[9] Nous avons écouté et célébré ensemble la Parole du Seigneur. Nous nous sommes raconté mutuellement ce que le Seigneur accomplit au sein du Peuple de Dieu, partageant ses espérances et ses préoccupations. Tout cela nous a rendus conscients que nous ne pouvons approfondir notre relation avec la Parole de Dieu qu’à partir du «nous» de l’Église, dans l’écoute et dans l’accueil réciproque. De là, jaillit la gratitude pour les témoignages sur la vie ecclésiale dans les diverses régions du monde, qui ressortent des différentes interventions dans l’aula. De la même manière, il fut émouvant d’écouter les Délégués fraternels, qui ont accueilli l’invitation à participer à la rencontre synodale. Je pense en particulier à la méditation que nous a offerte Sa Sainteté Bartholoméos Ier, Patriarche oecuménique de Constantinople, pour laquelle les Pères synodaux ont exprimé une profonde reconnaissance.[10] En outre, pour la première fois, le Synode des Évêques a voulu inviter un Rabbin pour qu’il nous donne un précieux témoignage sur les Saintes Écritures juives, qui justement font partie de nos Saintes Écritures.[11]

Nous avons pu ainsi constater avec joie et gratitude que «dans l’Église, il existe une Pentecôte également aujourd’hui – c’est-à-dire qu’elle parle dans plusieurs langues. Non seulement extérieurement toutes les grandes langues du monde sont représentées en son sein, mais il y existe un sens plus profond encore: en elle, sont présents les multiples modes de l’expérience de Dieu et du monde, la richesse des cultures. Ce n’est qu’ainsi qu’apparaît toute l’étendue de l’existence humaine et, à partir d’elle, l’étendue de la Parole de Dieu».[12] Nous avons pu constater aussi que la Pentecôte est encore ‘en chemin’; différents peuples attendent encore que la Parole de Dieu soit annoncée dans leur langue et dans leur culture.

Ensuite, comment ne pas se souvenir que, durant tout le Synode, le témoignage de l’Apôtre Paul nous a accompagnés! Il a été providentiel, en effet, que la XIIe Assemblée générale ordinaire se soit tenue au cours de l’année consacrée à la figure du grand Apôtre des Gentils, à l’occasion du bimillénaire de sa naissance. Son existence a été totalement caractérisée par le zèle pour la diffusion de la Parole de Dieu. Comment ne pas entendre dans notre coeur l’écho de ses paroles vibrantes se référant à sa mission de messager de la Parole divine: «tout cela, je le fais à cause de l’Évangile» (
1Co 9,23); «Je n’ai pas honte d’être au service de l’Évangile – écrit-il dans la Lettre aux Romains – car il est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant» (Rm 1,16). Quand nous réfléchissons sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église, nous ne pouvons pas ne pas penser à saint Paul et à sa vie donnée pour faire entendre à tous l’annonce du salut du Christ.

[9] Cf. Benoît XVI, Discours à la Curie romaine (22 décembre 2008): AAS 101 (2009), p. 49;L’ORf, 23/30 décembre 2008, p. 3.
[10] Cf. Proposition 37.
[11] Cf. Commission Biblique Pontificale, Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne (24 mai 2001) : Ench. Vat. 20. n. 733-1150.
[12] Benoît XVI, Discours à la Curie romaine (22 décembre 2008): AAS 101 (2009) p. 50;L’ORf, 23/30 décembre 2008, p. 4.

Le Prologue de l’Évangile de Jean comme guide

5 Par cette Exhortation apostolique, je désire que les acquis du Synode influencent efficacement la vie de l’Église: dans la relation personnelle avec les Saintes Écritures, dans leur interprétation au cours de la liturgie et dans la catéchèse, de même que dans la recherche scientifique, afin que la Bible ne demeure pas une Parole du passé, mais une Parole vivante et actuelle. Dans ce but j’entends présenter et approfondir les résultats du Synode en faisant une référence constante au Prologue de l’Évangile de Jean (Jn 1,1-18), dans lequel nous est communiqué le fondement de notre vie: le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu, s’est fait chair et a habité parmi nous (cf. Jn 1,14). Il s’agit d’un texte admirable, qui offre une synthèse de toute la foi chrétienne. De cette expérience personnelle que fut pour lui la rencontre du Christ et l’engagement à sa suite, Jean, que la Tradition identifie au «disciple que Jésus aimait» (Jn 13,23 Jn 20,2 Jn 21,7 Jn 21,20), «a tiré une certitude intime : Jésus est la Sagesse de Dieu incarnée, il est sa Parole éternelle qui s’est faite homme sujet à la mort».[13] Que celui qui «vit et crut» (Jn 20,8) nous aide nous aussi à appuyer notre tête sur la poitrine du Christ (cf. Jn 13,25), d’où ont jailli du sang et de l’eau (cf. Jn 19,34), symboles des Sacrements de l’Église. Suivant l’exemple de l’Apôtre Jean et des autres auteurs inspirés, laissons-nous guider par l’Esprit Saint afin de pouvoir aimer toujours plus la Parole de Dieu.

[13] Cf. Benoît XVI, Angelus (4 janvier 2009): L’ORf, 6 janvier 2009, p. 7.


PREMIÈRE PARTIE


VERBUM DEI

«Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. […] Et le Verbe s’est fait chair»

(Jn 1,1 Jn 1,14)

Le Dieu qui parle

Dieu en dialogue

6 La nouveauté de la Révélation biblique vient du fait que Dieu se fait connaître dans le dialogue qu’il désire instaurer avec nous.[14] La Constitution dogmatique Dei Verbum avait exposé cette réalité en reconnaissant que «Dieu invisible dans l’immensité de sa charité, (…) s’adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion».[15] Mais nous ne comprendrions pas encore pleinement le message du Prologue de saint Jean si nous nous arrêtions à la constatation que Dieu se communique à nous avec amour. En fait, le Verbe de Dieu, par lequel «tout s’est fait» (Jn 1,3) et qui «s’est fait chair» (Jn 1,14), est le même Dieu qui est «au commencement» (Jn 1,1). Si nous reconnaissons ici une allusion au début du Livre de la Genèse (cf. Gn 1,1), nous nous trouvons, en réalité, face à un principe de caractère absolu, qui nous dévoile la vie intime de Dieu. Le Prologue johannique nous met en face du fait que le Logos est réellement depuis toujours, et depuis toujours il est Dieu lui-même. Par conséquent, il n’y a jamais eu en Dieu un temps où le Logos n’était pas. Le Verbe préexiste à la création. C’est pourquoi, au coeur de la vie divine existe la communion, le don absolu. «Dieu est amour» (1Jn 4,16) dira à un autre endroit le même Apôtre, en indiquant par là «l’image chrétienne de Dieu ainsi que l’image de l’homme et de son chemin, qui en découle».[16] Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu et est Dieu, nous révèle Dieu lui-même dans le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. C’est pourquoi, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu amour, nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes que dans l’accueil du Verbe et dans la docilité à l’oeuvre de l’Esprit Saint. C’est à la lumière de la Révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine.

[14] Cf. XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, Relatio ante disceptationem, I: L’ORf, 4 novembre 2008, p. 9.
[15] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 2.
[16] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), pp. 217-218.

Analogie de la Parole de Dieu

7 À partir de ces considérations, qui naissent de la méditation du Mystère chrétien exprimé dans le Prologue de Jean, il est nécessaire à présent de souligner ce qu’ont affirmé les Pères synodaux concernant les diverses modalités avec lesquelles nous utilisons l’expression «Parole de Dieu». On a parlé avec justesse d’une symphonie de la Parole, d’une Parole unique qui s’exprime de différentes manières: «comme un chant à plusieurs voix».[17] Les Pères synodaux ont parlé à ce propos, en référence à la Parole de Dieu, d’une utilisation analogique du langage humain. En effet, si d’un côté cette expression concerne la communication que Dieu fait de lui-même, de l’autre, elle assume des significations diverses qui doivent être considérées avec attention et mises en relation les unes avec les autres, aussi bien du point de vue de la réflexion théologique que de l’usage pastoral. Comme nous le montre de manière claire le Prologue de Jean, le Logos désigne à l’origine le Verbe éternel, c’est-à-dire, le Fils unique engendré par le Père avant tous les siècles et qui lui est consubstantiel: le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Mais ce même Verbe, affirme saint Jean, «s’est fait chair» (Jn 1,14); c’est pourquoi Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, est réellement le Verbe de Dieu qui s’est fait consubstantiel à nous. Par conséquent, l’expression «Parole de Dieu» indique ici la Personne de Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, fait homme.

Par ailleurs, si au centre de la Révélation divine se situe l’événement du Christ, on doit aussi reconnaître que la création elle-même, le liber naturae, fait aussi essentiellement partie de cette symphonie à plusieurs voix dans laquelle le Verbe unique s’exprime. En même temps, nous affirmons que Dieu a communiqué sa Parole dans l’histoire du salut, qu’il a fait entendre sa voix; par la puissance de son Esprit, «il a parlé par les prophètes».[18] La Parole divine se révèle donc au cours de l’histoire du salut et elle parvient à sa plénitude dans le Mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection du Fils de Dieu. La Parole de Dieu est encore celle qui est prêchée par les apôtres, dans l’obéissance au Commandement de Jésus ressuscité: «Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc 16,15). La Parole de Dieu est donc transmise dans la Tradition vivante de l’Église. Enfin, la Parole divine, attestée et divinement inspirée, c’est l’Écriture Sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament. Tout cela nous fait comprendre pourquoi, dans l’Église, nous vénérons beaucoup les Saintes Écritures, bien que la foi chrétienne ne soit pas une «religion du Livre»: le Christianisme est la «religion de la Parole de Dieu», non d’«une parole écrite et muette, mais du Verbe incarné et vivant».[19] L’Écriture doit donc être proclamée, écoutée, lue, accueillie et vécue comme la Parole de Dieu, dans le sillage de la Tradition apostolique dont elle est inséparable.[20]

Comme l’ont affirmé les Pères synodaux, nous nous trouvons réellement face à une utilisation analogique de l’expression «Parole de Dieu», dont nous devons être conscients. Il faut donc que les fidèles soient davantage préparés à en saisir les différents sens et à en comprendre l’unité. De même, du point de vue théologique, il est nécessaire d’approfondir l’articulation des différentes significations de cette expression pour que resplendissent davantage l’unité du dessein divin et son centre: la Personne du Christ.[21]

[17] XIIe Assemblée Générale ordinaire du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 9.
[18] Credo de Nicée Constantinople: DS 150.
[19] Saint Bernard de Clairvaux, Homelia super missus est, IV, 11: PL 183, 86 B.
[20] Cf. Conc.OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 10.
[21] Cf. Proposition 3.

Dimension cosmique de la Parole

8 Conscients de la signification essentielle de la Parole de Dieu en référence au Verbe éternel de Dieu fait chair, unique sauveur et médiateur entre Dieu et l’homme,[22] et en écoutant cette Parole, nous sommes amenés par la Révélation biblique à reconnaître qu’elle est le fondement de toute la réalité. Le Prologue de saint Jean affirme, en référence au Logos divin, que «par lui tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui» (Jn 1,3); de même, dans la Lettre aux Colossiens, il est affirmé en ce qui concerne le Christ, «premier-né par rapport à toute créature» (Col 1,15), que «tout est créé par lui et pour lui» (Col 1,16). Et l’auteur de la Lettre aux Hébreux rappelle aussi que «grâce à la foi, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la Parole de Dieu, si bien que l’univers visible provient de ce qui n’apparaît pas au regard» (He 11,3).

Cette annonce est pour nous une parole libératrice. En effet, les affirmations de l’Écriture indiquent que tout ce qui existe n’est pas le fruit d’un hasard irrationnel, mais est voulu par Dieu, fait partie de son dessein, au sommet duquel il nous est offert de participer, dans le Christ, à la vie divine. La création naît du Logos et porte de façon indélébile la marque de la Raison créatrice qui ordonne et guide. Les Psaumes chantent cette joyeuse certitude: «Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche» (Ps 33,6); et encore: «il parla, et ce qu’il dit exista; il commanda, et ce qu’il dit survint» (Ps 33,9). Toute la réalité exprime ce Mystère: «Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains» (Ps 19,2). Par conséquent, c’est l’Écriture Sainte elle-même qui nous invite à connaître le Créateur en observant la création (cf. Ps 13,5 Rm 1,19-20). La tradition de la pensée chrétienne a su approfondir cet élément-clé de la symphonie de la Parole, quand, par exemple, saint Bonaventure qui, avec la grande tradition des Pères grecs, a vu toutes les possibilités de la création dans le Logos,[23] affirme que«toute créature est parole de Dieu, puisqu’elle proclame Dieu».[24] La Constitution dogmatiqueDei Verbum avait résumé cet élément en déclarant qu’«en créant (cf. Jn 1,3) et en conservant toutes choses par le Verbe, Dieu offre aux hommes dans les choses créées un témoignage durable de lui-même».[25]

[22] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Église Dominus Iesus (6 août 2000) nn. 13-15: AAS 92 (2000), pp. 754-756.
[23] Cf. In Hexaemeron, XX, 5: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 425-426 ; BreviloquiumI, 8: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 216-217.
[24] Saint Bonaventure, Itinerarium mentis in Deum, II, 12 : Opera Omnia, V, Quaracchi, 1891, pp. 302-303 ; cf. Commentarius in librum Ecclesiastes, Chap. 1, vers. 11; Quaestiones, II, 3, Quaracchi 1891, p. 16.
[25] Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 3; cf. Conc. OEcum. Vat. I, Const. dogm. sur la foi catholique Dei Filius, chap. 2, De revelatione: DS 3004.

La création de l’homme

9 La réalité naît donc de la Parole, comme creatura Verbi et tout est appelé à servir la Parole. La création, en effet, est le lieu où se développe toute l’histoire de l’amour entre Dieu et sa créature. Par conséquent, le salut de l’homme est la raison de tout. En contemplant le cosmos dans la perspective de l’histoire du salut, nous sommes amenés à découvrir la position unique et singulière qu’occupe l’homme dans la création: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme» (Gn 1,27). Cela nous permet de reconnaître pleinement les dons précieux reçus du Créateur: la valeur de notre propre corps, le don de la raison, de la liberté et de la conscience. En cela, nous trouvons aussi tout ce que la tradition philosophique appelle la «loi naturelle».[26] En effet, «tout être humain qui accède à la conscience et à la responsabilité fait l’expérience d’un appel intérieur à accomplir le bien»[27] et, donc, à éviter le mal. Comme le rappelle saint Thomas d’Aquin, tous les autres préceptes de la loi naturelle se fondent également sur ce principe.[28] L’écoute de la Parole de Dieu nous porte avant tout à apprécier l’exigence de vivre selon cette loi «écrite dans notre coeur» (cf. Rm 2,15 Rm 7,23).[29] De plus, Jésus-Christ donne aux hommes la nouvelle Loi, la Loi de l’Évangile, qui assume et réalise de manière éminente la loi naturelle, en nous affranchissant de la loi du péché qui fait que, comme le dit saint Paul, «ce qui est à ma portée, c’est d’avoir envie de faire le bien, mais pas de l’accomplir» (Rm 7,18) et, par la grâce, il permet aux hommes la participation à la vie divine et leur donne la capacité de dépasser leur égoïsme.[30]

[26] Cf. Proposition 13.
[27] Commission Théologique Internationale, À la recherche d’une éthique universelle: un regard nouveau sur la loi naturelle, n. 39.
[28] Cf. Summa Theologiae, I-II 94,2.
[29] Cf. Commission Biblique Pontificale, Bible et morale, Racines bibliques de l’agir chrétien(11 mai 2008), nn. 13, 32 et 109.
[30] Cf. Commission Théologique Internationale, À la recherche d’une éthique universelle: un regard nouveau sur la loi naturelle, n. 102.

Le réalisme de la Parole

10 Celui qui connaît la Parole divine connaît aussi pleinement la signification de toute créature. Si toutes les choses, en effet, «subsistent» en Celui qui est «avant toutes choses» (cf. Col 1,17), alors celui qui construit sa propre vie sur sa Parole bâtit vraiment de manière solide et durable. La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme: la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout.[31] Nous en avons particulièrement besoin à notre époque, où de nombreuses choses sur lesquelles nous nous appuyons pour construire notre vie, sur lesquelles nous sommes tentés de mettre notre espérance, se révèlent éphémères. L’avoir, le plaisir et le pouvoir se manifestent tôt ou tard incapables de réaliser les aspirations les plus profondes du coeur de l’homme. En effet, pour construire sa vie, celui-ci a besoin de fondements solides, qui demeurent même lorsque les certitudes humaines s’estompent. En réalité, puisque «pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux» et que la fidélité du Seigneur dure «d’âge en âge» (cf. Ps 119,89-90), celui qui bâtit sur cette Parole construit la maison de sa vie sur le roc (cf. Mt 7,24). Que notre coeur puisse dire tous les jours à Dieu: «Toi mon abri, mon bouclier, j’espère en ta parole» (Ps 119,114) et, comme saint Pierre, que nous puissions agir tous les jours en nous en remettant au Seigneur Jésus: «sur ton ordre, je vais jeter les filets» (Lc 5,5)!

[31] Cf. Benoît XVI, Méditation à l’occasion de l’ouverture du Synode des Évêques (6 octobre 2008): ASS 100 (2008), 758-761, L’ORf, 14 octobre 2008, p. 11.

Christologie de la Parole

11 À partir de ce regard sur la réalité comme oeuvre de la Sainte Trinité, à travers le Verbe divin, nous pouvons comprendre les paroles de l’auteur de la Lettre aux Hébreux: «Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées; mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes» (He 1,1-2). Il est beau de noter que tout l’Ancien Testament se présente déjà à nous comme l’histoire dans laquelle Dieu communique sa Parole: «En effet, après avoir conclu une alliance avec Abraham (cf. Gn 15,18) et, par Moïse, avec le Peuple d’Israël (cf. Ex 24,8), il se révéla au Peuple qu’il s’était acquis, par des paroles et par des actions, comme le Dieu unique, vivant et vrai, de sorte qu’Israël fit l’expérience des voies de Dieu avec les hommes, qu’il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire grâce à Dieu parlant lui-même par la bouche des prophètes, et qu’il manifesta toujours plus largement parmi les nations (cf. Ps 21,28-29 Ps 95,1-3 Is 2,1-4 Jr 3,17)».[32]

Cette complaisance de Dieu se réalise de manière indépassable au moment de l’Incarnation du Verbe. La Parole éternelle qui s’exprime dans la création et qui se communique dans l’histoire du salut est devenue dans le Christ un homme, «né d’une femme» (Ga 4,4). La Parole ne s’exprime plus ici d’abord à travers un discours, fait de concepts ou de règles. Ici, nous sommes mis face à la Personne même de Jésus. Son histoire unique et singulière est la Parole définitive que Dieu dit à l’humanité. On comprend alors pourquoi «à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive».[33] Le renouvellement de cette rencontre et de cette conscience génère dans le coeur des croyants l’émerveillement devant l’initiative divine que l’homme, avec ses seules facultés rationnelles et avec son imagination n’aurait jamais pu concevoir. Il s’agit d’une nouveauté incroyable et humainement inconcevable: «Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous» (Jn 1,14a). Ces expressions n’indiquent pas une figure rhétorique mais une expérience vécue! C’est saint Jean, témoin oculaire, qui la rapporte: «nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1,14). La foi apostolique témoigne que la Parole éternelle s’est faite Un de nous. La Parole divine s’exprime vraiment à travers desparoles humaines.

[32] Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 14.
[33] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), pp. 217-218.

12 En contemplant cette «Christologie de la Parole», la tradition patristique médiévale a utilisé une expression suggestive: le Verbe s’est abrégé.[34] Dans leur traduction grecque de l’Ancien Testament, les Pères de l’Église ont trouvé une parole du prophète Isaïe - que saint Paul cite aussi - pour montrer que les voies nouvelles de Dieu étaient déjà annoncées dans l’Ancien Testament. On pouvait y lire: «Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée» (Is 10,23 Rm 9,28). Le Fils, lui-même, est la Parole de Dieu, il est le «Logos: la Parole éternelle s’est faite petite – si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable».[35] À présent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement unevoix, maintenant la Parole a un visage, qu’en conséquence nous pouvons voir: Jésus de Nazareth.[36]

En suivant le récit des Évangiles, nous relevons que l’humanité même de Jésus apparaît dans toute son originalité dans sa référence à la Parole de Dieu. En effet, il réalise heure par heure, dans son humanité parfaite, la volonté du Père. Jésus écoute sa voix et il lui obéit de tout son coeur. Il connaît le Père et il observe sa Parole (cf. Jn 8,55). Il nous raconte les choses du Père (cf. Jn 12,50). «Je leur ai donné les paroles que tu m’as données» (Jn 17,8). Jésus montre donc qu’il est le Logos divin qui se donne à nous, mais aussi le nouvel Adam, l’homme vrai, celui qui accomplit à chaque instant non sa propre volonté mais celle du Père. Il «grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes» (Lc 2,52). De manière parfaite, il écoute, il réalise en lui-même et il nous communique la Parole divine (cf. Lc 5,1).

La mission de Jésus trouve enfin son accomplissement dans le Mystère pascal: nous nous trouvons ici face au «langage de la croix» (1Co 1,18).
Le Verbe se tait, il devient silence de mort, car il s’est «dit» jusqu’à se taire, ne conservant rien de ce qu’il devait communiquer. De manière suggestive, les Pères de l’Église, contemplant ce Mystère, mettent sur les lèvres de la Mère de Dieu cette expression: «Sans parole est la parole du Père, laquelle a créé toute la nature parlante, sans mouvement sont les yeux éteints de celui par la parole et le geste de qui est mû tout ce qui se meut».[37] Ici, nous est vraiment révélé l’amour le «plus grand», celui qui donne sa vie pour ses propres amis (cf. Jn 15,13).

Dans ce grand Mystère, Jésus se manifeste comme la Parole de l’Alliance Nouvelle et Éternelle: la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée, en un pacte indissoluble, à jamais valable. Au cours de l’institution de l’Eucharistie, Jésus lui-même - à la dernière Cène - avait parlé de «la Nouvelle et Éternelle Alliance», scellée par son Sang versé (cf. Mt 26,28 Mc 14,24 Lc 22,20), se montrant comme le véritable Agneau immolé, en qui s’accomplit la libération définitive de l’esclavage.[38]

Dans le Mystère lumineux de la Résurrection, ce silence de la Parole se manifeste dans sa signification authentique et définitive. Le Christ, Parole de Dieu incarnée, crucifiée et ressuscitée, est le Seigneur de toutes choses; il est le Vainqueur, le Pantokrátor, et tout est récapitulé pour toujours en lui (cf. Ep 1,10). Le Christ est donc «la lumière du monde» (Jn 8,12), cette lumière qui «brille dans les ténèbres» (Jn 1,5) et que les ténèbres n’ont pas arrêtée (cf. Jn 1,5). Nous comprenons pleinement ici le sens du Psaume 119: «ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route» (Ps 119,105); la Parole qui ressuscite est cette lumière définitive sur notre route. Dès le début, les Chrétiens ont eu conscience que, dans le Christ, la Parole de Dieu est présente en tant que Personne. La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. Oui, au moment de la Résurrection, le Fils de Dieu s’est manifesté comme Lumière du monde. À présent, en vivant avec lui et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière.

[34] «Ho Logos pachynetai (ou brachynetai)». Cf. Origène, Péri Archon, I, 2, 8: Sources Chrétiennes (par la suite SC ) 252, p. 127-129.
[35] Benoît XVI, Homélie au cours de la Messe de la Nativité du Seigneur (24 décembre 2006):AAS 99 (2007), p. 12, L’ORf, 2 janvier 2007, p. 2.
[36] Cf. XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Message final, II, 4-6.
[37] Saint Maxime le Confesseur, La vie de Marie, n. 89 : CSCO 479, p. 77.
[38] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 9-10: AAS 99 (2007), pp. 111- 112.

13 Parvenus, si l’on peut s’exprimer ainsi, au coeur de la «Christologie de la Parole», il est important de souligner l’unité du dessein divin dans le Verbe incarné: c’est pour cela que le Nouveau Testament nous présente le Mystère pascal en accord avec les Saintes Écritures, comme leur accomplissement parfait. Saint Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, affirme que Jésus-Christ est mort pour nos péchés «conformément aux Écritures» (1Co 15,3) et qu’il est ressuscité le troisième jour «conformément aux Écritures» (1Co 15,4). De cette manière, l’Apôtre place l’événement de la mort et de la Résurrection du Seigneur en relation avec l’histoire de l’antique Alliance de Dieu avec son Peuple. Bien plus, il nous fait comprendre que c’est de cet événement que cette histoire tire sa logique et sa véritable signification. Dans le Mystère pascal s’accomplissent «les paroles de l’Écriture; c’est-à-dire que – cette mort réalisée “conformément aux Écritures” – est un événement qui porte en soi unLogos, une logique: la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s’est faite pleinement “chair”, “histoire” humaine».[39] La Résurrection de Jésus se produit aussi «le troisième jour conformément aux Écritures»: puisque, suivant l’interprétation juive, la décomposition commençait après le troisième jour, la Parole de l’Écriture s’accomplit en Jésus qui ressuscite avant que ne commence la décomposition. Ainsi, en transmettant fidèlement l’enseignement des Apôtres (cf. 1Co 15,3), saint Paul souligne que la victoire du Christ sur la mort advient par la puissance créatrice de la Parole de Dieu. Cette puissance divine apporte l’espérance et la joie: c’est là, en définitive, le contenu libérateur de la Révélation pascale. À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.

En rappelant ces éléments essentiels de notre foi, nous pouvons contempler la profonde unité entre la création et la nouvelle création et celle de toute l’histoire du salut dans le Christ. En recourant à une image, nous pouvons comparer l’univers à un «livre» – comme le disait également Galilée – le considérant comme «l’oeuvre d’un Auteur qui s’exprime à travers la “symphonie” de la création. Au sein de cette symphonie, on trouve, à un certain moment, ce que l’on appellerait en langage musical un “solo”, un thème confié à un seul instrument ou à une voix unique; et celui-ci est tellement important que la signification de toute l’oeuvre dépend de lui. Ce “solo”, c’est Jésus ... Le Fils de l’homme résume en lui la terre et le ciel, la création et le Créateur, la chair et l’Esprit. Il est le centre de l’univers et de l’histoire, parce qu’en lui s’unissent sans se confondre l’Auteur et son oeuvre».[40]

[39] Cf. Benoît XVI, Audience Générale (15 avril 2009): L’ORf, 21 avril 2009, p. 2.
[40] Cf. Benoît XVI, Homélie en la solennité de l’Épiphanie du Seigneur (6 janvier 2009):L’ORf, 13 janvier 2009, p. 6.


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