Verbum Domini FR 85

e) La Parole de Dieu, le mariage et la famille

85 Le Synode a éprouvé la nécessité de souligner aussi le rapport entre la Parole de Dieu, le mariage et la famille chrétienne. En effet, «en annonçant la Parole de Dieu, l’Église révèle à la famille chrétienne sa véritable identité, autrement dit ce qu’elle est et ce qu’elle doit être selon le dessein du Seigneur».[284] Il faut donc ne jamais perdre de vue que la Parole de Dieu est à l’origine du mariage (cf. Gn 2,24) et que Jésus lui-même a voulu inclure le mariage parmi les institutions de son Royaume (cf. Mt 19,4-8), faisant un Sacrement de ce qui était inscrit à l’origine dans la nature humaine. «Dans la célébration sacramentelle, l’homme et la femme prononcent une parole prophétique de don mutuel, d’être “une seule chair”, signe du Mystère de l’union du Christ et de l’Église (cf. Ep 5,31-32)».[285] La fidélité à la Parole de Dieu amène également à constater qu’aujourd’hui cette institution est attaquée sous de nombreux aspects par la mentalité ambiante. Face au désordre général des sentiments et à l’apparition de modes de pensée qui banalisent le corps humain et la différence sexuelle, la Parole de Dieu réaffirme la bonté originelle de l’être humain, créé homme et femme, et appelé à l’amour fidèle, réciproque et fécond.

Du grand Mystère nuptial, provient une incontournable responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants. En effet, c’est à la paternité et à la maternité vécues de façon authentique qu’il revient de communiquer et de témoigner du sens de la vie dans le Christ: à travers leur fidélité et l’unité de la vie de famille, les époux sont pour leurs enfants les premiers messagers de la Parole de Dieu. La communauté ecclésiale doit les soutenir et les aider à développer la prière en famille, l’écoute de la Parole et la connaissance de la Bible. C’est pourquoi le Synode souhaite que chaque foyer ait sa Bible et la conserve dignement, afin de pouvoir la lire et l’utiliser dans la prière. L’aide nécessaire peut être fournie par les prêtres, les diacres ou les laïcs bien préparés. Le Synode a recommandé aussi la création de petites communautés composées de familles, où l’on pratique la prière et la méditation commune de passages choisis des Écritures.[286] Que les époux se rappellent, en outre, «que la Parole de Dieu est aussi un précieux soutien dans les difficultés de la vie conjugale et familiale».[287]

Dans ce contexte, je désire souligner encore ce que le Synode a recommandé au sujet de la tâchedes femmes à l’égard de la Parole de Dieu. La contribution du «génie féminin» – comme l’appelait le Pape Jean-Paul II,[288] – à la connaissance de l’Écriture et à la vie entière de l’Église, est plus grande aujourd’hui que par le passé et touche aussi désormais le domaine des études bibliques elles-mêmes. Le Synode s’est arrêté en particulier sur le rôle indispensable des femmes dans la famille et dans l’éducation, dans la catéchèse, dans la transmission des valeurs. En effet, elles «savent susciter l’écoute de la Parole, la relation personnelle avec Dieu et transmettre le sens du pardon et du partage évangélique»,[289] comme elles savent aussi être porteuses d’amour, modèles de miséricorde et artisans de paix, communicatrices de chaleur et d’humanité dans un monde qui, trop souvent, juge les personnes selon les critères froids de l’exploitation et du profit.

[284] Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. FC 49: AAS 74 (1982), pp. 140-141.
[285] Proposition 20.
[286] Cf. Proposition 21.
[287] Proposition 20.
[288] Cf. Lett. apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. MD 31: AAS 80 (1988), p. 1727-1729.
[289] Proposition 17.

La lecture orante de la Sainte Écriture et la ‘Lectio divina’

86 Le Synode a insisté à plusieurs reprises sur l’exigence d’une approche priante du texte sacré comme élément fondamental de la vie spirituelle de tout croyant, dans les divers ministères et états de vie, en se référant notamment à la Lectio divina.[290] La Parole de Dieu est, en effet, à la base de toute spiritualité chrétienne authentique. Les Pères synodaux se sont ainsi mis en syntonie avec ce qu’affirme la Constitution dogmatique Dei Verbum: «Que les fidèles (…) approchent de tout leur coeur le texte sacré lui-même, soit par la sainte liturgie, qui est remplie des paroles divines, soit par une pieuse lecture, soit par des cours faits pour cela ou par d’autres méthodes qui, avec l’approbation et le soin qu’en prennent les Pasteurs de l’Église, se répandent de manière louable partout de notre temps. Mais la prière – qu’on se le rappelle – doit accompagner la lecture de la Sainte Écriture».[291] La réflexion conciliaire entendait reprendre la grande Tradition patristique qui a toujours recommandé d’approcher l’Écriture en établissant un dialogue avec Dieu. Comme le dit saint Augustin: «Ta prière est ta parole adressée à Dieu. Quand tu lis, c’est Dieu qui te parle; quand tu pries, c’est toi qui parles avec Dieu».[292] Origène, l’un des maîtres de cette lecture de la Bible, soutient que l’intelligence des Écritures demande, plus encore que l’étude, l’intimité avec le Christ et la prière. Il est convaincu, en effet, que la voie privilégiée pour connaître Dieu est l’amour, et que l’on n’acquiert pas une authentique scientia Christi sans s’éprendre de Lui. Dans la Lettre à Grégoire, le grand théologien d’Alexandrie recommande: «Applique-toi principalement à la lecture des divines Écritures: applique-toi bien à cela (…) En t’appliquant à les lire avec l’intention de croire et de plaire à Dieu, frappe, dans ta lecture, à la porte de ce qui est fermé, et il t’ouvrira, le portier dont Jésus a dit: “À celui-là le portier ouvre”. En t’appliquant à cette divine lecture, cherche avec droiture et avec une confiance inébranlable en Dieu le sens des divins Écrits, caché au grand nombre. Ne te contente pas de frapper et de chercher, car il est absolument nécessaire de prier pour comprendre les choses divines. C’est pour nous y exhorter que le Sauveur a dit non seulement: “Frappez et l’on vous ouvrira” et “Cherchez et vous trouverez”, mais aussi: “Demandez et l’on vous donnera”».[293]

Toutefois, à ce propos, il faut éviter le risque d’une approche individualiste, en se rappelant que la Parole de Dieu nous est précisément donnée pour construire la communion, pour nous unir dans la vérité durant notre marche vers Dieu. C’est une Parole qui s’adresse à chacun personnellement, mais c’est aussi une Parole qui construit la communauté, qui construit l’Église. C’est pourquoi le texte sacré doit toujours être abordé dans la communion ecclésiale. En effet, «il est très important d’effectuer une lecture communautaire (…), car le sujet vivant de l’Écriture Sainte c’est le Peuple de Dieu, c’est l’Église. (…) L’Écriture n’appartient pas au passé, car son sujet, le Peuple de Dieu inspiré par Dieu lui-même, est toujours le même, et la Parole est donc toujours vivante dans le sujet vivant. C’est pourquoi il est important de lire l’Écriture Sainte et d’entendre l’Écriture Sainte dans la communion de l’Église, c’est-à-dire avec tous les grands témoins de cette Parole, en commençant par les premiers Pères jusqu’aux saints d’aujourd’hui, jusqu’au Magistère actuel».[294]

Par conséquent, dans la lecture orante de l’Écriture Sainte, le lieu privilégié est la liturgie, l’Eucharistie en particulier, durant laquelle, en célébrant le Corps et le Sang du Christ présent dans le Sacrement, se rend présente parmi nous la Parole elle-même. En un certain sens, la lecture priante, personnelle et communautaire, doit toujours être vécue en relation avec la célébration eucharistique. Comme l’adoration eucharistique prépare, accompagne et continue la célébration eucharistique,[295]de même la lecture priante, personnelle et communautaire, prépare, accompagne et approfondit ce que l’Église célèbre en proclamant la Parole, dans le cadre liturgique. En mettant en aussi étroite relation Lectio et liturgie, on peut mieux saisir les critères qui doivent guider cette lecture dans le contexte de la pastorale et de la vie spirituelle du Peuple de Dieu.

[290] Cf. Propositions 9 et 22.
[291] N.
DV 25.
[292] Enarrationes in Psalmos 85, 7: CCL 39, 1177.
[293] Origène, Epistola ad Gregorium, 3: PG 11, 92.
[294] Benoît XVI, Discours au grand Séminaire pontifical romain (17 février 2007): AAS 99 (2007), p. 254, L’ORf, 27 février 2007, p. 3.
[295] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis, n. 66: AAS 99 (2007), pp. 155-156.


87 Dans les documents qui ont préparé et accompagné le Synode, on a parlé de diverses méthodes pour approcher avec fruit et dans la foi les Écritures Saintes. Toutefois, l’attention la plus grande a été portée sur la Lectio divina, qui «est capable d’ouvrir au fidèle le trésor de la Parole de Dieu, et de provoquer ainsi la rencontre avec le Christ, Parole divine vivante.».[296] Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales: elle s’ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son contenu: que dit en soi le texte biblique?Sans cette étape, le texte risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées. S’en suit la méditation (meditatio)qui pose la question suivante: que nous dit le texte biblique? Ici, chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser toucher et remettre en question, car il ne s’agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé mais dans le présent. L’on arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre question: que disons-nous au Seigneur en réponse à sa Parole? La prière comme requête, intercession, action de grâce et louange, est la première manière par laquelle la Parole nous transforme. Enfin, la Lectio divina se termine par la contemplation (contemplatio), au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que lui pour juger la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de l’esprit, du coeur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il? Saint Paul, dans laLettre aux Romains affirme: «Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait» (Rm 12,2). La contemplation, en effet, tend à créer en nous une vision sapientielle de la réalité, conforme à Dieu, et à former en nous «la pensée du Christ» (1Co 2,16). La Parole de Dieu se présente ici comme un critère de discernement: «elle est vivante, (…) énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles; elle juge des intentions et des pensées du coeur» (He 4,12). Il est bon, ensuite, de rappeler que la Lectio divina ne s’achève pas dans sa dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio), qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité.

Ces étapes se trouvent synthétisées et résumées de manière sublime dans la figure de la Mère de Dieu, modèle pour tous les fidèles de l’accueil docile de la Parole divine. Elle «conservait avec soin toutes ces choses, en les méditant dans son coeur» (Lc 2,19 cf. Lc 2,51), elle savait trouver le lien profond qui unit les événements, les faits et les réalités, apparemment disjoints, dans le grand dessein de Dieu.[297]

Je voudrais rappeler en outre ce qui a été recommandé durant le Synode en ce qui concerne l’importance de la lecture personnelle de l’Écriture, aussi comme pratique pénitentielle, qui prévoit la possibilité, selon les dispositions habituelles de l’Église, d’acquérir l’indulgence, pour soi ou pour les défunts.[298] La pratique de l’indulgence [299] implique la doctrine des mérites infinis du Christ – que l’Église, comme Ministre de la Rédemption, dispense et applique, mais implique également celle de la communion des saints et nous dit «combien nous sommes unis intimement dans le Christ les uns avec les autres et combien la vie surnaturelle de chacun peut bénéficier aux autres».[300] Dans cette perspective, la lecture de la Parole de Dieu nous soutient dans notre itinéraire de pénitence et de conversion, nous permet d’approfondir le sens de notre appartenance ecclésiale et nous soutient dans une familiarité plus grande avec Dieu. Comme l’affirmait saint Ambroise: lorsque nous prenons en main avec foi les Écritures Saintes et les lisons avec l’Église, l’homme revient se promener avec Dieu dans le paradis.[301]

[296] Message final, n. 9.
[297] Cf. Message final, n. 9.
[298] « Plenaria indulgentia conceditur christifideli qui Sacram Scripturam, iuxta textum a competenti auctoritate adprobatum, cum veneratione divino eloquio debita et ad modum lectionis spritalis, per dimidiam saltem horam legerit; si per minus tempus id egerit indulgentia erit partialis»: Pénitencerie Apostolique, Enchiridion Indulgentiarum (16 juillet 1999), Aliae concessiones, 30, § 1.
[299] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, CEC 1471-1479.
[300] Paul VI, Const. apost. Indulgentiarum doctrina (1 janvier 1967): AAS 59 (1967), 18-19.
[301] Cf. Epistula 49, 3: PL 16, 1204.

La Parole de Dieu et la prière mariale

88 Rappelant le lien indissociable entre la Parole de Dieu et Marie de Nazareth, j’invite, en union avec les Pères synodaux, à promouvoir parmi les fidèles, surtout dans leur vie de famille, les prières mariales comme une aide pour méditer les saints Mystères racontés par l’Écriture. Un moyen très utile est, par exemple, la récitation personnelle ou communautaire du saint Rosaire,[302] qui reprend avec Marie les Mystères de la vie du Christ,[303] que le Pape Jean-Paul II a voulu enrichir avec les Mystères lumineux.[304] Il est opportun que l’énonciation des différents Mystères soit accompagnée de brefs passages de la Bible relatifs au Mystère annoncé, afin de favoriser la mémorisation de certaines expressions significatives de l’Écriture relatives aux Mystères de la vie du Christ.

Par ailleurs, le Synode a recommandé d’encourager parmi les fidèles la récitation de la prière del’Angelus Domini. Il s’agit d’une prière simple et profonde qui, en union avec la Mère de Dieu, nous permet de nous «remémorer chaque jour le Mystère du Verbe incarné».[305] Il est opportun que le Peuple de Dieu, les familles et les communautés de personnes consacrées soient fidèles à cette prière mariale que la Tradition nous invite à réciter à l’aurore, à midi et au coucher du soleil. Dans la prière de l’Angelus Domini, nous demandons à Dieu, par l’intercession de Marie, qu’il nous soit donné d’accomplir comme elle la volonté de Dieu et d’accueillir en nous sa Parole. Cette pratique peut nous aider à approfondir en nous un authentique amour pour le Mystère de l’Incarnation.

Diverses prières anciennes de l’Orient chrétien qui, par leur référence à la Theotokos, à la Mère de Dieu, retracent toute l’histoire du salut, méritent d’être connues, appréciées et répandues aussi. Nous pensons en particulier à l’Akathistos et à la Paraklesis. Il s’agit d’hymnes de louange chantés sous forme de litanies, imprégnés de la foi ecclésiale et de références bibliques, qui aident les fidèles à méditer avec Marie les Mystères du Christ. En particulier, l’hymne sacré à la Mère de Dieu, ditAkathistos – c’est-à-dire que l’on chante debout –, représente l’une des expressions les plus élevées de la piété mariale de la Tradition byzantine.[306] Prier en utilisant ces mots dilate l’âme et la dispose à la paix qui vient d’en-haut, de Dieu, à cette paix qui est le Christ lui-même, né de Marie pour notre salut.

La Parole de Dieu et la Terre Sainte

89 En nous souvenant du Verbe de Dieu qui se fait chair dans le sein de Marie de Nazareth, notre coeur se tourne, à présent, vers cette Terre où s’est accompli le Mystère de notre Rédemption et depuis laquelle la Parole de Dieu s’est répandue jusqu’aux confins de la terre. En effet, par l’action de l’Esprit Saint, le Verbe s’est incarné en un moment précis et en un lieu déterminé, sur un coin de terre aux confins de l’empire romain. C’est pourquoi, plus nous voyons l’universalité et l’unicité de la Personne du Christ, plus nous considérons avec gratitude cette Terre où Jésus est né, a vécu et s’est donné lui-même pour nous tous. Les pierres sur lesquelles notre Rédempteur a marché demeurent pour nous riches de souvenirs et continuent à «crier» la Bonne Nouvelle. C’est pourquoi les Pères synodaux ont rappelé l’heureuse expression qui désigne la Terre Sainte, «le cinquième Évangile».[307] Combien il est important qu’en ces lieux se trouvent des communautés chrétiennes, malgré les nombreuses difficultés! Le Synode des Évêques exprime sa profonde proximité à tous les chrétiens qui vivent sur la Terre de Jésus, en témoignant leur foi dans le Ressuscité. Là, les chrétiens sont appelés à servir non seulement comme «un phare de la foi pour l’Église universelle, mais aussi comme un levain d’harmonie, de sagesse et d’équilibre dans la vie d’une société qui, traditionnellement, a été et continue d’être pluraliste, multiethnique et multi-religieuse».[308]

La Terre Sainte reste encore aujourd’hui un but de pèlerinage du Peuple chrétien, comme démarche de prière et de pénitence, ainsi qu’en témoignaient, déjà dans l’antiquité, des auteurs comme saint Jérôme.[309] Plus nous tournons notre regard et notre coeur vers la Jérusalem terrestre, plus s’embrasent en nous le désir de la Jérusalem céleste, véritable but de tout pèlerinage, et la passion pour que le nom de Jésus, en qui seul réside le salut, soit reconnu par tous (cf.
Ac 4,12).

[302] Cf. Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations (9 avril 2002), nn. 197-202. Ench. Vat. 20, n. 2638-2643.
[303] Cf. Proposition 55.
[304] Cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Rosarium Virginis Mariae (16 octobre 2002): AAS 95 (2003), pp. 5-36 RVM 1.
[305] Proposition 55.
[306] Cf. Congrégation pour le Culte Divin et la Disci-pline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations (9 avril 2002), n. 207; Ench. Vat. 20, n. 2656-2657.
[307] Cf. Proposition 51.
[308] Benoît XVI, Homélie de la messe dans la Vallée de Josaphat, Jérusalem (12 mai 2009):AAS 101 (2009), p. 473, L’ORf, 19 mai 2009, p. 12.
[309] Cf. Epistula 108, 14: CSEL 55, 324-325.


TROISIÈME PARTIE

VERBUM MUNDO

«Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître»


(Jn 1,18)

La mission de l’Église: annoncer la Parole de Dieu

La Parole du Père et vers le Père

90 Saint Jean insiste sur le paradoxe fondamental de la foi chrétienne: d’une part, il affirme que «Nul n’a jamais vu Dieu» (Jn 1,18 1Jn 4,12). En aucune manière, nos images, nos concepts ou nos mots ne peuvent définir ou mesurer la réalité infinie du Très-Haut. Il reste le Deus semper maior. D’autre part, Jean affirme que réellement «le Verbe s’est fait chair» (Jn 1,14). Le Fils unique qui est tourné vers le sein du Père, a révélé le Dieu que «personne n’a jamais vu» (Jn 1,18). Jésus-Christ vient chez nous, «plein de grâce et de vérité» (Jn 1,14) qui à travers lui nous sont données (Jn 1,17); en effet, «tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce» (Jn 1,16). De cette manière, l’évangéliste Jean, dans son Prologue, contemple le Verbe, de son habitation en Dieu à son Incarnation, jusqu’à son retour dans le sein du Père, emportant avec lui notre humanité qu’il a assumée pour toujours. Par cette sortie du Père et par ce retour à lui (cf. Jn 13,3 Jn 16,28 Jn 17,8 Jn 17,10), il se présente à nous comme le ‘Narrateur’ de Dieu (cf. Jn 1,18). Le Fils, en effet, affirme saint Irénée de Lyon, «est le Révélateur du Père».[310] Jésus de Nazareth est, pour ainsi dire, l’‘exégète’ de Dieu que «personne n’a jamais vu». «Il est l’image du Dieu invisible» (Col 1,15). Ici, s’accomplit la prophétie d’Isaïe sur l’efficacité de la Parole du Seigneur: comme la pluie et la neige qui descendent des cieux pour irriguer et faire germer la terre, ainsi la Parole de Dieu «ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli ma mission» (Is 55,10s). Jésus-Christ est cette Parole définitive et efficace qui est venue du Père et qui est retournée à Lui, en réalisant parfaitement sa volonté dans le monde.

[310] Adversus haereses, IV, XX, 20, 7: SC 100, pp. 646-7.

Annoncer au monde le «Logos» de l’espérance

91 Le Verbe de Dieu nous a communiqué la vie divine qui transfigure la face de la terre, faisant toutes choses nouvelles (cf. Ap 21,5). Sa Parole fait de nous non seulement les destinataires de la Révélation divine, mais aussi ses messagers. Lui, l’envoyé du Père pour faire sa volonté (Jn 5,36-38 Jn 6,38-40 Jn 7,16-18), nous attire à lui-même par sa vie et par sa mission. L’Esprit du Ressuscité habilite ainsi notre vie à l’annonce efficace de la Parole dans le monde entier. C’est l’expérience de la première communauté chrétienne qui voyait la Parole se répandre grâce à la prédication et au témoignage (cf. Ac 6,7). Je voudrais ici me référer particulièrement à la vie de l’Apôtre Paul, un homme totalement saisi par le Seigneur (cf. Ph 3,12) – «je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2,20) – et par sa mission: «malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile» (1Co 9,16), conscient que tout ce qui est révélé dans le Christ, est réellement le salut de tous les Gentils, la libération de l’esclavage du péché pour entrer dans la liberté des fils de Dieu.

En effet, ce que l’Église annonce au monde est le Logos de l’espérance (cf. 1P 3,15); l’homme a besoin de la ‘grande Espérance’ pour vivre son présent, la grande Espérance qui est «Dieu qui possède un visage humain et qui nous ‘aima jusqu’à la fin’ (Jn 13,1)».[311] Pour cette raison, l’Église est missionnaire dans son essence. Nous ne pouvons pas garder pour nous-mêmes les paroles de la vie éternelle, qui nous ont été données dans la rencontre avec Jésus-Christ: elles sont destinées à tous, à tout homme. Toute personne de notre temps, qu’elle le sache ou non, a besoin de cette annonce. Puisse le Seigneur lui-même, comme au temps du prophète Amos, susciter dans les hommes une faim et une soif nouvelles des paroles du Seigneur (cf. Am 8,11). Notre responsabilité est de transmettre à notre tour ce que nous avons reçu par grâce.

[311] Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi (30 novembre 2007), n. : AAS, 99 (2007), p. 1010.

De la Parole de Dieu, vient la mission de l’Église

92 Le Synode des Évêques a insisté sur la nécessité de redonner vigueur dans l’Église à la conscience missionnaire, présente au sein du Peuple de Dieu depuis ses origines. Les premiers Chrétiens ont considéré l’annonce missionnaire comme une nécessité dérivant de la nature même de la foi: ils croyaient en un Dieu qui était le Dieu de tous, l’unique et vrai Dieu qui s’était révélé dans l’histoire d’Israël et, finalement, en son Fils, donnant ainsi la réponse qu’au fond d’eux-mêmes tous les hommes attendent. Les premières communautés chrétiennes ont compris que leur foi n’appartenait pas à une tradition culturelle particulière – distincte suivant les peuples –, mais au domaine de la vérité, qui concerne de manière égale tous les hommes.

C’est encore saint Paul qui, par sa vie, nous éclaire sur le sens de la mission chrétienne et sur son universalité originelle. Pensons à l’épisode des Actes des Apôtres sur l’Aréopage d’Athènes (cf.
Ac 17,16-34). L’Apôtre des Gentils entre en dialogue avec des hommes de cultures diverses, en étant conscient que le Mystère de Dieu, Connu-Inconnu, dont chaque homme a la perception, quoique confuse, s’est réellement révélé dans l’histoire: «ce que vous vénérez sans le connaître, voilà ce que, moi, je viens vous annoncer» (Ac 17,23). En effet, la nouveauté de l’annonce chrétienne est la possibilité de dire à tous les peuples: «Il s’est montré, lui personnellement. Et à présent, le chemin qui mène à lui est ouvert. La nouveauté de l’annonce chrétienne ne réside pas dans une pensée, mais dans un fait: Dieu s’est révélé».[312]

[312] Benoît XVI, Discours aux hommes de culture au Collège des Bernardins de Paris (12 septembre 2008): AAS 100 (2008), p. 730.

La Parole et le Règne de Dieu

93 Par conséquent, la mission de l’Église ne peut être considérée comme une réalité facultative ou optionnelle de la vie ecclésiale. Il s’agit de laisser l’Esprit Saint nous configurer au Christ même, en participant ainsi à sa mission: «de même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie» (Jn 20,21), de manière à communiquer la Parole par toute notre vie. La Parole elle-même, nous envoie vers nos frères: c’est la Parole qui illumine, purifie et convertit; nous ne sommes, nous, que des serviteurs.

Il est nécessaire donc, de redécouvrir toujours davantage l’urgence et la beauté d’annoncer la Parole, en vue de l’avènement du Règne de Dieu prêché par le Christ lui-même. En ce sens, renouvelons en nous la conscience, combien familière chez les Pères de l’Église, que l’annonce de la Parole a comme contenu le Règne de Dieu (cf. Mc 1,14-15), qui est la personne même de Jésus (l’Autobasileia) comme le rappelle bien Origène.[313] Le Seigneur offre le salut à tous les hommes de toute époque. Nous comprenonstous combien il est nécessaire que la lumière du Christ illumine tous les domaines de l’humanité: la famille, l’école, la culture, le travail, le temps libre et les autres secteurs de la vie sociale.[314] Il ne s’agit pas d’annoncer une parole de consolation, mais une parole de rupture qui invite à la conversion, qui rend possible la rencontre avec Dieu, germe d’une humanité nouvelle.

[313] Cf. In Evangelium secundum Mattheum 17, 7: PG 13, 1197B; Hom in Lc 36: PL 26,324; S. Jérôme: Translatio homiliarum Origenis in Lucam, 36: PL 26, 324-325.
[314] Cf. Benoît XVI, Homélie à l’occasion de l’ouverture de la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (5 octobre 2008): AAS 100 (2008), p. 757: La DC n. 2411, p. 948.

Tous les baptisés responsables de l’annonce

94 Puisque tout le Peuple de Dieu est un peuple «envoyé», le Synode a réaffirmé que «la mission d’annoncer la Parole de Dieu est le devoir de tous les disciples de Jésus-Christ, comme conséquence de leur Baptême».[315] Aucun croyant dans le Christ ne peut se sentir étranger à cette responsabilité qui provient de l’appartenance sacramentelle au Corps du Christ. Cette conscience doit être réveillée dans chaque famille, paroisse, communauté, association et mouvement ecclésial. L’Église, comme Mystère de communion, est donc tout entière missionnaire et chacun, selon son état de vie, est appelé à donner une contribution décidée à l’annonce chrétienne.

Les Évêques et les prêtres, selon la mission qui est la leur, sont appelés les premiers à une existence liée par le service de la Parole, à annoncer l’Évangile, à célébrer les Sacrements et à former les fidèles dans la connaissance authentique des Écritures. Les diacres sont aussi appelés à collaborer, selon la mission qui leur est propre, à cette oeuvre d’Évangélisation.

La Vie consacrée brille dans toute l’histoire de l’Église par la capacité d’assumer explicitement la tâche de l’annonce et de la prédication de la Parole de Dieu, dans la mission ad gentes et dans les situations les plus difficiles. Attentive aussi aux nouvelles conditions de l’Évangélisation, elle ouvre avec courage et audace de nouvelles voies et relève de nouveaux défis pour l’annonce efficace de la Parole de Dieu.[316]

Les laïcs sont appelés à exercer leur mission prophétique, qui découle directement de leur Baptême, et à témoigner de l’Évangile dans la vie quotidienne partout où ils se trouvent. À ce propos, les Pères synodaux ont exprimé «la plus vive estime, la reconnaissance et les encouragements pour le service de l’Évangélisation que tant de laïcs, en particulier les femmes, offrent avec générosité et esprit d’engagement, dans les communautés dispersées à travers le monde, à l’exemple de Marie-Madeleine, premier témoin de la joie pascale».[317] En outre, le Synode reconnaît avec gratitude que les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles sont, dans l’Église, une grande force pour l’Évangélisation en notre temps, poussant l’Église à développer de nouvelles formes d’annonce de l’Évangile.[318]

[315] Proposition 38.
[316] Cf. Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique,Repartir du Christ: un engagement renouvelé de la Vie Consacrée pour le 3ème millénaire, n. 36: Ench. Vat. 21, n. 488-491.
[317] Proposition 30.
[318] Cf. Proposition 38.

La nécessité de la «missio ad gentes»

95 En exhortant tous les fidèles à l’annonce de la Parole divine, les Pères synodaux ont réaffirmé la nécessité pour notre temps d’un engagement décidé dans la «missio ad gentes» En aucune façon, l’Église ne peut se limiter à une pastorale de l’«entretien» en faveur de ceux qui connaissent déjà l’Évangile du Christ. L’élan missionnaire est un signe clair de la maturité d’une communauté ecclésiale. Les Pères ont, en outre, exprimé avec force la conscience que la Parole de Dieu est la vérité salvatrice dont chaque homme a besoin en tout temps. À cette fin, l’annonce doit être explicite. L’Église doit aller vers tous avec la force de l’Esprit (cf. 1Co 2,5), et continuer de manière prophétique à défendre le droit des personnes à la liberté d’entendre la Parole de Dieu, en cherchant les moyens les plus efficaces pour la proclamer, même au risque de la persécution.[319] L’Église se sent débitrice envers tous de l’annonce de la Parole qui sauve (cf. Rm 1,14).

[319] Cf. Proposition 49.

Annonce et Nouvelle Évangélisation

96 Le Pape Jean-Paul II, dans le sillage de ce que le Pape Paul VI avait déjà exprimé dans l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, a rappelé de bien des façons aux fidèles la nécessité d’une nouvelle saison missionnaire pour tout le Peuple de Dieu.[320] À l’aube du troisième millénaire, non seulement tant de peuples ne connaissent pas encore la Bonne Nouvelle, mais tant de Chrétiens ont besoin que leur soit ré-annoncée de façon persuasive la Parole de Dieu, afin qu’ils puissent expérimenter concrètement la force de l’Évangile. Beaucoup de frères sont «baptisés mais pas suffisamment évangélisés».[321] Souvent des nations, auparavant riches de foi et de vocations, perdent leur propre identité sous l’influence d’une culture sécularisée.[322] L’exigence d’une Nouvelle Évangélisation, ressentie avec tant de force par mon vénérable Prédécesseur, doit être réaffirmée sans peur, dans la certitude de l’efficacité de la Parole divine. L’Église, sûre de la fidélité de son Seigneur, ne se lasse pas d’annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile et invite tous les Chrétiens à redécouvrir combien il est beau de marcher à la suite du Christ.

[320] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Redemptoris missio (7 décembre 1990): AAS 83 (1991), pp. 149-340; et Id., Lett. apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n.
NM 40: AAS 93 (2001), pp. 294-295.
[321] Proposition 38.
[322] Cf. Benoît XVI, Homélie à l’occasion de l’ouverture de la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (5 octobre 2008): AAS 100 (2008), pp. 753-757; L’ORf, 7 octobre 2008, pp. 1 et 9.


Verbum Domini FR 85