Augustin contre Fauste - CHAPITRE IX. PAINS AZYMES, VÊTEMENTS INTERDITS AUTRES OBSERVANCES.
Nécessité de croire à la naissance temporelle de Jésus-Christ.
Fauste. Pourquoi ne croyez-vous pas à la généalogie de Jésus? - Pour plusieurs raisons; et la principale, c'est que lui-même ne dit nulle part avoir un père ou une parenté sur la terre; il affirme au contraire qu'il n'est pas de ce monde, qu'il est sorti du sein de Dieu le Père, qu'il est descendu du ciel, qu'il n'a pour mère et pour frères que ceux qui font la volonté de son Père qui est dans les cieux. On voit d'ailleurs que ceux mêmes qui lui assignent une généalogie ne l'ont connu ni avant sa naissance, ni aussitôt après, ce qui eût autorisé à croire qu'ils ont écrit concernant sa personne les faits dont ils avaient été les témoins oculaires; mais quand ils s'attachèrent à lui, il était parvenu à l'adolescence et même à l'âge viril: il avait environ trente ans, si toutefois on peut sans blasphème assigner un âge à une personne divine. Or, c'est une règle commune d'examiner si celui qui se porte comme témoin de la vérité, a vu ou entendu; et comme les évangélistes ne disent pas avoir appris de sa bouche la suite de sa génération ou le fait même de sa naissance, ni l'avoir vu de leurs yeux, puisqu'ils ne l'ont connu que longtemps après, c'est-à-dire après son baptême, c'est pour moi et pour tout esprit vraiment judicieux une folie de croire tout cela, égale à celle de celui qui dans une cause appellerait en témoignage un aveugle et un sourd.
Augustin. La principale raison qui fait rejeter à Fauste la généalogie de Jésus-Christ, accuse sa défaite; il suffit, pour s'en convaincre, de lire ce que nous avons dit plus haut du fils de l'homme, titre que le Christ se donne si souvent à lui-même (1), et du Fils de
1. Mt 8,20
Dieu; on voit qu'il est en même temps fils de l'homme (1); que selon la divinité, il n'a point de parenté sur la terre, et que selon la chair, il est de la race de David, ainsi que l'enseigne l'Apôtre (2). Il faut donc croire et comprendre qu'il est sorti du sein du Père (3), et est descendu du ciel (4), et que ce Verbe fait chair a habité parmi les hommes (5) pour soutenir qu'il n'a eu sur la terre ni mère ni parenté, s'appuiera-t-on sur ces paroles: «Qui est ma mère, et qui sont mes frères (6)?» Mais il faut aussi admettre que ses disciples, à qui il donnait un exemple en sa personne, pour leur apprendre à mépriser les liens du sang en vue du royaume des cieux, n'ont pas eu de père, puisqu'il leur a dit: «N'appelez personne votre père sur la terre, parce que vous n'avez qu'un père qui est Dieu (7)». Ce qu'il leur enseignait à faire par rapport à leurs pères, il le faisait le premier pour sa mère et ses frères; ainsi en est-il de tant. d'autres circonstances où il se donnait à nous comme exemple à imiter, et où il marchait le premier, pour nous attirer à sa suite. Voyons comme Fauste ainsi défait avec sa raison péremptoire, se traîne et s'embarrasse dans les autres. Il prétend qu'on ne doit pas croire au récit des Apôtres qui ont annoncé sa naissance divine et humaine, parce qu'ils ne se sont attachés à lui que plus tard, qu'ils ne l'ont point vu naître, et qu'ils ne disent point avoir appris de sa bouche cette circonstance. Mais comment ajoutent-ils foi, lui et les siens, à saint Jean lorsqu'il dit: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était au commencement avec Dieu; toutes choses ont été faites par lui, et rien n'a été fait sans lui (8)?»Comment croient-ils d'autres passages qui leur plaisent, quoiqu'ils n'y comprennent rien? Qu'ils nous disent où saint Jean a pu voir cela, où il assure l'avoir appris du Seigneur même. Quelle que soit, selon eux, la source où saint Jean a pu
1. Mt 9,6 - 2. Rm 1,3 2Tm 2,8 - 3. Jn 16,28 - 4. Jn 6,41 - 5. Jn 1,14 - 6. Mt 12,48 - 7. Mt 23,9 - 8. Jn 1,1-3
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puiser cette connaissance, nous croirons que les évangélistes ont pu aussi y apprendre la naissance du Christ qu'ils ont annoncée.Je leur demanderai ensuite le motif qui leur fait croire que le Seigneur a dit: «Qui est ma mère, ou qui sont mes frères?» Si c'est parce que l'Evangéliste le rapporte, pourquoi ne le croient-ils pas quand il dit que sa mère et ses frères le cherchaient (1)? S'il est faux dans ce qu'ils refusent de croire, comment croient-ils à son témoignage quand il affirme que le Christ a dit ce qu'ils ne veulent pas comprendre? Si saint Matthieu n'a pu connaître la naissance du Christ, parce qu'il ne s'est mis à sa suite que plus tard, comment Manès, venu tant d'années après, a-t-il pu savoir que le Christ n'était pas né? Ils diront sans doute que l'Esprit-Saint
1. Mt 12,46-48
qui était dans Manès le savait bien. Si cet esprit eût été l'Esprit-Saint, il eût dit la vérité. Pourquoi, dans ce qui concerne le Christ, ne préférerions-nous pas nous en rapporter à ses disciples qui ont vécu avant lui, qui, non-seulement ont pu apprendre de l'Esprit-Saint, qu'il leur avait communiqué, les circonstances naturelles qu'ils ignoraient, mais qui, avec les simples lumières de la raison, ont rassemblé ce qui touche à l'origine et à la parenté du Christ selon la chair, et dont la mémoire était si récente et encore toute vivante? Mais ces Apôtres, on nous les donne comme des témoins sourds et aveugles! Que n'as-tu été, ô Fauste, non-seulement aveugle et sourd, pour ne pas apprendre tant d'inepties et de sacrilèges, mais encore muet, pour ne pouvoir les publier!
Nouvelle objection contre l'Ancien Testament. - Réfutation.
Fauste. Pourquoi n'admettez-vous pas l'Ancien Testament? - Parce que j'ai été prévenu par le Nouveau: et entre l'Ancien et le Nouveau il n'y a pas de liaison, comme l'atteste l'Écriture. Car, dit-elle, «personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit, autrement on le déchirera davantage (1)». Pour éviter de produire, comme vous le faites, une plus grande scission, je ne mêle point la nouveauté chrétienne à la vétusté hébraïque. Qui ne trouverait honteux, après avoir revêtu des habits neufs, de ne pas laisser les vieux au rebut? Aussi, quand même je serais né juif, comme les apôtres, il eût été honorable pour moi, en acceptant le Nouveau Testament, de répudier l'Ancien, comme ils l'ont fait eux-mêmes. Mais ayant reçu de la nature l'insigne bienfait de ne pas naître sous le joug de la servitude, et voyant venir à moi tout d'abord, le Christ avec le don d'une liberté parfaite, ne serais-je point malheureux, insensé et ingrat, de me vouer à l'esclavage? Paul reproche aux Galates, revenant à la circoncision, de retourner à des observances légales si défectueuses et si impuissantes, auxquelles ils voulaient de nouveau s'assujétir (2): puis-je admettre ce que je vois condamner dans un autre? S'il est honteux de rentrer en servitude, il l'est davantage de s'y soumettre pour la première fois.
Augustin. Nous avons déjà suffisamment exposé pour quel motif et en quel sens nous acceptons l'autorité de l'Ancien Testament, non comme nous imposant la même servitude qu'aux Juifs, mais comme Tendant témoignage à la liberté chrétienne. Ce n'est pas moi, mais l'Apôtre qui dit: «Toutes les choses qui leur arrivaient étaient autant de
1. Mt 9,16 Lc 5,36 - 2. Ga 4,5
figures; et elles ont été écrites pour nous qui sommes venus à la fin des temps (1)». Nous ne sommes donc pas des esclaves accomplissant des prescriptions qui figurent notre condition présente, mais des hommes libres lisant ce qui a été écrit pour nous servir de preuves. Qui ne comprend dès lors l'erreur d'où l'Apôtre veut tirer les Galates, qui, au lieu de lire religieusement le précepte de l'Écriture sur la circoncision, s'adonnaient à la superstition en se faisant circoncire? Non, nous ne mettons pas une pièce neuve à un vieil habit; mais nous nous instruisons de ce qui regarde le royaume des cieux, à l'exemple de ce père de famille dont parle le Seigneur, et qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes (1). Celui-là mérite un tel reproche, qui.veut pratiquer la continence spirituelle, sans renoncer tout d'abord aux espérances de la chair. Lisez attentivement et considérez cette réponse du Seigneur à la question qu'on lui adressait sur le jeûne: «Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit (2)». Ses disciples ne l'aimaient encore que selon la chair, car ils craignaient qu'une mort violente ne vînt le leur ravir. Et il traite de Satan Pierre qui s'opposait à sa passion, parce qu'il ne goûtait pas les choses de Dieu, mais celles des hommes (3). Vous donc qui, avec vos idées imaginaires sur le royaume de Dieu, aimez et adorez, comme un modèle qui vous est proposé, cette lumière du soleil dont l'éclat frappe les yeux de la chair, reconnaissez quelles espérances charnelles vous nourrissez; vous verrez que vos jeûnes s'unissent à la prudence de la chair, comme à un vêtement usé. Et cependant, s'il est vrai qu'une pièce neuve ne va pas à un vieil habit, comment les membres de votre Dieu ont-ils pu rester, non pas unis et attachés, mais, ce qui est plus étonnant, mêlés et confondus avec les princes des ténèbres? N'était-ce que vétusté des deux parties, parce que toutes deux étaient fausses, toutes deux le fruit de la prudence de la chair? Peut-être vouliez-vous
1. 1Co 10,11 - 2. Mt 13,52 - 3. Mt 9,16 - 4. Mt 15,23
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prouver que l'une était neuve et l'autre vieille, parce qu'il s'est produit une plus grande déchirure: un misérable lambeau arraché au royaume de la lumière était fixé pour un châtiment éternel à l'abîme des ténèbres. Et c'est l'artisan grossier de telles fables, qui couvre sa misère de pareils oripeaux! c'est lui qui croit atteindre avec adresse, des traits perçants de sa langue, les oracles qui sont la base des divines Ecritures!
Autre objection contre l'Ancien Testament. - Réponse.
Fauste. Pourquoi n'admettez-vous pas l'Ancien Testament? - Si les Apôtres, nés sous son règne, ont pu s'en séparer, pourquoi ne serais-je pas libre de ne pas admettre un Testament sous lequel je ne suis pas né? Nous naissons tous gentils, et non pas juifs, ni chrétiens; du sein de cette même gentilité les uns sont attirés par l'Ancien Testament qui les fait juifs, les autres par le Nouveau qui les initie au christianisme: c'est comme deux arbres, l'un doux et l'autre amer, qui puisent par leurs racines le suc d'une même terre, qu'ils transforment selon leur nature respective. Quand les Apôtres passent de l'amer au doux, quelle folie de ma part de quitter le doux pour l'amer?
Augustin. Pourquoi donc l'Apôtre qui, selon vous, a passé de l'amertume à la douceur en quittant le judaïsme, nous représente-t-il ceux d'entre le peuple qui ont refusé de croire au Christ, comme des branches séparées du tronc, et les gentils entés, comme un olivier sauvage, sur la racine de l'olivier franc, c'est-à-dire, sur la souche des saints hébreux, pour participer à la sève de cet olivier? Voulant avertir les Gentils de ne pas se faire de la chute des Juifs un sujet de présomption, il leur parle ainsi: «Je vous dis, à vous qui êtes gentils, que tant que je serai l'Apôtre des Gentils, je travaillerai à rendre mon ministère glorieux; je m'efforcerai d'exciter l'émulation dans l'esprit de ceux qui me sont unis selon la chair, afin d'en sauver quelques-uns. Si leur réprobation est devenue la réconciliation du monde, que sera leur rappel, sinon un retour de la mort à la vie? Si les prémices des Juifs sont saintes, la masse l'est aussi; et si la racine est sainte, les rameaux le sont aussi. Si quelques-unes des branches ont été rompues, et si vous, olivier sauvage, avez été enté parmi celles qui sont demeurées, et avez été rendu participant de la séve de l'olivier, vous ne devez pas vous élever de présomption contre les branches naturelles; si vous avez cet orgueil, considérez que ce n'est pas vous qui portez la racine, mais que c'est la racine qui vous porte. Ces branches, dites-vous, ont été rompues, afin que je fusse enté à leur place. Il est vrai; elles ont été rompues à cause de leur incrédulité. Mais pour vous, qui demeurez ferme par la foi, prenez garde à ne pas vous élever, et soyez dans la crainte. Car si Dieu n'a point épargné les branches naturelles, il ne vous épargnerait pas non plus. Considérez donc la bonté et la sévérité de Dieu: sa sévérité envers ceux qui sont tombés, et sa bonté envers vous, si toutefois vous persévérez dans l'état où sa bonté vous a mis, autrement vous serez aussi retranché. Si eux-mêmes ne demeurent pas dans leur incrédulité, ils seront de nouveau entés sur leur tige, puisque Dieu est assez puissant pour les enter encore. Car si vous avez été détaché de l'olivier sauvage, votre tige naturelle pour être enté contre votre nature sur l'olivier franc, à combien plus forte raison les branches naturelles de l'olivier seront-elles entées sur leur propre tronc? Pour que vous ne soyez point sages à vos propres yeux, je ne veux pas, mes frères, vous laissez ignorer ce mystère, qu'une partie des Juifs est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des Gentils soit entrée dans l'Eglise, après quoi tout Israël sera sauvé (1)». Vous donc qui ne voulez pas être entés sur cette racine, reconnaissez que vous n'êtes pas même du nombre des rameaux détachés, comme les juifs charnels et impies, mais que vous êtes demeurés sur l'olivier sauvage. Car que rappelle l'adoration du soleil et de la lune, sinon l'olivier des Gentils? Peut-être croyez-vous ne plus appartenir
1. Rm 11,13-16
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à cet olivier sauvage, parce que vous y avez ajouté des épines d'une nouvelle espèce, et que la perversité de votre coeur, non le travail de vos mains, a forgé un faux Christ que vous deviez adorer avec le soleil et la lune. Laissez-vous donc enter sur la racine de l'olivier franc, grâce dont se réjouit pour lui-même l'Apôtre, qui par son incrédulité avait été au nombre des rameaux brisés. Il fut délivré, dit-il, en passant du judaïsme au Christ, parce que le Christ a toujours été annoncé en cette racine et en cet arbre; ceux qui n'ont pas cru en lui à son apparition, en ont été détachés; et ceux qui ont cru y ont été entés. C'est à ceux-ci qu'il est dit, pour les prémunir contre la présomption: «Prenez garde de vous élever, mais soyez dans la crainte; si Dieu n'a pas épargné a les branches naturelles, il ne vous épargnera pas non plus». Et pour qu'on ne désespère pas des rameaux qui ont été détachés, il ajoute un peu plus loin: «Si eux«mêmes ne demeurent pas dans leur incrédulité, ils seront de nouveau entés sur leur tige, car Dieu est assez puissant pour les y enter encore. Car si vous avez été détaché de l'olivier sauvage, votre tige naturelle, pour être enté contre votre nature sur l'olivier franc, à combien plus forte raison les branches naturelles de l'olivier seront-elles entées sur leur propre tronc!» Tel est le privilège dont se glorifie l'Apôtre, qui de rameau brisé, était redevenu une branche puisant à la sève de l'olivier. Qu'ils reviennent donc ceux d'entre vous que leur impiété en a séparés, pour y être entés de nouveau. Et que ceux qui n'y ont jamais été unis, se détachent de leur tige sauvage et stérile, pour participer à la fécondité de l'olivier.
Encore des préceptes figuratifs.
Fauste. Pourquoi ne recevez-vous pas l'Ancien Testament? - Parce qu'il m'apprend, aussi bien que le Nouveau, à ne pas convoiter le bien d'autrui. - Mais, dites-vous, quel est le bien d'autrui que renferme l'Ancien Testament? - Dites plutôt ce qu'il renferme qui ne soit pas à autrui. Il promet les richesses, la bonne chère, de nombreux descendants, une longue vie, et avec cela le royaume de Chanaan; mais ces promesses s'adressent à ceux qui reçoivent la circoncision, qui observent le sabbat, qui offrent des sacrifices, qui s'abstiennent de la chair de porc, etc. Ainsi que tout chrétien laissant de côté toutes ces pratiques ridicules qui n'ont aucune efficacité pour le salut de l'âme, je reconnais que toutes les promesses qui y sont attachées ne me regardent pas, et je me rappelle le commandement: «Vous ne convoiterez pas» le bien d'autrui (1). Je laisse volontiers aux Juifs les biens qui leur appartiennent, et je me contente de l'Evangile seul et du splendide héritage du royaume des cieux. Car si je pouvais adresser ce reproche à un juif qui revendiquerait pour lui l'Evangile: Impudent, quel droit avez-vous sur cet Evangile dont vous n'observez pas les commandements? ne dois-je pas craindre que ce même juif ne me fasse le même reproche, si je m'approprie l'Ancien Testament, dont je méprise les préceptes?
Augustin. Si Fauste n'a pas honte de reproduire sans cesse les mêmes inepties, je me fatigue d'avoir à donner toujours, même pour la vérité, les mêmes réponses. Pour trouver celle qui a trait à ces objections, on n'a qu'à lire ce que nous avons dit plus haut (2). Quant au juif qui viendrait me dire: De quel
1. Ex 20,17 Rm 7,7 - 2. Lib. 6,cap. II.
droit vous appropriez-vous l'Ancien Testament, dont vous n'observez pas les préceptes? je lui répondrais que les chrétiens eux-mêmes observent les préceptes de vie pratique qui y sont renfermés, mais que l'observation des préceptes symboliques n'avait sa raison d'être qu'à l'époque où ils figuraient les mystères qui sont maintenant dévoilés. S'ils ne font pas partie de mon culte religieux, je les admets cependant comme autant de témoignages, ainsi que les promesses charnelles qui ont fait donner le titre d'Ancien à ce Testament où elles sont renfermées. Même après la révélation des biens éternels proposés à mon espérance, j'en lis la preuve dans ces promesses qui «leur étaient données comme autant de figures; elles ont été écrites pour nous qui vivons à la fin des temps (1)». Voilà ce que nous répondons aux Juifs; voici maintenant ce que nous objectons aux Manichéens.
Fauste prétend que nous serions fort embarrassés si les Juifs venaient nous dire Comment admettez-vous l'Ancien Testament dont vous ne gardez pas les préceptes? Notre réponse est dans la vénération et la soumission que nous professons pour l'autorité de cette partie de l'Ecriture. Mais vous, qu'avez. vous à répondre, quand on vous dit: Comment admettez-vous l'Evangile dont vous feignez d'être les ardents sectateurs pour tromper les ignorants, tandis que, non-seulement vous ne croyez pas ce qui y est écrit, et que même vous l'attaquez de toutes vos forces? Certes, l'objection est plus insoluble pour vous relativement au Nouveau Testament, que pour nous par rapport à l'Ancien. Car nous professons que tout ce que renferme l'Ancien Testament est vrai, prescrit par Dieu, et établi selon l'opportunité des temps. Et quand on vous objecte les oracles du Nouveau, vous les récusez sans pouvoir répondre;
1. 1Co 10,11
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pressés par l'évidence de la vérité, vous essayez péniblement de soutenir qu'ils sont falsifiés. Quelle autre raison peut-on attendre d'esprits fourbes à qui on a fermé la bouche? Ou plutôt, quelle autre exhalaison peut s'échapper de cadavres que l'on transperce? Et cependant Fauste avoue que ce n'est pas seulement le Nouveau Testament, mais encore l'Ancien qui lui a enseigné à ne pas convoiter le bien d'autrui, maxime qu'il ne pourrait recevoir de son Dieu. Si ce Dieu, en effet, n'a pas désiré le bien d'autrui, pourquoi a-t-il formé des siècles nouveaux sur la terre des ténèbres, où ils n'avaient jamais existé? Dira-t-il: La race des ténèbres la première a convoité mon royaume qui lui était étranger? Il l'a donc imitée, en désirant lui-même ce qui ne lui appartenait pas? Le royaume de la lumière était-il donc trop resserré? La guerre était donc à désirer, pour trouver dans la victoire le moyen de reculer les bornes de son empire? Si la chose est bonne, elle était d'abord l'objet d'un légitime désir; mais on attendait que la race adversaire commençât elle-même les hostilités, pour l'attaquer avec une plus grande apparence de justice. Si elle est mauvaise, pourquoi votre Dieu a-t-il voulu, après la victoire, étendre son règne sur une terre étrangère, quand auparavant, content de ses limites, il jouissait d'une félicité parfaite? Que les Manichéens ne veulent-ils apprendre de l'Ancien Testament les préceptes de vie pratique, dont fait partie celui-là même qui nous défend de convoiter le bien d'autrui! Revenus à des sentiments plus calmes et plus modérés, ils comprendraient que l'observation des préceptes symboliques, qu'ils décrient avec tant d'amertume, avait sa raison d'être dans ces temps antérieurs. Pour nous, l'Ancien Testament est-il un bien étranger, puisque nous y lisons «les choses qui leur arrivaient en figure, et qui ont été écrites pour nous, qui vivons à la fin des temps?» Est-ce désirer le bien d'autrui que de lire ce qui est écrit pour soi?
Incarnation de Jésus-Christ. - Fauste soutient que saint Paul n'a pas enseigné l'Incarnation du Christ, ou bien qu'il a ensuite rejeté ce premier enseignement. - Saint Augustin démontre l'absurdité de cette opinion.
Fauste. Recevez-vous l'apôtre saint Paul? - Assurément. - Pourquoi donc ne croyez-vous pas que le Fils de Dieu est né de la race de David selon la chair (1)? - Je ne pouvais croire que l'Apôtre se fût contredit lui-même dans ses écrits, en professant des sentiments différents sur la personne du Seigneur. Mais puisque cela vous plaît ainsi, et qu'on ne peut, sans vous effaroucher, vous parler d'interpolation dans les écrits de l'Apôtre, je soutiens néanmoins qu'il n'y a rien là d'opposé à nos doctrines. Paul, comme tant d'autres, avait pensé que Jésus était fils de David; c'était là sa première et son ancienne opinion sur la personne du Seigneur; mais à peine en a-t-il découvert la fausseté, qu'il la réforme et la rejette; il écrit aux Corinthiens: «Nous ne connaissons, dit-il, personne selon la chair; et si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte». Remarquez toute la différence qui existe entre ces deux chapitres, dans l'un desquels il professe que Jésus est fils de David selon la chair, et dans l'autre il affirme qu'il ne connaît plus personne selon la chair. S'ils sont tous les deux de Paul, ils ne peuvent l'être que de la manière que je viens de dire; autrement l'un ou l'autre est apocryphe. Il ajoute: «C'est pourquoi si quelqu'un est devenu une nouvelle créature en Jésus-Christ, il a déposé ce qui était vieux, et tout s'est renouvelé en lui (2)». Vous voyez que l'Apôtre appelle ancienne et transitoire cette foi par laquelle il croyait d'abord que Jésus est issu de la race de David selon la chair; nouvelle au contraire et permanente, cette autre foi en vertu de laquelle il ne connaît plus personne selon la chair. C'est ce qui lui fait dire ailleurs: «Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant; mais
1. Rm 1,3 - 2. 2Co 5,17
lorsque je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l'enfant (1)». S'il en est ainsi, peut-on nous reprocher d'embrasser cette nouvelle profession de foi de l'Apôtre qui est la meilleure, et de rejeter l'autre qui est défectueuse? S'il vous plaît à vous de croire selon ce qu'il écrit aux Romains, pourquoi ne nous serait-il pas permis d'enseigner selon ce qu'il écrit aux Corinthiens? Cette manière de vous répondre n'est qu'une concession que je fais à l'obstination de votre esprit. Car loin de la pensée de l'Apôtre de renverser jamais ce qu'il a établi, dans la crainte de se constituer lui-même prévaricateur, ainsi qu'il le proteste (2). Si toutefois ce premier sentiment est de lui, il est maintenant réformé; et s'il n'est pas possible qu'une erreur soit sortie de la bouche de Paul, il ne lui appartient pas.
Augustin. Voilà bien ce que je disais plus haut: quand l'évidence de la vérité ferme la bouche à nos adversaires, et que la clarté éblouissante du texte sacré ne laisse aucune issue à leur fourberie, ils répondent que le passage qu'on leur oppose est faux. O esprits ennemis de la vérité, obstinés dans leur folie! Les témoignages des divines Ecritures que nous opposons à vos doctrines sont tellement irréfragables, que vous ne savez que répondre, sinon qu'ils sont falsifiés. Quelle autorité invoquer, quel témoignage de livre sacré ou profane produire pour combattre vos erreurs, si un semblable raisonnement doit être admis, s'il peut avoir le moindre poids? Qu'on ne reçoive point un livre, et qu'on en décline absolument l'autorité, comme le font les païens pour tous nos livres saints, les Juifs pour le Nouveau Testament, comme nous le faisons nous-mêmes pour les vôtres
1. 1Co 13,11 - 2. Ga 2,18
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et ceux que patronnent les autres sectes hérétiques, ou pour ces livres qui sont réputés apocryphes, lesquels n'ont aucun titre d'autorité même secrète, et qui, privés de toute preuve certaine d'authenticité, sont sortis de je ne sais quelle plume inconnue, ou de quels esprits présomptueux; ne pas admettre, dis-je, l'autorité de certains livres ou de certains hommes, c'est chose bien différente que de dire: Tout ce qu'a écrit cet homme juste est la vérité; il est l'auteur de cette lettre; mais dans cette même lettre ceci est de lui, et cela n'en est pas. Si on vous invite à le prouver, au lieu d'en appeler à des exemplaires plus fidèles, plus nombreux, plus anciens, ou appartenant à l'idiôme sur lequel la traduction a été faite, direz-vous: Je prouve que ceci est de lui, et que cela n'en est pas, parce que cette partie est conforme à ma doctrine, et que l'autre y est contraire? Etes-vous donc la règle de la vérité? Tout ce qui sera contre vous, ne sera donc pas vrai? Qu'un adversaire, par une folie semblable à la vôtre, et cependant bien propre à briser votre opiniâtreté, vienne vous dire: Tout au contraire, ce qui vous favorise est faux, et ce qui vous est opposé est vrai, que ferez-vous? Vous produirez peut-être un autre livre où tout ce que vous lirez puisse s'interpréter dans votre sens? Si vous le faites, votre adversaire, non-seulement sur un passage en particulier, mais sur tous, vous contredira en s'écriant: Votre livre est faux. Que faire? Quelle raison invoquer? quelle origine, quelle antiquité, quelle preuve de tradition constante assigner à votre livre? Essayer ne serait de votre part qu'une vaine tentative. Jugez quelle est sous ce rapport la puissance de l'autorité de l'Eglise catholique, qui a pour fondement inébranlable la succession non interrompue des évêques depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, et le consentement unanime de tant de peuples. Ainsi, qu'une controverse s'élève sur la fidélité des exemplaires, dont quelques-uns renferment des maximes différentes, peu nombreuses d'ailleurs et bien connues de ceux qui font une étude particulière des divines lettres, la question sera tranchée d'après les exemplaires des autres pays d'où nous est venue la doctrine sacrée; si les mêmes divergences s'y rencontrent, les exemplaires plus nombreux ou plus anciens feront foi préférablement aux autres en plus petit nom tire ou de date plus récente; et si enfin le doute subsiste encore, on aura recours à la langue originale sur laquelle la traduction a été faite. C'est ainsi que procèdent ceux qui veulent résoudre les difficultés qu'ils rencontrent dans les saintes Ecritures appuyées sur une si grande autorité; ils y trouvent une source de lumières et non une matière à chicane.
Ce passage de l'Epître de saint Paul, que nous opposons à votre doctrine impie, et selon lequel le Fils de Dieu est de la race de David selon la chair, se lit dans tous les exemplaires de toutes les langues, anciens et nouveaux, et dans toutes les églises. Jetez donc ce masque trompeur, sous lequel Fauste, se donnant un interlocuteur qui lui demande: Recevez-vous l'apôtre Paul, répond: Oui, je le reçois. Pourquoi ne pas dire: Non, sinon parce que sa fausseté ne pouvait donner qu'une réponse fausse? Qu'admet-il de saint Paul? Ce n'est pas le premier homme que cet Apôtre dit être terrestre et formé de la terre, et dont il dit ailleurs: «Adam le premier homme a été créé avec une âme vivante (1)». Fauste nous parle de je ne sais quel premier homme, non terrestre ni formé de la terre, ni créé avec une âme vivante, mais formé de la substance divine, Dieu lui-même, lequel unit ses membres, ou ses vêtements, ou ses armes, c'est-à-dire, les cinq éléments qui n'étaient autres que la substance divine, à la race des ténèbres, pour les enchaîner à la corruption. Ce qu'il reçoit de saint Paul, ce n'est pas non plus l'homme second que l'Apôtre dit être descendu du ciel, qu'il appelle le second Adam rempli d'un esprit vivificateur (2), qu'il enseigne avoir été formé de la race de David selon la chair, formé de la femme, et assujéti à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi a, dont il parle ainsi à Timothée: «Souvenez-vous que «Jésus-Christ, né de la race de David, est ressuscité d'entre les morts, selon l'Evangile que je prêché (3)». C'est sur sa résurrection qu'il s'appuie pour annoncer la nôtre: «Je vous ai enseigné tout d'abord ce que j'avais moi-même reçu, savoir, que Jésus-Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures;
1. 1Co 15,45 - 2. 1Co 15,47 - 3. Ga 4,4-5 - 4. 2Tm 2,8
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qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les mêmes Ecritures».Un peu plus loin il donne la raison de cet enseignement: «Puis donc qu'on vous a prêché que le Christ est ressuscité d'entre les morts, comment se trouve-t-il parmi vous des personnes qui osent dire que les morts ne ressuscitent point (1)?» Or, Fauste, qui vous répond de la manière la plus affirmative, lorsque vous lui demandez s'il reçoit l'apôtre saint Paul, Fauste nie tout cela; il ne croit pas à Jésus issu de la race de David et formé d'une femme que l'Apôtre désigne ainsi, non pour laisser entendre qu'elle ait perdu sa pureté dans l'union charnelle ou l'enfantement, mais pour se conformer à l'usage des Ecritures qui donnent toujours le nom de femme à ce sexe, ainsi que le fait la Genèse en parlant d'Eve, avant qu'elle fût connue d'Adam. «Il en forma la femme (2)». Il n'admet ni la mort, ni la sépulture, ni la résurrection du Christ; il prétend qu'il n'eut jamais de corps mortel sujet à une mort véritable; que ces cicatrices qu'il montra à ses disciples, lorsqu'il leur apparut plein de vie après sa résurrection, ainsi que le rapporte saint Paul, n'étaient que des cicatrices apparentes (3); que notre chair ne ressuscitera point, pour devenir un corps spirituel, comme l'enseigne le même Apôtre: «Il est mis en terre comme un corps animal, et il ressuscitera comme un corps spirituel». Distinguant ensuite entre le corps animal et le corps spirituel, l'Apôtre expose ce que j'ai rapporté plus haut du premier et du second Adam. Puis il en infère: «Je vous dis ceci, mes frères, parce que la chair et le sang ne peuvent pas posséder le royaume de Dieu». On eût pu croire que la forme ni la substance de la chair ne peuvent ressusciter; il explique alors ce qu'il entend par la chair et le sang, c'est-à-dire la corruption elle-même, dont la résurrection des justes sera exempte; il le déclare immédiatement: «La corruption ne possédera point cet héritage incorruptible». Et dans la crainte que quelqu'un ne vienne à penser que ce n'est pas le corps même confié à la terre qui ressuscitera, et que nous ne faisons, pour ainsi dire, que déposer un vêtement pour en recevoir un autre meilleur, il s'attache à démontrer clairement que le corps même sera transformé en un état plus glorieux,
1. 1Co 15,3-12 - 2. Gn 2,22 - 3. Lc 24,39-40 1Co 15,5
de même que sur le Thabor, le Christ ne déposa point ses vêtements pour en prendre d'autres, mais fit resplendir ceux qu'il portait d'une lumière céleste. «Voici», dit l'Apôtre, «un mystère que je vais vous dévoiler: nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés». Et pour ne laisser aucun doute sur ceux qui seront ainsi transformés: «En un moment», poursuit-il, «en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette, car la trompette sonnera, tous les morts ressusciteront dans un état incorruptible, et nous serons changés». On dira, peut-être, qu'à la résurrection, cette transformation s'opérera, non dans notre corps mortel et corruptible, mais dans notre âme. Mais l'Apôtre n'entendait pas ici parler de l'âme; dès le début il montre qu'il est question du corps, car c'est ainsi qu'il entre en matière: «Mais, dira quelqu'un, comment les morts ressuscitent-ils? Quel sera le corps dans lequel ils reviendront?» Il indique par là très-clairement ce dont il veut parler, et aussi il ajoute: «Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu de l'immortalité (1)». Or, quand Fauste nie toutes ces vérités, quand il soumet à la corruption Dieu lui-même, dont Paul a dit: «Honneur et gloire à Dieu seul, qui est immortel et incorruptible (2)», quand, selon les abominables et sacrilèges rêveries de la secte, il enseigne que Dieu a craint de voir sa substance et sa nature tout entière souillée par là race des ténèbres, et qu'il en a livré une partie à la corruption pour préserver l'autre, comment ose-t-il encore essayer de tromper les ignorants, et les esprits moins familiarisés avec les divines Ecritures, et répondre, quand on lui demande s'il reçoit l'apôtre saint Paul, qu'il l'admet absolument, tandis qu'il n'en est rien?
Mais, dit-il, je puis démontrer, par une preuve irréfragable, ou que saint Paul par la suite a changé de sentiment, et réformé dans son Epître aux Corinthiens la pensée émise dans l'épître aux Romains, ou qu'il n'a jamais écrit lui-même ces paroles qu'on lui prête, que le Fils de Dieu est né de la race de David selon la chair. Et quelle est cette preuve? C'est,
1. 1Co 15,35-53 - 2. 1Tm 1,17
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répond-il, qu'on ne peut admettre comme vrais en même temps ce passage de l'Epître aux Romains: «Touchant son Fils qui lui est né selon la chair, du sang de David», et cet autre de l'Epître aux Corinthiens: «C'est pourquoi nous ne connaissons plus personne selon la chair, et si nous avons connu le Christ selon la chair; nous ne le connaissons plus maintenant de cette sorte (1)». Il nous reste donc à démontrer que ces deux passages sont également vrais, et ne renferment aucune contradiction.
Nous ne pouvons convenir que l'un des deux ne soit pas de l'Apôtre, car en ce point tous les exemplaires sont unanimes. Quelques exemplaires latins portent, il est vrai, «né de la race de David», au lieu de l'expression «formé de, etc...» qui se trouve dans les exemplaires grecs; mais on voit que l'interprète latin s'est attaché plus au sens qu'au terme, et d'ailleurs tous les exemplaires de toutes les langues s'accordent à dire que le Christ est issu du sang de David selon la chair. D'un autre côté, loin de nous d'admettre jamais que saint Paul soit tombé dans l'erreur ou qu'il ait cru devoir réformer son sentiment. Fauste lui-même a senti tout ce qu'il y aurait d'injurieux et d'impie dans une pareille assertion, et il a mieux aimé soutenir que cette lettre de l'Apôtre avait été falsifiée par des mains étrangères, plutôt que de la supposer entachée d'erreur en sortant des siennes.
On peut admettre que nos livres saints renferment certains passages qui semblent être en contradiction avec quelque vérité dont le sens est très-obscur et difficile à saisir; contradiction qui n'a pas encore été éclaircie, ou que des écrivains postérieurs, comme nous, ont fait disparaître dans leurs ouvrages, qu'ils composent, non comme règles de foi, mais comme exercices propres à développer l'intelligence de la vérité. Car nous sommes du nombre de ceux à qui l'Apôtre fait cette remarque: «Si vous avez quelque sentiment différent, Dieu vous découvrira ce que vous devez en penser (2)». Ces écrits n'imposent nullement au lecteur une croyance nécessaire,
1. 2Co 5,16 - 2. Ph 3,15
mais lui laissent la liberté de son jugement. Il était avantageux qu'ils pussent se produire, et que dans la suite des temps les écrivains fissent servir le talent précieux de la parole et de la composition à traiter et à élucider les questions difficiles; mais à côté de ces écrits s'élève et domine l'autorité canonique de l'Ancien et du Nouveau Testament, autorité confirmée du temps des Apôtres, et formant, par la succession des évêques et la diffusion des églises, comme un tribunal supérieur devant lequel doit s'incliner toute intelligence pieuse et fidèle. Là, s'il s'offre quelque absurdité apparente, il n'est pas permis de dire: L'auteur de ce livre s'est écarté de la vérité; mais C'est l'exemplaire qui est défectueux, ou l'interprète qui s'est trompé ou le lecteur qui ne comprend pas. Quant aux livres des écrivains postérieurs, dont le nombre est infini, mais qui ne peuvent se comparer à l'excellence sacrée des Ecritures canoniques, quand même ils s'accorderaient tous à enseigner la même vérité, leur autorité reste toujours bien inférieure. Le lecteur ou l'auditeur qui croit y découvrir des passages en opposition avec la vérité, peut-être parce qu'il ne saisit pas la pensée de l'auteur, conserve la liberté de son jugement pour approuver ce qui lui plaît, et rejeter ce qui le choque; et à moins qu'un argument irréfragable, ou l'autorité canonique de l'Ecriture ne vienne appuyer les enseignements ou les récits contenus dans ces ouvrages, et en démontrer la certitude ou la possibilité, on peut, sans être digne de censure, refuser son assentiment ou sa foi. Bien différente est l'autorité canonique de nos livres saints; quand même, d'après le témoignage de cette autorité même, un prophète, un apôtre, ou un évangéliste eût été seul à enseigner ce qu'il a consigné dans ses écrits, il ne serait pas permis de le révoquer en doute; autrement il n'y aura plus aucune page qui ne puisse servir de règle à la faiblesse et à l'ignorance de l'esprit humain, si une fois l'autorité salutaire des livres canoniques est complètement renversée par le mépris, ou éludée par la chicane.
Vous donc, qui que vous soyez, qui avez cru voir une flagrante contradiction dans ces deux (184) passages: «Le Fils de Dieu de la race de David»; et: «Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte», quand même ils ne seraient pas tirés tous deux des lettres du même Apôtre, mais que l'un serait de Paul, l'autre de Pierre, ou d'Isaïe, ou de quelque autre apôtre ou prophète, il ne vous serait pas permis de révoquer en doute ni l'un ni l'autre, puisque tel est l'enchaînement des écrits canoniques en toutes leurs parties, que la piété la plus juste et la plus sage les admet, l'esprit le plus éclairé les perçoit, et l'étude la plus attentive les démontre comme autant d'oracles émanés de la même bouche. Maintenant qu'ils sont tirés l'un et l'autre des Epîtres canoniques de Paul, c'est-à-dire des Epîtres qui sont certainement de lui; maintenant qu'on ne peut prétendre que l'exemplaire est défectueux, puisque tous les exemplaires latins corrigés portent de même, ni que l'interprète s'est trompé, puisque tous les meilleurs exemplaires grecs sont conformes, il vous reste, à vous, d'avouer que vous ne comprenez pas, et à moi, de vous montrer comment ces deux passages ne sont nullement en contradiction, mais s'accordent parfaitement selon les règles les plus saines de la foi. Si la piété inspirait votre étude, elle découvrirait aussi à vos propres yeux sur ce point la véritable lumière.
Que le Fils de Dieu se soit fait homme dans la race de David, c'est ce que le même apôtre enseigne en plusieurs endroits, et ce que d'autres écrivains sacrés proclament de la manière la plus formelle. Quant à ces paroles «Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte», l'endroit même d'où elles sont tirées montre assez clairement quelle est la pensée de l'Apôtre. Notre vie future, dès maintenant réalisée dans sa plénitude en l'homme médiateur, Jésus-Christ notre Chef ressuscité, il l'envisage avec une certitude d'espérance aussi pleine que si elle lui était présente et qu'il en jouît déjà; et cette vie, comme celle du Christ, ne sera plus selon la chair. Par la chair, il n'entend pas ici cette substance de notre corps que le Seigneur, même après sa résurrection, appelait sa chair, quand il disait: «Touchez et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai (1)»; ce qu'il désigne, c'est la corruption et la mortalité de la chair qui n'existeront plus en nous, comme elles ne sont plus dans le Christ. C'est bien là ce qu'il entendait par la chair, quand, au sujet de la résurrection, ainsi que nous l'avons remarqué précédemment, il s'exprimait d'une manière si claire: «La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu; et la corruption ne jouira pas de l'incorruptibilité». Quand donc sera accompli ce qu'il annonce ensuite: «En un moment, en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette, car la trompette sonnera, tous les morts ressusciteront dans un état incorruptible, et nous serons changés; il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu de l'immortalité (2)»; alors n'existera plus cette chair par laquelle il désigne, non la substance du corps, mais la corruption de la mortalité, qui disparaîtra dans cette heureuse transformation; mais bien la chair qui constitue la nature et la substance du corps, puisque c'est celle-là même qui doit ressusciter et être changée. On ne peut nier, en effet, ni ce que dit le Seigneur après sa résurrection: «Touchez et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai»; ni ce que dit l'Apôtre: «La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu». D'une part, il s'agit de la substance même de la chair, laquelle subsistera toujours, puisque c'est elle qui sera changée; et de l'autre, de l'état corruptible, lequel aura cessé, puisqu'une fois transformée, la chair ne sera plus sujette à la corruption. «Nous avons donc connu le Christ selon la chair», c'est-à-dire, selon la mortalité de la chair avant sa résurrection; «mais maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte», parce que, comme le dit l'Apôtre, «le Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus, et la mort n'aura plus d'empire sur lui (3)».
Si le Christ n'a jamais existé selon la chair, vous en tenir à la rigueur des termes, c'est faire mentir l'Apôtre quand il dit: «Nous avons connu le Christ selon la chair»; comment connaître ce qui n'est pas? Il ne dit pas: Nous avons pensé que le Christ existait selon la chair; mais, nous avons connu. Je ne
1. Lc 24,39 - 2. 1Co 15,50-53 - 3. Rm 6,9
185
veux cependant pas presser sur les mots, pour qu'on ne puisse pas soutenir qu'il y a ici abus de langage de la part de l'Apôtre qui, au lieu de l'expression: nous avons pensé, a employé celle-ci: Nous avons connu. Ce qui m'étonne, c'est que des hommes aveugles ne voient pas, ou plutôt je serais étonné s'ils le voyaient, que s'il faut croire que le Christ n'a pas eu une chair véritable, par cette raison que l'Apôtre a dit qu'il ne connaissait plus maintenant le Christ selon la chair, il faut admettre qu'ils n'ont pas eu de chair non plus, ceux dont il dit au même endroit: «C'est pourquoi nous ne connaissons plus maintenant personne selon la chair». Sans restreindre sa, pensée au Christ seul, il pouvait dire: «Nous ne connaissons personne selon la chair»; mais envisageant comme présente la vie future dont il devait jouir avec ceux qui seront transformés à la résurrection: «Maintenant, dit-il, nous ne connaissons plus personne selon la chair»; c'est-à-dire, l'espérance de notre incorruptibilité et de notre immortalité future est si certaine en nous, que dès maintenant cette seule pensée nous remplit de joie. C'est ce qui lui fait dire ailleurs: «Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses du ciel, où le Christ est assis à la droite de Dieu; n'ayez de goût que pour les choses du ciel, et non pour celles de la terre (1)». Nous ne sommes pas encore évidemment ressuscités comme le Christ; et cependant l'espérance que nous avons dans le Christ, fait dire à l'Apôtre que nous sommes déjà ressuscités avec lui. De là encore: «Dans sa miséricorde, il nous a sauvés par l'eau de la régénération (2)». Qui ne sait que, dans le bain régénérateur, nous avons reçu l'espérance du salut futur, et non le salut lui-même, qui est l'objet de la promesse? Et cependant, comme cette espérance est certaine: «Il nous a sauvés», dit l'Apôtre, comme si nous étions déjà en possession du salut. C'est ainsi qu'il s'exprime ailleurs avec tant de clarté: «Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l'effet de notre adoption, la rédemption de nos corps, car nous sommes sauvés en espérance. Or, l'espérance qui se voit n'est plus espérance: quel est en effet celui qui espère ce qu'il voit déjà? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons avec
1 Col 3,1-2 - 2. Tt 3,5
patience (1)». L'Apôtre ne dit pas: Nous serons sauvés, mais: Nous sommes dès maintenant sauvés, non en réalité, mais en espérance, ainsi qu'il s'exprime; de même faut-il entendre ces autres paroles: «Nous ne connaissons plus personne selon la chair», non en réalité, mais en espérance; parce que notre espérance repose dans le Christ, et qu'en lui se trouve déjà accompli ce qui fait l'objet de notre espérance. Déjà il est ressuscité, et il ne sera plus soumis à l'empire de la mort. Il est vrai qu'avant sa mort nous l'avons connu selon la chair, puisqu'à son corps était inhérente cette mortalité que l'Apôtre désigne sous le nom de chair; mais nous ne le connaissons plus de cette sorte; son corps mortel a revêtu l'immortalité, et ne peut plus être appelé chair comme dans son premier état.
Pour faire ressortir davantage la vérité de ma pensée, examinons l'ensemble du texte où est renfermé cet oracle, dont nos adversaires tirent leurs fausses inductions: «La charité de Jésus-Christ nous presse», dit l'Apôtre, «considérant que si un seul est mort pour tous, tous aussi sont morts; or, Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux. C'est pourquoi nous ne connaissons plus personne selon la chair; et si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant de cette sorte». Il est de toute évidence que dans ces dernières paroles, l'Apôtre avait en vue le Christ ressuscité, comme l'insinuent celles qui précèdent: «Afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux». Qu'est-ce à dire, qu'ils vivent non pour eux-mêmes, mais pour celui, etc.», sinon qu'ils vivent, non selon la chair, dans la convoitise des biens terrestres et corruptibles, mais selon l'esprit, dans l'espérance de la résurrection déjà réalisée pour eux dans la personne du Christ? C'est pourquoi l'Apôtre ne connaissait personne selon la chair, parmi ceux pour qui Jésus-Christ est mort et ressuscité, et qui vivent, non pour
1. Rm 8,23-25
186
eux-mêmes, mais pour lui, et cela eu égard à l'espérance de l'immortalité future qu'ils attendaient: attente qui n'était plus, en Jésus-Christ, une espérance, mais une réalité; et si l'Apôtre l'avait connu selon la chair avant sa mort, maintenant il ne le connaissait plus de cette sorte, sachant qu'il était ressuscité, et que la mort ne devait plus avoir d'empire sur lui.
Et comme c'est là ce que nous sommes en lui, sinon encore en réalité, du moins en espérance, il ajoute: «Si quelqu'un est en Jésus-Christ, il est devenu une nouvelle créature, ce qui est vieux est passé, tout est devenu nouveau. Et ce tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ (1)». Ainsi donc, toute créature nouvelle, en d'autres termes, le peuple renouvelé par la foi, afin de posséder en espérance ce que plus tard il possédera complètement en réalité, trouve dans le Christ ce qu'il attend pour lui-même. Donc encore, si «tout ce qui est vieux est passé», c'est dans l'objet de l'espérance, car nous ne sommes plus à l'époque de l'Ancien Testament, où l'on attendait de Dieu un royaume éphémère et charnel; et si «tout est devenu nouveau n, c'est aussi dans l'objet de l'espérance, car elle nous attache aujourd'hui à la promesse d'un royaume des cieux, d'où seront bannies la corruption et la mort. A la résurrection des morts, néanmoins, ce ne sera plus dans l'espérance, mais dans la réalité, que ce qui est vieux passera, puisque notre ennemie dernière, la mort, sera complètement anéantie, et que tout sera renouvelé, puisque, corruptible, ce corps revêtira l'incorruptibilité, et mortel, l'immortalité (2).
Transformation heureuse, accomplie dès maintenant dans le Christ: aussi était-ce en réalité que saint Paul ne le connaissait plus selon la chair; tandis que c'était en espérance simplement qu'il ne connaissait plus selon la chair aucun de ceux pour qui Jésus est mort et pour qui il est ressuscité. C'est par sa grâce effectivement, comme l'écrit le même Apôtre aux Ephésiens, que nous sommes sauvés.
Ce nouveau passage confirme notre sentiment; le voici: «Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, par le grand amour dont il nous a aimés, et lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel nous sommes sauvés».
1. 2Co 5,14-18 - 2. 1Co 15,26-53
Ces mots: «Nous a vivifiés dans le Christ», ont le même sens que ces autres adressés aux Corinthiens: «Afin que ceux qui vivent, ne a vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux, et qui pour eux est ressuscité». Quant aux paroles suivantes: «Par la grâce duquel nous sommes sauvés», elles semblent indiquer que notre salut est un fait accompli, tandis qu'il l'est seulement en espérance. Ne dit-il pas expressément ailleurs, comme je l'ai rappelé un peu plus haut: «C'est en espérance que nous sommes sauvés?» Aussi poursuit-il, et continuant à représenter l'avenir comme déjà réalisé: «Dieu, dit-il, nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir en même temps dans les cieux en Jésus-Christ» . Le Christ, sans aucun doute, siége maintenant dans le ciel, mais pas encore nous. Cependant, comme notre espoir est assuré, et nous met en quelque sorte entre les mains ce dont nous ne jouirons que plus tard, l'Apôtre a pu dire que dès maintenant nous siégeons dans le ciel, non pas en nous-mêmes, mais dans la personne du Fils de Dieu. Aussi, pour écarter l'erreur et empêcher de considérer comme accompli réellement ce qui ne l'est qu'en espérance et ne le sera que plus tard en réalité, il continue de la manière suivante: «Pour manifester dans les siècles à venir les richesses surabondances de sa grâce, par la bonté qu'il a pour nous dans le Christ Jésus (1)».
A notre interprétation se rapportent aussi ces mots: «Lorsque nous étions dans la chair, les passions du péché, éveillées par la loi, agissaient dans nos membres jusqu'à leur faire porter des fruits de mort (2)». - «Lorsque nous étions dans la chair», ne semble-t-il pas exprimer qu'on n'y était plus? Mais voici le sens. Lorsque nous vivions encore avec l'espoir des biens terrestres, à l'époque où la loi, qu'il est impossible d'accomplir sans la charité spirituelle, pesait sur eux et aboutissait à multiplier leurs fautes, puisqu'ils l'enfreignaient; aussi a-t-il fallu qu'en ouvrant par bonté .un Nouveau Testament, Dieu fit surabonder la grâce (3). La même idée est contenue dans cette phrase d'une autre Epître a Ceux qui sont dans la chair, ne sauraient «plaire à Dieu». Ce qui prouve qu'il ne s'agit pas ici de ceux qui ne sont pas encore morts, c'est ce qu'ajoute l'Apôtre: «Pour vous, vous
1. Ep 2,4-7 - 2. Rm 7,5 - 3. Rm 5,20
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n'êtes pas dans la chair, mais dans l'esprit (1)» . En d'autres ternies: ceux qui vivent dans l'espoir des biens charnels ne sauraient plaire à Dieu; or, vous n'avez pas, vous, cet espoir des biens matériels, mais l'espérance des biens spirituels, ou du royaume -des cieux, au sein duquel le corps lui-même, grâce à sa transformation, sera devenu comme spirituel, d'animal qu'il est aujourd'hui. «On le sème corps animal», dit le même Apôtre aux Corinthiens, «il lèvera corps spirituel (2)».
Maintenant, si l'Apôtre ne connaissait plus selon la chair aucun de ceux qu'il assure ne vivre plus dans la chair, en ce sens qu'ils ne nourrissaient plus l'espoir des biens charnels, tout revêtus qu'ils fussent encore de leur chair corruptible et mortelle; à combien plus forte raison ne pouvait-il pas dire du Christ, qu'il ne le connaissait plus selon la chair, lui qui possède réellement dans son corps glorieux
1. Rm 8,8-9 - 2. 1Co 15,44
le merveilleux changement que les autres attendaient seulement, et parce qu'il leur était promis? Ah 1 combien il est préférable, combien il est plus religieux, quand on étudie les divines Ecritures, de tout approfondir pour les mettre d'accord entre elles, que de les louer ici comme vraies, et de les condamner là comme fausses, pour n'avoir pas assez travaillé à dilucider une question qui paraît insoluble! Eh! quand l'Apôtre lui-même était enfant et n'avait qu'une sagesse d'enfant (1), ce qu'il disait toutefois par comparaison, il n'avait pas atteint encore le degré d'élévation spirituelle où il était monté quand, pour l'édification des églises, il écrivait, non pas des livres destinés aux exercices et aux progrès littéraires des hommes studieux, mais des Epîtres pleines d'autorité, destinées à être lues et observées comme tout ce que contient le canon ecclésiastique.
1. 1Co 13,11
Ces onze premiers livres sont traduits par M. l'abbé HUSSENOT.
Augustin contre Fauste - CHAPITRE IX. PAINS AZYMES, VÊTEMENTS INTERDITS AUTRES OBSERVANCES.