Bernard, Lettres 115

LETTRE CXV. A UNE RELIGIEUSE DE L'ABBAYE (c) DE SAINTE-MARIE DE TROYES.


On voit encore maintenant (du temps de Mabillon), à Troyes, ce monastère soumis à la règle de Saint Benoit; il venait d'être l'objet d'une réformé, au dire de saint Bernard:


Saint Bernard la détourne de l'imprudent dessein qu'elle nourrissait de se retirer dans quelque solitude.


1. J'ai appris que vous avez l'intention de quitter votre monastère sous prétexte de mener une vie plus régulière, et que, sans tenir compte de l'avis de votre mère supérieure et de vos soeurs qui désapprouvent votre projet, vous ne voulez vous en rapporter qu'à moi, résolue à ne faire que ce que je déciderai. Je regrette que vous ne vous soyez pas adressée à quelqu'un de plus habile que moi, mais puisque c'est mon avis que vous désirez connaître, je vous ferai connaître très-simplement ma manière de voir et vous dirai ce qu'il me semble que vous devez faire. Depuis que je sais quelle pensée vous nourrissez, je cherche et recherche en moi-même quel peut être l'esprit qui vous (inspire et je n'ose dire que je le sache; il peut se faire qu'elle vous vienne de Dieu, en ce cas elle se justifierait elle-même; mais je ne vois pas bien qu'elle soit conforme à la sagesse. Comment cela? me direz-vous, N'est-ce pas suivre l'inspiration de la sagesse que de fuir le luxe, la dissipation, la bonne chère et les délices de la vie? Ne serai-je pas plus en sureté contre les tentations de la chair, au fond d'un désert où je vivrai seule ou presque seule, uniquement occupée à plaire à Celui qui a reçu ma foi? Je ne le pense pas, je crois au contraire que celui qui veut mal faire trouve au désert l'abondance, dans les forêts une ombre protectrice, et dans la solitude un silence favorable, car personne ne reprend le mal qu'il ne voit pas. Or, quand on ne craint pas la censure, on prête une oreille plus indulgente au tentateur et on cède plus facilement au mal. C'est le contraire au couvent: si vous voulez vous bien conduire, personne ne s'y oppose, vous le pouvez; mais si vous êtes tentée de mal faire, vous rencontrez mille obstacles qui vous arrêtent; et si vous cédez à la tentation, de suite on s'en aperçoit, on vous en reprend et on vous corrige. Agissez-vous selon la règle, on le voit encore, mais on vous admire, on vous vénère, on vous imite. Vous le voyez, ma fille, au couvent le bien est plus honoré, et le mal plus réprimé, attendu que vous êtes sous les yeux d'un plus grand nombre de personnes que vos vertus ne peuvent qu'édifier et que vos fautes blesseront certainement.

2. Mais pour faire tomber toutes vos illusions devant l'Évangile, je vous poserai cette alternative: vous êtes du nombre des vierges folles ou des vierges sages, en supposant que vous soyez une vierge; dans le premier cas, le couvent vous est nécessaire, et dans le second cas, c'est le couvent qui a besoin de vous: car si vous êtes sage et exemplaire, vous jetez par votre départ du discrédit sur la récente réforme de votre mai son dont on parle avec éloge, et je crains bien que vous ne lui causiez quelque préjudice; car on ne manquera point de dire qu'étant régulière comme vous l'êtes, vous n'auriez certainement pas quitté une maison où la règle se trouverait effectivement en honneur (a). Mais si vous passez pour vierge folle, on dira que vous quittez votre maison parce que, étant relâchée, vous ne pouvez demeurer plus longtemps avec des religieuses exemplaires, ni supporter la société de vierges sages, et que vous cherchez un endroit où vous puissiez vivre à votre guise; et l'on n'aura pas tort de parler ainsi, d'autant plus qu'avant la réforme de votre maison on ne vous a, dit-on, jamais entendue parler du projet que,vous nourrissez maintenant. Ce n'est que depuis que tout est rentré dans l'ordre que ce beau zèle pour la perfection s'est emparé de vous et vous pousse au désert. Il me semble voir là-dessous, ma fille, et je désire que vous le voyiez comme moi, le venin caché du serpent, ses ruses infernales et ses piéges habilement tendus. Sachez donc que c'est aubois qu'est le loup; si donc- vous allez seule au fond de la forêt, comme une pauvre petite brebis errante, c'est que vous voulez tomber sous sa dent meurtrière. Mais écoutez-moi, ma fille, je veux vous donner un avis salutaire; sainte ou pécheresse, ne vous éloignez point du troupeau, si vous ne voulez pas tomber entre les griffes de l'ennemi dont personne ne pourrait vous arracher ensuite; êtes-vous une sainte religieuse, tâchez de sanctifier vos Compagnes par votre exemple; êtes-vous une pauvre pécheresse, n'ajoutez pas de nouvelles iniquités aux anciennes, faites plutôt pénitence dans la maison où vous vous trouvez. Si vous vous éloignez, j'ai bien peur que ce ne soit au péril de votre âme, comme je vous l'ai dit plus haut, au;rand scandale de vos sueurs et au risque d'encourir les plus violentes critiques.

a C'est-à-dire un courent où régneraient le bon ordre et la pratique exacte de la vie monastique.



LETTRE CXVI. A HERMENGARDE, CI-DEVANT COMTESSE DE BRETAGNE,



Saint Bernard proteste en termes pleins de douceur et d'affection qu'il a pour elle tous les sentiments d'une amitié pure et chrétienne.



A sa très-chère fille Hermengarde, jadis comtesse illustre de Bretagne, aujourd'hui très-humble servante de Notre-Seigneur (a), Bernard, abbé de Clairvaux, protestations de la plus pure affection.

a C'est-à-dire religieuse, comme l'était Hermengarde, du temps de Geoffroy, abbé de Vendôme, qui lui reproche (lettre vingt-troisième du livre V) d'être revenue au monde après y avoir renoncé. Dans la lettre suivante, saint Bernard la dit issue de sang royal. C'est elle qui lit construire pour les Cisterciens l'abbaye de Buzay, près de Nantes, comme on le voit dans la Vie de saint Bernard, livre 2, chapitre 6, en 1135, d'après notre Chronologie.


Que ne pouvez-vous lire dans mon coeur comme dans ce papier? vous y verriez quel profond amour le doigt de Dieu y a gravé pour vous, et vous reconnaîtriez bien vite que ni la langue ni la plume ne sont capables de le rendre tel que Dieu a voulu qu'il fût. A l'heure qu'il est, mon coeur est auprès de vous si mon corps est absent, malheureusement ni vous ni moi ne pouvons faire que vous le voyiez; mais du moins vous avez un moyen de vous en assurer. Si vous ne pouvez le voir, vous n'avez qu'à descendre dans votre propre coeur pour y trouver le mien; car vous ne pouvez douter que je ressens pour vous autant d'affection que vous en éprouvez vous-même pour moi, à moins que vous ne pensiez que vous m'aimez plus que je ne vous aime, et que vous n'ayez meilleure opinion de votre coeur que du mien sur le chapitre de l'affection. Mais vous êtes trop humble et trop modeste pour ne pas croire que le même Dieu qui vous porte à m'aimer et à vous conduire d'après mes conseils, m'inspire des sentiments d'affection pareils aux vôtres. Quant à moi, je ne sais pas jusqu'à quel point je suis présent à votre affection, mais ce que je sais fort bien, c'est que partout où je suis je me sens auprès de vous par le coeur. Au reste je ne vous écris que deux lignes comme en courant et chemin faisant, mais j'espère vous écrire plus longuement une autre fois, si Dieu m'en donne le loisir.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE CXVI.

85. A Ermengarde, comtesse de Bretagne, épouse du comte Alain, grande bienfaitrice des religieux de Clairvaux, pour lesquels elle construisit un monastère près de Nantes, au rapport d'Ernald (livre n De la Vie de saint Bernard, no 34). Cette maison fut appelée Buzay; elle a maintenant pour abbé l'illustre Caumartin, qui nous a communiqué le titre de fondation de son monastère. Nous y voyons que «le duc Conan, fils d'Alain et d'Ermengarde, avait résolu, de concert avec sa mère, de construire l'abbaye de Buzay, mais trompés par les mauvais conseils de quelques personnes, ils avaient renoncé à leur projet. Cependant l'abbé de Clairvaux, Bernard, de qui relevait le monastère de Buzay, étant venu dans ce lieu et le trouvant presque entièrement désolé, se sentit ému de douleur: alors m'accusant moi-même, continue Conan, de mensonge et de perfidie, je donnai l'ordre à l'abbé et à ses religieux de vider les lieux et de retourner à Clairvaux. Alain intercéda pour eux, et ayant rapporté au monastère les objets qu'il en avait enlevés, il se mit en devoir d'en faire terminer les bâtiments. Ce titre est signé par Roland, évêque de Vannes, Alain, évêque de Rennes, Jean, évêque de Saint-Malo, et lterius, évêque de Nantes; avec ces évêques ont signé aussi Pierre et André, l'un abbé, l'autre religieux de ce monastère. Si la place nous le permet, nous rapporterons ce titre en entier à la fin des notes. Pour en revenir à Ermengarde, Geoffroy, abbé de Vendôme, l'exhorte, dans sa vingt-troisième lettre du cinquième livre, à donner suite au projet qu'elle avait conçu d'embrasser la vie religieuse et auquel elle paraissait avoir renoncé (Note de Mabillon).




LETTRE CXVII. A LA MÊME.


Saint Bernard loue sa ferveur dans le service de Dieu et lui témoigne le désir de la voir.


Mon coeur est au comble de la joie quand j'apprends que le vôtre est en paix; votre satisfaction fait la mienne, et quand votre âme est bien-portante, la mienne se sent pleine de santé. Votre joie ne vient ni de la chair ni du sang, puisque, non contente de renoncer aux grandeurs pour vivre dans l'humilité, à l'éclat de la naissance pour mener une existence obscure et cachée, aux richesses pour embrasser la pauvreté, vous vous privez encore de la consolation de vivre dans votre patrie, auprès de votre frère et de votre fils. On ne peut donc douter que cette sérénité d'âme ne soit l'ouvre du Saint-Esprit. Il y a bien longtemps déjà que la crainte de Dieu vous a fait concevoir le dessein de travailler à votre salut; vous l'avez enfin mis à exécution, et maintenant la crainte a cédé la place à l'amour de Dieu dans votre âme. Quel plaisir n'aurais je pas à m'entretenir de vive voix avec vous sur ce sujet au lieu de ne le faire que par lettre! En vérité j'en veux quelquefois à mes occupations qui m'empêchent de vous aller voir; je suis si heureux quand elles me permettent de le faire! Il est vrai que cela n'arrive pas souvent; mais si rarement que ce soit, je n'en éprouve que plus de bonheur à le faire; car j'aime mieux ne vous voir que de temps en temps, que de ne pas vous voir du tout. J'espère vous faire bientôt une visite; j'en éprouve d'avance le plus grand bonheur.




LETTRE CXVIII. A LA TRÈS-NOBLE ET TRÈS-RELIGIEUSE DAME BÉATRIX.



Saint Bernard loue sa charité et sa bienveillante sollicitude.


Je suis charmé de la bienveillance et des bontés dont vous m'honorez; je me demande, excellente Dame, ce qui peut vous inspirer tant d'intérêt et de sollicitude pour moi. Si j'avais l'honneur d'être votre fils, votre neveu ou votre parent, à quelque degré que ce fût, je m'expliquerais ces témoignages continuels de votre bonté, ces civilités quotidiennes et toutes ces marques de bienveillante affection que vous me prodiguez; je croirais y avoir quelque droit, et je ne m'étonnerais pas de me les voir donner. Mais ce n'est point une mère qui me traite ainsi, c'est une dame que sa naissance élève au-dessus de moi: de là vient un étonnement qui ne saurait aller trop loin. En effet, quel parent, quel ami s'occupe autant de moi que vous le faites? Qui est-ce qui s'inquiète comme vous de ma santé? Ai-je laissé dans le monde une seule personne qui porte aussi loin sa sollicitude pour moi, ou même qui ait conservé de moi un pareil souvenir? Hélas! amis, parents, voisins, tous me regardent comme un homme qui n'est plus; il n'y a que vous qui ne puissiez m'oublier. Vous avez hâte de savoir comment je me porte et d'apprendre des nouvelles de ma santé, du voyage que je viens de faire et de l'établissement nouveau où je viens de conduire quelques religieux. Je vous dirai donc en quelques mots que ces bons religieux sont passés d'un vrai désert, d'une vaste et affreuse solitude, dans un séjour où rien ne leur manque, les bâtiments non plus que les amis; dans un canton d'une admirable fertilité et d'un délicieux aspect. Je les ai laissés heureux et tranquilles, et je suis revenu la joie et la paix dans l'âme. Mais à mon retour j'ai été repris pendant quelques jours de mes accès de fièvre avec tant de violence que je pensai en mourir; en ce moment, grâce à Dieu, j'ai recouvré la santé, et mes forces sont tellement bien revenues que je me trouve beaucoup mieux que je n'étais quand je me mis en route.




LETTRE CXIX. AU DUC ET A LA DUCHESSE DE LORRAINE.



Saint Bernard les remercie de l'exemption d'impôts dont ils l'ont fait jouir jusqu'alors, et leur rappelle que les princes doivent prendre garde que leurs faveurs ne soient rendues illusoires par leurs agents et leurs ministres.



Au Duc (a) et à la Duchesse de Lorraine, Bernard, abbé de Clairvaux, salut et voeux ardents qu'ils s'aiment l'un l'autre d'un amour aussi tendre que chaste, et qu'ils aient pour Jésus-Christ plus d'amour encore qu'ils n'en ont l'un pour l'autre.


Toutes les fois que les besoins de notre ordre m'ont obligé d'envoyer quelques-uns de nos gens dans votre pays, nous avons reçu de Votre Grandeur mille marques de bienveillance et de bonté, et vous avez abondamment subvenu à tous leurs besoins; vous les avez affranchis de tout péage (b), de toutes redevances, soit pour leur passage, soit pour leurs transactions. Le Seigneur saura bien vous en récompenser avec usure dans le ciel; car, s'il faut l'en croire sur sa parole, il tient pour fait à lui-même tout ce qu'on fait au moindre des siens (Mt 25,40).» Mais d'où vient après cela que vous laissez vos gens réclamer le payement des droits dont vous nous exemptez? Il est, ce me semble, de votre honneur, aussi bien que de l'intérêt de votre salut, que personne ne puisse rendre vaines les concessions que vous nous avez faites; si donc vous ne rétractez pas vos dons, - à Dieu ne plaise que vous le fassiez? - et si votre intention généreuse est toujours la même à notre égard, veuillez si bien confirmer les immunités que vous nous avez accordées, que désormais nos frères n'aient plus à craindre d'être inquiétés par vos gens à ce sujet, sinon nous sommes prêts, à l'exemple de Notre-Seigneur qui ne refusa pas de payer l'impôt qu'on exigeait de lui, à donner à César ce qui appartient à César, à payer l'impôt à qui l'impôt est dû, ainsi que le tribut à quiconque a droit de le réclamer, d'autant plus, selon l'Apôtre, que nous devons moins songer au tribut que nous vous payons qu'à l'avantage qui vous en revient.



a Simon et Adélaïde, non pas Gertrude, comme plusieurs l'ont écrit. On peut voir le récit de la conversion de cette duchesse par saint Bernard, dans l'histoire de sa Vie, livre Ier, chap. XIV. Elle prit le voile, en qualité de religieuse, au Tart, monastère des environs de Dijon, comme on le voit par la lettre autographe du duc Matthieu, son fils, qui l'appelle Athéleïde. Pierre-François Chifflet a publié cette lettre à Paris en 1679, à la suite de quatre opuscules. Nous ne parlerons donc pas des prétendues lettres de Gertrude à saint Bernard et de saint Bernard à Gertrude, que Bernard Brito a traduites du français en portugais, puis en latin.b C'est la rétribution que devaient payer tous ceux qui passaient; ce n'est autre chose que ce qu'on entend vulgairement par le droit de passage.




LETTRE CXX. A LA DUCHESSE DE LORRAINE.



Saint Bernard la remercie de ses offres obligeantes et la détourne de la pensée d'une guerre injuste.



Je rends grâces à Dieu pour les bienveillantes dispositions dans lesquelles vous êtes tant à son égard qu'au nôtre, car toutes les fois qu'une étincelle de l'amour divin jette quelques éclairs dans une âme mondaine enivrée des grandeurs de la terre, on ne peut douter que ce ne soit l'effet de la grâce de Dieu, et non d'une disposition humaine. J'accepte avec reconnaissance les offres obligeantes de service que vous me faites dans vos lettres; mais n'ignorant pas qu'une affaire importante et inattendue réclame tous vos soins en ce moment, je crois, sauf avis contraire de votre part, que nous devons attendre un moment qui soit plus à votre convenance; car nous serions bien fâchés d'importuner qui que ce soit, surtout quand il s'agit d'une oeuvre de piété où nous devons bien plus songer à l'avantage de nos bienfaiteurs qu'aux témoignages de leur bon vouloir. Veuillez donc, je vous prie, m'indiquer dans votre réponse, dont le porteur de cette lettre se chargera, le jour et l'endroit dont vous aurez fait choix pour venir dans nos parages, après avoir terminé l'affaire qui vous occupe en ce moment; le frère Guy (a) ira au-devant de vous, et s'il trouve dans vos domaines quelque chose qui puisse convenir à notre ordre, vous pourrez donner à vos promesses une suite plus prompte et plus satisfaisante: vous savez que «Dieu aime qu'on donne de bon coeur (2Co 9,7).» Si vous préférez ne pas remettre cette affaire à plus tard, veuillez me le faire savoir, car je suis tout disposé à faire ce que vous désirerez de juste et de raisonnable dans cette circonstance. Veuillez présenter nos respects au duc votre mari, que je prends la liberté d'engager, ainsi que vous, à renoncer pour l'amour de Dieu, à ses prétentions sur le château qu'il se propose de réclamer les armes à la main, si devant Dieu vous reconnaissez qu'elles ne sont pas fondées, car vous savez qu'il est écrit: «A quoi bon conquérir l'univers entier, si l'on vient à perdre son âme et à se damner (Mt 16,26)?


a Nous pensons qu'il s'agit ici de Guy, abbé de Trois-Fontaines, qui fit plusieurs voyages en Lorraine, et dont il est parlé dans les soixante-troisième et soixante-neuvième lettres.


LETTRE CXXI. A LA DUCHESSE (a) DE BOURGOGNE.

Saint Bernard l'engage à oublier ses griefs contre Hugues et à consentir au mariage d'un de ses sujets.


L'amitié singulière dont vous voulez bien m'honorer, tout pauvre religieux que je suis, est si bien connue, que tous ceux qui se croient tombés en votre disgrâce s'imaginent qu'ils ne peuvent trouver un meilleur avocat que moi auprès de vous. Ainsi, dernièrement, comme je me trouvais à Dijon, un certain Hugues de Bèse vint me prier de vous faire oublier les trop justes griefs que vous avez contre lui, et d'obtenir, pour l'amour de Dieu, votre consentement au mariage de son fils.-Il est vrai que ce mariage ne vous plaisait pas, mais il ne s'est entêté à le faire que parce qu'il y voyait de grands avantages. Aujourd'hui, il me presse et me fait solliciter de nouveau par ses amis pour le même sujet. Pour moi, si je ne me préoccupe pas beaucoup des avantages temporels qui l'ont fait agir, je ne puis pourtant pas, en voyant que les choses, de son côté, en sont au point où il les a conduites, ne pas vous dire qu'il ne peut, sans se parjurer, s'abstenir de donner suite à ses projets de mariage, et qu'il vous faudrait, à vous, de bien graves raisons pour contraindre un chrétien,votre sujet, à violer sa parole (b). Soyez sûre qu'il ne saurait demeurer fidèle à son prince s'il viole sa foi envers Dieu; d'ailleurs, je crains non-seulement que vous ne recueilliez aucun avantage pour vous d'une plus longue opposition, mais encore que vous ne vous exposiez au péril de tenir séparées deux personnes que Dieu voulait peut-être unir. Je prie Dieu de répandre sur vous, très-noble et très-chère Dame, ainsi que sur vos enfants, ses grâces et ses bénédictions; ces jours-ci sont un temps favorable, de vrais jours de salut; distribuez votre blé aux pauvres du Christ, afin qu'il vous le rende avec usure dans l'éternité.

a Mathilde, femme de Hugues Ier duc de Bourgogne; elle nourrissait du ressentiment pour Hugues de Bèse. Base est un endroit éloigné de quatre lieues de Dijon, et célèbre par un monastère de Bénédictins de ce nom. Voir Pérard, pages 221 et 222.b C'est-à-dire à manquer à la bonne foi qui consiste à tenir à la parole donnée.



LETTRE CXXII. HILDEBERT (a), ARCHEVÊQUE DE TOURS, A BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX.


La réputation de sainteté de saint Bernard porte Hildebert à lui écrire pour lui demander son amitié.


1. Si c'est à l'odeur qu'on juge un parfum, à ses fruits qu'un cornait un arbre, c'est à la bonne odeur de votre nom que je connais la sainteté de votre vie et la pureté de votre doctrine. Je demeure bien loin de vous, il est vrai, mais j'ai entendu raconter quelles nuits délicieuses vous passez avec votre Rachel et quels nombreux enfants vous donne votre Lia; j'ai appris aussi comment vous cultivez la vertu et quelle guerre vous faites à la chair. Il n'y a qu'une voix sur votre compte parmi ceux qui me parlent de vous, tant est grande l'excellence de vos vertus, et bonne l'odeur que répand le baume de votre piété. Ce sont comme les prémices de la moisson que vous ferez au dernier jour; ce renom impérissable est la récompense de la vertu en ce monde; elle ne le doit qu'à elle et il n'y a qu'elle qui puisse se le conserver; les dents de l'envie n'ont point de prise sur lui, et la faveur des hommes est impuissante à le procurer. On sait bien que la réputation des saints ne craint pas les détracteurs et n'attend rien de la flatterie; elle ne dépend que des saints eux-mêmes; elle grandit s'ils croissent en vertu, elle s'éclipse si leurs vertus s'éteignent. L'Eglise tout entière, j'en suis convaincu, espère bien que ce renom de sainteté que vous vous êtes acquis se soutiendra toujours, parce qu'elle ne doute pas qu'il ne soit fondé sur le roc.

2. Pour moi, en entendant parler de vous comme on le fait partout, je n'ai pu résister au désir de solliciter de vous la faveur de votre amitié et d'un souvenir dans vos prières, surtout à ces heures on, cessant de converser avec les hommes, vous traitez de leurs intérêts avec le Roi aux notes. des anges. Tout ce que m'a rapporté de vous l'archidiacre de Troyes, Gébuin, n'a fait qu'augmenter le désir que je vous manifeste; je vous recommanderais cet homme non moins distingué par sa piété que par son savoir, si je ne savais que votre amitié tient lieu de toute recommandation à ceux à qui vous avez fait l'honneur de l'accorder. Je veux pourtant que vous sachiez que c'est lui qui m'a appris que vous ne prêchez pas moins efficacement dans l'église par vos exemples que pare vos discours. Je finis de peur de vous ennuyer par une plus longue lettre, mais je ne cesserai point de vous demander votre amitié jusqu'à ce que j'aie le bonheur de l'obtenir. Je vous prie de vouloir bien me répondre pour me dire dans quelles dispositions vous êtes à ce sujet.

a Dans plusieurs manuscrits, cette lettre et la suivante sont placées après la cent vingt-septième, et dans quelques-uns même, après la deux cent cinquante-deuxième. Hildebert, l'auteur de cette lettre, fut évêque du Mans de 1098 à 1125, année où Il devint archevêque de Tours et succéda à Gilbert. Cela ressort du récit d'Orderic Vital, livre X, à l'année 1098, et des actes des évêques du Mans, imprimés dans le tome III des Analectes, où il est dit que Guy, son successeur au siégé épiscopal du Mans, ne fut consacré, en 1126, qu'après bien des difficultés.

Hildebert ne gouverna l'Eglise de Tours que six ans et demi, comme le disent les actes cités plus haut, auxquels se rapportent une copie de Duchesne, l'histoire de la métropole de Tours, par Jean Maan, et ce que dit Orderic, à l'année 1125, page 882, quand il ne fait occuper à Hildebert que sept ans environ le siège métropolitain de Tours; d'où il suit que Hildebert ne vécut pas jusqu'en 1136, comme le dit la Gaule chrétienne, mais seulement jusqu'en 1132, comme le rapporte Jean Maan. Horstius, dans sa note sur cette lettre, a parlé d'une autre lettre qui serait la vingt-quatrième de Hildebert, également adressée à saint Bernard. Mais cette, dernière lettre qu'on trouve sans nom de destinataire dans toutes les éditions, est adressée, dans deux manuscrits que nous avons nous-même suivis, à l'abbé de Cluny, H... Elle nous montre que Hildebert aurait eu l'intention de se retirer à Cluny, si le souverain Pontife y avait consenti. Pierre de Blois parle avec éloge dans sa cent et unième lettre de celles de Hildebert.



LETTRE CXXIII. RÉPONSE DE SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX, A L'ARCHEVÊQUE DE TOURS, HILDEBERT.

Vers l'an 1130

Saint Bernard lui répond par des louanges aux louanges qu'il en reçues.

Quiconque est bon ne tire que de bonnes choses du trésor de son coeur; votre lettre fait votre éloge en même temps que le mien; elle m'a causé une grande satisfaction, car en me procurant l'occasion de vous adresser les compliments dont vous êtes si digne, mon révérend Père, elle me donne à moi-même quelques sentiments de juste fierté, car vous me faites beaucoup d'honneur en daignant abaisser Votre Grandeur jusqu'à moi, et montrer tant d'estime pour mon humble personne. On ne voit pas souvent les hommes haut placés aimer ainsi à descendre et à se rapprocher des hommes de rien, mais ce spectacle est infiniment agréable aux yeux de Dieu. Quelle meilleure preuve de sagesse peut-on donner que de se conformer dans sa conduite aux conseils que la Sagesse même nous donne en ces termes: «Plus vous êtes élevé en dignité, plus vous devez vous humilier en toutes choses (Si 3,20).» C'est ce que vous avez fait, vous que l'âge et la dignité élèvent si fort au-dessus de moi, quand vous êtes descendu jusqu'à votre serviteur très-humble et bien jeune encore. Après cela, je serais également bien fondé à relever votre sagesse consommée, et mes louanges seraient beaucoup plus méritées que celles que vous m'avez prodiguées. Quand il s'agit d'affirmer quelque chose, on doit s'appuyer sur la connaissance exacte des faits et ne point se contenter du témoignage incertain de la rumeur publique; on risque moins de se tromper quand on a pris toutes ses précautions avant de louer. Or quelle preuve avez-vous du prétendu mérite dont vous avez bien voulu me féliciter dans votre lettre? Quant à moi, je trouve la preuve du vôtre dans la lettre où vous exagérez le mien; on pourrait peut-être relever dans votre lettre le langage du savoir, la pureté et la douceur du style, l'élégance des tournures, les agréments et la concision de la phrase; mais, moi, ce que j'y trouve de plus admirable, c'est cette humilité qui abaisse Votre Grandeur jusqu'à me prévenir en m'écrivant le premier pour m'accabler de louanges et rechercher mon amitié. Assurément, je lis dans votre lettre non pas ce que je suis en effet, mais ce que je voudrais être en rougissant de ne l'être pas encore. Néanmoins, tel que je suis, de mente que si Dieu me fait la grâce de me rendre meilleur, vous pouvez croire, mon très-révérend et bien-aimé Père, que je suis et ne cesserai jamais d'être tout à vous.


LETTRE CXXIV. AU MÊME HILDEBERT, QUI N'AVAIT PAS ENCORE RECONNU LE PAPE INNOCENT.

Vers l'an 1131.

Saint Bernard l'engage à reconnaître pour légitime pape, Innocent II, que l'antipape Pierre de Léon avait forcé à se réfugier en France.

A l'illustre et savant pontife Hildebert, archevêque de Tours, Bernard, abbé de Clairvaux, salut et prière de n'agir que selon l'inspiration du Saint-Esprit et de tout examiner à sa lumière.

1. Pour parler le langage du Prophète, je dirai en commençant cette lettre: «Mes yeux ne voient que sujets de tristesse et de larmes; l'enfer sépare les frères les uns des autres (Os 13,14-15).» Il me semble, en effet, que, selon le langage d'Isaïe, il y ait des gens qui ont fait un pacte avec l'enfer et conclu une alliance avec la mort; car je vois un serviteur de Dieu, Innocent, l'oint du Seigneur, devenir pour les uns une cause de ruine, en même temps qu'il en est une de salut pour les autres. Ceux qui tiennent pour lui sont pour Dieu, mais ses adversaires tiennent pour l'antechrist ou sont l'antechrist lui-même. L'abomination est dans le lieu saint; on met le feu au sanctuaire pour s'en rendre maître; on persécute l'innocence dans la personne d'Innocent qui fuit devant Léon tomate à l'aspect d'un lion, selon ce mot du Prophète: «Quand le lion rugit, qui ne serait effrayé (Am 3,8)?» Il s'enfuit, dis-je, d'après ce conseil du Seigneur: «Lorsqu'on vous persécutera dans une ville, enfuyez-vous dans une autre (Mt 10,23).» C'est ce qu'il fait à l'exemple des Apôtres dont il se montre ainsi le véritable successeur. Saint Paul lui-même a-t-il rougi de se faire descendre des murs de Damas dans une corbeille pour échapper ainsi aux mains de ceux qui voulaient le mettre à mort? Mais en s'enfuyant de la sorte, il avait moins en vue d'éviter la mort que d'ôter à ses persécuteurs l'occasion de commettre un crime; il songeait beaucoup plus à les sauver qu'à se sauver lui-même. N'est-il pas juste que l'Eglise reconnaisse le successeur du grand Apôtre dans le pape Innocent qui marche si bien sur ses traces?

2. Au reste, la fuite d'Innocent n'est pas sans utilité; elle est pénible sans doute, mais en même temps elle a ses avantages. Exilé de la ville pontificale, il est accueilli par l'univers entier; des extrémités du monde chrétien on accourt au-devant du pontife exilé, les mains pleines de secours; il ne se trouve plus qu'un Gérard d'Angoulême pour maudire, comme un autre Séméi, ce David fugitif. Mais que ce malheureux le veuille ou non, il ne peut empêcher, malgré le mécontentement qu'il en éprouve, qu'Innocent ne soit accueilli avec honneur à la cour des rois, et ne soit partout couronné de gloire. Est-il un prince qui ne le reconnaisse pour l'élu de Dieu? Les rois de France, d'Angleterre et d'Espagne, l'empereur même reconnaissent Innocent pour pape et le regardent comme le pasteur légitime de leur âme. Le seul Achitopel ignore que tous ses desseins sont connus et déjoués; en vain ce malheureux s'ingénie à inventer quelque intrigue nouvelle contre le peuple de Dieu, avec l'intention de détruire l'attachement inviolable des fidèles pour le saint Pontife, et de confondre tous ceux qui refusent de plier le genou devant Bélial; il ne réussira jamais à faire régner le parricide, objet de ses préférences, sur Israël et sur la cité sainte, qui n'est autre que l'Eglise du Dieu vivant, la colonne de la foi, le soutien de la vérité; car «il n'est pas facile de rompre la triple chaîne (Qo 4,12)» d'une élection faite par les plus gens de bien, approuvée par le plus grand nombre, et, ce qui mieux est, soutenue par des moeurs irréprochables. Or voilà sur quoi s'appuie le droit d'Innocent au titre de souverain Pontife.

3. L'on attend, avec une impatience extrême, que vous vous déterminiez enfin, mon très-révérend Père, à le reconnaître à votre tour. Votre adhésion, quoique tardive, sera comme la rosée du ciel qui tomba sur la toison de Gédéon. Ce n'est pas que je désapprouve une certaine lenteur quand elle procède du désir de n'agir qu'avec maturité et de ne rien faire à la légère; ainsi Marie ne répond au salut de l'ange qu'après avoir pris le temps de se demander ce qui le lui valait, et saint Paul recommande à Timothée de n'imposer les mains à personne avec précipitation; mais en qualité d'ami j'ose vous dire: N'exagérez pas cette règle de conduite, et «ne cherchez point à être plus sage qu'il ne faut (Rm 13,3).» Je ne puis voir, je l'avoue, sans en ressentir de l'humiliation, que l'antique serpent, négligeant désormais de s'attaquer à des femmes faibles et sans portée, s'en prenne maintenant à des âmes aussi fortes que la vôtre et tente d'ébranler de pareilles colonnes de l'Eglise. J'espère bien que tous ses efforts ne réussiront pas à vous renverser; vous savez qu'il est dit que l'ami de l'Epoux se tient debout, tout heureux d'entendre la voix de ce dernier, qui ne lui parle que de consolation et de salut, de paix et d'union.


LETTRE CXXV. A MAITRE GEOFFROY (a) DE LOROUX.

a Geoffroy de Loroux, docteur très-renommé et archevêque de Bordeaux, prit son nom de Loroux, localité du diocèse de Tours, voisine du Poitou, célèbre jadis par un prieuré dépendant de Marmoutiers. Voilà pourquoi Gérard d'Angoulême est appelé dans cette lettre une bête du voisinage de Geoffroy. Il existe un autre endroit du nom de Loroux, situé dans le diocèse d'Angers avec une abbaye de Cisterciens.

L'an 1131

Saint Bernard réclame l'appui de ses talents en faveur d'Innocent, contre l'antipape Pierre de Léon.

1. Si on aime dans la fleur le parfum qui flatte l'odorat, on recherche dans le fruit une saveur qui plaise au goût. Nous avons senti l'odeur exquise que répand votre excellente réputation; nous serions bien désireux de connaître le goût des fruits que vous pouvez produire. Je ne suis pas seul, veuillez bien le croire, à réclamer par le temps qui court, l'appui de vos talents; mais celui qui n'a pas besoin de nous, Dieu même aujourd'hui le demande avec moi. Ne vous trouvez-vous pas honoré de coopérer à l'oeuvre de Dieu? Ce serait un crime de vous y refuser. Vous jouissez d'une grande considération devant Dieu et devant les hommes, vous avez la science en partage, de l'indépendance dans le caractère, le don de la parole, une éloquence vive et pénétrante et du piquant dans le stylé; avec de pareils dons vous ne pouvez, dans les circonstances présentes, faire défaut à la cause de l'Epouse du Christ, si vous êtes l'ami de l'Epoux: c'est en effet dans le besoin qu'on reconnaît les vrais amis. Eh quoi! vous prétendez continuer à vivre dans le calme le plus profond, pendant que l'Eglise, votre mère, est au milieu des tribulations et des épreuves? Assez longtemps comme cela vous avez goûté les douceurs du repos, assez longtemps vous avez pu employer vos loisirs au gré de vos désirs; le temps est venu maintenant d'agir contre ceux qui foulent aux pieds la loi de Dieu. La bête de l'Apocalypse qui vomit le blasphème et fait la guerre aux saints, occupe en ce moment la chaire de Pierre comme un lion prêt à tout dévorer; non loin de vous il en est une autre (Gérard d'Angoulême) qui rugit comme un lionceau dans son antre; si la première est plus féroce, la seconde est plus rusée, et toutes deux se sont liguées contre Dieu et contre l'oint du Seigneur. Hâtons-nous de rompre les liens dont ils veulent nous charger et de secouer le joug qu'ils essaient de placer sur nos têtes.

2. Pour moi, dans ces contrées, j'ai travaillé, avec tous les autres serviteurs de Dieu que le zèle de sa gloire enflamme, à inspirer un même esprit aux populations et j'ai engagé les princes à se coaliser contre les méchants, à ruiner leurs desseins et à exterminer tout ce qui s'élève contre le Seigneur. Grâce à Dieu, ce n'a pas été sans succès; l'empereur d'Allemagne et les rois de France, d'Angleterre, d'Écosse, d'Espagne et de Jérusalem se montrent favorables au parti d'Innocent; le clergé et les fidèles de ces contrées le reconnaissent comme leur père et leur chef et conspirent tons ensemble à demeurer unis d'esprit dans les liens de la paix. D'ailleurs, quoi de plus juste que l'Église reçoive pour pape légitime celui dont la réputation est la meilleure et dont l'élection a été faite par la plus saine partie des électeurs, c'est-à-dire par ceux qui l'emportent sur les autres en nombre et en mérite? D'où vient, mon cher frère, que vous n'agissez point encore? Jusqu'à quand durera cet assoupissement dangereux dans le voisinage d'un serpent? Vous êtes un enfant de paix, je le sais, et rien ne saurait vous déterminer â rompre les liens de l'unité; mais cela ne suffit pas, il faut encore que vous la protégiez contre les attaques dont elle est l'objet, et que vous contribuiez de toutes vos forces à repousser ceux qui veulent la détruire. Ne craignez pas la perte du calme dont vous jouissez, vous en serez abondamment dédommagé par la gloire d'apprivoiser ou de réduire au silence la bête de votre voisinage et d'arracher avec la grâce de Dieu, à la gueule du lion, une proie d'une importance considérable dans la personne du comte de Poitiers..



Bernard, Lettres 115