Augustin, Sermons 5017

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DIX-SEPTIÈME SERMON. «JÉSUS DIT A SES DISCIPLES: EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS: SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE A MON PÈRE, EN MON NOM, IL VOUS LE DONNERA». LA PRIÈRE.

SUR CES PAROLES DE L'ÉVANGILE SELON SAINT Jn 16,23-30

ANALYSE. - Il faut prier lors même que nous n'obtiendrions pas ce que nous demandons. - 2. Il y a des méchants qui demandent. - 3. D'autres sollicitent des biens temporels, ou bien, ce sont des bons qui demandent de bonnes choses, mais pour des personnes qui en sont indignés. - 4. Dieu remet parfois à un autre temps pour accorder aux bons les bonnes choses (653) qu'ils sollicitent de lui. - 5. Il y a des saints qui demandent des choses contraires au salut de leur âme. - 6. Qu'est-ce que demander au nom du Christ? - 7. Que faut-il spécialement demander? - 8. De l'habitude de Jésus de parler en paraboles. - 9. Le Christ prie en qualité d'homme, et, comme Dieu, il exauce. - 10. L'homme n'aime pas Dieu avant d'en être aimé. - 11. Dans le Christ il y a deux natures. - 12. Le propre de Dieu, c'est de lire dans le fond des coeurs.

1. Le Seigneur Jésus-Christ, qui nous donne la grâce de pratiquer la vertu et qui récompensera nos mérites, sait parfaitement que, par nature, l'homme ne peut rien avoir de bon en lui-même, si la grâce divine ne vient à son aide; car il a dit: «Sans moi vous ne pouvez rien faire (1)». Aussi, en un autre endroit, nous presse-t-il de toujours demander, de réitérer nos prières jusqu'à devenir importuns. Voici en quels termes il nous donne cette avertissement: «Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira (2)». Il ne veut pas qu'aucun d'entre nous désespère de la réussite de sa demande, pourvu, toutefois, que nous ne nous lassions pas de prier; il veut même nous inspirer une vive confiance; c'est pourquoi il nous dit au commencement de cette leçon: «En vérité, en vérité, je vous le dis: Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera (3)». Nous devons remarquer ici que, en nous exhortant à prier, le Sauveur prétend nous faire trouver dans ses dons gratuits une source de mérites. Avant que nous lui adressions notre demande, il sait ce qu'il nous faut, et s'il nous engage à le prier, c'est afin de trouver en nous la cause d'une juste récompense. «Quiconque demande reçoit», nous dit-il: «celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe (4)». Peut-être, et parce que nous ne les comprenons pas bien, nous laissons-nous troubler par ces paroles: «Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera»; car nous savons, pour l'avoir lu, que non-seulement des hommes de minime perfection, mais même l'apôtre Paul, qui était d'une sainteté si éminente, ont demandé quelque chose à Dieu et ne l'ont pas obtenu.

2. Afin que la véracité des promesses divines nous apparaisse plus clairement, il nous faut passer en revue les diverses classes de personnes qui prient Dieu, et les causes pour lesquelles elles obtiennent ou n'obtiennent pas ce qu'elles désirent. Il peut arriver parfois que dans l'oraison on demande de bonnes

1. Jn 15,5 - 2. Jn 16,24 - 3. Jn 13,23 - 4. Mt 7,8

choses, mais que le solliciteur soit un méchant et ne mérite pas d'être exaucé par le Seigneur. Ils espèrent inutilement que Dieu écoutera favorablement l'expression de leurs voeux, ceux qui ne veulent point écouter ses leçons; car Salomon a dit: «Celui qui bouche ses a oreilles pour ne pas entendre la loi, sa prière sera exécrable devant Dieu (1)».

3. D'autres fois, ce sont des hommes charnels qui demandent des choses non moins charnelles; aussi Dieu ne les exauce-t-il pas. C'est à eux que le bienheureux apôtre Jacques adresse ces paroles: «Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal, ne cherchant qu'à satisfaire vos passions». Quelquefois encore des bons demandent de bonnes choses; mais les dispositions de ceux à qui ils s'intéressent sont mauvaises et s'opposent à ce que leurs prières réussissent. Tels étaient celles des personnes au sujet desquelles le Seigneur disait à Jérémie: «Toi donc, ne prie pas pour ce peuple, ne m'adresse pour eux ni cantique ni demande, et ne t'oppose pas à moi, parce que je ne t'exaucerai point (2)». Et: «En vain Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, mon âme n'est plus à ce peuple (3)». N'allons pas cependant nous imaginer que nous n'acquérons aucun mérite, quand nous prions pour des pécheurs et que nous ne sommes pas jugés dignes d'être exaucés: si, en effet, ils ne méritent pas le succès des demandes que nous adressons à Dieu pour eux, notre bonne intention n'obtiendra pas moins sa récompense. Voilà pourquoi le Sauveur ne s'est point borné à dire: «Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il le donnera»; il a ajouté, à ce dernier mot, un autre mot: «Il vous le donnera». C'était dire, en d'autres termes: Si les personnes, pour lesquelles vous postulez ne méritent pas de recevoir la grâce demandée, vous aurez, vous, la récompense des sentiments charitables qui vous animent. «Et ma prière se retournera vers moi (4)».

4. Enfin, si ce sont des saints, et qu'ils

1. Si 33,15 - 2. Jr 7,16 - 3. Jr 15,1 - 4. Ps 34,13

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sollicitent des choses saintes, il peut se faire que leur demande ne soit pas exaucée dans le temps présent: elle le sera évidemment dans le temps avenir. En effet, l'Eglise n'adresse-t-elle pas tous les jours à Dieu cette prière: «Que votre règne arrive (1)?» Et cette prière ne s'accomplit pas tout de suite, mais on compte sûrement en voir l'effet après le jugement universel.

5. Lorsque, sans le savoir, les saints demandent des choses nuisibles à leur âme, il arrive, par un secret jugement de Dieu, qu'ils sont exaucés, non pas suivant leurs désirs, mais dans l'ordre de leur salut. Mieux vaut, à beaucoup près, être exaucé en vue de notre salut qu'en raison de notre volonté. Pour vous donner de ma pensée une idée plus sensible, prenons, comme exemple, deux personnages, l'un bon et l'autre méchant, dont le premier a prié sans rien obtenir, dont le second a demandé et obtenu la réalisation de ses voeux. N'allez pas dire, dans le secret de votre coeur Celui qui â été exaucé était peut-être juste devant Dieu; celui qui a inutilement sollicité le Seigneur était peut-être un méchant. Nous supposons un méchant, dont les mauvaises dispositions ne puissent laisser place à aucun doute, et un juste dont la sainteté soit évidente pour tous: je veux parler de l'apôtre Paul et du diable. Y a-t-il un seul homme pour nier que le diable soit le père de 1a méchanceté, surtout quand le bienheureux Job à dit de lui: «Il envisage tout ce qu'il y a de superbe, il est le roi de tous les enfants d'orgueil (2)?» Peut-on élever le moindre doute sur la sainteté de l'apôtre Paul, pour le temps qui a suivi sa conversion, surtout quand son juge lui-même lui a rendu ce témoignage flatteur: «Cet homme est «pour moi un vase d'élection qui portera a mon nom devant les gentils, devant les «rois et devant les enfants d'Israël (3)?» Cependant le diable a fait à Dieu une demande, et il a réussi; l'Apôtre en a fait aussi une, et il a échoué. Le diable a demandé le pouvoir de porter atteinte à la fortune de Job, et Dieu lui a répondu: «Tout ce qu'il possède est en ton pouvoir (4)». Paul a demandé que l'aiguillon de la chair lui fût enlevée (5), et il n'a rien obtenu. Lequel des deux, du diable ou de l'Apôtre, a été le mieux exaucé? Le diable a vu

1. Mt 6,10 - 2. Jb 1,25- 3. Ac 9,15 - 4. Jb 1,12 - 5. 2Co 12,7-9

sa demande favorablement accueillie relativement à ses désirs, mais nullement par rapport au salut; car il n'est devenu que plus coupable à porter dommage au saint Iduméen: mais si l'Apôtre a vu sa prière repoussée quant à ses désirs, elle lui a été favorable dans l'ordre du salut; car il n'était pas utile pour lui d'être délivré de l'aiguillon de la chair, puisque cet aiguillon lui avait été donné comme sauvegarde de son humilité. Il l'a dit lui-même en ces termes: «Aussi, de peur que la grandeur de mes révélations ne me donnât de l'orgueil, un aiguillon a été mis dans ma chair, instrument de Satan, pour me donner comme des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi; il m'a répondu: Ma grâce te suffit, car la force se perfectionne dans la faiblesse (1)». Celui donc qui demande avec une ferme confiance et persévéramment ce qui peut contribuer au salut de son âme, est certainement exaucé soit en ce monde-ci, soit en l'autre. C'est pourquoi il est dit avec à propos: «En mon nom». Son nom est Jésus, c'est-à-dire, Sauveur ou salutaire. Celui-là donc demande au nom de Jésus, qui sollicite le salut de son âme.

6. «Jusqu'ici, vous n'avez rien demandé en mon nom (2)». Est-ce qu'auparavant les Apôtres n'avaient rien demandé? N'avaient-ils pas dit: «Seigneur, dites-nous quand arriveront ces choses, et quel sera le signe de votre arrivée (3)?» Il est sûr qu'ils avaient, plusieurs fois déjà, adressé de pareilles questions à leur Maître. On peut entendre de deux manières ces paroles du Sauveur: «Jusqu'ici vous n'avez rien demandé en mon nom». Premier sens: «Vous n'avez rien demandé», parce que vous ne m'avez pas assez cru égal à mon Père, pour demander en mon nom. Second sens, qui est certain: «Vous n'avez rien demandé», car ce que vous avez demandé n'est rien en comparaison de ce que vous auriez dû solliciter. Avant la passion, l'esprit des Apôtres était encore si faible, qu'ils se bornaient, en effet, à demander avant tout des faveurs terrestres et transitoires. Ainsi en fut-il des fils de Zébédée l'Evangile nous raconte que, à leur instigation, leur mère demanda à Jésus une place à sa droite pour l'un de ses deux enfants, et, pour l'autre, une place à sa gauche (4). Et comme ce

1. 2Co 11,7-9 - 2. Jn 16,24 - 3. Mt 24,3 - 4. Mt 20,20-27

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qu'ils demandaient là n'était rien en comparaison de ce qu'ils auraient pu demander, le Sauveur leur fit aussitôt cette réponse: «Vous ne savez ce que vous demandez». Car les avantages de la terre et du temps doivent être regardés comme rien, si on les compare au bonheur éternel. Jusqu'alors les Apôtres s'étaient donc montrés lents à solliciter les biens de l'autre vie; aussi le Sauveur les presse-t-il vivement de les lui demander: «Demandez», leur dit-il, et pour qu'ils ne doutent nullement de la réussite de leur prière, il ajoute à bon droit: «Et vous recevrez».

7. Mais que devaient-ils principalement demander? Le Sauveur le leur fait connaître par ces paroles: «Que votre joie soit entière (1)». Voici l'ordre dans lequel la phrase doit être construite: Demandez que votre joie soit entière, et vous obtiendrez. D'après ce passage, il nous est facile de voir que, dans notre prière, nous ne devons solliciter ni de l'or, ni de l'argent, ni les richesses de ce monde, ni de longs jours ici-bas, mais la vie éternelle et tout ce qui peut nous y conduire, c'est-à-dire les perfections de l'âme. Une joie entière et parfaite ne peut se rencontrer sur la terre, car la fragilité des choses et leur vicissitude nous y exposent à de tels changements, que nous ne pouvons même nous flatter d'être, une heure durant, en possession du bonheur. En ce monde, la joie fait subitement place à la tristesse, le plaisir à la douleur, la santé à la maladie, une large aisance à une pauvreté extrême, la prospérité au malheur, la jeunesse à la décrépitude, la rie à la mort. Si le Sauveur nous dit: «Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit entière», il nous engage donc à demander la possession de cette vie toute privilégiée et bienheureuse au sein de laquelle la tristesse ne viendra jamais troubler nos joies, où notre bonheur ne sera empoisonné par aucun tourment, où notre tranquillité se verra à l'abri de la crainte, où, enfin, notre existence n'aura pas à redouter les coups de la mort. Tous ceux qui obtiendront d'y entrer «vivront a dans l'allégresse et le ravissement; la douleur et les gémissements fuiront à jamais «de leur coeur (2)». Il en sera ainsi quand s'accomplira ce que le Sauveur a promis en disant: «Je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira, et nul ne vous ravira votre

1. Jn 16,24 - 2. Is 35,10

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joie (1)». Cette vie éternelle faisait l'objet des désirs du Prophète. Ne disait-il pas en effet: «J'ai demandé une chose au Seigneur, et je a la lui demanderai encore, d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour y contempler la beauté du Seigneur, pour visiter son sanctuaire (2)?» Et encore: «Je suis sûr de voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants (3)?»

8. «Je vous ai dit ces choses en paraboles. «L'heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père (4)». Par paraboles, on entend des comparaisons nécessairement employées dans l'intérêt des auditeurs, pour leur donner l'intelligence de certaines pensées plus difficiles à saisir que les autres: au moyen de ces comparaisons, on peut se faire une idée des choses invisibles, en entendant parler de choses visibles. De là est venu qu'on a donné à un livre de Salomon le nom de livre des proverbes; car, à l'aide de certaines similitudes, il porte les enfants, malgré leur ignorance, à apprendre les règles rte la sagesse. Si donc le Sauveur dit à ses disciples qu'il leur a parlé en paraboles, c'est qu'il a commencé par se mettre à la portée de leur faiblesse, en se servant, dans ses discours, de comparaisons destinées à leur faire plus aisément saisir le mystère du royaume des cieux. L'évangéliste Matthieu nous atteste expressément ses habitudes sous ce rapport: «Jésus parlait en paraboles à ses disciples, et jamais il ne leur parlait qu'en paraboles (5)». Mais, quand il leur promet de ne plus leur parler en paraboles et de leur parler ouvertement de son Père, il leur montre qu'un jour le Saint-Esprit descendra en eux et leur communiquera une sagesse telle qu'il ne sera plus nécessaire de leur parler en paraboles, comme à des enfants: alors cet Esprit-Saint viendra les visiter et leur parlera ouvertement du Père; c'est-à-dire, qu'il leur fera connaître parfaitement comment le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père; et ils sauront aussi que tout ce que peut le Père, le Fils le peut pareillement, d'après cette parole du Sauveur lui-même: «Tout ce qui est à mon Père est à moi (6)». Voilà pourquoi le Sauveur continue en disant: «Ce jour-là, vous demanderez en mon nom (7)». C'était

1. Jn 16,22- 2. Ps 26,7-8- 3. Ps 16 - 4. Jn 16,25 - 5. Mt 24,31 - 6. Jn 16,15 - 7. Jn 16,26

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dire, en d'autres termes: Ce jour-là, le Saint-Esprit viendra en vous, et il vous apprendra que «mon Père et moi nous sommes un (1)». Alors «vous demanderez en mon nom», parce que vous saurez que je suis égal au Père, et vous croirez que je puis vous exaucer en tout, conjointement avec le Père. A ces paroles: «Vous demanderez en mon nom», on peut encore donner un autre sens; le voici: Lorsque le Saint-Esprit sera descendu en vous et qu'il vous aura appris à mépriser complètement les choses d'ici-bas, alors vous comprendrez qu'il vous faut demander uniquement ce qui a trait au salut de vos âmes.

9. Et comme, en se faisant homme, il n'a pas cessé d'être un Dieu parfait, le Christ ajoute avec raison: «Et je ne dis pas que je prierai mon Père pour vous (2)»; car, parce qu'il est homme, il dit à ses Apôtres dans un autre endroit de l'Evangile, qu'il a prié son Père en leur faveur: «Père saint, conservez, pour votre nom, ceux que vous m'avez donnés (3)». Et encore: «Père, lorsque j'étais avec eux, je les conservais pour votre nom; maintenant, je vous prie pour eux et non pour le monde: je ne vous prie point de les retirer du monde, mais de les préserver du mal (4)». Ailleurs il dit à Pierre: «J'ai prié mon l'ère pour toi, afin que ta foi ne défaille pas». Il dit maintenant qu'il ne priera pas son Père en faveur de ses disciples, parce qu'il partage avec lui la toute-puissance de la divinité. C'est donc en tant qu'homme qu'il prie son Père, puisqu'en tant que Dieu il accorde, conjointement avec lui, tout ce qu'on lui demande. En disant: «Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous», il montre évidemment encore qu'au sein de la vie éternelle les élus jouiront d'un tel bonheur qu'ils n'auront plus besoin même de prières; car ils seront comblés d'une joie sans fin, suivant cette promesse faite au nom du Seigneur par le prophète Isaïe: «En ces jours-là et en ce temps-là, nul n'instruira plus ni son prochain ni son frère, disant: «Connais le Seigneur, car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, dit le Seigneur (5)». Aussi le Sauveur n'a-t-il pas dit au présent: Je prie, mais au futur: Je prierai.

1. Jn 10,30 - 2. Jn 16,26 - 3. Jn 17,11 - 4. Jn 12,15 - 5. Jr 31,34

10. «Car mon Père lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu (1)». Ces paroles ne doivent pas s'entendre en ce sens que ses disciples aient été les premiers à l'aimer, et que, par conséquent, ils aient mérité par eux-mêmes d'être aimés du Père; en effet, le Père les a aimés le premier, et ç'a été de sa part un don tout gratuit qu'ils aient été capables d'aimer le Fils et de croire en lui. II a dit d'eux par l'organe du Prophète: «Je les aimerai spontanément (2)»; et dans l'Evangile: «Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis (3)». Voilà pourquoi l'apôtre Jacques a prononcé ces paroles: «Il nous a volontairement engendrés par la parole de la vérité (4)». La grâce subséquente, qui aide l'homme à pouvoir faire le bien, est d'abord antécédente à son égard, c'est-à-dire qu'elle lui inspire la volonté de bien agir. Si, en effet, la grâce de Dieu ne prévenait la volonté humaine, pour la porter au bien, le Psalmiste ne dirait pas: «En vous, Seigneur, je conserverai ma force; vous êtes mon asile; Dieu m'a prévenu de sa miséricorde (5)». Et si la même grâce ne venait point ensuite pour l'aider à bien faire, le même Psalmiste ne dirait pas non plus «Et votre miséricorde me suivra pas à pas tous les jours de ma vie (6)».

11. «Je suis sorti de mon Père, et je suis venu dans le monde; je quitte de nouveau le monde, et je vais à mon Père (7)». Dans ce verset, Notre-Seigneur a clairement établi l'existence de ses deux natures, c'est-à-dire de sa nature divine et de sa nature humaine. Et c'était à propos; car, bien qu'il fût Dieu, les hommes ne pouvaient néanmoins apercevoir sa nature divine. «Il est sorti de son Père, et il est venu dans le monde» parce qu'il voulait se faire voir sous la forme d'esclave et qu'il s'est rendu visible aux yeux du monde. Aussi l'Apôtre a-t-il dit: «Ayant la nature de Dieu, il n'a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s'égaler à Dieu; il s'est cependant anéanti lui-même en prenant la forme d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et en se faisant reconnaître pour homme par tout ce qui a paru de lui (8)». Il a de nouveau quitté

1. Jn 16,27 - 2. Os 14,5 - 3. Jn 15,16 - 4. Jc 1,18 - 5. Ps 58,10-11 - 6. Ps 22,6 - 7. Jn 16,28 - 8. Ph 2,6-7

le monde et il est allé à son Père, quand, après avoir accompli tout le mystère de son Incarnation, il a placé, à la droite de son Père, la nature humaine qu'il nous avait empruntée pour s'en revêtir; c'est ce que rapporte l'évangéliste Marc: «Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le ciel, et il est assis à la droite de Dieu (1)». De même qu'il ne s'est point séparé du Père, quand il est venu dans le monde, de même, il n'a point abandonné ses élus en retournant vers son Père; car il dit lui-même dans un autre endroit: «Voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles (2)». Tout en restant avec le Père, en tant que Dieu, il est venu en ce monde en tant qu'homme: et tout en remontant, en tant qu'homme, vers le Père, il est demeuré avec ses élus en tant que Dieu. Ainsi s'exprime-t-il encore ailleurs: «Personne n'est monté au ciel, sinon Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'Homme, qui est au ciel (3)».

12. «Ses disciples lui dirent: Voilà que vous parlez ouvertement et que vous ne vous servez plus de parabole (4)». Par ces paroles, les disciples montrent qu'en entretenant

1. Mc 16,19 - 2. Mt 28,10 - 3. Jn 3,13 - 4. Jn 16,29

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avec eux cette conversation le Sauveur avait abordé un sujet qui leur était singulièrement agréable: sans doute, tout ce qu'il leur avait dit, ils ne l'avaient point parfaitement compris; pourtant, ils croyaient bien avoir saisi sa pensée, puisqu'ils lui répondirent: «Voilà que vous parlez ouvertement, et que vous ne vous servez point de parabole». La raison en était que, souvent, il prévenait leurs désirs: ils voulaient l'interroger sur certains points, mais avant qu'ils eussent eu le temps de le faire, il leur répondait suivant leurs voeux:c'était là, pour eux, un indice de sa divinité; ils le comprenaient si bien, qu'ils continuèrent en ces termes: «Nous voyons maintenant que vous savez toutes choses et qu'il n'est pas besoin que personne vous interroge; aussi croyons-nous que vous êtes sorti de Dieu (1)». C'est, en effet, le propre de Dieu de lire, dans le coeur humain, les pensées qui s'y trouvent l'Ecriture nous l'atteste, car elle dit: «Il n'y a que vous seul pour connaître le coeur des hommes (2)». Et encore: «Seigneur, vos yeux voient dans le coeur humain (3)». Et, dans un autre psaume: «Vous découvrez de loin mes pensées (4)».

1. Jn 16,30 - 2. 1R 8,39 - 3. Jr 20,12 - 4. Ps 138,2




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DIX-HUITIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L'APOTRE (@Ep 3,18@): «AFIN QUE VOUS PUISSIEZ COMPRENDRE QUELLE EST LA HAUTEUR, LA LARGEUR, LA LONGUEUR ET LA PROFONDEUR». LARGEUR ET LONGUEUR.

ANALYSE. - Deux explications également mystiques de ce texte de l'Apôtre.

1. «Celui qui a compris, dit l'Apôtre, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, et connu le suréminent amour de Jésus-Christ pour nous (Ep 3,18-19)», celui-là a vu le Christ; il a vu aussi le Père. Voici comme j'ai l'habitude de comprendre ces paroles de l'apôtre Paul. Dans la largeur, il faut voir les bonnes oeuvres de la charité; dans la longueur, la persévérance finale: dans la (658) hauteur, l'espérance des récompenses célestes, et dans la profondeur, les insondables jugements du Dieu qui donne sa grâce aux hommes. Cette manière d'interpréter le texte en question peut s'appliquer aussi au mystère de la croix. Ainsi, la largeur désigne le bois transversal sur lequel le Christ a étendu ses mains, pour indiquer l'accomplissement des bonnes oeuvres. La longueur représente l'arbre de la croix, pris du sommet à la base, et auquel on voit pendre le corps entier du crucifié; cela signifie: persister, c'est-à-dire, durer depuis le commencement jusqu'à la fin. La hauteur, c'est la partie qui va du bois transversal jusqu'à l'extrémité supérieure: la tête, qui s'y appuie, domine tout, parce qu'on espère le bonheur du ciel, et qu'en conséquence on doit pratiquer les bonnes oeuvres et persévérer dans ce saint exercice, non pour obtenir les bienfaits terrestres et temporels que Dieu accorde, mais pour mériter ces biens éternels qu'espère «la foi qui opère par la charité (1)». Enfin, la profondeur a pour emblème cette partie de l'arbre qui s'enfonce dans la terre et y reste cachée: bien qu'on ne la voie pas, tout ce qui apparaît aux regards en sort pour s'élever, comme de la secrète volonté de Dieu procède la vocation de l'homme à participer à cette faveur signalée: que «l'un a d'une manière, l'autre d'une autre (2)», apprend à connaître la suréminente charité du Christ (3), au sein de laquelle se rencontre cette paix qui dépasse toute imagination.

1. Ga 5,6 - 2. 1Co 8,7 - 3. Ep 3,19





QUATRIEME SUPPLEMENT, DEUXIÈME SECTION. SERMONS 19-34 SUR LES FÊTES DE L'ANNÉE. (I)


Traduction de MM. les abbés BARDOT et AUBERT.




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DIX-NEUVIÈME SERMON. SUR L'AVÈNEMENT DE NOTRE-SEIGNEUR. (1)

ANALYSE. - 1. Le Christ est notre guide. - 2. Parfait accomplissement des prophéties.- 3. Prenons garde d'être surpris faute de précautions, comme les hommes du temps de Noé. - 4. Ne nous attachons ni aux biens ni aux choses de la terre. - 5. Pourtant, les riches peuvent se sauver. - 6. Le pauvre méchant et le bon riche. - 7. Personne ne doit murmurer des maux du temps. - 8. Ils sont destinés à nous rendre meilleurs. - 9. Dès lors que Dieu nous aura souvent avertis, nous ne serons plus admis à nous disculper. - 10. Epilogue moral.

1. Mes frères, nous sommes chrétiens, et, tous, nous voulons fournir notre carrière; lors même que nous ne le voudrions pas, nous marchons. Impossible, pour n'importe qui, de s'arrêter ici-bas et d'y rester. Quiconque vient en ce monde doit nécessairement passer, emporté par la rapidité du temps. Par conséquent, point de paresse. Marelle, si tu ne veux pas qu'on te traîne. Deux chemins s'ouvrent devant nous: à leur point d'intersection se présente un homme; je me trompe, ce n'est pas un homme, mais c'est un Dieu qui s'est fait homme pour sauver les hommes; et il nous dit: N'allez pas à gauche. La voie y semble facile, unie, plaisante à parcourir, frayée par une foule de voyageurs, extrêmement large, mais elle aboutit à des abîmes où l'on trouve la mort. Le chemin de droite impose des efforts et de la fatigue: on y rencontre des obstacles, des piéges, un terrain rocailleux; non-seulement, on n'y goûte aucun plaisir, mais c'est à peine si la pauvre humanité suffit à en supporter les dégoûts, tant la marche y est difficile: néanmoins, l'épreuve est de courte durée, et quand vous en serez sortis, vous trouverez, au point culminant de votre course, des joies ineffables, et vous n'aurez plus à craindre ces piéger dangereux qu'il est presque impossible d'éviter.

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2. Rappelons-nous les événements du passé, souvenons-nous aussi de ce qu'ont annoncé les Ecritures. Cet homme est-il le Verbe de Dieu? «Le Verbe» de Dieu «s'est-il fait chair» dans le temps, «et a-t-il habité parmi nous?» Avant qu'il se fît chair et qu'il habitât parmi nous, ce Verbe a-t-il parlé par l'organe des Prophètes? Evidemment, Dieu a parlé à Abraham par son Verbe; il lui a prédit que ses descendants voyageraient sur une terre étrangère, et, pourtant, à ce moment-là, Abraham était avancé en âge, et Sara était vieille et stérile. Les deux vieillards crurent à cette prédiction, et elle s'accomplit. Leur race, c'est-à-dire le peuple issu d'eux selon la chair, devait rester comme esclave en Egypte pendant quatre cents ans: elle y est restée. Elle devait être délivrée de cette captivité elle en: a été délivrée. Elle devait entrer en jouissance de la terre promise: elle y est entrée. Des événements ont été prédits pour des temps singulièrement reculés et pour des époques peu lointaines; ces événements se sont réalisés: nous voyons même, aujourd'hui, s'en opérer l'accomplissement. La parole du Seigneur s'est fait entendre par des prophètes. Elle a annoncé que la nation juive offenserait Dieu et qu'elle tomberait au pouvoir de ses ennemis en punition de ses crimes; c'est ce qui est arrivé; qu'elle serait emmenée captive à Babylone: cela s'est vérifié; que le Christ-Roi sortirait de son sein; or, le Christ est venu, et il est né; rien d'étonnant en cela, puisque c'était la Parole elle-même qui avait annoncé d'avance son propre avènement. Il a été prédit que les Juifs crucifieraient le Christ: ils l'ont crucifié; qu'il ressusciterait et serait glorifié: c'est fait, il est sorti vivant du tombeau, et monté au ciel; que toute la terre croirait en son nom, et que les rois persécuteraient son Eglise: rien de plus réel; que les princes croiraient aussi en lui: notre foi se trouve être déjà celle des rois, et nous élevons encore des doutes sur la foi chrétienne? Il a été prédit que des hérétiques seraient retranchés de l'Eglise; ne voyons-nous pas, de nos jours, des hérésies? Ne gémissons-nous pas à les entendre hurler tout autour de nous? Les Prophètes ont dit que les idoles disparaîtraient sous les efforts de l'Eglise et l'influence exercée par le nom du Christ; qu'il y aurait, dans la société des fidèles, des scandales, de la zizanie, de la paille: n'est-ce pas là ce que nous voyons de nos yeux? n'est-ce pas là ce que nous endurons avec le plus de courage possible, avec la force d'âme que nous communique le Seigneur?En quoi as-tu été trompé par celui qui t'a prédit tous ces événements? Fie-toi donc à sa parole, si tu es fidèle; marche à droite. Avec les preuves convaincantes que me donne celui qui te parle, d'après la réalisation de ses paroles, j'apprends à le connaître, puisque c'est ainsi qu'il a daigné se faire connaître à moi. Si tout ce qu'il me dit est absolument vrai, il ne m'induit pas en erreur or, tous les événements qu'il me prédit, je les reconnais comme incontestables: il ne m'a imposé en rien: je le reconnais pour la Parole de Dieu. Quand il m'a parlé par la bouche de ses serviteurs, il ne m'a pas trompé, et lorsqu'il me parle par sa propre bouche, il me tromperait? Pour celui qui ne connaît pas encore le Christ, et qui doute de lui, il doit se dire aussi: J'irai à droite, car, enfin, le monde tout entier croit déjà en lui, et il dit peut être la vérité.

3. Mes frères, il yen a beaucoup pour ne pas croire et ne pas écouter les oracles des saints Pères: il en sera d'eux comme de la multitude qui vivait au temps de Noé. Il n'y eut alors de sauvés que ceux qui se trouvèrent dans l'arche. Si les malheureux pécheurs avaient pris la peine de réfléchir, s'ils avaient abandonné leurs voies impies et s'étaient convertis à notre Dieu, s'ils avaient cherché à réparer leurs fautes et imploré sa miséricorde, il est sûr qu'ils n'auraient point péri. Dieu, en effet, ne s'est pas montré dur à l'égard des Ninivites; il leur a suffi de trois jours pour obtenir leur pardon. Trois jours ne sont-ils pas bientôt écoulés? Néanmoins, avec un laps de temps si court, ils n'ont pas désespéré de la bonté divine; ils se sont bâtés de fléchir sa clémence. S'il a suffi d'un espace de trois jours à cette ville immense pour obtenir le pardon du Très-Haut, les hommes du temps du déluge n'auraient-ils pas eu assez de cent, deux cents et trois cents ans employés à la construction de l'arche? Si, depuis que le Christ a commencé à couper, dans la forêt des nations, les bois incorruptibles qui devaient entrer dans l'édification de son Eglise, les hommes incrédules avaient changé de voie et de moeurs, s'ils avaient offert à Dieu le sacrifice propitiatoire d'un coeur contrit et (660) humilié, ils auraient eu la certitude d'échapper, sains et saufs, aux coups de la colère divine. Que les hommes craignent donc qu'il en soit d'eux au dernier jour, comme il en a été des contemporains de Noé. Pour nous, mes frères, agissons de telle sorte, que nous quittions le chemin de l'iniquité et que nous amendions nos moeurs: profitons du temps qui nous est accordé; c'est ainsi que le dernier jour nous trouvera prêts. Celui qui nous annonce son avènement futur n'a jamais proféré le mensonge; ne reste pas dans le doute à cet égard: son avènement aura lieu. Aux jours de Noé, voici ce qui se passait: «Ils mangeaient et ils buvaient: les hommes épousaient des femmes, et les femmes des maris; ils achetaient et ils vendaient, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche; et le déluge vint et perdit tous (1)» ceux dont les espérances se bornaient à ce bas-monde, et qui désiraient y vivre tranquilles. Mais ce n'était pas dans le monde que se trouvait la sécurité; aussi ceux-là seuls furent-ils sauvés, qui se trouvèrent dans l'arche.

4. Mais beaucoup se disent: On nous ordonne de nous préparer au dernier jour, de ne pas nous laisser surprendre par lui, comme ont été surpris hors de l'arche ceux que le déluge a jadis engloutis. La trompette de l'Evangile nous glace d'épouvante, le Verbe divin nous fait trembler. Que faire? Je ne pourrai donc point prendre femme, dit un jeune homme? Il ne m'est donc pas permis de boire et de manger, ajoute un adolescent? Faudra-t-il toujours jeûner? Ainsi raisonnent beaucoup de gens. D'autres, qui voulaient peut-être faire des acquisitions, se diront: Il ne faut rien acheter, pour ne pas être du nombre de ceux qui ont péri dans les eaux du déluge. Que faire donc, mes frères? Gémir comme les Apôtres ont gémi sur le sort fait au genre humain, quand le Sauveur a dit en leur présence: «Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis, viens et suis-moi (2)?» Celui, à qui s'adressaient ces paroles, en devint chagrin et s'éloigna: quand il demandait au Christ comment il pourrait acquérir la vie éternelle, il ni donnait le nom de bon Maître; mais Jésus ne fut à ses yeux un bon Maître que jusqu'au moment où, répondant à sa question, il lui

1. Lc 17,27 - 2. Mt 19,21

dit ce que dessus. «Le Seigneur parla, et le riche devint triste (1)». Et comme il s'en allait, le chagrin dans le coeur, le Christ lui dit: «Qu'il est difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux (2)» Comme si le royaume des cieux était fermé pour les riches. Que faire? Il est fermé. Mais Jésus a dit: Frappez, et l'on vous ouvrira. Ah! plaise à Dieu que ceux qui iront au feu éternel soient en aussi petit nombre que les riches! Mais il est sûr que beaucoup d'entre les riches entreront dans le royaume des cieux, et que beaucoup d'entre les pauvres seront précipités en enfer, non pour avoir été réellement riches, mais pour avoir brûlé du désir de l'être.

5. Les Apôtres étaient donc contristés; le Sauveur leur dit: «Ce qui est difficile pour des hommes est facile pour Dieu (3)». La difficulté d'aller au ciel vous paraît insurmontable, parce que le Seigneur a parlé d'un chameau (4). Si elle le veut, cette énorme bêce qu'on appelle chameau entre ici dans le trou d'une aiguille. Il a daigné nous parler ainsi, et un riche peut entrer dans le royaume des cieux, parce qu'à cause de lui un chameau a passé par le trou d'une aiguille. Qu'est-ce à dire! Voyons si nous pourrons le comprendre. Ce n'est évidemment pas sans motif que Jean. Baptiste, précurseur du Christ, portait une tunique faite de poils de chameau; il semblait tenir son vêtement de ce Juge à venir auquel il rendait témoignage. Puisque le nom du chameau a été prononcé, voyons-y l'emblème de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Regardons cet animal si grand et si docile tout à la fois, que personne ne pourrait charger, s'il ne s'abaissait lui-même jusqu'à terre: c'est ainsi qu'a fait le Christ: «Il s'est humilié lui-même jusqu'à la mort (5)», «afin de détruire celui qui avait l'empire de la mort, c'est-à-dire le démon (6)». Examinons encore le trou de l'aiguille, où ce Maître du monde a passé. L'aiguille qui perce l'étoffe symbolise les souffrances qu'il a endurées, et le trou de l'aiguille représente ses tourments. Par con. séquent, un chameau a passé par le trou d'une aiguille; d'où il suit que les riches ne doivent nullement désespérer de leur avenir, et qu'ils peuvent, sûrement, entrer dans le royaume des cieux.

1. Mt 19,22 - 2. Mt 19,23 - 3. Mt 19,26 - 4. Mt 19,24 - 5. Ph 2,8 - 6. He 2,14

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6. Mais de quels riches parlons-nous? C'est ce qu'il s'agit de savoir. Quelqu'un (je ne sais qui) se trouve n'avoir, pour vêtement, que des haillons; quand il a entendu dire qu'un riche ne peut entrer dans le royaume des cieux, il a tressailli de joie, s'est mis à rire, et a dit: Moi, j'y entrerai; mes haillons m'y donnent droit. Ils n'y entreront pas ces hommes qui nous font tort et nous pressurent. Oh 1 sois-en sûr, de telles gens n'y seront pas admis. Mais, toi, qui es pauvre, vois si tu y auras toi-même une place. A quoi te servira ta pauvreté, si tu es cupide? A quoi te servira d'être éprouvé par l'indigence, si tu brûles du feu de l'avarice? Qui que tu sois, ô pauvre, si tu es indigent, c'est malgré toi; et si tu n'es pas riche, c'est que tu n'as pu le devenir. Dieu ne regarde pas tant à tes facultés qu'à tes désirs. Si ta conduite est mauvaise, si tes moeurs sont dépravées, si tu es un blasphémateur, un adultère, un ivrogne, retire-toi, car tu n'es pas un pauvre de Dieu jamais on ne te verra parmi ceux dont il a été dit: «Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (1)». Mais voilà que je rencontre un riche; en te comparant à lui, tu as cru que tu lui étais préférable, et tu n'as pas craint d'aspirer à son exclusion du royaume des cieux! En lui je vois un pauvre d'esprit, c'est-à-dire un homme humble, pieux, de moeurs pures, ennemi du blasphème, soumis à la volonté de Dieu; s'il vient à souffrir du dommage en quelqu'un des biens qu'il possède ici-bas, aussitôt il s'écrie: «Dieu a donné, Dieu a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles (2)». Voilà donc un riche doux, humble, qui ne résiste point, qui ne murmure pas, qui observe les lois divines, et dont l'espérance d'entrer dans la terre des vivants fait tout le bonheur; car, «bienheureux les doux, parce qu'ils posséderont la terre (3)». Pour toi, qui es pauvre, tu es peut-être non moins orgueilleux. Le riche qui est humble, je le loue; est-ce que je ne:loue point le pauvre qui possède l'humilité? Le pauvre n'a rien qui puisse lui inspirer de l'orgueil: le riche, au contraire, a mille sujets de lutter contre le mal; celui-ci, oui, le riche entrera, plutôt que toi, dans le ciel, et le royaume céleste sera fermé pour toi, parce

1. Mt 5,2 - 2. Jb 1,21 - 3. Mt 5,4

qu'il sera fermé pour les impies, pour les orgueilleux, pour les blasphémateurs, pour les adultères, pour les ivrognes, pour les avares. Quiconque croit aux promesses du Christ, possède les titres d'une solide créance. Le riche humble, humain, fidèle, a répondu ceci: Dieu sait que je ne suis pas orgueilleux; s'il m'arrive de crier, de parler durement, Dieu connaît mes intentions; je ne profère de tels discours que par nécessité et pour me faire obéir; mais jamais je ne me croirai, pour cela, au-dessus des autres. Dieu voit ce que je pense et, aussi, ce que je fais. Car les riches amis des bonnes oeuvres donnent facilement et partagent avec ceux qui n'ont pas. L'humilité se montre à être riche et humble en même temps. Tu te montres bon et charitable; et, par là même, tu te prépares une fondation solide pour l'avenir, tu le ménages d'incontestables droits pour la vraie et heureuse vie; si tels sont les riches, qu'ils soient tranquilles pour le temps où viendra le dernier jour. Qu'on les trouve dans l'arche, et ils entreront dans l'édifice de la Jérusalem céleste. Le déluge ne sera point pour eux; que leur qualité de riches ne leur inspire aucune crainte. Si, maintenant, il est question d'un jeune homme qui ne se sente pas de force à garder la continence, il peut se marier; mais parce que «le temps est court, il faut que ceux mêmes, qui ont des femmes, soient comme s'ils n'en avaient point; ceux qui achètent, comme s'ils n'achetaient point; ceux qui pleurent, comme s'ils ne pleuraient point; ceux qui se réjouissent, comme s'ils ne se réjouissaient point; ceux qui usent des choses de ce monde, comme s'ils n'en usaient point; car la figure de ce monde passe (1)».

7. Mes frères, j'entends quelqu'un murmurer contre Dieu: Les mauvais moments, dit-il! que les temps sont durs! quelle époque difficile à traverser! Hé quoi ! on donne des spectacles et l'on ose dire que les temps sont durs! O homme qui ne te corriges point, n'es-tu pas mille fois plus dur que le temps où nous vivons? Quelle aveugle folie entraîne encore au luxe! Comme on soupire après la vanité! Comme la cupidité reste toujours insatiable! Aussi, que de maladies de l'âme sortent de tout cela! Quel redoublement de luxure occasionné par les théâtres,

1. 1Co 7,29-31

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la musique, les jeux de flûte, les danses des acteurs! Tu veux faire un mauvais usage de ce que tu désires? Alors, tu n'obtiendras rien. Ecoute l'Apôtre, voici ce qu'il dit: «Vous désirez sans fin, et vous n'obtenez rien; vous tuez et vous portez envie; vous disputez, vous faites la guerre, vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, ne cherchant qu'à satisfaire vos passions (1)». Guérissons-nous, mes frères, corrigeons-nous. Le juge viendra, et parce qu'il ne vient pas encore, on se moque de lui: il viendra, et alors il ne sera plus temps de s'en moquer. Mes frères bien-aimés, corrigeons-nous, car des temps meilleurs surviendront, mais ce ne sera point pour ceux qui vivent mal. Déjà le monde décline et tourne à la décrépitude. Reviendrons-nous à la jeunesse? Qu'avons-nous à espérer maintenant? Ne cherchons plus rien désormais. N'espérez plus d'autres temps que ceux dont nous parle l'Evangile. Ils ne sont point mauvais en raison de la venue du Christ; mais parce qu'ils étaient durs et difficiles, le Christ est venu pour nous consoler.

8. Ecoutez, mes frères: les temps devaient être nécessairement durs et mauvais: que ferions-nous donc, si le grand Consolateur n'était venu nous visiter? Depuis Adam, le genre humain était gravement malade: il doit l'être jusqu'à la consommation des siècles. Du moment que nous sommes venus en ce monde et que nous avons été chassés du paradis, il y a évidemment maladie ici-bas; mais à la fin, cette maladie devait empirer à tel point qu'elle pouvait amener une crise favorable pour les uns, et, pour plusieurs, se terminer par la mort. Le genre humain était donc malade, aussi le médecin par excellence s'est-il approché de lui et l'a-t-il trouvé couché dans un lit immense, c'est-à-dire dans le monde entier. Un homme de l'art, gui s'y entend, tonnait les diverses phases de la maladie; il fait ses remarques, il prévoit ce qui arrivera, et, quand le mal n'en- est encore qu'à son début, il se contente d'envoyer, auprès de l'infirme, ses serviteurs; ainsi notre médecin a-t-il agi à notre égard: il a, d'abord, confié à ses Prophètes la mission de nous visiter. Ces hommes ont parlé, prêché, et, par leur intermédiaire, Dieu a porté remède à une partie de nos maux, et les a guéris. Les Prophètes ont

1. Jc 4,2-3

prédit une recrudescence du mal, qui devait le porter à son comble, et une grande agitation du malade; en conséquence, ils ont déclaré que la visite dit médecin lui-même était devenue indispensable, qu'il fallait le faire venir. C'est ce qui a eu lieu, car le Seigneur a dit: Celui qui croit en moi, je le rétablirai, je le sauverai, «je le blesserai et le guérirai (1)». Il est venu, il s'est fait homme, il est entré en partage de notre condition mortelle, afin que nous puissions devenir participants de son immortalité. Le malade est encore agité; lorsque, dans les ardeurs de la fièvre, sa respiration devient courte, et qu'il brûle intérieurement, il s'écrie: C'est depuis que ce médecin est venu, que les accès de fièvre sont devenus plus violents; je me sens plus cruellement tourmenté: c'est un feu intolérable. D'où m'est-il venu? Il n'est pas entré pour mon bien dans ma maison. Ainsi parlent tous ceux qui sont attaqués de vanité. Pourquoi la vanité les rend-elle malades? C'est qu'ils ne consentent pas à recevoir de la main du Christ la potion de la sobriété. Dieu a vu les hommes s'agiter misérablement sous l'étreinte de leurs désirs et dans les divers soins de ce monde qui tuent leur âme; alors il s'est approché d'eux comme un médecin, pour apporter un remède à leurs maux; et ils ne craignent pas de dire: C'est du moment où le Christ est venu, que nous avons eu de pareils maux à supporter; c'est depuis qu'il y a des chrétiens, que le monde décline en toutes choses. Malade insensé! Non, ce n'est pas à cause de la visite du médecin que ton mal a empiré! Ce médecin est bon, charitable, juste, miséricordieux; il a prévu ta maladie, mais il n'en est pas l'auteur. Il s'est approché de toi pour te consoler, pour te rendre vraiment sain. Que t'enlève-t-il? Rien, que le superflu. Tu soupirais après des choses nuisibles: c'était là le seul objet de tes désirs. Tout ce que tu demandais ne pouvait qu'augmenter ta fièvre. Un médecin est-il cruel, pour arracher des mains d'un malade des fruits capables de lui faire du mal! Qu'est-ce que le Christ t'a arraché? La fausse sécurité que tu voulais prendre, rien de plus: corrige tes goûts dépravés. Ce qui te fait gémir et murmurer, voilà ce qu'il te destine comme remède à tes maux. Prends-y garde; situ ne veux pas qu'il te guérisse, tu souffriras

1. Dt 32,39

malgré toi. Il faut que les temps soient durs: pourquoi? Pour qu'on ne recherche pas le bonheur de ce monde. Il faut, et c'est là notre véritable remède, il faut que cette vie-ci soit agitée, pour qu'on s'attache à l'autre vie. Comment? On se complaît encore si nonchalamment dans la possession des biens de la terre et dans la fréquentation de l'amphithéâtre! Que serait-ce donc, si Dieu ne flagellait de pareils écarts? Hé quoi! tant d'amertumes empoisonnent notre existence, et le monde plaît encore si vivement!

9. Où se verront, au dernier jour, les sages de ce monde? Où se verra l'avare? l'adultère? l'impie? l'ivrogne? le blasphémateur? Que pourront alléguer, pour leur défense, tous ces malheureux? Nous ne savions pas que vous étiez Dieu; nous ne vous avons ni vu ni entendu? Des prophètes ne sont point venus en votre nom; vous n'avez pas donné de lois au monde; nous n'avons rencontré aucun patriarche; nul livre ne nous a fait connaître les exemples des saints; votre Christ n'a point paru sur la terre? Est-ce que Pierre a gardé le silence? Paul a-t-il refusé de prêcher? Il ne s'est présenté ni évangéliste pour nous instruire, ni martyrs pour nous servir de modèles; personne ne nous a prédit le jugement à venir; personne ne nous a commandé de vêtir celui qui est nu, de résister à nos passions, de lutter contre l'avarice? Nous avons péché sans le savoir: pour tout ce que nous avons fait dans l'ignorance, nous obtiendrons indulgence et pardon? Le juste Noé se lèvera alors contre eux du milieu de l'assemblée des saints; il sera le premier à réclamer, et que dira-t-il? Seigneur, je leur ai parlé de vous, pour les empêcher de périr dans les eaux du déluge à cause de leurs crimes, et afin qu'ils sussent bien que l'innocence les sauverait, mais que le péché serait la cause de leur perte. Après lui viendra Abraham: Je suis, dira-t-il, le père des nations; tous les autres devaient prendre exemple sur moi; eh bien! Seigneur, je n'ai pas hésité un instant à vous offrir, comme victime, Isaac mon fils bien-aimé; ils ont donc pu savoir qu'ils devaient vous offrir dévotement et volontiers leurs voeux. Sur votre ordre, Seigneur, j'ai quitté mon pays et ma famille pour leur servir de modèle et les porter ainsi à devenir étrangers aux méchancetés de ce monde, aux iniquités du siècle. Puis le bienheureux Moïse se présentera et dira Moi, j'ai dit: «Tu ne forniqueras point (1)», afin de faire disparaître le libertinage des fornicateurs. Moi, j'ai dit: «Tu ne convoiteras pas (2)», afin de mettre un frein à l'avarice. Moi, j'ai dit: «Tu aimeras ton prochain (3)», pour établir parmi eux le règne de la charité. Moi, j'ai dit: «Tu ne serviras que le Seigneur ton Dieu (4)», pour empêcher ces hommes d'offrir des sacrifices aux idoles. Moi, j'ai dit: «Que personne ne prononce un faux témoignage (5)», afin que leur bouche fût toujours fermée au mensonge. Ensuite, on, entendra David: Seigneur, je vous ai annonce par tous moyens: j'ai crié de tous côtés qu'il faut vous servir et ne servir que vous. J'ai dit: «Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur (6). Les saints se réjouiront dans «le séjour de la gloire (7). Les désirs des pécheurs s'évanouiront (8)». N'auraient-ils pu s'instruire et cesser de commettre l'iniquité? Bien que je fusse revêtu de la puissance royale, j'ai prié dans un lit, étendu sur la cendre et couvert d'un cilice: à mon exemple, ces pécheurs ne devaient-ils point pratiquer la mansuétude et l'humilité? J'ai épargné les ennemis qui me persécutaient; c'était leur enseigner à se montrer indulgents. A la suite de David paraîtra Isaïe, qui dira: Seigneur, vous leur avez parlé par ma bouche: «Malheur à vous, qui joignez toujours à votre maison une maison nouvelle, et qui étendez à vos champs sans mesure (9)». Vous vouliez arrêter leur cupidité. Je, leur ai affirmé que leurs péchés attireraient sur eux votre colère: par là, j'espérais les détourner du mal, sinon par l'espoir des récompenses, du moins par la crainte des supplices. Enfin, ils entendront le Christ en personne: Je vous ai promis le royaume des cieux, leur dira-t-il; je vous ai donné pour modèle l'un d'entre vous, car j'ai placé au paradis un larron qui m'a publiquement reconnu, une heure seulement avant de mourir: je vous l'ai donné comme exemple, afin que vous imitiez du moins cet homme, qui a mérité, par sa foi, la rémission de ses iniquités. J'ai enduré pour vous toutes les tortures de ma passion: après cela, auriez-vous dû hésiter de souffrir ce que votre Dieu avait souffert pour vous? Votre foi devait

1. Ex 20,11 - 2. Ex 20,17 - 3. Lv 19,18 - 4. Dt 6,13 - 5. Ex 20,16 - 6. Ps 111,1 - 7. Ps 149,5 - 8. Ps 111,10 - 9. Is 5,8

664

se montrer inébranlable, puisque, après ma résurrection, je me suis fait voir à plusieurs. J'ai instruit les Juifs dans la personne de Pierre, et les Gentils dans celle de Paul. A quoi bon m'honorer des lèvres, si vous me reniez par votre conduite et vos oeuvres? Après avoir subi tous ces reproches, ces malheureux s'entendront dire: «Allez au feu éternel (1) et dans les ténèbres extérieures, où il y aura pleur et grincement de dents (2)». Oh! qu'ils sont à plaindre, ceux que n'épouvantent pas de pareilles choses, ceux qui se montrent d'autant plus orgueilleux ici-bas, qu'ils souffriront davantage en l'autre monde!

10. C'est pourquoi, mes frères, nous devons nous réjouir, bien que de telles gens se moquent de nous et disent honteusement que nous sommes des sots et des malheureux.

1. Mt 25,41 - 2. Mt 22,13

Pour nous, ne rions pas même de leur propre folie: gémissons-en plutôt. Qu'ils se conduisent comme ils voudront; nous, ayons soin de nous conserver purs. Aujourd'hui, ils se réjouissent de nos maux; plus tard, nous nous réjouirons de leurs souffrances et de leurs peines. Je vous en conjure, bien-aimés frères, et je vous en avertis de plus en plus expressément; ce qu'entendent les oreilles de votre corps, gardez-le soigneusement dans le sanctuaire de votre coeur, et mettez-le en pratique: soyons unis par les liens de la charité, célébrons avec dévotion l'anniversaire de l'avènement de notre Rédempteur; ainsi mériterons-nous de pouvoir tranquillement solenniser le jour de sa naissance. Daigne nous accorder cette grâce celui qui vit et règne avec Dieu le Père, pendant les siècles des siècles! Ainsi soit-il!





Augustin, Sermons 5017