2002 Magistère Mariage 1180
l'esprit
2 décembre 1981
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1. " Lorsqu'on ressuscite d'entre les morts, on ne prend ni femme ni mari " Mc 12,25. Ces paroles qui ont une signification clé pour la théologie du corps, le Christ les prononce après avoir affirmé, au cours de son entretien avec les sadducéens, que la résurrection des morts est conforme à la puissance du Dieu vivant. Les trois Evangiles synoptiques rapportent le même fait; seule la version de Luc diffère en quelques détails de celles de Matthieu et de Marc. Il apparaît chez tous cette constatation essentielle que, lors de la future résurrection, les hommes qui auront reconquis leur corps dans la plénitude de sa perfection propre d'image et ressemblance de Dieu - et l'auront reconquis dans sa masculinité et féminité - "ne prendront ni femme ni mari". Au Lc 20,34-35 de son évangile, Luc exprime la même idée en ces termes: " Les enfants de ce monde prennent femme ou mari; mais ceux qui auront été jugés dignes d'avoir part à l'autre monde et à la résurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari".
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2. Il résulte de ces paroles que le mariage, cette union où, comme le dit Gn 2,24: "L'homme ... s'unira à sa femme et ils ne seront qu'une seule chair" - union propre à l'homme dès les origines - appartient exclusivement à ce monde. Le mariage et la procréation ne constituent donc pas le futur eschatologique de l'homme. Dans la résurrection ils perdent pour ainsi dire leur raison d'être. Cet "autre monde" dont parle Lc 20,35 signifie l'accomplissement définitif du genre humain, la clôture quantitative du cercle des êtres qui furent créés à l'image et ressemblance de Dieu pour se multiplier dans l'unité conjugale des corps d'hommes et femmes, et pour dominer la terre. Cet autre monde n'est pas le monde de la terre, mais le monde de Dieu, qui, comme nous le dit la première épître de Paul aux Corinthiens le remplira entièrement devenant "tout en tous" 1Co 15,28.
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3. En même temps, cet autre monde, qui selon la révélation est le Royaume de Dieu, est aussi la définitive et éternelle patrie de l'homme Ph 3,20; il est la "maison du Père" Jn 14,2 Par la résurrection cet autre monde émerge définitivement, comme nouvelle patrie de l'homme, du monde actuel, qui est temporel - soumis à la mort, c'est-à-dire à la destruction du corps Gn 3,19: "Tu retourneras en poussière". Selon la parole du Christ rapportée par les Synoptiques, la résurrection signifie non seulement la récupération de la corporéité et le rétablissement de la vie humaine dans son intégrité grâce à l'union de l'âme avec le corps, mais aussi un état absolument nouveau de la vie humaine elle-même. Nous trouvons la confirmation de ce nouvel état du corps dans la résurrection du Christ Rm 6,5-11. Les paroles rapportées par les Synoptiques Mt 22,30 Mc 12,25 Lc 20,34-35 ont pris alors (c'est-à-dire après la résurrection du Christ) chez ceux qui les avaient entendues, je dirais comme une nouvelle force probante et acquis en même temps le caractère d'une promesse définitive. Pour l'instant, toutefois, nous considérons ces paroles dans leur phase pré- pascale, nous basant uniquement sur la situation où elles furent prononcées. Il est incontestable que déjà, dans sa réponse aux sadducéens, le Christ dévoile la condition du corps humain dans la résurrection, et qu'il le fait en proposant précisément comme référence et comparaison la condition à laquelle l'homme a participé dès l'origine.
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4. Les paroles "ils ne prendront ni femme ni mari" semblent affirmer en même temps que les corps humains retrouvés et en même temps rénovés dans la résurrection, maintiendront leur caractère masculin ou féminin et que le sens d'être par le corps, homme ou femme sera, dans l'autre monde, constitué et entendu de manière différente de celle qui le fut depuis l'origine, puis dans toute la dimension de l'existence terrestre. Les paroles de Gn 2,24 "l'homme quittera son père et sa mère et il s'unira à sa femme; et tous deux ne seront qu'une seule chair", ont constitué dès l'origine cette condition et relation de masculinité et de féminité, s'étendant également au corps, qu'il faut justement définir comme conjugales, procréatrices et génératrices; elles sont en effet en relation avec la bénédiction de la fécondité que Dieu-Elohim a prononcée lors de la création de l'être humain "homme et femme" Gn 1,27. Les paroles que le Christ a prononcées au sujet de la résurrection nous permettent de déduire que la dimension de masculinité et de féminité - c'est-à-dire l'être dans son corps masculin ou féminin - sera de nouveau constituée dans l'autre monde avec la résurrection des corps.
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5. Est-il possible de dire quelque chose de plus détaillé à ce sujet? Sans aucun doute, les paroles du Christ rapportées par les Synoptiques (spécialement dans la version de Lc 20,27-40) nous le permettent. Nous y lisons, en effet, que "ceux qui auront été jugés dignes d'avoir part à l'autre monde et à la résurrection d'entre les morts ... ne peuvent plus mourir parce qu'ils sont pareils aux anges et (qu'ils) sont fils de Dieu étant fils de la résurrection"; (Matthieu et Marc rapportent simplement qu'ils seront comme des anges dans les cieux). Cet énoncé permet surtout d'en déduire une spiritualisation de l'homme suivant une dimension différente de celle de la vie terrestre (et même différente de celle de l'origine même). Il est évident qu'il ne s'agit pas ici de transformation de la nature de l'homme en nature angélique, c'est-à-dire purement spirituelle. Le contexte indique clairement que, dans l'autre monde, l'homme conservera sa propre nature humaine psychosomatique. S'il en allait autrement, parler de résurrection serait dénué de sens.
Résurrection veut dire restitution à la vraie vie de la corporéité humaine qui fut assujettie à la mort durant sa phase temporelle. Dans l'expression de Lc 20,36 que je viens de citer (et dans celle de Mt 22,30 Mc 12,25, il s'agit certainement de la nature humaine, c'est-à-dire psychosomatique. La comparaison avec les êtres célestes, utilisée dans le contexte, ne constitue aucune nouveauté dans la Bible. Entre autres, déjà le Psalmiste, exaltant l'homme comme oeuvre du Créateur, dit: "Et cependant tu l'as fait de peu inférieur aux anges" Ps 8,6. Il faut supposer que dans la résurrection cette ressemblance se fera plus grande: non pas par une désincarnation de l'homme, mais par un autre genre (on pourrait dire: un autre degré) de spiritualisation de sa nature somatique - c'est-à-dire par un système de forces à l'intérieur de l'homme. La résurrection signifie une nouvelle soumission du corps à l'esprit.
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6. Avant de passer au développement de ce sujet, il convient de se rappeler que la vérité sur la résurrection a eu une signification clé pour la formation de toute l'anthropologie théologique, qui pourrait être considérée simplement comme anthropologie de la résurrection. La réflexion sur la résurrection a amené saint Thomas d'Aquin à abandonner dans son anthropologie métaphysique (et en même temps théologique) la conception philosophique de Platon sur la relation entre l'âme et le corps et à se rapprocher de la conception d'Aristote (1). La résurrection atteste, en effet, au moins indirectement, que le corps, dans l'ensemble du composé humain, n'est pas seulement temporairement lié à l'âme (sa "prison" terrestre, comme l'estimait Platon) (2) mais qu'avec l'âme il constitue l'unité et la totalité de l'être humain. C'est précisément ce que, contrairement à Platon, Aristote enseignait (3). Si dans son anthropologie saint Thomas a accepté la conception d'Aristote, il l'a fait en considérant la vérité sur la résurrection. La vérité sur la résurrection affirme en effet clairement que la perfection eschatologique et la félicité de l'homme ne sauraient être comprises comme état de l'âme seule, séparée (suivant Platon l'homme définitivement et parfaitement "intégré" par une union de l'âme avec le corps si étroite qu'elle qualifie et assure définitivement une parfaite intégrité.
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Note - (1) Cf. par ex.: "Habet autem anima alium modum essendi cum unitur corpori, et cum fuerit a corpore separata, manente tamen eadem animae natura; non ita quod uniri corpori sit ei accidentale, sed per rationem suae naturae corpori unitur... "I 89,1. -- "Si autem hoc non est ex natura animae, sed per accidens hoc convenit ei ex eo quod corpori alligatur, sicut Platonici posuerunt ... remoto impedimento corporis, rediret anima ad suam naturam ... Sed, secundum hoc, non esset anima corpori unita propter melius animae ...; sed hoc esset solum propter melius corporis: quod est irrationabile, cum materia sit propter formam, et non e converso... " I 89,1. -- "Secundum se convenit animae corpori uniri ... Anima humana manet in suo esse cum fuerit a corpore separata, habent aptitudinem et inclinationem naturalem ad corporis unionem" I 76,1 ad 6.
(2) To mèn sômà estin hemîn sema. (Platon, Gorgias 493A; cf. également Phédon 66B, Cratilo 400C).
(3) A. De Anima, II, 412a, 19-22; cf. également Métaph. 1029b 11 - 1030b 14.
9 décembre 1981
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1. "A la résurrection ... on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel" Mt 22,30 Mc 12,25 " ... ils sont pareils à des anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection" Lc 20,36.
Essayons de comprendre ces paroles du Christ concernant la future résurrection, pour en tirer une conclusion sur la spiritualisation de l'homme, différente de celle de la vie terrestre. Ici, on pourrait également parler d'un parfait système de forces dans les rapports mutuels entre ce qui, dans l'homme, est spirituel et ce qui est corporel. Par suite du péché originel, l'homme historique fait l'expérience d'une multiple imperfection de ce système de forces, et, cela, saint Paul le met en évidence dans sa remarque bien connue: "J'aperçois une autre loi dans mon corps qui lutte contre la loi de ma raison" Rm 7,23. L'homme eschatologique sera libéré de cette opposition.
Par la résurrection, le corps retrouvera l'unité et l'harmonie parfaites avec l'esprit; l'homme n'éprouvera plus l'opposition entre ce qui, en lui, est spirituel et ce qui est corporel. La spiritualisation ne signifie pas seulement que l'esprit dominera le corps, mais que l'esprit imprégnera complètement le corps et que les forces de l'esprit imprégneront les énergies du corps.
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2. Dans la vie terrestre, la domination de l'esprit sur le corps - et la subordination simultanée du corps à l'esprit - peut, comme résultat d'un incessant effort sur soi-même, exprimer une personnalité spirituellement mûre; toutefois, le fait que les énergies de l'esprit parviennent à dominer les forces du corps ne supprime pas la possibilité même de leur opposition réciproque. La spiritualisation à laquelle font allusion les Evangiles synoptiques Mt 22,30 Mc 12,25 Lc 20,34-35 dans les textes que nous avons analysés ici, écarte déjà cette possibilité. C'est donc une spiritualisation parfaite qui élimine complètement la possibilité qu'"une autre loi ... lutte contre la loi de la raison" Rm 7,23. Cet état qui, évidemment, est différent dans son essence même (et non seulement dans son degré) de ce que nous expérimentons dans la vie terrestre ne signifie pas, toutefois, quelque désincarnation du corps ni, par conséquent, une déshumanisation de l'homme. Au contraire, elle signifie même sa parfaite réalisation. En effet, dans l'être composé psychosomatique qu'est l'homme, la perfection ne peut consister qu'en une parfaite harmonie entre l'esprit et le corps, en la sauvegarde de la primauté de l'esprit, et non pas en une opposition de l'un à l'autre. Dans l'autre monde cette primauté sera réalisée et elle se manifestera dans une parfaite spontanéité, dépourvue de toute opposition de la part du corps. Il ne faut toutefois pas comprendre cela comme victoire définitive de l'esprit sur le corps. La résurrection consistera en la parfaite participation de tout ce qui en l'homme est corporel à tout ce qui est spirituel en lui. Elle consistera en même temps en une parfaite réalisation de ce que l'homme a de personnel en soi.
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3. Les paroles des Synoptiques indiquent que dans l'autre monde, l'état de l'homme ne sera pas seulement un état de parfaite spiritualisation, mais aussi de divinisation fondamentale de son humanité. Les "fils de la résurrection" - comme nous le lisons dans Lc 20,36 - ne sont pas seulement "égaux aux anges" mais ils sont également "fils de Dieu". On peut en conclure que le degré de spiritualisation propre à l'homme eschatologique aura sa source dans le degré de sa divinisation, infiniment supérieur à celui qu'il est possible d'atteindre dans la vie terrestre. Il faut ajouter qu'il s'agit ici non seulement d'un degré différent mais en un certain sens d'un autre genre de divinisation. La participation à la vie intérieure de Dieu même, pénétration et imprégnation de ce qui est essentiellement humain par ce qui est essentiellement divin, atteindra alors son sommet; aussi la vie de l'esprit humain parviendra-t-elle à une altitude qui aurait été absolument inaccessible auparavant. Cette nouvelle spiritualisation sera donc fruit de la grâce, c'est-à-dire du fait que Dieu se communique dans sa divinité même, non seulement à l'âme mais aussi à toute la subjectivité psychosomatique de l'homme. Nous parlons ici de la subjectivité (et non de la nature) parce que cette divinisation doit être entendue non seulement comme un état intérieur de l'homme (c'est-à-dire: du sujet), capable de voir Dieu face à face, mais aussi comme une nouvelle formation de toute la subjectivité personnelle de l'homme au fur et à mesure de l'union avec Dieu dans son mystère trinitaire, et de l'intimité avec Lui dans la parfaite communion des personnes. Cette intimité - avec toute son intensité subjective - n'absorbera pas la subjectivité personnelle de l'homme; au contraire, elle la fera ressortir de manière incomparablement plus nette et plus pleine.
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4. La divinisation dans l'autre monde qu'indiquent les paroles de Jésus apportera à l'expérience humaine une gamme d'expériences de la vérité et de l'amour dépassant tout ce que l'homme aurait pu atteindre durant sa vie terrestre. Quand le Christ parle de la résurrection, il démontre également que le corps humain participera aussi, à sa manière, à cette expérience eschatologique de la vérité et de l'amour, unie à la vision de Dieu face à face. Quand le Christ dit que ceux qui participeront à la future résurrection "ne prendront ni femme ni mari" Mc 12,25, il n'affirme pas seulement - comme nous l'avons déjà observé - la fin de l'histoire humaine liée au mariage et à la procréation, mais ses paroles semblent également dévoiler la nouvelle signification du corps. Pourrait-on dans ce cas penser - à un niveau d'eschatologie biblique - à la découverte de la signification conjugale du corps, surtout comme signification virginale du fait d'être, quant au corps, homme et femme? Pour répondre à cette question, qui ressort des paroles rapportées par les Synoptiques, il convient de pénétrer plus profondément dans l'essence même de ce que sera la vision béatifique de l'Etre divin, vision de Dieu face à face dans la vie future. Il faut aussi se laisser guider par cette gamme d'expériences de la vérité et de l'amour qui dépasse les limites des facultés cognitives et spirituelles dans la temporalité, et à laquelle l'homme aura part dans l'autre monde.
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5. Cette expérience eschatologique du Dieu vivant concentrera en soi non seulement toutes les énergies spirituelles de l'homme mais en même temps lui dévoilera, de manière vivante et expérimentale, le 'se communiquer' de Dieu à toute la création et, en particulier, à l'homme: ce qui est le "se donner" le plus personnel de Dieu qui se donne dans sa divinité même à l'homme, à cet être qui depuis l'origine porte en soi son image et sa ressemblance. Ainsi donc, dans l'autre monde, l'objet de la vision sera ce mystère caché de toute éternité dans le Père, mystère qui a été révélé dans le temps par le Christ pour s'accomplir incessamment par l'opération du Saint-Esprit; ce mystère deviendra, si on peut s'exprimer ainsi, le contenu de l'expérience eschatologique et la forme de toute l'existence humaine, à la dimension de l'autre monde. La vie éternelle doit s'entendre en un sens eschatologique, c'est-à-dire comme pleine et parfaite expérience de cette grâce (= charis) de Dieu à laquelle l'homme prendra part moyennant sa foi durant la vie terrestre et qui, en revanche, devra non seulement se révéler dans toute sa pénétrante profondeur à ceux qui participeront à l'autre monde, mais devra aussi être expérimentée dans sa réalité béatifique.
Nous suspendons ici notre réflexion centrée sur les paroles du Christ relatives à la future résurrection des corps. Dans cette spiritualisation et cette divinisation auxquelles la résurrection le fera participer, nous découvrons - dans une dimension eschatologique - les mêmes caractéristiques qui qualifiaient la signification conjugale du corps; nous les découvrons dans la rencontre avec le mystère du Dieu vivant que dévoile la vision face à face avec Lui.
l'homme
16 décembre 1981
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1. "A la résurrection... on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel" Mt 22,30 Mc 12,25 "... Ils sont pareils à des anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection" Lc 20,36. La communion eschatologique de l'homme avec Dieu, constitué grâce à l'amour d'une parfaite union, sera alimentée par la vision face à face, par la contemplation de cette communion plus parfaite, parce que purement divine, qu'est la communion trinitaire des Personnes divines dans l'unité de la divinité.
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2. Des paroles du Christ rapportées par les Evangiles synoptiques nous pouvons déduire que ceux qui participeront à ce monde conserveront - dans cette union avec le Dieu qui jaillit de la vision béatifique, de son unité et de sa communion trinitaires - non seulement leur subjectivité authentique mais qu'ils la vivront dans une mesure bien plus parfaite que dans la vie terrestre. En cela se trouvera, en outre, confirmée la loi de l'ordre intégral de la personne, selon laquelle la perfection de la communion non seulement est conditionnée par la perfection ou maturité spirituelle du sujet, mais également la détermine à son tour. Ceux qui participeront au monde nouveau, c'est-à-dire à la parfaite communion avec le Dieu vivant, jouiront d'une subjectivité parfaitement mûre. Si, dans cette parfaite subjectivité, ils ne prendront ni femme ni mari tout en conservant dans leur corps ressuscité, c'est-à-dire glorieux, la masculinité et la féminité, cela s'explique par la fin de l'histoire, mais aussi et surtout par l'authenticité eschatologique de la réponse au 'se communiquer' du sujet divin qui constituera l'expérience béatifique du don de soi de la part de Dieu, absolument supérieure à toute expérience propre à la vie terrestre.
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3. Le don réciproque de soi-même à Dieu - un don dans lequel l'homme concentrera et exprimera toutes les énergies de sa propre subjectivité personnelle et en même temps psychosomatique - sera la réponse au don que Dieu a fait de lui-même à l'homme (*). Dans ce don réciproque de soi fait par l'homme, don qui deviendra fondamentalement et définitivement béatifique, comme digne réponse d'un sujet personnel au don de soi de la part de Dieu, la virginité ou plutôt l'état virginal du corps se manifestera pleinement comme complément eschatologique de la signification conjugale du corps, comme signe spécifique et expression authentique de toute la subjectivité personnelle. Ainsi donc, cette situation eschatologique dans laquelle ils ne prendront ni femme ni mari se fonde solidement sur l'état futur du sujet personnel quand, suite à la vision de Dieu face à face, naîtra en lui un amour d'une telle profondeur et d'une telle force de concentration sur Dieu lui-même qu'il absorbera complètement toute sa subjectivité psychosomatique.
Note (*) - "Dans la conception biblique... il s'agit d'une immortalité dialogique (ressuscitatio), c'est-à-dire que l'immortalité ne découle pas simplement de l'évidente vérité que l'indivisible ne peut mourir, mais de l'acte sauveur de Celui qui aime, qui a le pouvoir de le faire; aussi l'homme ne peut-il disparaître complètement, parce que Dieu le connaît et l'aime. Si tout amour postule l'éternité, non seulement il la veut, mais la réalise et l'est. ... Considérant que l'immortalité présentée par la Bible ne provient pas de la propre force de ce qui de soi-même est indestructible, mais de l'être accueilli dans le dialogue avec le Créateur, c'est pour ce fait qu'il doit être appelé ressuscitatio... " (J. RATZINOER, " Risurrezione délla carne, in Sacramentum Mundi, Brescia, Morcelliana, 1977, p. 160- 161).
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4. Cette concentration de la connaissance (vision) et de l'amour en Dieu lui-même - concentration qui ne saurait être que pleine participation à la vie intérieure de Dieu, c'est- à-dire à la réalité trinitaire même - sera en même temps la découverte en Dieu de tout le monde des relations constitutives de son ordre éternel (cosmos). Cette concentration sera surtout la redécouverte de soi-même par l'homme, non seulement dans la profondeur de sa personne, mais également dans cette union qui est le propre du monde des personnes dans leur constitution psychosomatique. Il s'agit là, certainement, d'une union de communion. La concentration de la connaissance et de l'amour en Dieu lui- même dans la communion trinitaire des Personnes peut trouver une réponse béatifique en ceux qui prendront part à l'autre monde, uniquement par la réalisation de la communion réciproque à la mesure des personnes créées. C'est pour cela que nous professons la foi en la communion des saints (communio sanctorum) et que nous la professons en connexion organique avec la foi en la résurrection des morts. Les paroles par lesquelles le Christ affirme que dans l'autre monde ... ils ne prendront ni femme ni mari se trouvent à la base de ces éléments de notre foi et, en même temps, elles réclament une adéquate interprétation, précisément à sa lumière. Nous devons penser à la réalité de l'autre monde selon les catégories de la redécouverte d'une nouvelle et parfaite subjectivité de l'homme et, en même temps, de la redécouverte d'une nouvelle et parfaite intersubjectivité de tous. Ainsi, cette réalité signifie le véritable et définitif accomplissement de la subjectivité humaine et, sur cette base, l'accomplissement définitif de la signification conjugale du corps. La concentration totale de la subjectivité créée, rachetée et glorifiée en Dieu lui-même ne détournera pas l'homme de cet accomplissement; au contraire elle nous la donnera, elle nous la consolidera. On peut dire, enfin, qu'ainsi la réalité eschatologique deviendra la source d'une parfaite réalisation de l'ordre trinitaire dans le monde créé des personnes.
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5. Les paroles par lesquelles le Christ fait état de la future résurrection - paroles confirmées de manière éloquente par sa résurrection - complètent ce que nous avons l'habitude, dans les présentes réflexions, d'appeler révélation du corps. Cette révélation pénètre en un certain sens au coeur même de la réalité que nous expérimentons; et cette réalité est surtout l'homme, son corps, le corps de l'homme historique. En même temps, cette révélation nous permet de déborder selon deux directions le cadre de cette expérience. D'abord, en direction de cette origine à laquelle le Christ se réfère dans son entretien avec les pharisiens au sujet de l'indissolubilité du mariage Mt 19,3-9; en second lieu, en direction de l'autre monde, sur lequel le Maître attire l'attention de ses auditeurs en présence des sadducéens qui "affirment qu'il n'y a pas de résurrection" Mt 22,23. Ces deux débordements du cadre de l'expérience des corps (si l'on peut ainsi dire) ne sont pas tout à fait hors de la portée de notre compréhension (théologique, évidemment) du corps. Ce qu'est le corps humain dans le domaine de l'expérience historique de l'homme, n'est pas totalement coupé de ces deux dimensions de son existence révélées par les paroles du Christ.
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6. Il est clair qu'il s'agit ici moins du corps abstrait que de l'homme qui est en même temps spirituel et corporel. Poursuivant dans les deux directions indiquées par les paroles du Christ et se rattachant à l'expérience du corps dans la dimension de notre existence terrestre (donc dans la dimension historique) nous pouvons faire une certaine reconstruction théologique de ce qu'aurait pu être l'expérience du corps, sur la base de l'origine révélée de l'homme et sur la base de ce qu'il sera dans la dimension de l'autre monde. La possibilité de cette reconstruction qui amplifie notre expérience de l'homme-corps, indique, au moins indirectement, la cohérence de l'image théologique de l'homme dans ces trois dimensions qui, ensemble, concourent à la constitution de la théologie du corps.
13 janvier 1982
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1 "Lorsqu'on ressuscite d'entre les morts on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux" Mc 12,25 Mt 22,30. "... ils sont semblables aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection" Lc 20,36
Les paroles du Christ qui ont trait à la future résurrection - paroles confirmées de manière extraordinaire par sa propre résurrection - complètent ce que nous avons l'habitude d'appeler révélation du corps, dans les présentes réflexions. Cette révélation pénètre, pour ainsi dire, au coeur même de la réalité que nous expérimentons; et cette réalité est surtout l'homme en son corps: le corps de l'homme historique. En même temps cette révélation nous permet de dépasser dans deux directions la sphère de cette expérience. D'abord, en direction de cette origine à laquelle le Christ se réfère dans son entretien avec les pharisiens au sujet de l'indissolubilité du mariage Mt 19,3-8; puis en direction du monde futur vers lequel le Maître oriente l'âme de ses auditeurs en présence des sadducéens, "gens qui disent qu'il n'y a pas de résurrection" Mt 22,23.
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2. Avec ses seules méthodes empiriques et rationalistes l'homme ne saurait parvenir ni à la vérité sur cette origine dont parle le Christ, ni à la vérité eschatologique. Toutefois, ne peut-on affirmer qu'en un certain sens l'homme possède ces deux dimensions au fond de l'expérience de son propre être ou, plutôt que, de quelque manière, il s'achemine vers elles comme vers des dimensions qui justifient pleinement la signification même de son corps, c'est-à-dire de son être charnel? Puis, quant à la dimension eschatologique, n'est-il pas vrai que la mort même et la destruction du corps peuvent conférer à l'homme une éloquente signification au sujet de l'expérience dans laquelle se réalise le sens personnel de l'existence? Quand le Christ parle de la future résurrection, ses paroles ne tombent pas dans le vide. L'expérience de l'humanité, et spécialement l'expérience du corps, permettent à l'auditeur d'unir à ces paroles l'image de la nouvelle existence dans le monde futur auquel l'expérience terrestre offre le substrat et la base. Une reconstruction théologique correspondante est possible.
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3. A l'élaboration de cette image - qui correspond, quant à son contenu, à l'article de notre profession de foi: "Je crois à la résurrection des morts" - concourt grandement la certitude qu'il existe un lien entre l'expérience terrestre et toute la dimension de l'origine biblique de l'homme dans le monde. Si, à l'origine Dieu "les créa homme et femme" Gn 1,27 s'il a également prévu dans cette dualité relative au corps une unité telle qu'ils seront une seule chair, s'il a lié cette unité à la bénédiction de la fécondité, c'est-à- dire de la procréation Gn 1,29 et si maintenant, parlant devant les sadducéens de la future résurrection, le Christ explique que dans l'autre monde ils ne prendront ni femme ni mari - alors il est clair qu'il s'agit ici d'un développement de la vérité sur l'homme lui-même. Le Christ révèle l'identité de l'homme, bien que cette identité se réalise dans l'expérience eschatologique de manière différente de celle de l'origine même et de toute l'histoire. Toutefois l'homme sera toujours le même, tel qu'il est sorti des mains de son Créateur et Père. Le Christ dit: Ils ne prendront ni femme ni mari, mais il n'affirme pas que l'homme du monde futur ne sera plus masculin-féminin comme il le fut depuis l'origine. Il est donc évident que la signification d'être du corps, homme ou femme, dans le monde futur, doit se chercher hors du mariage et de la procréation. Mais il n'y a aucune raison pour la chercher hors de ce qui (indépendamment de la bénédiction de la procréation) découle du mystère même de la création et qui, par la suite, constitua la plus profonde structure de l'histoire de l'homme sur la terre, étant donné que cette histoire a été profondément pénétrée du mystère de la Rédemption.
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4. Dans sa situation originelle, l'homme est donc seul et en même temps il devient homme-femme: unité des deux. Dans sa solitude, il se révèle à lui-même comme personne, pour révéler en même temps la communion des personnes dans l'unité des deux. Dans l'un ou l'autre état, l'être humain se constitue comme image et ressemblance de Dieu. Depuis l'origine, l'homme est également un corps parmi les corps, et dans l'unité des deux il devient homme et femme, découvrant le caractère conjugal de son corps comme mesure du sujet personnel. Par la suite, le sens d'être corps, et en particulier, d'être par le corps homme et femme est lié au mariage et à la procréation (c'est-à-dire à la paternité et à la maternité). Toutefois, la signification originaire, fondamentale du fait d'être corps et, de même, du fait d'être, quant au corps, homme et femme - c'est-à-dire précisément cette signification conjugale - est unie au fait que l'homme se trouve créé comme personne et appelé à la vie "in communione personarum". Le mariage et la procréation ne déterminent pas définitivement d'eux-mêmes la signification originaire, fondamentale de ce être corps ni du fait d'être, quant au corps, homme et femme. Le mariage et la procréation donnent seulement une réalité concrète à cette signification dans les dimensions de l'histoire. La résurrection indique la clôture de la dimension historique. Et voilà que les paroles femme ni mari" Mt 12,25 expriment clairement non seulement quelle signification le corps humain n'aura pas dans le monde futur; mais elles permettent aussi de déduire que cette signification conjugale du corps dans la résurrection à la vie future correspondra de manière parfaite soit au fait que l'être humain est, comme homme-femme, une personne créée à l'image et ressemblance de Dieu, soit au fait que cette image se réalise dans la communion des personnes. Cette signification conjugale de l'être corps se réalise comme signification parfaitement personnelle et communautaire en même temps.
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5. Parlant du corps glorifié par la résurrection à la vie future, nous pensons à l'homme masculin-féminin dans toute la vérité de son humanité: l'homme qui, en même temps que l'expérience eschatologique du Dieu vivant (la vision face à face), expérimentera précisément cette signification de son propre corps. Ce sera une expérience toute nouvelle et, en même temps, elle ne sera d'aucune manière séparée de ce que l'homme a eu en partage dès l'origine, ni de ce qui constitue en lui, dans la dimension historique de son existence, la source de la tension entre l'esprit et le corps, concernant en général la signification procréatrice du corps et du sexe. L'homme du monde futur retrouvera dans cette nouvelle expérience de son propre corps l'accomplissement de ce qu'il portait en lui, éternellement et historiquement, en un certain sens comme héritage et, encore plus, comme tâche et objectif, comme contenu de l'éthos.
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6. La glorification du corps, comme fruit eschatologique de sa spiritualisation divinisante, révélera la valeur définitive de ce qui devait, dès l'origine, être un signe distinctif de la personne créée dans le monde visible, comme également moyen de se communiquer réciproquement entre personnes et comme une authentique expression de la vérité et de l'amour grâce auxquels se construit la communio personarum. Cette éternelle signification du corps humain à laquelle l'existence de tout homme, chargé de l'héritage de la concupiscence, a nécessairement imposé une série de limitations, se révélera alors de nouveau, et, en même temps, avec une telle simplicité et splendeur que quiconque participera à l'autre monde retrouvera dans son propre corps glorifié la source de la liberté du don. La parfaite "liberté des fils de Dieu" Rm 8,14 alimentera également de ce don chacune des communions qui constitueront la grande Communauté de la communion des saints.
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7. Il n'est que trop évident que - sur la base des expériences et connaissances de l'homme dans le temporel - c'est-à-dire en ce monde - il est difficile de construire une image pleinement adéquate du monde futur. Toutefois il est aussi incontestable qu'à l'aide de la Parole de Dieu il est possible de concevoir cette image de manière plus ou moins approximative. Nous nous servons de cette approximation théologique en professant notre foi en la résurrection des morts et en la vie éternelle comme, également la foi en la communion des saints qui appartiennent à la réalité du monde futur.
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8. Concluant cette partie de nos réflexions, il convient de constater encore une fois que les paroles du Christ que rapportent les Evangiles synoptiques Mt 22,30 Mc 12,25 Lc 20,34-35 ont une signification déterminante non seulement en ce qui concerne les paroles du livre de la Genèse (auxquelles le Christ se réfère en une autre circonstance), mais également en ce qui concerne toute la Bible. Ces paroles nous permettent en un certain sens de méditer à nouveau - c'est-à-dire à fond - toute la signification révélée du corps, la signification du être-homme, c'est-à-dire personne incarnée, en tant que corps, Homme-femme. Ces paroles nous permettent de comprendre ce que signifie, dans la dimension eschatologique de l'autre monde, cette unité en humanité qui a été constituée à l'origine et que les paroles de Gn 2,24 ("l'homme ... s'unira à sa femme et les deux seront une seule chair ") prononcées lors de la création de l'être humain comme homme et femme, semblaient orienter surtout, sinon complètement, au moins en certains cas, vers ce monde-là. Etant donné que les paroles du livre de la Genèse étaient comme le seuil de toute la théologie du corps - seuil sur lequel le Christ s'est basé dans son enseignement sur le mariage et sur son indissolubilité -, alors il faut admettre que les paroles que rapportent les Synoptiques sont comme un nouveau seuil de cette vérité intégrale sur l'homme, que nous retrouvons dans la Parole révélée de Dieu. Il est indispensable que nous nous arrêtions sur ce seuil si nous voulons que notre théologie du corps - et également notre spiritualité chrétienne du corps - puissent s'en servir comme d'une image complète.
2002 Magistère Mariage 1180