2002 Magistère Mariage 1573
le sacrement du mar
3 octobre 1984
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Nous référant à la doctrine contenue dans l'encyclique Humanae Vitae, nous allons essayer de circonscrire de manière encore plus précise la vie spirituelle des époux.
Voici ces grandes paroles: "Tout en enseignant les exigences inviolables de la Loi divine, l'Eglise annonce le salut et ouvre avec les sacrements les voies de la grâce qui fait de l'homme une créature nouvelle, capable de répondre dans l'amour et dans la vraie liberté au suprême dessein de son Créateur et Sauveur et de trouver que le joug du Christ est doux.
"Les époux chrétiens, donc, dociles à sa voix, doivent se rappeler que leur vocation chrétienne, commencée avec le baptême, s'est par la suite spécifiée et renforcée par le sacrement de mariage. Du fait de celui-ci, les époux chrétiens sont rendus plus forts et pour ainsi dire consacrés pour le fidèle accomplissement de leurs propres devoirs, pour la réalisation de leur propre vocation jusqu'à la perfection et pour leur propre témoignage chrétien face au monde. Le Seigneur leur confie la tâche de rendre visibles pour les hommes la sainteté et la douceur de la loi qui unit l'amour réciproque des époux à leur coopération à l'amour de Dieu, auteur de la vie humaine" HV 25
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En nous montrant le mal moral des manoeuvres contraceptives et en délimitant en même temps un cadre aussi intéressant que possible de la pratique droite de la régulation de la fertilité, ou de la paternité et maternité responsables l'encyclique Humanae Vitae crée les conditions qui permettent de tracer les grandes lignes de la spiritualité chrétienne de la vocation et de la vie conjugales et, également, de celle des parents et de la famille.
On peut même dire que l'encyclique présuppose l'entière tradition de cette spiritualité qui a ses racines dans les sources bibliques que nous avons déjà analysées, offrant de nouveau l'occasion de réfléchir à leur sujet et de construire une adéquate synthèse.
Ici il convient de rappeler ce qui a été dit sur le rapport organique entre la théologie du corps et la pédagogie du corps. Cette "théologie-pédagogie", en effet, constitue déjà d'elle-même le noyau essentiel de la spiritualité conjugale. Et ceci l'indiquent également les phrases que nous venons de puiser dans l'encyclique.
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Certes, on lirait et interpréterait faussement l'encyclique Humanae Vitae si l'on y voyait uniquement la réduction de la paternité et maternité responsables aux seuls rythmes biologiques de fécondité. L'auteur de l'encyclique désapprouve et rejette énergiquement toute forme d'interprétation réductrice (et, en ce sens, partielle) et en propose avec insistance l'intelligence intégrale. La paternité-maternité responsable, entendue intégralement, n'est autre qu'un important élément de toute la spiritualité conjugale et familiale, c'est-à-dire de cette vocation dont parle le passage précité d'Humanae Vitae quand il affirme que les époux doivent réaliser "leur propre vocation jusqu'à la perfection" HV 25. C'est le sacrement du mariage qui les corrobore et pour ainsi dire les consacre pour y parvenir HV 25
A la lumière de la doctrine qu'exprime l'encyclique, il importe qu'on se rende mieux compte de cette force corroborante qui est unie à la considération sui generis du sacrement du mariage.
Comme l'analyse des problèmes éthiques du document de Paul VI était centrée avant tout sur la justesse de la norme correspondante, l'esquisse de la spiritualité conjugale qu'on y trouve a pour but de mettre précisément en relief ces forces qui rendent possible l'authentique témoignage chrétien de la vie conjugale.
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"Nous n'entendons nullement cacher les difficultés, parfois graves, inhérentes à la vie des époux chrétiens: pour eux, comme pour chacun, étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie Mt 7,14. Mais l'espérance de cette vie doit éclairer leur chemin quand ils s'efforcent courageusement de vivre avec sagesse, justice et piété le temps présent, sachant que la figure de ce monde passe" HV 25
Dans l'encyclique, la vision de la vie conjugale est, à chaque pas, marquée de réalisme chrétien, et c'est précisément cela qui aide le plus à trouver ces forces qui permettent de former la spiritualité des époux et des parents dans l'esprit d'une authentique pédagogie du coeur et du corps.
La conscience même de la vie future ouvre pour ainsi dire largement l'horizon de ces forces qui doivent les guider le long du chemin resserré HV 25 et les conduire par la porte étroite de la vocation évangélique.
L'encyclique dit: "Que les époux affrontent donc les efforts nécessaires soutenus par la foi et par l'espérance qui ne déçoit pas, car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs avec le Saint Esprit qui nous a été donné" HV 25.
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Voilà la force essentielle et fondamentale: l'amour greffé dans le coeur ("répandu dans les coeurs") par l'Esprit Saint.
Plus loin, l'encyclique affirme que les époux doivent implorer par la prière cette force essentielle et toute autre aide divine; qu'ils doivent puiser la grâce et l'amour à la source toujours vive de l'Eucharistie; qu'il doivent, avec humble persévérance, surmonter leurs propres manquements et leurs propres péchés, en ayant recours au sacrement de pénitence.
Voilà les moyens - infaillibles et indispensables - nécessaires pour former la spiritualité chrétienne de la vie conjugale et familiale. Grâce à eux, cette force d'amour essentielle et spirituellement créatrice gagne les coeurs humains et, également les corps humains dans leur masculinité et féminité subjectives. Cet amour permet en effet d'édifier toute la coexistence des époux selon cette vérité du signe grâce à quoi le mariage se construit dans sa dignité sacramentelle, comme le révèle le point central de l'encyclique HV 12
maîtrise de soi
10 octobre 1984
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Nous continuons à définir les traits de spiritualité conjugale à la lumière de l'encyclique Humanae Vitae.
Suivant la doctrine qu'elle contient, conformément aux sources bibliques et à toute la tradition, l'amour est - au point de vue subjectif - une "force", c'est-à-dire une faculté de l'esprit humain, de caractère théologique (ou plutôt "théologal"). C'est donc la force donnée à l'homme pour participer à cet amour par lequel Dieu lui-même aime dans le mystère de la Création et de la Rédemption. C'est cet amour qui "se complaît dans la vérité" 1Co 13,6), c'est-à- dire l'amour dans lequel s'exprime la joie spirituelle (le "fruit" augustinien) de toute valeur authentique: ouissance semblable à celle du Créateur lui-même lorsqu'il "il vit tout ce qu'il avait fait" et trouva que "c'était très bien" Gn 1,31
Si les forces de la concupiscence tentent de séparer de la vérité le langage du corps, si elles tentent de le falsifier, la force de l'amour, au contraire, le corrobore toujours de nouveau dans cette vérité afin que le mystère de la Rédemption puisse fructifier en elle
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Ce même amour qui rend possible le langage conjugal et fait qu'il se réalise suivant la pleine vérité de la vie des époux est en même temps une force, c'est-à-dire une faculté de caractère moral, orientée activement vers la plénitude du bien et, pour cela même, orientée vers tout véritable bien. C'est pourquoi sa tâche consiste à sauvegarder l'unité inséparable des deux significations de l'acte conjugal dont il est question dans HV 12, c'est-à-dire à protéger aussi bien la valeur de la véritable union des conjoints (donc de la communion personnelle) que celle de la paternité et maternité responsables (dans leur forme mûrie et digne de l'homme).
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Suivant le langage traditionnel, l'amour, cette force supérieure, coordonne les actions de la personne, du mari et de la femme, dans le cadre des fins du mariage. Bien que ni la constitution conciliaire ni l'encyclique n'utilisent - quand elles affrontent le sujet - les expressions jadis habituelles, elles n'en traitent pas moins de ce à quoi se réfèrent les expressions traditionnelles.
Comme force supérieure que l'homme et la femme reçoivent de Dieu en même temps que la particulière "consécration" du sacrement de mariage, l'amour comporte une coordination droite des fins selon lesquelles - dans l'enseignement traditionnel de l'Eglise - se constitue l'ordre moral (ou plutôt théologal et moral) de la vie des époux.
La doctrine de la constitution Gaudium et Spes et de même celle de l'encyclique Huamane Vitae, projettent une lumière sur le même ordre moral dans leur référence à l'amour, entendu comme force supérieure qui confère contenu et valeur adéquats aux actes conjugaux, selon la vérité des deux significations, l'unitive et la procréatrice, en plein respect de leur caractère inséparable.
Dans cette présentation rénovée, l'enseignement traditionnel sur les fins du mariage (et leur hiérarchie) se trouve confirmé et en même temps approfondi du point de vue de la vie intérieure des conjoints, c'est-à-dire de la spiritualité conjugale et familiale.
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La tâche de l'amour, qui est "effusion des coeurs" Rm 5,5 des époux comme force spirituelle fondamentale de leur pacte conjugal consiste, comme il a été dit, à protéger tant la valeur de la véritable communion des époux, que celle de la paternité-maternité vraiment responsable. La force de l'amour - authentique au sens théologique et éthique - s'exprime dans le fait que l'amour unit correctement les deux significations de l'acte conjugal, excluant non seulement en théorie, mais aussi en pratique la contradiction qui pourrait se révéler en ce domaine. Cette contradiction constitue le plus fréquent motif d'objection contre l'encyclique Humanae Vitae et contre l'enseignement de l'Eglise. Il suffit d'une analyse approfondie, non seulement théologique mais aussi anthropologique (nous avons cherché à le faire dans toute la présente réflexion), pour démontrer qu'il ne faut pas parler ici de contradiction mais seulement de difficulté. Or l'encyclique elle-même souligne dans divers passages une telle difficulté.
Celle-ci découle du fait que la force de l'amour est greffée dans l'homme en proie aux embûches de la concupiscence. Dans les sujets humains, l'amour se heurte à la triple concupiscence 1Jn 2,16, particulièrement à la convoitise de la chair qui déforme la vérité du langage du corps. C'est pourquoi, l'amour lui-même n'est pas en mesure de se réaliser dans la vérité du langage du corps sinon moyennant la domination sur la concupiscence.
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Si l'élément clé de la spiritualité des époux et des parents - cette force essentielle que les époux doivent continuellement tirer de la consécration sacramentelle, - est l'amour, cet amour est par nature, comme il résulte du texte de HV 20 lié à la chasteté qui se manifeste comme maîtrise de soi, c'est-à-dire comme continence: en particulier, comme continence périodique. Dans le langage biblique, l'auteur de l'épître aux Ephésiens semble faire allusion à cela, quand, dans son texte classique, il exhorte les époux à être soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Ep 5,21
On peut dire que l'encyclique Humanae Vitae constitue précisément le développement de cette vérité biblique concernant la spiritualité chrétienne conjugale et familiale. Toutefois, pour le rendre encore plus manifeste se révèle nécessaire une analyse plus profonde de la vertu de continence et de sa signification particulière pour la vérité du mutuel langage du corps dans la coexistence conjugal et (indirectement) dans le vaste domaine des rapports réciproques de l'homme et de la femme.
Nous entreprendrons cette analyse au cours des prochaines réflexions du mercredi.
de l'acte conjugal.
24 octobre 1984
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Conformément à ce que j'ai annoncé, nous allons entreprendre aujourd'hui l'analyse de la vertu de continence.
La continence, qui fait partie de la vertu plus générale de tempérance, consiste en la capacité de dominer, de contrôler et d'orienter les impulsions à caractère sexuel (convoitise de la chair)) et leurs conséquences dans la subjectivité psychosomatique de l'homme. En tant que disposition constante de la volonté, cette capacité mérite d'être considérée comme vertu.
Les précédentes analyses nous ont appris que la convoitise de la chair et le désir sexuel qu'elle suscite s'expriment par une pulsion spécifique dans la sphère de la réactivité somatique et, en outre, par une excitation psycho-émotive de l'impulsion sensuelle.
Pour parvenir à maîtriser cette pulsion, cette excitation, le sujet personnel doit s'engager, dans une progressive éducation, au contrôle personnel de la volonté, des sentiments, des émotions qui doit se développer à partir des gestes les plus simples à travers lesquels il est facile de traduire en acte la décision intérieure. Cela suppose évidemment la claire perception des valeurs exprimées dans la norme et, en conséquence, la maturation de solides convictions qui, si la disposition de la volonté les accompagne, donnent naissance à la vertu qui y correspond. Voilà ce qu'est précisément la vertu de continence (ou maîtrise de soi) qui se révèle comme condition fondamentale, soit pour maintenir dans la vérité le langage réciproque du corps, soit pour que les époux se trouvent "soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" selon les paroles bibliques Ep 5,21. Cette soumission réciproque signifie la sollicitude commune pour la vérité du langage du corps; par contre, la soumission "dans la crainte du Christ" indique le don de la crainte de Dieu (don de l'esprit Saint) qui accompagne la vertu de continence.
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Cela est très important pour une compréhension adéquate de la vertu de continence et, en particulier, de la continence périodique dont il est question dans l'encyclique Humanae Vitae. La conviction que la vertu de continence s'oppose à la convoitise de la chair est juste, mais pas absolument complète. Elle n'est pas complète, spécialement quand on tient compte du fait que cette vertu n'apparaît pas et n'agit pas de manière abstraite et donc isolément, mais toujours en liaison avec les autres (nexus virtutum) donc en liaison avec la prudence, la justice, la force et surtout avec la charité.
Il est facile de comprendre, à la lumière de ces considérations que la continence ne se contente pas d'opposer une résistance à la convoitise de la chair; grâce à cette résistance, elle s'ouvre également aux valeurs plus profondes et plus mûres inhérentes à la signification nuptiale du corps dans sa féminité et masculinité, comme également l'authentique liberté du don dans les relations réciproques des personnes. Dans la mesure où elle recherche d'abord le plaisir charnel et sensuel, la convoitise même de la chair rend, en un certain sens, l'homme aveugle et insensible aux valeurs plus profondes qui jaillissent de l'amour et qui, en même temps constituent l'amour dans la vérité intérieure qui lui est propre.
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De cette manière se manifeste également le caractère essentiel de la chasteté conjugale dans son lien organique avec la force de l'amour qui est répandue dans le coeur des époux en même temps que la consécration du sacrement de mariage. Il est en outre évident que l'invitation directe adressée aux époux d'être "soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" Ep 5,21 valeurs les plus profondes et les plus mûres qui vont de pair avec la signification nuptiale du corps et la véritable liberté du don.
Si la chasteté conjugale (et la chasteté en général) se manifeste d'abord comme capacité de résister à la convoitise de la chair, par la suite elle se révèle graduellement comme capacité particulière de percevoir, d'aimer et de réaliser les significations du langage du corps qui demeurent absolument inconnues à la concupiscence elle-même et qui enrichissent progressivement le dialogue des époux en le purifiant et en le simplifiant en même temps.
C'est pourquoi l'ascèse de la continence dont parle HV 21 loin d'entraîner l'appauvrissement des manifestations affectives, les rend au contraire spirituellement plus intenses et par conséquent les enrichit.
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En analysant de cette manière la continence dans la dynamique propre à cette vertu (anthropologique, éthique et théologique), nous nous apercevons que disparaît cette apparente contradiction que l'on reproche souvent à l'encyclique Humanae Vitae et à la doctrine de l'Eglise au sujet de la morale conjugale. Selon ceux qui soulèvent cette objection, il existerait donc une contradiction entre les deux significations de l'acte conjugal, la signification unitive et la signification procréative HV 12, de sorte que, s'il n'est pas permis de les séparer, les époux se trouveraient privés du droit à l'union conjugale quand ils ne peuvent, en toute responsabilité se permettre de procréer.
Si l'on étudie à fond l'encyclique Humanae Vitae on se rend compte qu'elle donne la réponse à cette apparente contradiction. Le pape Paul VI confirme en effet que cette contradiction n'existe pas; il existe seulement parfois une difficulté provenant de la situation intérieure de l'"homme de la concupiscence". Par contre, précisément en raison de cette difficulté, c'est à l'enseignement intérieur ascétique des conjoints qu'est confié l'ordre véritable de la coexistence conjugale en vue duquel ils sont "corroborés et quasi consacrés" HV 25 par le sacrement du mariage.
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Cet ordre de la coexistence conjugale signifie en outre l'harmonie subjective entre la paternité (responsable) et la communion personnelle, harmonie créée par la chasteté conjugale. Dans celle-ci mûrissent, en effet, les fruits intérieurs de la continence. Grâce à cette maturation intérieure, l'acte conjugal lui-même assure l'importance et la dignité qui lui sont propres dans sa signification potentiellement procréative; en même temps prennent une adéquate signification toutes les "manifestations affectives" HV 21 qui servent à exprimer la communion personnelle des époux, proportionnellement à la richesse subjective de la féminité et masculinité.
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Conformément à l'expérience et à la tradition, l'encyclique relève que l'acte conjugal est également une manifestation d'affection HV 16; c'est une manifestation d'affection particulière parce qu'en même temps elle a une signification potentiellement procréative. Par conséquent, elle est destinée à exprimer l'union personnelle, mais pas seulement celle-ci. En même temps, en effet l'encyclique note l'existence - même si c'est de manière indirecte - de multiples manifestations d'affection, efficaces exclusivement pour exprimer l'union personnelle des conjoints.
La tâche de la chasteté conjugale et encore plus précisément celle de la continence ne consistent pas seulement à protéger l'importance et la dignité de l'acte conjugal par rapport à sa signification potentiellement procréative; elle consiste également à protéger l'importance et la dignité propres de l'acte conjugal lui-même en tant qu'exprimant l'union entre les personnes et dévoilant à la conscience et à l'expérience des époux toutes les autres manifestations d'affection possibles pour exprimer ainsi leur profonde communion.
Il s'agit en effet de ne pas porter préjudice à la communion des époux dans le cas où, pour de justes raisons, ils doivent s'abstenir de l'acte conjugal. Et il importe aussi et encore plus que cette communion construite continuellement, jour après jour, grâce à des manifestations affectives conformes, constitue pour ainsi dire un vaste terrain sur lequel, dans les conditions opportunes, mûrit la décision d'un acte conjugal moralement droit.
libérer de ses tensio
31 octobre 1984
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Nous allons poursuivre l'analyse de la continence à la lumière de l'enseignement contenu dans l'encyclique Humanae Vitae.
On pense souvent que la continence provoque des tensions intérieures dont l'homme doit se libérer. A la lumière des analyses ci-dessus, la continence, intégralement comprise, se révèle plutôt l'unique moyen pour libérer l'homme de ces tensions. Elle ne signifie rien d'autre que l'effort spirituel qui vise à exprimer le langage du corps, non seulement dans la vérité mais aussi dans l'authentique richesse des manifestations d'affection.
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Cet effort, est-il possible? En d'autres termes (et sous un autre aspect) se présente ici l'interrogation au sujet de la possibilité de réaliser la norme morale que rappelle et confirme Humanae Vitae. Cette interrogation est l'une des plus essentielles (et aussi, actuellement, une des plus urgentes) dans le domaine de la spiritualité conjugale
L'Eglise est absolument convaincue de la justesse du principe qui affirme la paternité et la maternité responsables - au sens expliqué par les précédentes catéchèses - et cela non seulement pour des motifs "démographiques", mais aussi pour des raisons plus essentielles. On qualifie de responsables la paternité et la maternité qui correspondent à la dignité personnelle des conjoints, comme parents, à la vérité de leur personne et de l'acte conjugal, d'où découle l'étroite et stricte relation qui rattache cette dimension à toute la spiritualité conjugale.
Dans Humanae Vitae, le pape Paul VI a exprimé ce qu'avaient déjà, par ailleurs, exprimé de nombreux moralistes et savants, même non catholiques (Cf. les déclarations de "Bund für evangelische-Katolisch Wierdervereinigung" (O.R. 19.9.68, p.3) du Dr F. King, anglican (O.R. 5.10.68 , p.3) et également du musulman Mohammed Chérif ZEGHOUDU (même numéro). Est particulièrement significative la lettre que K. BARTH a adressée le 28 novembre 1968 au cardinal CICOGNANI, lettre où il fait l'éloge du grand courage de Paul VI.), c'est-à-dire que précisément dans ce domaine, si profondément et essentiellement humain et personnel, il faut avant tout se référer à l'homme comme personne, au sujet qui décide de lui- même et non aux moyens qui en font un objet (de manipulation) et le dépersonnalisent. Il s'agit donc ici d'une authentique signification "humaniste" du développement et du progrès de la civilisation humaine.
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Cet effort est-il possible? l'ensemble des problèmes considérés par l'encyclique Humanae Vitae ne se réduit pas simplement à la dimension biologique de la fertilité humaine (à la question des rythmes naturels de fertilité) mais remonte à la subjectivité même de l'être humain , à cet "ego" personnel qui fait qu'il est homme ou qu'il est femme.
Déjà durant la discussion du Concile Vatican II au sujet du chapitre de Gaudium et Spes concernant la "Dignité du sacrement et de la famille et sa mise en valeur", on parlait de la nécessité d'une valeur approfondie des réactions (et aussi des émotions) en relation avec l'influence de la masculinité et de la féminité sur le sujet humain (Cf. Interventions du cardinal Léon SUENENS à la Congrégation générale 138 du 29.9.1965: Acta Synodalia S. Concilii Oecumenici Vaticani II, vol. 4, pars. 3, p.30) Ce problème n'appartient pas tant à la biologie qu'à la psychologie. De la biologie et de la psychologie il passe ensuite au cadre de la spiritualité conjugale et familiale. Ici, en effet, ce problème est en rapport étroit avec la manière d'entendre la vertu de continence, c'est-à-dire la maîtrise de soi et en particulier la continence périodique.
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Une analyse attentive de la psychologie humaine (qui est en même temps une auto-analyse subjective et devient par la suite analyse d'un "objet" accessible à la science humaine) permet d'aboutir à quelques affirmations essentielles. En effet, dans les relations entre personnes où s'exprime l'influence réciproque de la masculinité et féminité se libère dans le sujet psycho-émotif humain, dans l'"ego" humain, à côté d'une réaction que l'on peut qualifier d'"excitation", une autre réaction que l'on peut appeler "émotion". Bien que ces deux réactions se révèlent en même temps, il est possible de les distinguer par expérience et de les "différencier" quant à leur contenu ou leur objet (A cet égard, on pourrait rappeler ce qu'a dit saint Thomas dans une fine analyse de l'amour humain en relation avec le "concupiscibile" et avec la volonté I-II 26,2.
La différence objective entre l'un et l'autre genre de réactions positives consiste dans le fait que l'excitation est avant tout "corporelle" et, en ce sens, "sexuelle"; l'émotion, en revanche - bien que suscitée par la réaction réciproque de la masculinité et de la féminité - se réfère surtout à l'autre personne comprise dans son "intégralité". On peut dire qu'il s'agit d'une émotion causée par la personne, en relation avec sa masculinité ou féminité.
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Ce que nous affirmons ici relativement à la psychologie des réactions réciproques de la masculinité et féminité aide à comprendre la fonction de la vertu de continence dont nous avons parlé précédemment. Celle-ci n'est pas seulement - ni même principalement - la capacité de s'abstenir - c'est-à- dire la maîtrise des multiples réactions qui s'entrelacent dans l'influence réciproque de la masculinité et féminité; une telle fonction pourrait se définir comme "négative". Il existe aussi une autre fonction (que nous pouvons appeler "positive") de la maîtrise de soi: c'est la capacité de guider les réactions respectives tant en ce qui concerne leur contenu qu'en ce qui concerne leur caractère.
Il a été dit que, dans le domaine des réactions réciproques de la masculinité et de la féminité, l'excitation et l'émotion n'apparaissent pas seulement comme expériences distinctes et différentes de l'"ego" humain; très souvent, elles apparaissent aussi conjointement dans le cadre de l'expérience même en tant que deux éléments différents de celle-ci. C'est de diverses circonstances, de nature intérieure et extérieure, que dépend la proportion réciproque selon laquelle ces deux éléments se révèlent dans une expérience déterminée. Parfois, c'est l'un des éléments qui prévaut nettement; d'autres fois, il y a plutôt un équilibre entre eux.
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La continence comme capacité de diriger l'excitation et l'émotion dans la sphère de l'influence réciproque de la masculinité et de la féminité a pour tâche essentielle de maintenir l'équilibre entre la communion où les époux ne désirent exprimer réciproquement que leur union intime, d'une part, et celle où (au moins implicitement) ils accueillent la paternité responsable, d'autre part. De fait, l'excitation et l'émotion peuvent porter préjudice par le sujet, à l'orientation et au caractère du réciproque langage du corps.
L'excitation cherche avant tout à s'exprimer sous forme de plaisir sensuel et corporel, c'est-à-dire qu'elle tend à l'acte conjugal qui (dépendant des rythmes naturels de fécondité) comporte la possibilité de création. Par contre, l'émotion provoquée par un autre être humain comme personne, même si son contenu émotif est influencé par la féminité ou masculinité de l'"autre", ne tend pas d'elle-même à l'acte conjugal, mais se limite à d'autres manifestations d'affection dans lesquelles s'affirme la signification nuptiale du corps et qui, toutefois, ne comprennent pas sa signification (potentiellement ) procréatrice.
Il est facile de comprendre quelles conséquences découlent de cela, relativement au problème de la paternité et maternité responsables. Ces conséquences sont de nature morale. L'excitation cherche surtout à s'exprimer sur la plan physique et elle comporte évidemment une possibilité de procréation. Par contre, l'émotion peut se manifester sans aboutir à l'acte conjugal et ses conséquences possibles. Cette distinction permet vraiment de mieux comprendre que le problème de la paternité-maternité responsable est d'ordre moral. Je supplie Dieu de faire accéder les chrétiens et tous les gens de bonne volonté à ce niveau de vérité libératrice et humanisante.
l'homme et la femme.
7 novembre 1984
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Nous allons poursuivre l'analyse de la continence à la lumière de la doctrine exprimée par l'encyclique Humanae Vitae.
Il convient de rappeler que les grands classiques de la pensée éthique (et anthropologique) tant pré-chrétienne que chrétienne (Saint Thomas d'Aquin) considèrent la vertu de continence non seulement comme capacité de contenir les réactions corporelles et sensuelles, mais aussi et plus encore comme capacité de contrôler et de guider toute la sphère sensuelle et émotive de l'homme. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de la capacité d'orienter soit l'excitation vers son développement correct, soit l'émotion elle-même, les dirigeant vers l'approfondissement et l'intensification de leur caractère pur et, en un certain sens, désintéressé.
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Cette différenciation entre la perspective de l'excitation et celle de l'émotion n'est pas une contradiction. Elle ne signifie pas que l'acte conjugal, comme effet de l'excitation, ne comporte pas en même temps l'émotion de l'autre personne. Il en est certainement ainsi dans l'épître aux Ephésiens, sous forme d'exhortation aux époux: "Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" Ep 5,21
La distinction entre excitation et émotion relevée dans cette analyse ne prouve rien d'autre que la richesse subjective, réactive et émotive, de l'"ego" humain; cette richesse exclut n'importe qu'elle réduction et fait que la vertu de continence peut être réalisée comme capacité de diriger la manifestation, tant de l'excitation que de l'émotion, suscité par la réactivité de la masculinité et de la féminité.
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La vertu de continence comprise de cette manière a un rôle essentiel dans le maintien de l'équilibre intérieur entre les deux significations, unitive et procréative, de l'acte conjugal HV 12 en vue d'une paternité et d'une maternité vraiment responsables.
L'encyclique Humanae Vitae accorde l'attention requise à l'aspect biologique du problème, c'est-à-dire au caractère rythmique de la fécondité humaine. Même si cette périodicité peut, à la lumière de l'encyclique, être appelée indice providentiel pour une paternité et une maternité responsables, ce n'est pas toutefois à ce niveau que trouve sa solution un problème comme celui-là, un problème qui a une signification si profondément personnelle et sacramentelle (théologique).
Selon l'encyclique, la paternité et la maternité responsables constituent "la vérification d'un amour conjugal en pleine maturité" et, pour cette raison, on y trouve non seulement la réponse à l'interrogation concrète que l'on se pose dans le cadre de l'éthique de la vie conjugale, mais aussi, comme je l'ai déjà dit, l'indication d'un trait de spiritualité conjugal que nous désirons au moins esquisser.
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La manière correcte d'entendre et de pratiquer la continence périodique en tant que vertu (ou, selon HV 21, la "maîtrise de soi") décide essentiellement du caractère naturel de la méthode appelée, elle aussi, "méthode naturelle": celle-ci est naturelle au niveau de la personne. On ne saurait donc penser à une application mécanique des lois biologiques. La connaissance des rythmes de fécondité - même si elle est indispensable - ne crée pas encore cette liberté intérieure du don, qui est de nature explicitement spirituelle, et dépend du degré de maturité intérieure de l'homme. Cette liberté suppose la faculté de diriger les réactions sensuelles et émotives de l'homme de telle manière qu'elle rend possible la donation de soi à l'autre "ego" sur la base de la mûre possession de son propre "ego" dans sa subjectivité corporelle et émotive.
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Comme nous l'avons relevé dans les analyses bibliques et théologiques faites précédemment, le corps humain est, dans sa masculinité et féminité, ordonné intérieurement en vue de la communion des personnes (communio personarum). C'est en cela que consiste sa signification nuptiale.
C'est précisément cette signification nuptiale du corps qui a été déformée, pour ainsi dire à la base même, par la concupiscence (en particulier par la convoitise de la chair dans le cadre de la triple concupiscence). Dans sa forme venue à maturité, la vertu de continence dévoile graduellement l'aspect "pureté" de la signification nuptiale du corps. De cette manière, la conscience développe la communion personnelle de l'homme et de la femme, une communion qui n'est pas en mesure de se former et de se développer, dans la pleine vérité de sescommunion des personnes (communio personarum). C'est en cela que consiste sa signification nuptiale.
C'est précisément cette signification nuptiale du corps qui a été déformée, pour ainsi dire à la base même, par la concupiscence (en particulier par la convoitise de la chair dans le cadre de la triple concupiscence). Dans sa forme venue à maturité, la vertu de continence dévoile graduellement l'aspect "pureté" de la signification nuptiale du corps. De cette manière, la conscience développe la communion personnelle de l'homme et de la femme, une communion qui n'est pas en mesure de se former et de se développer, dans la pleine vérité de ses possibilités, uniquement sur le terrain de la concupiscence. C'est précisément cela qu'affirme l'encyclique Humanae Vitae. Cette vérité a deux aspects: un aspect personnel et un aspect théologique.
2002 Magistère Mariage 1573