F. de Sales, Lettres 447
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Conseils relativement à un voeu de chasteté.
Annecy, 18 mai 1608.
Mademoiselle,
1. je crois que le désir que vous avez de vouer votre chasteté à Dieu n’a pas été conçu en votre âme, que premièrement vous n'ayez longtemps considéré son importance : c'est pourquoi j'approuve que vous le fassiez, et le jour de la Pentecôte même (1). Or, pour le bien faire, prenez le loisir, les trois jours précédents, de bien préparer votre voeu par l'oraison, laquelle vous pourrez tirer de ces considérations.
Considérez combien la sainte chasteté est une vertu agréable à Dieu et aux anges, ayant voulu qu'elle hit éternellement observée au ciel, où il n'y a plus aucune sorte de plaisirs charnels, ni de mariage (cf. Mt 22,30). Ne serez-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que vous continuerez éternellement en l'autre ? Bénissez donc Dieu, qui vous a donné cette sainte inspiration.
Considérez combien cette vertu est noble, qui tient nos aines blanches comme le lis, pures comme le soleil ; qui rend nos corps consacrés, et nous donne la commodité d'être tout entièrement à sa divine majesté, coeur, corps, esprit et sentiments. N'est-ce pas un grand contentement de pouvoir dire à notre Seigneur : Mon coeur et ma chair tressaillent de joie (Ps 74,2-3) en votre bonté, pour l'amour de laquelle je quitte tout amour ; pour le plaisir de laquelle je renonce à tous autres plaisirs ! Quel bonheur de n'avoir point réservé de délices mondaines pour ce corps, afin de donner plus entièrement sou coeur à son Dieu !
Considérez que la Ste Vierge voua la première sa virginité à Dieu, et après elle tant de vierges, hommes et femmes. Mais avec quelle ardeur, avec quel amour, avec quelle affection furent vouées ces virginités, ces chastetés ; ô Dieu ! cela ne se peut dire. Humiliez-vous fort devant la troupe céleste des vierges, et par humble prière suppliez-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour prétendre à les égaler en pureté, mais au moins afin que vous soyez avouée leur servante indigne, en les imitant au plus près que vous pourrez. Suppliez-les qu'elles offrent avec vous votre voeu à Jésus-Christ, roi des vierges, et qu'elles rendent agréable votre chasteté par ! le mérite de la leur. Surtout recommandez votre intention à Notre-Dame, puis à votre bon ange, afin que désormais il lui plaise d'un soin particulier préserver votre coeur et votre corps de toute souillure contraire à votre voeu.
2. Puis le jour de Pentecôte, lorsque le prêtre élèvera la sainte hostie, offrez avec lui à Dieu le Père éternel le corps précieux de son cher enfant Jésus, et tout ensemble votre corps, lequel vous ferez voeu de conserver en chasteté tous les jours de votre vie. La forme de faire ce voeu pourrait être telle :
O Dieu éternel, Père, Fils et Saint-Esprit, je, N., votre indigne créature, constituée en votre divine présence et toute votre cour céleste, promets à votre divine Majesté, et fais voeu de garder et observer, tout le temps de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entière chasteté et continence, moyennant la faveur et grâce de votre Saint-Esprit. Plaise à vous accepter ce mien voeu irrévocable en holocauste de suavité ; et, puisqu'il vous a plu m'inspirer de le faire, donnez-moi la force de le parfaire à votre honneur, pour tous les siècles des siècles.
Quelques-uns écrivent ou font écrire ce voeu, et le signent ; puis le remettent à quelque père spirituel, afin qu'il en soit comme le protecteur et le parrain : mais, bien que cela soit utile, il n'est pas nécessaire.
Vous communierez sur cela, et pourrez dire à notre Seigneur, que vraiment il est votre époux.
Mais parlez-en à votre confesseur : car s'il vous ordonnait de ne le faire pas, il le faudrait croire ; puisque, voyant l'état présent de votre âme, il pourra mieux juger ce qui est expédient que moi.
Mais, ma bonne fille, ce voeu étant fait, il faut que vous ne permettiez jamais à personne de chatouiller votre coeur d'aucun propos d'amour et de mariage ; mais que vous ayez un grand respect à votre corps, non plus comme à votre corps, mais comme à un corps sacré, à une très-sainte relique. Et comme on n'ose plus toucher ni profaner un calice après que l'évêque l'a consacré, ainsi, le Saint-Esprit ayant consacré votre coeur et votre corps par ce voeu, il faut que vous lui portiez une grande révérence.
Au demeurant, je recommanderai le tout à Dieu, lequel sait que je vous chéris fort affectionnément en lui ; et le même jour de Pentecôte je lui offrirai votre coeur et ce qui en sortira pour sa gloire. Qu'à jamais Jésus soit votre amour, et sa sainte mère votre guide ! Amen. Votre serviteur en Jésus-Christ, etc.
(1) Cette année elle arrivait le 23 mai.
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Manière particulière d'offrir ses actions et ses affections à la sainte Vierge. Conversion de deux prêtres qui avaient apostasié pour embrasser la religion prétendue réformée.
Annecy, 25 juin 1608.
1. C'est encore vitement que je vous écris à cette heure, ma chère fille, que j'aime tendrement et incomparablement en notre Seigneur. J'ai vu vos deux lettres, et en toutes deux je vois le grand désir de votre retraite et tranquillité. J'en ai un, je pense, aussi fort ; mais il faut attendre que Dieu le veuille. Je dis qu'il faut l'attendre bien doucement et amoureusement ; je veux dire qu'il faut aimer cette attente, puisque Dieu le veut.
2. (...)
3. Je sais bien que vous avez nom Jeanne, et que, toute cette octave, vous pensez que je vous recommande à ce glorieux Précurseur. Vraiment, l'autre jour (ce fut samedi), je faisois l'oraison sur la grandeur de l'amour que Notre-Dame nous porte : entre autres choses il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'elle enfantait ses enfants sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfants n'étaient plus siens, mais de Rachel sa dame; et me semblait que si nous mettions par une juste confiance nos coeurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Notre-Dame, ils ne seraient plus nôtres, mais à elle. Cela me consola beaucoup. A la fin je me mis à lui remettre, non-seulement les enfants de mon coeur, mais aussi le coeur de mes enfants, et mes enfants de coeur.
Pensez, ma chère fille, si vous êtes du nombre, et en quel rang je vous y mettais. O Dieu ! j'avais une certaine chaude suavité à vous colloquer dans ce giron sacré, et dire à Notre-Dame : Voilà votre fille, de laquelle le coeur vous est entièrement voué. Je ne saurais pas dire ce que mon coeur disait ; car, comme vous savez, les coeurs ont un langage secret que nul n'entend qu'eux. Il m'est venu de vous dire cela, je vous l'ai dit. (...)
4.5.6. (...)
7. J'ai fait ces jours passés une bonne course à Thonon, pour recevoir des habiles hommes ecclésiastiques (1), qui s'étaient mis entre les huguenots par débauche. Hélas ! quelle chute avaient-ils faite ! Ce m'a été une grande consolation de les voir revenir entre les bras de l'Église, avec grande violence qu'ils se sont faite pour cela. Hélas ! ils étaient religieux : la jeunesse, la vaine gloire et la chair les avaient emportés en ces abîmes contre leur propre conscience. L'un d'eux surtout, me racontant, sa chute, faisait grand'pitié, et d'autant plus de joie de sa constance à revenir.
O Dieu ! quelle grâce ai je reçue, d'avoir été tant de temps et si jeune, et si chétif, parmi les hérétiques, et si souvent invité par les mêmes amorces, sans que jamais mon coeur ait seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objets! Bénite soit la main débonnaire de mon Dieu, qui m'a tenu ferme dans ses enclos.
(...)
A Dieu, ma chère fille; à Dieu soyons-nous entièrement et éternellement. Je vous ai appliqué plusieurs messes ces jours passés. O Dieu ! ma fille, que ce coeur est vôtre, puisque Dieu l'a voulu et le veut! qu'à jamais son nom soit béni! Amen.
(1) C'étaient deux prêtres, dont le premier, nommé Claude Boucard, savant théologien, avait enseigné publiquement la philosophie et les mathématiques à Lausanne : et l'autre, appelé Pierre Gillette. Ils publièrent eux-mêmes, sur l'histoire de leur conversion, un petit livre imprimé à Thonon, et qui a pour titre : Déclaration de la profession de foi de Pierre Gillette, prêtre de Nice en Provence, avec les raisons qui l'ont rappelé à l’Église romaine. Leur abjuration se lit dans l'église de la Sainte-Maison de Thonon, entre les mains du saint éveque, un jour de dimanche, 15 du mois de juin 1608, et le même jour ils envoyèrent le livre susdit à la république de Berne.
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(Tirée de la vie du Saint, par Ch.-Aug. de Sales.)
Il se justifle du reproche qu'on lui faisait de laisser répandre dans le diocèse de Genève des livres hérétiques.
Annecy, 2 juillet 1608.
Illustrissime et reverendissime domine,
Dominus Medardus, Virdunehsis ccclesise ca-nonicus, Romà rediens, mihinuntiavitaccepisse se à reverendissimâ dominatione vestrâ, summum pontifieem valdè esse in me indignalum, ou quôd, per Chcrubini Maurianensis litteras, libellos multos à Gcnevatibus prodirc quotidiô in Gebennensen dioecesim, quibus vacillarcnt, imô turpiter cespitarent multi, accepisset : vo-luisset autem huio rci me incumbere, et emergens in meam dioecesim damnum aliquibus tandem niodis impedire.
Profectô si res ità se haberet ; illustrissime ac reverendissime domine, justissimè non tantum indignaretur in me sua sanctitas,;sèd negligentiam meam, imô veto proditionem, castigaret. At in rei veritate dico : ei'im gencralein dioecesis ineas visitationem, nullà proetermissà paroecià, penè exegerim, nullum omninô reperi haereticum in paroeciis quoe à Bernatibus et Genevatibus non fuerunt occupata;, nullum librum probibitum, antiquis non nitllis exceptis, qui ex niera negligentiâ et contemptti in alicujus domûs profundo pulvere restabant : et catholici nostri tantis anguntur scrupulis, ut, cum de libro aliquo dubitant, vel in ignem projiciunt, vel defcruut ad delcgatos. Verumest Genevoe fabricari libellos multos pcstilcntissimos, sed quôd Sabaudi nostri eos legant, nullo modo verum est.
Fateor posteà me non tantà uti diligentià quanta necessarium forte foret ; verumtatem in eà qua secundum tenuitatem meam uti possuin, fidelis sum et sinecrus, et in me nec perfidia, nec animi defec-tus, siquidem virium et insitrc dotis, reperientur.
Obsecro te autem, illustrissime domine, uti hilaritatis mihi in afflictissimà hac provincià necessarioi protector esse velis : pendet vero ex eo haic hilaritas, ut sciam sanctam sedem de actibus meis non contristari, ut àgencrali illà suâ ergà inferiores benevolentià non me excludat, etc.
Très-illustre et révérendissime seigneur.
Le sieur Médard, chanoine de l'église cathédrale de Yerduu, revenant de Rome, m'a dit qu'il avait appris de votre révérendissime seigneurie, que sa sainteté était fort indignée contre moi, parce qu'elle avait su, par les lettres du père Chérubin de Maurienne, qu'il sortait tous les jours un grand nombre de livres hérétiques de la ville de Genève, qui se répandaient dans le reste du diocèse ; de là venait que la plupart, se laissant entraîner à la lecture de ces pernicieuses productions de l'erreur, étaient ébranlés dans la foi, et même bronchaient bien souvent avec plus de scandale ; et elle aurait voulu que j'eusse pris soin d'empêcher ce malheur par tous les moyens imaginables.
Certes, s'il en était ainsi, sa sainteté aurait un juste sujet, non-seulement d'être indignée contre moi, mais même de châtier ma négligence, pour ne pas dire ma trahison. Mais, je le dis avec vérité, ayant presque achevé la visite générale de mon diocèse, sans en oublier la moindre paroisse, je n'ai point trouvé d'hérétiques dans les paroisses qui n'ont point été occupées par les Isernais et les Genevois, ni aucun livre défendu, excepté quelques-uns qui, par l'indifférence et le mépris que l'on a pour eux, sont restés dans la poussière de quelque maison; et nos catholiques sont tellement scrupuleux, que quand ils doutent de quelque livre, ou ils le jettent au feu, ou bien ils le portent aux députés. C'est bien la vérité que l'on fait à Genève beaucoup de livres très-pernicieux ; mais il n'est nullement vrai que nos Savoyards les lisent.
Après tout, je confesse que je n'use pas de la diligence qui serait peut-être nécessaire ; cependant je suis fidèle et sincère en celle qui dépend de moi, et l'on ne trouvera point en moi de perfidie ni de manque de courage, quoique je sois dépourvu de force et de talents naturels.
Je vous supplie, monseigneur, de vouloir bien me procurer la joie qui m'est nécessaire en cette province très-affligée i: joie qui dépend pour moi de savoir que le Saint-Siège n'est point fâché de mes actions, afin que je ne sois point privé de cette bienveillance dont il use envers tous ses inférieurs, etc.
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Il l'exhorte à faire tous les jours de nouveaux progrès dans la piété.
A Saint-Rambert, le 21 août 1608.
Madame ma très-chère cousine, à mesure que je m'éloigne de vous selon l'extérieur, mon esprit retourne plus fréquemment ses yeux du côté du votre, d'avec lequel il est inséparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de notre Sauveur sur vous, et la soigneuse assistance de votre bon ange, pour la conservation de votre coeur, auquel d'une ardeur nonpareille je souhaite toutes les plus désirables faveurs du ciel, et surtout cette inviolable fidélité au saint amour, que vous avez vouée par tant de résolutions au coeur débonnaire de ce doux et cher Jésus.
Vivez toujours, ma chère cousine, ma fille, avec ce courage d'agrandir perpétuellement en la dilection de Dieu ; tenez bien étroitement sur votre poitrine, et entre les bras.de vos saintes résolutions, celui qui, par tant de signes visibles, vous a témoigné d'avoir eu éternellement votre nom et votre coeur gravés en sa volonté pleine de bienveillance en votre endroit.
Je pars pour aller voir cette chère soeur que vous aimez tant, avec laquelle vous pouvez penser si je m'entretiendrai de votre âme, laquelle je porte toujours présente à la mienne par affection. Je vous supplie de visiter par lettre la bonne mère l'Ancienne, à laquelle vos encouragements seront profitables ; car pour le présent je n'ai nul loisir que pour vous écrire ces quatre mots que je fais, vous donnant la sainte bénédiction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulièrement, madame ma chère cousine, votre, etc.
Je finis aujourd'hui ma quarante-unième année : priez notre Seigneur qu'il rende le reste de mon âge utile à sa gloire et à mon salut. Dieu soit toujours au milieu de votre coeur.
(Tirée de la vie de soeur Anne-Angélique Coste, par la mère de Changi.)
Il lui fait part de la découverte qu'il avait faite d'une pauvre paysanne bien pieuse, pour servir les religieuses de son institut.
29 septembre 1608.
Ma fille, il faut que je vous dise que dimanche dernier je fus très-consolé. Une paysanne de naissance, très-noble de coeur et de désir, me pria, après l'avoir confessée, de la faire servir les religieuses que je voulais établir. Je m'enquis d'où elle savait une nouvelle encore toute cachée en Dieu. De personne, me répondit-elle ; mais je vous dis ce que je pense. O Dieu, dis-je en moi-même, avez-vous donc révélé votre secret à cette pauvre servante ? Son discours me consola beaucoup, et j'irai tant qu'il me sera possible encourageant et soutenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en notre petit commencement.
Cette bonne servante prétendue me demande souvent quand madame viendra. Voyez-vous, ma fille, votre venue lui est bien à coeur, parce qu'elle espère de servir bien Dieu en votre personne, et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite mais sainte et aimable retraite que nous méditons.
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Il veut que le désir qu'elle a de le voir vivre soit modéré et subordonné à la volonté de Dieu : cependant il promet d'avoir soin de sa santé par condescendance. Il ne veut plus qu'elle souhaite de quitter le monde qu'autant et dans le temps que Dieu voudra.
Annecy, 29 septembre 1608.
1. Jésus, es entrailles duquel mon âme chérit uniquement la vôtre, soit à jamais notre consolation, ma fille. J'ai plusieurs choses sur le coeur pour vous dire ; je ne sais si je les pourrai mettre sur le papier : car j'ai grandement pensé en vous tout le long de mon retour ; je dis grandement.
Vos désirs pour la vie mortelle ne me déplaisent point ; car ils sont justes, pourvu qu'ils ne soient pas plus grands que leurs objets méritent. C'est bien fait, sans doute, de désirer la vie à celui que Dieu vous a donné pour conduire la votre. Mais, ma fille bien aimée, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela. C'est lui qui vous conduit comme une brebis. Ah ! je vous prie, tenez bien votre coeur en haut, attachez-le indissolublement à la souveraine volonté de ce très-bon coeur paternel de notre Dieu. Qu'à jamais il soit obéi, et souverainement obéi par nos âmes. J'aurai pourtant soin de moi, selon que je vous l'ai promis, et plus pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aie à cette sorte d'attention ; car je crois bien que Dieu veut que je veuille quelque chose pour l'amour de vous. Or, Dieu fasse de moi selon son gré.
2. Ma fille, tandis que Dieu voudra que vous soyez au monde pour l'amour de lui même, demeurez-y volontiers et gaiement. Plusieurs sortent du monde, qui ne sortent pas pour cela d'eux-mêmes, cherchant par cette sortie leur goût, leur repos, leur contentement ; et ceux-ci s'empressent merveilleusement après cette sortie : car l'amour-propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et déréglé.
Ma fille, je dis ma vraie fille, ne soyons point de ceux-là : sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aimer Dieu ; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le servions, suivions et aimions au monde, nous y demeurerons de bon coeur : car puisque ce n'est que ce saint service que nous désirons, où que nous le fassions, nous nous contenterons. Demeurez en paix, ma fille, faites bien ce pourquoi vous restez au monde : faites-le de bon coeur, et croyez que Dieu vous en saura meilleur gré que de cent sorties faites par votre volonté et amour.
3. 4. (...)
Pour votre troisième désir, il est bon aussi : mais mon Dieu ! ma fille, il ne mérite pas qu'on s'y affectionne. Recommandons-le à Dieu : faisons tout bellement ce qui se peut pour le faire réussir, ainsi que je ferai de mon côté; mais au bout de là, si l'oeil de Dieu, qui pénètre l'avenir, voyant que cela ne reviendrait pas peut-être, ni à sa gloire, ni à nos intentions (1), sa divine majesté ordonne autrement, il ne faut pas, ma fille, pour cela en perdre le sommeil d'une heure. Le monde parlera : que dira-t-on ? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voient le monde que pour le mépriser, et qui ne regardent le temps que pour viser à l'éternité. Je m'essaierai de tenir l'affaire liée en sorte que nous la puissions voir achevée ; car vous ne le désirez pas plus que moi : mais, s’il ne plaît pas à Dieu, il ne me plaît pas, ni à vous; car je parle de vous comme de moi.
5. (...)
Demeurez en paix avec un singulier amour de la volonté et providence divine : demeurez avec notre Sauveur crucifié, planté au milieu de votre coeur. Je vis, il y a quelque temps, une fille qui portait un seau d'eau sur sa tête, au milieu duquel, elle avait mis un morceau de bois : je voulus savoir pourquoi ; et elle me dit que c'était pour arrêter le mouvement de l'eau, de peur qu'elle ne s'épanchât. Et donc dorénavant, redis-je, il faut mettre la croix au milieu de nos coeurs, pour arrêter les mouvements de nos affections en ce bois et par ce bois, afin qu'elles ne s'épanchent ailleurs aux inquiétudes et troublements d'esprit. Il faut toujours que je vous dise mes petites cogitations.
Adieu, ma chère fille, à laquelle je suis tout dédié en celui qui s'est tout donné à nous, afin qu'étant morts pour nous, nous ne vivions plus qu'à lui (cf. 2Co 5,14-15). J'écris au bon M. le prévôt, à l'ame duquel j'ai un grand amour, parce qu'elle me semble bonne, ronde et franche. J'écris aussi à notre M. de la Curne, et lui envoie les écrits ci-joints, que je vous prie de lui faire tenir. Vive Jésus et Marie. Amen. Je suis celui que ce même Jésus a rendu vôtre. Je vous écrirai le plus souvent que je pourrai. (...)
(1) Ces intentions étaient que, par le mariage de M. de Torens, frère de notre Saint, avec mademoiselle de Chantal, la bonne mère eût un prétexte d'aller demeurer en Savoie, pour y établir sa congrégation.
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Réflexion sur la fête de la Dédicace, appliquée à la consécration des coeurs et des corps à Dieu par les voeux.
Annecy, le 8 octobre 1608.
Nous célébrons aujourd'hui, ma chère fille, la dédicace de notre église ; mais, entre les offices, je vous viens écrire cette lettre, pour retourner bientôt à l'autel, où je veux avec de particulières affections faire action de grâces à notre doux Sauveur, de la dédicace de nos coeurs et de nos corps, que par sa miséricorde nous lui avons faite par nos voeux. O que nous serons heureux, ma bonne chère fille, si nos temples ne sont point violés ! Qu'à jamais le Saint-Esprit y réside, et ne permette point qu'aucune irrévérence y soit commise ; que ce soient des maisons d'oraison et de prière (cf. Is 54,7 Mt 21,13) où les sacrifices de louanges (cf. Ps 50,14), de mortification et d'amour soient immolés.
O ma fille, que mon coeur est plein de bons souhaits pour le vôtre! Vous dirai-je bien ce sentiment ? Dimanche je fis un sermon du Rosaire, parce que je suis de cette confrérie-là il y a longtemps, et presque toute cette villote en est; et d'autant que je voulais faire entendre à mon cher peuple pourquoi on appelait le chapelet couronne, je fus contraint d'apporter le passage de saint Paul auquel il appelle ses disciples sa couronne: Demeurez ainsi, mes très-chers (Ph 4,1). O ma fille très-chère et très-désirée ! je vous laissai en l'hôpital de Beaune, pleine de désir d'aimer, d'honorer, de servir et d'adorer la volonté de Dieu ; résignant en toutes choses, grandes et petites, la vôtre à, la miséricorde de la sienne : je vous laissai avec notre Seigneur réellement reçu en vous-même, et cela entre les pauvres de notre Seigneur, mon Dieu! ma chère et très-singulièrement chère fille, comme cela vous êtes ma joie et ma couronne ; et demeurez donc ainsi, ma très-chère : demeurez de coeur et d'esprit avec notre Sauveur, demeurez résignée à sa volonté, demeurez entre ses pauvres par affection. Et puisque sa volonté est que vous soyez encore au service et à la conduite de votre famille, demeurez-y en paix avec la fidélité que vous devez à ce saint vouloir. Je suis celui que notre Seigneur veut être tout vôtre, et tout singulièrement vôtre.
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Réflexions sur les vendanges.
Annecy, 12 octobre 1608.
Madame, on m'a dit que vous étiez bien avant en vos vendanges. Dieu soit loué. Il faut que mon coeur vous dise ce mot que je dis l'autre jour à une vendangeuse, qui est bien de vos plus chères cousines.
Es Cantique des cantiques, l'épouse sacrée, parlant à son divin époux, dit que ses mamelles sont meilleures que le vin, odorantes en onguents précieux (Ct 1,1-2). Mais quelles mamelles a cet époux? Ce sont sa grâce et sa promesse ; car il a sa poitrine amoureuse de notre salut, pleine de grâces, qu'il distille d’heure à heure, ains de moments en moments, dedans nos esprits ; et si nous voulons bien y penser, nous trouverons qu'il est ainsi : et de, l'autre côté, il a la promesse de la vie éternelle (cf. Jn 6,69), avec laquelle, comme avec un saint et aimable lait, il nourrit notre espérance, comme avec sa grâce il repaît notre amour.
Cette liqueur précieuse est bien plus délicieuse que le vin. Or, comme on fait vendange en pressant les raisins, on vendange spirituellement en pressant la grâce de Dieu et ses promesses; et pour presser la grâce de Dieu, il faut multiplier l'oraison par les courts mais vifs élancements de nos coeurs ; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les oeuvres de charité; car ce seront elles à qui Dieu donnera l'effet de ses promesses. J'ai été malade, vous m'avez visité (Mt 25,36), dira-t-il. Toutes choses ont leur saison (Qo 3,1): il faut presser le vin en l'une et l'autre sorte de vendange ; mais il faut presser sans s'empresser, avoir du soin sans inquiétude. Encore pensant, ma chère fille, que les mamelles de l'époux soient son flanc percé sur la croix ; ô Dieu ! combien cette croix est un cep tortillé, mais bien chargé ! Il n'y a qu'un seul raisin, mais qui en vaut plus que mille. Combien de grains y ont trouvé les âmes saintes, par la considération de tant de grâces et vertus que ce Sauveur du monde y a montrées.
Faites belles et bonnes vendanges, ma chère fille, et que les unes vous servent d'échelon et de passage aux autres. Saint François aimait les agneaux et moutons, parce qu'ils lui représentaient son cher Sauveur : et je veux que nous aimions ces vendanges temporelles, non-seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond à la demande que nous faisons tous les jours de notre pain quotidien (Lc 11,13), mais aussi, et beaucoup plus, parce qu'elles nous élèvent aux vendanges spirituelles.
Tenez votre coeur plein d'amour, mais d'un amour doux, paisible et rassis. Regardez vos fautes comme celles des autres, avec compassion plutôt, qu'avec indignation, avec plus d'humilité que de sévérité. Adieu, madame, vivez joyeuse, puisque vous êtes toute dédiée à la joie immortelle, qui est Dieu même, qui veuille à jamais vivre et régner au milieu de nos coeurs. Je suis, en lui et par lui, votre, etc.
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Humilité de notre Saint ; il ne pouvait souffrir qu'on eût pour lui la moindre estime.
Annecy, Le jour de saint Simon et saint Jude, 28 octobre 1608.
Je ne saurais maintenant, ma chère fille, répondre à votre lettre du 7 de ce mois, que je reçus hier au soir bien tard; car il faut que je dise messe, et que j'aille visiter une église à une lieue d'ici. Je diray ce que je pourrai.
Ma fille, je ne suis que vanité, et néanmoins je ne m'estime pas tant que vous m'estimez. Je voudrais bien que vous me connussiez bien ; vous ne laisseriez pas d'avoir une absolue confiance en moi, mais vous ne m'estimeriez guère. Vous diriez : Voilà un jonc sur lequel Dieu veut que je m'appuie : je suis bien assurée, puisque Dieu le veut ; mais le jonc ne vaut pourtant rien.
Hier, après avoir lu votre lettre, je me promenai deux tours, avec les yeux pleins d'eau, de voir ce que je suis et ce qu'on m'estime. Je vois donc ce que vous m'estimez, et m'est avis que cette estime vous contente beaucoup : cela, ma fille, c'est une idole. Or bien, ne: vous fâchez point pour cela ; car Dieu n'est point offensé des péchés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder s'il est possible. Vos affections fortes s'adouciront tous les jours parles fréquentes actions de l'indifférence. Revoyez une lettre que je vous écrivis au commencement (1), de la liberté d'esprit. Adieu, ma fille très-chère ; je suis celui que Dieu rend toujours vôtre.
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(Communiquée par M. l'abbé de Bourdeillc, chanoine de la cathédrale de Troyes.)
Conseils spirituels.
Annecy, le 6 novembre 1608.
Madame,
1. hâté du soudain départ de...... votre porteur, je vous répondrai brièvement. Écrivez-moi toujours quand il vous plaira, avec entière confiance et sans cérémonie; car, en cette sorte d'amitié, il faut cheminer comme cela. Moquez-vous, je vous prie, de toutes ces menues pensées de vaine, gloire qui se viennent présenter à votre âme parmi vos bonnes actions'; car ce ne sont proprement que des mouches, lesquelles ne vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner. Ne vous amusez donc point à examiner.si vous y avez, consenti ou non; mais tout simplement continuez vos oeuvres comme si cela ne vous regardait nullement.
2. Ne poussez pas votre coeur à la pitié ou compassion en la méditation de la passion du Sauveur ; car il suffit en toutes méditations d'en tirer de bonnes résolutions pour notre amendement et fermeté en l'amour de Dieu, encore que ce soit sans larmes, sans soupirs et sans douceur de coeur ; car il y a bien de la différence entre la tendreté de coeur que nous désirons, parce qu'elle console, et la fermeté de coeur que nous devons désirer, parce qu'elle nous rend vrais serviteurs de Dieu. Ne répondez non plus aucun mot à la pensée déshonnête qui vous arrive ; seulement dites en votre coeur à notre Seigneur : O Seigneur, vous savez que je vous honore. Ah! je suis toute vôtre; et passez outre sans disputer avec cette tentation.
3. Ne vous troublez point du défaut de votre examen de conscience ; car il ne peut pas être grand, puisque vous avez désir de vous bien purifier : il ne faut pas tourmenter son âme quand on la sent désireuse d'être fidèle à Dieu. Quand vous n'aurez pas votre confesseur ordinaire, il ne faut pas laisser d'aller à un autre, regardant à Dieu, et non pas à l'homme qui confesse ou absout, mêmement vous confessant souvent, comme vous faites ; Dieu soit toujours au milieu de votre coeur. Je suis en lui, madame, votre, etc.
Il l'exhorte à persévérer constamment dans la réforme de son monastère, malgré sa mauvaise santé. Il veut qu'elle travaille à cette oeuvre doucement, courageusement et avec confiance en Dieu, sans altérer sa santé.
Décembre 1608.
Ma très-chère fille, j'attends impatiemment des nouvelles plus grandes de votre santé, que celles que j'en ai reçues jusqu'à présent : ce sera quand il plaira à notre Seigneur, auquel je la demande affectionnément, estimant qu'elle sera employée à sa gloire, et à l'acheminement et perfection de l'oeuvre encommencée en votre monastère.
Je suis toujours en peine de savoir si vous aurez encore point rencontré de personnage propre pour la conduite de cette troupe d'âmes, qui sans doute ne peut autrement être qu'avec beaucoup de troublement et d'inquiétudes, qui sont ces herbes qui croissent volontiers dans les monastères mal cultivés, et principalement en ceux des filles. Mais surtout je voudrais fort entendre quels progrès vous espérez pour la clausure ; s'il sera pas possible de tenir la porte fermée aux hommes, au moins avec la modération que je vous avais écrite, laquelle n'était que trop facile, ce me semble, et telle que M. votre père ne pouvait trouver mauvaise. Certes, il faut travailler tout doucement, ma chère fille; mais bien soigneusement, car de là dépend le bon ordre de tout le reste.
Courage, ma chère fille : je sais combien d'ennuis, combien de contradictions il y a en semblables besognes ; mais c'est parce qu'elles sont grandes et pleines de fruit. Ménagez votre santé, afin qu'elle vous serve à servir Dieu. Soyez soigneuse, mais gardez-vous des empressements. Présentez à Dieu votre petite coopération, et soyez certaine qu'il l'agréera et bénira de sa sainte main. Adieu, ma chère fille, je supplie sa sainte bonté qu'elle vous assiste à jamais, et je suis extrêmement, et de tout mon coeur, tout vôtre, et plus que vôtre.
(1) Cette lettre est datée du 14 octobre 1604.
Du repos de nos coeurs dans la volonté de Dieu.
La veille du glorieux saint Nicolas, 5 décembre 1608.
Ma très-chère fille, depuis mon retour de la visite, j'ai eu quelque ressentiment de fièvre catarrheuse. Notre médecin n'a point voulu réordonner d'autre remède que le repos, et je lui ai obéi. Vous savez, ma fille, que c'est aussi le remède que j'ordonne volontiers, que la tranquillité, et que je défends toujours l'empressement. C'est pourquoi, en ce repos corporel, j'ai pensé au repos spirituel que nos coeurs doivent avoir en la volonté de Dieu, où qu'elle nous porte : mais il ne m'est pas possible d'étendre les considérations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loisir bien franc et net.
"Vivons, ma chère fille, vivons, tandis qu'il plaît à Dieu, en cette vallée de misères, avec une entière soumission à sa sainte volonté souveraine. Ah ! que nous sommes redevables à sa bonté, qui nous a fait désirer avec tant de résolution de vivre et mourir en sa dilection! Sans doute, ma fille, nous le désirons, nous y sommes résolus : espérons encore que ce grand Sauveur, qui nous donne le vouloir, nous donnera aussi la grâce de le parfaire (Ph 2,15).
Je considérais l'autre jour ce que quelques auteurs disent des alcyons (2-), petits oiselets qui pondent sur la rade de la mer. C'est qu'ils font des nids tout ronds, et si bien pressés, que l'eau de la mer ne peut nullement les pénétrer; et seulement au-dessus il ya un petit trou par lequel ils peuvent respirer et aspirer. Là-dedans ils logent leurs petits, afin que, la mer les surprenant, ils puissent nager en assurance, et flotter sur les vagues sans se remplir ni submerger ; et l'air qui se prend par le petit trou sert de contrepoids, et balance tellement ces petits pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.
O ma fille! que je souhaite que nos coeurs soient comme cela bien pressés, bien calfeutrés de toutes parts ; afin que si les tourmentes et tempêtes du monde les saisissent, elles ne les pénètrent pourtant point, et qu'il n'y ait aucune ouverture que du côté du ciel, pour aspirer et respirer à notre Sauveur ! Et ce nid, pour qui serait-il fait, ma chère fille ? Pour les petits poussins de celui qui l'a fait pour l'amour de Dieu, pour les affections divines et célestes.
Mais pendant que les alcyons bâtissent leurs nids, et que leurs petits sont encore tendres pour supporter l'effort des secousses des vagues, hélas ! Dieu en a le soin, et leur est pitoyable, empêchant la mer de les enlever et saisir. O Dieu ! ma fille, et donc cette souveraine bonté assurera le nid de nos coeurs pour son saint amour, contre tous les assauts du monde, où il nous garantira d'être assaillis. Ah ! que j'aime ces oiseaux qui sont environnés d'eaux, et ne vivent que de l'air ; qui se cachent en mer, et ne voient que le ciel ! Ils nagent comme poissons, et chantent comme oiseaux; et ce qui plus me plaît, c'est que l'ancre est jetée du côté d'en haut, et non du côté d'en bas, pour les affermir contre les vagues. O ma soeur, ma fille ! le doux Jésus veuille nous rendre tels, qu'environnés du monde et de la chair, nous vivions de l'esprit; que, parmi les vanités de la terre, nous visions toujours au ciel ; que, vivant avec les hommes, nous le louions avec les anges ; et que l'affermissement de nos espérances soit toujours en haut et au paradis !
O ma fille ! il a fallu que mon coeur ait jeté cette pensée sur ce papier, jetant aux pieds du crucifix ses souhaits, afin qu'en tout et partout le saint amour divin soit notre grand amour. Hélas ! mais quand sera-ce qu'il nous consumera ? et quand consumera-t-il notre vie, pour nous faire mourir à nous-mêmes, et nous faire revivre à notre Sauveur ? A lui seul soit à jamais honneur, gloire et bénédiction. Mon Dieu! ma chère fille, qu'est-ce que je vous écris? je veux dire, à quel propos cela? O ma fille ! puisque notre invariable propos et finale et invariable résolution tend incessamment à l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous. Adieu, ma fille ; oui, je dis ma vraie fille en celui duquel le saint amour me rend obligé, ains tout consacré d'être, vivre, mourir, et revivre à jamais vôtre, et tout vôtre. Vive Jésus ! que Jésus vive et Notre-Dame! Amen.
(2) L'alcyon est une espèce d'oiseau de mer de la grosseur d'une caille : il a le plumage bleu, vert et rouge, le corps de couleur rousse et enfumée, le bec tranchant; les jambes et les pieds cendrés. Il fait son nid sur la mer, vers le solstice d'hiver, dans les jours où la mer est calme, et que l'on appelle jours alcyo-nieris, à causé de cet oiseau. On l'appelle aussi martinet, oiseau de Saint-Martin, martinet pêcheur et drapier.
(Tirée de la vie de la mère Blonay, par Ch.-Aug. de Sales.)
Il lui fait part de l'acquisition de mademoiselle de Blonay pour sa future congrégation.
Vers le 2o décembre 1608.
Courage, ma fille, Dieu nous veut aider eh notre dessein ; il nous prépare des âmes d'élite. Mademoiselle de Blonay, de laquelle autrefois je vous ai parlé, m'a déclaré son désir d'être religieuse. Dieu l'a marquée pour être de la congrégation. Je lui ai dit de me laisser gouverner son secret, et je veux me rendre bien soigneux de servir cette âme en son inspiration ; car Dieu m'a donné quelque mouvement particulier là-dessus. Je tiens déjà cette fille pour vôtre et pour mienne.
Il est toujours plus vrai que Dieu nous a donné mademoiselle de Blonay : vous verrez que vous l'aimerez lorsque vous la connaitrez ; et je serai le plus trompé du monde, ou Dieu la dispose à quelque chose de bien grand et de bien bon selon notre dessein.
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F. de Sales, Lettres 447