Homélies

A la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger

Matthieu 9, 36

Sermon de saint Grégoire de Nysse, évêque

La Parole du Seigneur nous ordonne de nous méfier des faux prophètes " qui viennent a nous, dit-elle, déguisés en brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces ". " C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. " C’est donc le fruit qui permet de discerner la brebis véritable du séducteur des brebis : ce dernier, sous des apparences douces, se glisse au milieu du troupeau rassemblé et cache sous cette douceur empruntée une bouche emplie d’amertume. Il convient donc de connaître les fruits, les bons et les mauvais, afin de mettre à jour la manière dont se manifeste la fraude. " A leurs fruits vous les reconnaîtrez. " : Eh bien, à mon avis, le bon fruit de tout enseignement dans l’Eglise est l’accroissement du nombre des sauvés, le fruit pourri et empoisonné est la division de ses membres.

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Si donc quelqu’un, par ses paroles, accroît le troupeau, fait grimper la vigne dans tous les coins de la maison, plante autour de la table du Seigneur ceux qui, oliviers sauvages, sont devenus de jeunes plants d’oliviers et fait circuler dans ces branches mystérieuses la sève douce et bienfaisante de l’enseignement évangélique qui féconde les troupeaux : alors les biens de Laban diminuent tandis que ceux de Jacob croissent et se multiplient dans l’abondance en une postérité merveilleuse. Si quelqu’un, par sa prédication, produit ces fruits, car le fruit est, comme on l’a dit, le fait de répandre la vérité évangélique, c’est un véritable prophète, un interprète du dessein de Dieu dans la lumière de l’Esprit.

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Si quelqu’un, au contraire, coupe les sarments de la vigne, pousse à déserter la table du Seigneur, déracine les nouveaux plants, tend des embûches autour de l’abreuvoir spirituel, de sorte que les troupeaux ne puissent plus concevoir devant les baguettes du patriarche, ni grossir le troupeau de bêtes remarquables, s’il laisse le troupeau s’égarer loin des gras pâturages, je veux dire les enseignements transmis par les Pères, s’il le laisse séjourner hors des bergeries, se disperser vers d’autres prairies, s’il fait cela, nous sommes à même de bien voir le comportement du loup, caché sous la peau de brebis.

 

Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie sur la moisson abondante, 10, 2-3 ; PG 63, 519-521.

Tous les travaux de l’agriculteur aboutissent naturellement à la moisson. Comment donc, dis-moi, le Christ a-t-il appelé une oeuvre qui en était encore à ses débuts une moisson ? L’idolâtrie régnait sur toute la terre.

<> Partout, la fornication, l’adultère, la débauche, la cupidité, le vol, les guerres. <> La terre était emplie de tant de maux ! Aucune semence n’y avait encore été jetée. Les épines, les chardons et les mauvaises herbes, qui recouvraient le sol, n’avaient pas encore été arrachés. Aucune charrue n’avait encore été tirée, aucun sillon tracé.

Comment donc Jésus peut-il dire que la moisson est abondante ? Oui, comment donne-t-il ce nom à l’Evangile dans de telles circonstances juste avant d’envoyer ses Apôtres partout dans ce monde ? Ils sont probablement bouleversés et déconcertés, ils doivent se faire ces réflexions : "Comment pourrons-nous même ouvrir la bouche, nous tenir debout, discuter, paraître devant tant de milliers d’hommes ? Nous, les Onze, comment corrigerons-nous tous les habitants de la terre ? Saurons-nous, ignorants, aborder des savants ; nous, qui sommes dépouillés, des hommes armés ; nous, des subordonnés, des autorités ? Nous qui ne connaissons qu’une langue, arriverons-nous à discuter dans tant de dialectes, avec les peuples barbares qui parlent des langues étrangères ? Qui nous supportera sans même comprendre notre langue ?"

Jésus ne veut pas que de pareils raisonnements les plongent dans le désarroi. Aussi appelle-t-il l’Evangile une moisson. C’est comme s’il leur disait : "Tout est préparé, toutes les dispositions ont été prises. Je vous envoie récolter le grain mûr, vous pourrez semer et moissonner le même jour."

Quand l’agriculteur sort de chez lui pour aller faire la moisson, il déborde de joie et resplendit de bonheur. Il n’envisage ni les peines ni les difficultés qu’il pourra rencontrer. Ayant en tête la moisson qui va lui revenir, il court, se hâte de faire la récolte annuelle. Absolument rien ne peut le retenir, l’empêcher ou le faire douter de l’avenir :

ni pluie, ni grêle, ni sécheresse, ni légions de sauterelles malfaisantes. Ceux qui s’apprêtent à moissonner ne connaissent pas ces inquiétudes, si bien qu’ils se mettent au travail en dansant et en bondissant de joie.

Vous devez être comme eux et aller par toute la terre avec une joie beaucoup plus grande encore. C’est la moisson qui l’emporte. La moisson que vous avez à faire est très facile, elle vous attend sur des champs tout préparés. Le seul effort qui vous est demandé est de parler. Prêtez-moi votre langue, dit le Christ, et vous verrez le grain mûr entrer dans les greniers du roi. Aussi les envoie-t-il ensuite en leur disant : Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu ‘à la fin du monde (Mt 28,20).

9, 36 : II, II, 30 ARTICLE 1 : La miséricorde a-t-elle pour cause en nous le mal d’autrui ?

Objections : 1. Il ne semble pas, car la faute, avons-nous dit, est un mal plus grand que la peine. Or la faute, loin de susciter la miséricorde, provoque plutôt l’indignation. Donc le mal n’est pas ce qui motive la miséricorde.

En sens contraire, S. Jean Damascène fait de la miséricorde une espèce de tristesse ; or c’est le mal qui provoque la tristesse ; c’est donc lui aussi qui détermine la miséricorde.

Réponse : " La miséricorde, dit S. Augustin, est la compassion que notre coeur éprouve en face de la misère d’autrui, sentiment qui nous pousse à lui venir en aide si nous le pouvons. " Le mot miséricorde signifie en effet un coeur rendu misérable par la misère d’autrui. Or la misère est l’opposé du bonheur ; et la béatitude ou le bonheur consiste à posséder ce que l’on veut (conformément à la justice). " Celui-là est bienheureux, dit S. Augustin, qui a tout ce qu’il veut, et ne veut rien pour un motif mauvais. " La misère, au contraire, consiste à subir ce que l’on ne veut pas. Or il y a trois manières de vouloir quelque chose. 1 Par appétit naturel : ainsi tous veulent exister et vivre. 2 On veut quelque chose par choix délibéré. 3 On veut une chose non pour elle-même mais dans sa cause ; ainsi lorsque quelqu’un veut manger ce qui lui fait mal, nous disons que, d’une certaine façon, il veut se rendre malade.

Ainsi donc le motif de la miséricorde se prend du côté de la misère. Il peut consister tout d’abord en ce qui contrarie l’appétit naturel de celui qui veut, c’est-à-dire les maux destructeurs et accablants dont nous recherchons naturellement le contraire : " La miséricorde, dit en ce sens Aristote, est la tristesse causée à la vue d’un mal destructeur et accablant. " - En deuxième lieu, les maux dont on vient de parler suscitent davantage encore la miséricorde s’ils s’opposent à un choix volontaire libre ; de là cette remarque d’Aristote au même endroit : sont dignes de compassion " les maux qui ont pour cause la malchance " par exemple " s’il nous arrive du mal là ou nous espérions du bien ". - Enfin, sont encore plus dignes de compassion les maux qui vont à l’encontre de la volonté tout entière, comme c’est le cas de celui qui a toujours cherché le bien et à qui il n’arrive que du mal ; ce qui fait dire à Aristote : " On s’apitoie surtout du malheur de celui qui souffre sans l’avoir mérité. "

Solutions : 1. Il appartient à la notion de faute d’être volontaire. Et à ce titre elle n’est pas objet de miséricorde, mais plutôt de punition. Toutefois, parce que la faute peut être une certaine peine, en ce sens que des maux contraires à la volonté de celui qui pèche peuvent l’accompagner, elle est apte sous ce rapport à inspirer la miséricorde. C’est ainsi que nous avons des sentiments de pitié et de compassion pour les pécheurs : " La vraie justice, dit S. Grégoire, n’a pas pour eux du dédain, mais de la compassion. " Et nous voyons en S. Matthieu (Mt 9,36) que Jésus " à la vue des foules, eut pitié d’elles, car ces gens étaient las et prostrés, comme des brebis qui n’ont pas de berger ".

9, 35-36 : Pastores dabo vobis 22

22 L’image de Jésus Christ Pasteur de l’Eglise, son troupeau, reprend et présente, avec des nuances nouvelles et plus suggestives, les mêmes sens que celle de Jésus Christ Tête et Serviteur. Réalisant l’annonce prophétique du Messie Sauveur, chantée joyeusement par le psalmiste en prière et par le Prophète Ezéchiel (cf. Ps 23 ; Ez 34,11-16), Jésus se présente lui-même comme " le Bon Pasteur " (Jn 10,11 ; Jn 10,14) non seulement d’Israël mais de tous les hommes (cf. Jn 10,16). Et sa vie est une manifestation ininterrompue, et même une réalisation quotidienne de sa " charité pastorale " : il éprouve de la compassion pour les foules parce qu’elles sont fatiguées et épuisées, comme des brebis sans pasteur (cf. Mt 9,35-36) ; il cherche celles qui sont perdues et dispersées (cf. Mt 18,12-14), et il éclate de joie quand il les a retrouvées ; il les rassemble et les défend ; il les connaît et les appelle une à une (cf. Jn 10,3) ; il les conduit sur des prés d’herbe fraîche et vers des eaux tranquilles (cf. Ps 23) ; pour elles, il prépare la table, les nourrissant de sa propre vie. Le Bon Pasteur offre sa vie, dans sa mort et sa résurrection, comme le chante la liturgie romaine de l’Eglise : " Il est ressuscité, Jésus, le vrai Pasteur, lui qui a donné sa vie pour son troupeau, lui qui a choisi de mourir pour nous sauver, Alleluia ".(48)

48- Missel romain, Antienne de la communion du quatrième dimanche de Pâques.

Pierre appelle Jésus le " Chef des pasteurs " (1P 5,4) parce que son oeuvre et sa mission se poursuivent dans l’Eglise, par les Apôtres (cf. Jn 21,15-17) et leurs successeurs (cf. 1P 5,1-4), par les prêtres. En vertu de leur consécration, les prêtres sont configurés à Jésus le Bon Pasteur et sont appelés à imiter et à revivre sa propre charité pastorale.

Le don que le Christ fait de lui-même à son Eglise, fruit de son amour, prend le sens original du don propre de l’époux envers son épouse, comme le suggèrent plus d’une fois les textes sacrés. Jésus est l’époux véritable, qui offre le vin du salut à l’Eglise (cf. Jn 2,11). Lui, qui est " la Tête de l’Eglise, lui le Sauveur du Corps " (Ep 5,23), " a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée " (Ep 5,25-27). L’Eglise est certes le corps dans lequel le Christ Tête est présent et opérant, mais elle est aussi l’Epouse, qui sort comme une nouvelle Eve du côté ouvert du Rédempteur sur la Croix : c’est pourquoi le Christ se tient " devant " l’Eglise, " la nourrit et en prend soin " (cf. Ep 5,29) par le don de sa vie pour elle. Le prêtre est appelé à être l’image vivante de Jésus Christ, Epoux de l’Eglise(49) : assurément, il reste toujours dans la communauté dont il fait partie, comme croyant, uni à tous ses frères et ses soeurs rassemblés par l’Esprit ; mais, en vertu de sa configuration au Christ Tête et Pasteur, il se trouve en cette situation sponsale, qui le place en face de la communauté. " En tant qu’il représente le Christ Tête, Pasteur et Epoux de l’Eglise, le prêtre a sa place non seulement dans l’Eglise, mais aussi en face de l’Eglise "(50). C’est pourquoi il est appelé, dans sa vie spirituelle, à revivre l’amour du Christ époux envers l’Eglise épouse. Sa vie doit donc être illuminée et orientée par ce caractère sponsal qui lui demande d’être témoin de l’amour sponsal du Christ ; ainsi sera-t-il capable d’aimer les gens avec un coeur nouveau, grand et pur, avec un authentique détachement de lui-même, dans un don de soi total, continu et fidèle. Et il en éprouvera comme une " jalousie " divine (cf. 2Co 11,2), avec une tendresse qui se pare même des nuances de l’affection maternelle, capable de supporter les " douleurs de l’enfantement " jusqu’à ce que " le Christ soit formé " dans les fidèles (cf. Ga 4,19).

49- MD 26 .

50- Propositio 7.

 

9, 36 : Presbyterorum Ordinis 11 - Le souci des prêtres pour les vocations sacerdotales

Le pasteur et le gardien de nos âmes(1) en fondant son Eglise a pensé que le peuple choisi et acquis au prix de son propre sang(2) devait toujours avoir ses prêtres jusqu’à la fin du monde, pour que les chrétiens ne soient jamais comme des brebis qui n’ont pas de berger (3 - cf. Mt 9,36). Les apôtres ont compris cette volonté du Christ : écoutant ce que leur disait le Saint- Esprit, ils ont jugé qu’il était de leur devoir de choisir des ministres " qui seront capables d’en instruire d’autres à leur tour " 2Tm 2,2 . Ce devoir découle de la mission sacerdotale elle-même, par laquelle le prêtre participe au souci qu’a toute l’Eglise d’éviter toujours ici-bas le manque d’ouvriers dans le peuple de Dieu. Mais comme " le capitaine du navire et les passagers....ont leur cause liée " (4), il faut faire comprendre à l’ensemble du peuple chrétien son devoir de coopérer de diverses manières - par la prière instante comme par les autres moyens dont elle dispose - à ce que l’Eglise ait toujours les prêtres dont elle a besoin pour accomplir sa mission divine. Il s’agit d’abord, pour les prêtres, d’avoir à coeur de faire comprendre aux chrétiens combien le sacerdoce est important et nécessaire ; ils y arriveront à la fois par leur prédication et par leur propre vie, qui doit être un témoignage rayonnant d’esprit de service et de vraie joie pascale. Et si après mûre réflexion, ils jugent certains jeunes ou déjà adultes, capables de remplir ce grand ministère, ils les aideront sans craindre les efforts ni les difficultés, à se préparer comme il convient jusqu’au jour où, dans le respect total de leur liberté extérieure et intérieure, ils pourront être appelés par les évêques. Une direction spirituelle attentive et réfléchie leur sera très utile pour atteindre ce but. Les parents, les maîtres et les différents autres éducateurs doivent faire en sorte que les enfants et les jeunes soient conscients de la sollicitude du Seigneur pour son troupeau, avertis des besoins de l’Eglise et prêts, si le Seigneur les appelle, à répondre généreusement avec le prophète : " Me voici, envoie moi " Is 6,8 . Mais cette voix du Seigneur qui appelle, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle arrive aux oreilles du futur prêtre d’une manière extraordinaire. Il s’agit bien plutôt de la découvrir de la discerner à travers les signes qui, chaque jour, font connaître la volonté de Dieu aux chrétiens qui savent écouter : c’est à ces signes que les prêtres doivent donner toute leur attention.

(1) cf. 1P 2,25 (2) cf. Ac 20,28 (4) cf. Pont.Rom., " De ordinatione Presbyteri "

Il est donc conseillé aux prêtres de participer aux oeuvres diocésaines ou nationales des vocations. Les prédications, la catéchèse, les revues doivent apporter une information précise sur les besoins de l’Eglise locale et universelle, mettre en lumière le sens et la grandeur du ministère sacerdotale, montrer qu’on y trouve, avec bien des charges, également bien des joies, et surtout dire que c’est le moyen de donner au Christ comme l’enseignent les Pères, un très grand témoignage d’amour (5 - cf. Jn 21,17 commenté par Jean Chrysostome De Sacerdotio II,1-2 PG 47-48,633).

 

9, 37-38 : Christifideles laici 35 : Allez dans le monde entier

L’Eglise, qui observe et vit l’urgence actuelle d’une nouvelle évangélisation, ne peut esquiver la mission permanente qui est celle de porter l’Evangile à tous ceux qui et ils sont des millions et des millions d’hommes et de femmes ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l’homme. C’est là la tâche la plus spécifiquement missionnaire que Jésus a confiée et de nouveau confie chaque jour à Son Eglise.

Le travail des fidèles laïcs, qui par ailleurs n’a jamais fait défaut dans ce domaine, se révèle aujourd’hui toujours plus nécessaire et de plus grand prix. En fait, l’ordre du Seigneur "Allez dans le monde entier" continue à trouver beaucoup de laïcs généreux, prêts à quitter leur milieu de vie, leur travail, leur province, et leur patrie, pour se rendre, au moins pour une période déterminée, en pays de mission. Même des couples chrétiens, à l’exemple d’Aquila et de Priscille (cf. Ac 18 ; Rm 16,3 cf. et suiv.), offrent un témoignage réconfortant d’amour passionné du Christ et de l’Eglise par leur présence active dans des pays de mission. Autre présence missionnaire authentique, celle de chrétiens qui, vivant pour des motifs divers dans des pays ou des milieux ou l’Eglise n’est pas encore établie, témoignent de leur propre foi.

Mais le problème missionnaire se présente de nos jours à l’Eglise avec une ampleur et une gravité telles que seule une prise en charge vraiment solidaire des responsabilités de la part de tous les membres de l’Eglise, individuellement ou en groupe, peut donner l’espoir d’une réponse plus efficace.

L’invitation que le Concile Vatican II a adressée aux Eglises particulières garde toute sa valeur ; elle demande même aujourd’hui un accueil plus étendu et plus décidé : "L’Eglise particulière, étant tenue de représenter le plus parfaitement possible l’Eglise universelle, doit savoir nettement qu’elle a été envoyée aussi ceux qui ne croient pas au Christ" (126).

129- Rm 20 ; Rm 37

L’Eglise doit faire aujourd’hui un grand pas en avant dans l’évangélisation, elle doit entrer dans une nouvelle étape historique de son dynamisme missionnaire. En un monde ou ont été éliminées les distances et qui se fait plus petit, les communautés ecclésiales doivent s’unir entre elles, échanger leurs énergies et leurs moyens, s’engager ensemble dans l’unique et commune mission d’annoncer et de vivre l’Evangile. "Les Eglises qu’on appelle jeunes Eglises ont déclaré les Pères du Synode ont besoin de la force des Eglises anciennes, et en même temps celles-ci ont besoin du témoignage et de la poussée des jeunes Eglises, de sorte que chacune de ces

jeunes Eglises, de sorte que chacune de ces Eglises puise aux richesses des autres"(127).

127- Propositio 29

Au cours de cette nouvelle étape, la formation non seulement d’un clergé local mais aussi d’un laïcat mûr et responsable se pose dans les jeunes Eglises comme élément essentiel et inéluctable de l’implantation de l’Eglise(128). Et ainsi les communautés évangélisées s’élancent elles-mêmes vers de nouveaux pays du monde pour répondre à leur tour à la mission d’annoncer l’Evangile du Christ et d’en porter témoignage.

128- Mt 21

Par l’exemple de leur vie et par leur action, les fidèles laïcs peuvent améliorer les rapports entre les adeptes des différentes religions, comme l’ont noté fort à propos les Pères du Synode : "Aujourd’hui l’Eglise vit partout au milieu d’hommes pratiquant des religions différentes... Tous les fidèles, spécialement les laïcs qui vivent au milieu de peuples d’autres religions, que ce soit leur pays d’origine ou un pays ou ils ont émigré, ces laïcs devront être pour les habitants de ces pays un signe du Seigneur et de son Eglise, d’une façon adaptée aux circonstances de vie de chaque pays. Le dialogue entre les religions est de toute première importance parce qu’il conduit à l’amour et au respect réciproque ; il efface ou tout au moins atténue les préjugés entre les adeptes des diverses religions et promeut l’unité et l’amitié entre les peuples"(129).

129- Propositio 30bis

Pour l’évangélisation des peuples, il faut avant tout des apôtres.A cette fin, nous devons tous, à commencer par les familles chrétiennes, percevoir la responsabilité qui est la nôtre de favoriser l’essor et la maturation de vocations spécifiquement missionnaires, sacerdotales, religieuses ou laïques, en usant de tous les moyens favorables, sans jamais négliger le moyen privilégié qu’est la prière, selon la parole même du Seigneur Jésus : "La moisson est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson" (Mt 9,37-38).

9, 37 : Laborem exercens 26 Le Christ, l’homme du travail

Cette vérité d’après laquelle l’homme participe par son travail à l’oeuvre de Dieu lui-même, son Créateur, a été particulièrement mise en relief par Jésus-Christ, ce Jésus dont beaucoup de ses premiers auditeurs à Nazareth "demeuraient frappés de stupéfaction et disaient : " D’ou lui vient tout cela ? Et quelle est la sagesse qui lui a été donnée ? ... N’est-ce pas là le charpentier ? "" (40). En effet, Jésus proclamait et surtout mettait d’abord en pratique l’"Evangile" qui lui avait été confié, les paroles de la Sagesse éternelle. Pour cette raison, il s’agissait vraiment de l’"évangile du travail" parce que celui qui le proclamait était lui-même un travailleur, un artisan comme Joseph de Nazareth (41). Même si nous ne trouvons pas dans les paroles du Christ l’ordre particulier de travailler mais bien plutôt, une fois, l’interdiction de se préoccuper de manière excessive du travail et des moyens de vivre (42), sa vie n’en a pas moins une éloquence sans équivoque : il appartient au "monde du travail" ; il apprécie et il respecte le travail de l’homme ; on peut même dire davantage : il regarde avec amour ce travail ainsi que ses diverses expressions, voyant en chacune une manière particulière de manifester la ressemblance de l’homme avec Dieu Créateur et Père. N’est-ce pas lui qui dit : "Mon Père est le vigneron..." (43), transposant de diverses manières dans son enseignement la vérité fondamentale sur le travail exprimée déjà dans toute la tradition de l’Ancien Testament, depuis le Livre de la Genèse ?

40- Mc 6,2-3

41- Mt 13,55

42- Mt 6,25-34

43- Jn 15,1

Dans les livres de l’Ancien Testament, les références au travail ne manquent pas, pas plus qu’aux diverses professions que l’homme exerce : le médecin (44), l’apothicaire (45), l’artisan ou l’artiste (46), le forgeron (47) on pourrait appliquer ces paroles au travail des sidérurgistes modernes _, le potier (48), l’agriculteur (49), le sage qui scrute les Ecritures (50), le marin (51), le maçon (52), le musicien (53), le berger (54) le pêcheur (55). On sait les belles paroles consacrées au travail des femmes (56). Dans ses paraboles sur le Royaume de Dieu, Jésus-Christ se réfère constamment au travail : celui du berger (57), du paysan (58), du médecin (59), du semeur (60), du maître de maison (61), du serviteur (62), de l’intendant (63), du pêcheur (64), du marchand (65), de l’ouvrier (66). Il parle aussi des divers travaux des femmes (67). Il présente l’apostolat à l’image du travail manuel des moissonneurs (68- Mt 9,37 ; Jn 4,35-38) ou des pêcheurs (69). Il se réfère aussi au travail des scribes (70).

44- Si 38,1-3 45- Si 38,4-8 46- Ex 31,1-5 ; Si 38,27 47- Gn 4,22 ; Is 44,12 48- Jr 18,3-4 ; Si 38,29-30 49- Gn 9,20 ; Is 5,1-2 50- Qo 12,9-12 Si 39,1-8 Is 51-0 ; Is 107,23-30 (Ps 108) Sg 14,2-3 52- Gn 11,3 ; 2R 12,12-13 ; 2R 22,5-6 53- Gn 4,21 54- Gn 4,2 ; Gn 37,3 ; Ex 3,1 ; 1S 16,11 55- Ez 47,10 56- Pr 31,15-27 57- Jn 10,1-16 58- Mc 12,1-12 59- Lc 4,23 60- Mc 4,1-9 61- Mt 13,52 62- Mt 24,45 ; Lc 12,41-48 63- Lc 16,1-8 64- Mt 13,47-50 65- Mt 13,45-46 66- Mt 20,1-16 67- Mt 13,33 ; Lc 15,8-9 69- Mt 4,19 70- Mt 13,52

 

Cet enseignement du Christ sur le travail, fondé sur l’exemple de sa vie durant les années de Nazareth, trouve un écho très vif dans l’enseignement de l’Apôtre Paul. Paul, qui fabriquait probablement des tentes, se vantait de pratiquer son métier (71) grâce auquel il pouvait, tout en étant apôtre, gagner seul son pain (72). "Au labeur et à la peine nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à charge à aucun d’entre vous" (73). De là découlent ses instructions au sujet du travail, qui ont un caractère d’exhortation et de commandement : "A ces gens-là ... nous prescrivons, et nous les y exhortons dans le Seigneur Jésus-Christ : qu’ils travaillent dans le calme, pour manger un pain qui soit à eux", écrit-il aux Thessaloniciens (74). Notant en effet que certains "vivent dans le désordre ... sans rien faire" (75), l’Apôtre, dans ce contexte, n’hésite pas à dire : "Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus" (76). Au contraire, dans un autre passage, il encourage : " Quoi que vous fassiez, travaillez de toute votre âme, comme pour le Seigneur et non pour les hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage en récompense" (77).

71- Ac 18,3 72- Ac 20,34-35 73- 2Th 3,8 Saint Paul reconnaît le droit qu’ont les missionnaires aux moyens de subsistance : 1Co 9,6-14 ; Ga 6,6 ; 2Th 3,9 ; Lc 10,7 74- 2Th 3,12 75- 2Th 3,11 76- 2Th 3,10 77- Col 3,23-24

Les enseignements de l’Apôtre des nations ont, comme on le voit, une importance capitale pour la morale et la spiritualité du travail. Ils sont un complément important au grand, bien que discret, évangile du travail que nous trouvons dans la vie du Christ et dans ses paraboles, dans ce que Jésus "a fait et a enseigné" (78).

78- Ac 1,1

A cette lumière émanant de la Source même, l’Eglise a toujours proclamé ce dont nous trouvons l’expression contemporaine dans l’enseignement de Vatican II : "De même qu’elle procède de l’homme, l’activité humaine lui est ordonnée. De fait, par son action, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il se parfait lui-même. Il apprend bien des choses, il développe ses facultés, il sort de lui-même et se dépasse. Cette croissance, si elle est bien comprise, est d’un tout autre prix que l’accumulation de richesses extérieures... Voici donc la règle de l’activité humaine : qu’elle serve au bien authentique de l’humanité, conformément au dessein et à la volonté de Dieu, et qu’elle permette à l’homme, considéré comme individu ou comme membre de la société, de développer et de réaliser sa vocation dans toute sa plénitude" (79).

79- GS 35

Dans une telle vision des valeurs du travail humain, c’est-à-dire dans une telle spiritualité du travail, on s’explique pleinement ce qu’on peut lire au même endroit de la constitution pastorale du Concile sur la juste signification du progrès : "L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir la base matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait impuissants, par eux seuls, à la réaliser" (80).

80- GS 35

Cette doctrine sur le problème du progrès et du développement thème si dominant dans la mentalité contemporaine peut être comprise seulement comme fruit d’une spiritualité du travail éprouvée, et c’est seulement sur la base d’une telle spiritualité qu’elle peut être réalisée et mise en pratique. C’est la doctrine et en même temps le programme qui plongent leurs racines dans l’"évangile du travail".

 

9, 37-38 : Ste Thérèse - Lettre 135 A Céline.

J.M.J.T.

Le 15 Août 1892

Jésus +

Ma Céline chérie,

Je ne puis laisser partir la lettre sans y joindre un petit mot. Pour cela je suis obligée de dérober quelques instants à Jésus mais il ne m’en veut pas car c’est de Lui que nous parlons ensemble, sans Lui nul discours n’a de charme pour nos coeurs... Céline, les vastes solitudes, les horizons enchanteurs qui s’ouvrent devant toi doivent t’en dire bien long à l’âme ? Moi je ne vois pas tout cela, mais je dis avec St Jean de la Croix : "  J’ai en mon bien aimé les montagnes, les vallées solitaires et boisées etc "... ! Et, ce bien aimé instruit mon âme, Il lui parle dans le silence, dans les ténèbres... Dernièrement il m’est venu une pensée que j’ai besoin de dire à ma Céline. C’est un jour que je pensais à ce que je pouvais faire pour sauver les âmes, une parole de l’Évangile m’a montré une vive lumière. Autrefois Jésus disait à ses disciples en leur montrant les champs de blés murs : " Levez les yeux et voyez comme les campagnes sont déjà assez blanches pour être moissonnées ". Jn 4,35 et un peu plus tard : " A la vérité la moisson est abondante mais le nombre des ouvriers est petit ; demandez donc au maître de la moisson qu’Il envoie des ouvriers. " Mt 9,37-38 Quel mystère !... Jésus n’est-Il pas tout-puissant ? les créatures ne sont-elles pas à celui qui les a faites ? Pourquoi Jésus dit-Il donc : " Demandez au maître de la moisson qu’Il envoie des ouvriers " ? Pourquoi ?... Ah ! c’est que Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’Il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. Le créateur de l’univers attend la prière d’une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang Notre vocation à nous ce n’est pas d’aller moissonner dans les champs de blés mûrs. Jésus ne nous dit pas : " Baissez les yeux, regardez les campagnes et allez les moissonner. " Notre mission est encore plus sublime. Voici les paroles de notre Jésus : " Levez les yeux et voyez. " Voyez comme dans mon Ciel il y a des places vides. c’est à vous de les remplir, vous êtes mes Moïse priant sur la montagne, Ex 17,8-13 demandez-moi des ouvriers et j’en enverrai, je n’attends qu’une prière, un soupir de votre coeur !...

L’apostolat de la prière n’est-il pas pour ainsi dire plus élevé que celui de la parole ? Notre mission comme Carmélites est de former des ouvriers évangéliques qui sauveront des milliers d’âmes dont nous serons les mères... Céline, si ce n’était pas les paroles mêmes de notre Jésus, qui oserait y croire ?... Je trouve que notre part est bien belle, qu’avons-nous à envier aux prêtres ?... Que je voudrais pouvoir te dire tout ce que je pense mais le temps me manque, comprends tout ce que je ne puis t’écrire !...

Le jour de la fête de Jeanne souhaite-la-lui pour nous avec un petit bouquet, la règle ne nous permet pas de le faire mais dis-lui que nous penserons encore davantage à elle. Embrasse tout le monde pour moi et dis-leur tout ce que tu pourras trouver de plus gentil. Si tu trouvais de la bruyère, cela me ferait plaisir.

9, 37-38 : Vita consecrata 64 - Nouvel élan de la pastorale des vocations

La mission de la vie consacrée et la vitalité des Instituts dépendent, certes, de la fidélité active avec laquelle les consacrés répondent à leur vocation, mais leur avenir est lié au fait que d’autres hommes et d’autres femmes accueillent généreusement l’appel du Seigneur. Le problème des vocations est un véritable défi, lancé directement aux Instituts, mais qui implique toute l’Eglise. D’importantes forces spirituelles et matérielles sont mises en ouvre dans la pastorale des vocations, mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et des efforts. Malgré une augmentation dans les jeunes Eglises et dans celles qui ont subi des persécutions de la part de régimes totalitaires, les vocations à la vie consacrée se font parfois rares dans les pays traditionnellement riches en vocations notamment missionnaires.

Cette situation difficile met à l’épreuve les personnes consacrées qui s’interrogent parfois : peut-être avons-nous perdu la capacité d’attirer de nouvelles vocations ? Il faut avoir foi dans le Seigneur Jésus, qui continue à appeler à sa suite, et se confier à l’Esprit Saint, auteur et inspirateur des charismes de la vie consacrée. Heureux de voir l’action de l’Esprit, qui rajeunit l’Epouse du Christ, en faisant s’épanouir la vie consacrée dans de nombreux pays, nous devons adresser une prière instante au Maître de la moisson, pour qu’il envoie des ouvriers dans son Eglise, afin de faire face aux urgences de la nouvelle évangélisation (cf. Mt 9,37-38). Hormis la promotion de la prière pour les vocations, il est urgent d’encourager fortement, par une annonce explicite et par une catéchèse adaptée, ceux qui sont appelés à la vie consacrée pour qu’ils donnent une réponse libre, mais prompte et généreuse, qui rend opérante la grâce de la vocation.

L’invitation de Jésus : " Venez et voyez " (Jn 1,39) demeure encore aujourd’hui la règle d’or de la pastorale des vocations. Celle-ci tend à montrer, à l’exemple des fondateurs et des fondatrices, l’attrait de la personne du Seigneur Jésus et la beauté du don total de soi pour la cause de l’Evangile. La première tâche de tous les consacrés et de toutes les consacrées consiste donc à proposer courageusement, par la parole et par l’exemple, l’idéal de la sequela Christi, en affermissant ensuite la réponse aux motions de l’Esprit dans le cour des personnes appelées.

Après l’enthousiasme de la première rencontre avec le Christ, il faudra évidemment l’effort patient de la réponse quotidienne, qui fait de la vocation une histoire d’amitié avec le Seigneur. A cette fin, la pastorale des vocations aura recours à des aides appropriées, comme la direction spirituelle, pour nourrir cette réponse d’amour personnel envers le Seigneur, condition essentielle pour devenir disciple et apôtre de son Royaume. Cela étant, si la multiplication des vocations dans différentes parties du monde autorise l’optimisme et l’espérance, leur raréfaction dans d’autres régions ne doit pas conduire au découragement, ni à la tentation d’un recrutement facile et imprudent. Il est nécessaire que la mission de promouvoir les vocations soit accomplie de manière à apparaître toujours plus comme un engagement commun de toute l’Eglise (160). Cette mission exige donc l’active collaboration de pasteurs, de religieux, de familles et d’éducateurs, car elle correspond à un service qui fait partie intégrante de la pastorale d’ensemble de chaque Eglise particulière. On souhaite qu’il y ait dans chaque diocèse ce service commun, qui coordonne et décuple les forces, sans toutefois compromettre l’activité de chaque Institut en ce qui concerne les vocations, et même qui la favorise (161).

160- Proposition 48, A.

161- Proposition 48, B.

Cette collaboration active de tout le peuple de Dieu, soutenue par la Providence, ne pourra qu’attirer l’abondance des dons divins. La solidarité chrétienne doit permettre de satisfaire les besoins de la formation pour les vocations dans les pays économiquement les plus pauvres. La promotion des vocations dans ces pays doit être faite par les différents Instituts en pleine harmonie avec les Eglises locales, avec comme point de départ une insertion active et durable dans leur démarche pastorale (162). La manière la plus authentique de contribuer à l’action de l’Esprit consistera à investir généreusement les meilleures énergies pour les vocations, notamment par une attention dévouée à la pastorale des jeunes.

162- Proposition 48, C.

v. 38 : Ad gentes 40 - Devoir missionnaire des instituts de perfection

40 Les instituts religieux, de vie contemplative et active, ont eu jusqu’ici et ont une très grande part dans l’évangélisation du monde. Leurs mérites, le Concile les reconnaît de grand coeur, et rend grâce à Dieu pour tant de sacrifies acceptés pour la gloire de Dieu et le service des âmes ; il les exhorte à persévérer sans défaillance dans l’oeuvre commencée, puisqu’ils savent que la vertu de charité, qu’ils sont tenus de pratiquer de façon plus parfaite du fait de leur vocation les pousse et les oblige à un esprit et à un travail vraiment catholiques (9).

(9) LG 44

Les instituts de vie contemplative, par leurs prières, leurs oeuvres de pénitence, leurs épreuves, ont une très grande importance dans la conversion des âmes, puisque c’est Dieu qui envoie à notre prière, des ouvriers dans sa moisson Mt 9,38, ouvre les coeurs des non-chrétiens pour qu’ils écoutent l’Evangile Ac 16,14 et féconde dans leurs coeurs la parole du salut 1Co 3,7 . Bien plus, ces instituts sont invités à fonder des maisons dans les territoires des missions, comme un certain nombre l’ont fait déjà, afin que, y menant leur vie d’une manière adaptée aux traditions authentiquement religieuses des peuples, ils rendent parmi les non-chrétiens un magnifique témoignage de la majesté et de la charité de Dieu, et de l’union dans le Christ.

Les instituts de vie active, qu’ils poursuivent ou non une fin strictement missionnaire, doivent se poser sincèrement devant Dieu la question de savoir s’ils peuvent étendre leur activité en vue de l’expansion du règne de Dieu parmi les païens ; s’ils peuvent laisser à d’autres certains ministères, de façon à dépenser leurs forces pour les missions ; s’ils peuvent entreprendre une activité dans les missions, en adaptant, si c’est nécessaire, leurs constitutions, mais cependant selon l’esprit du fondateur ; si leurs membres prennent part selon leurs forces à l’activité missionnaire ; si leur façon habituelle de vivre est un témoignage de l’Evangile, vraiment adapté au caractère et à la situation du peuple.

Puisque, sous l’inspiration du St Esprit, s’accroissent de jour en jour dans l’Eglise les instituts séculiers, leur aide, sous l’autorité de l’évêque, peut être fructueuse dans les missions à des titres multiples, comme signe d’un don plénier à l’évangélisation du monde.

9, 38 : 2611 * Jésus enseigne à prier

2607 Quand Jésus prie il nous apprend déjà à prier. Le chemin théologal de notre prière est sa prière à son Père. Mais l’Evangile nous livre un enseignement explicite de Jésus sur la prière. En pédagogue il nous prend là où nous sommes et, progressivement, nous conduit vers le Père. S’adressant aux foules qui le suivent, Jésus part de ce qu’elles connaissent déjà de la prière selon l’Ancienne Alliance et les ouvre à la nouveauté du Royaume qui vient. Puis il leur révèle en paraboles cette nouveauté. Enfin, à ses disciples qui devront être des pédagogues de la prière dans son Eglise, il parlera ouvertement du Père et de l’Esprit Saint.

2608 Dès le Sermon sur la Montagne, Jésus insiste sur la conversion du coeur : la réconciliation avec le frère avant de présenter une offrande sur l’autel (cf. Mt 5,23-24), l’amour des ennemis et la prière pour les persécuteurs (cf. Mt 5,44-45), prier le Père " dans le secret " (Mt 6,6), ne pas rabâcher de multiples paroles (cf. Mt 6,7), pardonner du fond du coeur dans la prière (cf. Mt 6,14-15), la pureté du coeur et la recherche du Royaume (cf. Mt 6,21 ; Mt 25 ; Mt 6,33). Cette conversion est toute polarisée vers le Père, elle est filiale.

2609 Le coeur ainsi décidé à se convertir, apprend à prier dans la foi. La foi est une adhésion filiale à Dieu, au-delà de ce que nous sentons et comprenons. Elle est devenue possible parce que le Fils bien-aimé nous ouvre l’accès auprès du Père. Il peut nous demander de " chercher " et de " frapper ", puisqu’il est lui- même la porte et le chemin (cf. Mt 7,7-11 ; Mt 7,13-14).

2610 De même que Jésus prie le Père et rend grâces avant de recevoir ses dons, il nous apprend cette audace filiale : " tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez déjà reçu " (Mc 11,24). Telle est la force de la prière, " tout est possible à celui qui croit " (Mc 9,23), d’une foi " qui n’hésite pas " (Mt 21,22). Autant Jésus est attristé par le " manque de foi " de ses proches (Mc 6,6) et le " peu de foi " de ses disciples (Mt 8,26), autant il est saisi d’admiration devant la " grande foi " du centurion romain (Mt 8,10) et de la cananéenne (Mt 15,28).

2611 La prière de foi ne consiste pas seulement à dire " Seigneur, Seigneur ", mais à accorder le coeur à faire la volonté du Père (Mt 7,21). Ce souci de coopérer au Dessein divin, Jésus appelle ses disciples à le porter dans la prière (cf. Mt 9,38 Lc 10,2 ; Jn 4,34).

2612 En Jésus " le Royaume de Dieu est tout proche ", il appelle à la conversion et à la foi mais aussi à la vigilance. Dans la prière, le disciple veille attentif à Celui qui Est et qui Vient dans la mémoire de sa première Venue dans l’humilité de la chair et dans l’espérance de son second Avènement dans la Gloire (cf. Mc 13 ; Lc 21,34-36). En communion avec leur Maître, la prière des disciples est un combat, et c’est en veillant dans la prière que l’on n’entre pas en tentation (cf. Lc 22,40 ; Lc 22,46).

9, 38 : Pastores dabo vobis 2

2 Demeurer fidèle à la grâce reçue ! En effet, le don de Dieu ne détruit pas la liberté de l’homme, mais la suscite, la développe et la demande.

Aussi, dans l’Eglise, la confiance totale dans la fidélité inconditionnelle de Dieu à sa promesse va de pair avec la grave responsabilité de coopérer à l’action du Dieu qui appelle, de contribuer à créer et à maintenir les conditions dans lesquelles le bon grain, semé par Dieu, peut prendre racine et porter des fruits abondants. L’Eglise ne cessera jamais de prier le Maître de la moisson afin qu’il envoie des ouvriers à sa moisson (cf. Mt 9,38) ; elle proposera aux nouvelles générations un projet de vocation clair et courageux ; elle les aidera à discerner l’authenticité de l’appel de Dieu et à y répondre avec générosité ; elle apportera une attention particulière à la formation des candidats au presbytérat.

Vraiment, pour l’avenir de l’évangélisation de l’humanité, l’Eglise considère comme une tâche de grande importance et particulièrement délicate la formation attentive des futurs prêtres, diocésains et religieux, prolongée durant toute leur vie, pour favoriser leur sanctification personnelle dans le ministère et une constante mise à jour de leur engagement pastoral.

Par cette oeuvre de formation, l’Eglise poursuit dans le temps l’oeuvre du Christ que l’évangéliste Marc présente ainsi : " Jésus gravit la montagne, et il appelle à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui. Et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons " (Mc 3,13-15).

Au cours de son histoire, on peut l’affirmer, l’Eglise a toujours revécu, avec une intensité ou des modalités diverses, cette page de l’Evangile par l’oeuvre de formation des candidats au presbytérat et des prêtres eux-mêmes. Aujourd’hui cependant, l’Eglise se sent appelée à revivre dans un nouveau type d’engagement ce que le Maître a fait avec ses Apôtres ; en cela, elle est stimulée par les profondes et rapides transformations de la société et des cultures de notre temps, par la multiplicité et la diversité des contextes ou elle annonce l’Evangile et en témoigne. Elle est aussi sollicitée par l’évolution favorable du nombre des vocations sacerdotales dans divers diocèses du monde, par l’urgence d’un nouvel examen des contenus et des méthodes de la formation sacerdotale, par l’inquiétude des évêques et de leurs communautés devant la raréfaction persistante du clergé, par l’absolue nécessité que la " nouvelle évangélisation " trouve dans les prêtres ses premiers " nouveaux évangélisateurs ".

C’est précisément dans ce contexte historique et culturel que s’est située en 1990 la dernière Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, consacrée à " la formation des prêtres dans les circonstances actuelles ", vingt-cinq ans après la fin du Concile, avec l’intention de compléter la doctrine conciliaire sur ce point et de l’adapter avec plus de pertinence aux conditions actuelles(3).

3- Cf. Propositio 1.

9, 38 : Pastores dabo vobis 38 Contenu de la pastorale des vocations et moyens dont elle dispose·

La vocation est certainement un mystère insondable qui implique la relation que Dieu établit avec l’homme : unique et non renouvelable ; mystère perçu et ressenti comme un appel attendant une réponse venue du fond de la conscience, " sanctuaire ou l’homme est seul avec Dieu et ou sa voix se fait entendre " (106). Mais cela n’élimine pas la dimension communautaire, et spécialement ecclésiale, de la vocation ; l’Eglise aussi est réellement présente et à l’oeuvre dans la vocation de tout prêtre.

106- GS 16

Pour servir la vocation sacerdotale et son itinéraire, c’est-à-dire la naissance, le discernement et l’accompagnement de la vocation, l’Eglise peut trouver un exemple dans André, l’un des deux premiers disciples qui se mirent à la suite de Jésus. C’est lui-même qui se mit à raconter à son frère ce qui lui était arrivé : " Nous avons trouvé le Messie (c’est-à-dire le Christ) " (Jn 1,41). Et la narration de cette " découverte " ouvre la voie à la rencontre : " Et il le conduisit à Jésus " (Jn 1,42). Aucun doute sur l’initiative absolument libre et sur la décision souveraine de Jésus : c’est Jésus qui appelle Simon et lui donne un nouveau nom : " Jésus le regarda et dit : " Tu es Simon, le fils de Jean ; tu t’appelleras Céphas " (ce qui veut dire Pierre) " (Jn 1,42). Mais André avait eu sa part d’initiative : il avait sollicité la rencontre de son frère avec Jésus.

" Et il le conduisit à Jésus ". C’est ici, dans un sens, que se trouve le coeur de toute la pastorale des vocations par laquelle l’Eglise veille sur la naissance et la croissance des vocations, en se servant des dons et des responsabilités, des charismes et du ministère reçus du Christ et de son Esprit. L’Eglise, comme peuple sacerdotal, prophétique et royal, est chargée de promouvoir et de servir la naissance et la maturation des vocations sacerdotales, par la prière et la vie sacramentelle, par l’annonce de la Parole et l’éducation de la foi, sous l’influence et avec le témoignage de la charité.

L’Eglise, dans sa dignité et sa responsabilité de peuple sacerdotal, indique comme moments essentiels et premiers de la pastorale des vocations la prière et la célébration de la liturgie. En effet, nourrie de la Parole de Dieu, la prière chrétienne crée l’espace idéal pour que chacun puisse découvrir la vérité de son être et l’identité du projet de vie, personnel et unique, que le Père forme pour lui. Il est donc nécessaire d’éduquer les enfants et les jeunes pour qu’ils soient fidèles à la prière et à la méditation de la Parole de Dieu : dans le silence et dans l’écoute, ils pourront percevoir l’appel du Seigneur au sacerdoce et le suivre avec promptitude et générosité.

L’Eglise doit accueillir chaque jour l’invitation pressante et insistante de Jésus, qui demande de " prier le Maître de la moisson, d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Mt 9,38). Obéissant au commandement du Christ, l’Eglise accomplit, avant toute autre chose, une humble profession de foi : priant pour les vocations dont elle ressent toute l’urgence pour sa vie et pour sa mission, elle reconnaît que les vocations sont un don de Dieu et que, comme telles, elles doivent être demandées dans une supplication incessante et confiante. Cette prière, charnière de toute la pastorale des vocations, doit être pratiquée non seulement par chacun, mais par les communautés ecclésiales tout entières. Personne ne doute de l’importance des initiatives particulières de prière, des moments spéciaux réservés à cette demande, à commencer par la Journée mondiale annuelle pour les vocations, et de l’engagement explicite de personnes et de groupes particulièrement sensibles au problème des vocations sacerdotales. Mais, aujourd’hui, l’attente de nouvelles vocations dans la prière doit devenir toujours plus une habitude constante et largement partagée par la communauté chrétienne tout entière, et par toute réalité ecclésiale. C’est ainsi que l’on pourra revivre l’expérience des Apôtres qui, au Cénacle, unis à Marie, attendent en prière l’effusion de l’Esprit (cf. Ac 1,14), qui ne manquera pas de susciter encore dans le peuple de Dieu " les prêtres dont le monde a besoin, pour le service de la prière et de l’Eucharistie, et pour annoncer l’Evangile du Christ "(107).

107- Missel romain, Collecte de la Messe pour les vocations sacerdotales.

Sommet et source de la vie de l’Eglise(108) et en particulier de toute prière chrétienne, la liturgie a aussi un rôle indispensable et une incidence privilégiée dans la pastorale des vocations. En fait, elle constitue une expérience vivante du don de Dieu et une grande école de la réponse à son appel. Comme telle, toute célébration liturgique, et surtout celle de l’Eucharistie, a de nombreux effets. Elle nous révèle le vrai visage de Dieu ; elle nous fait communier au mystère de la Pâque, c’est-à-dire à l’" heure " pour laquelle Jésus est venu dans le monde et vers laquelle il s’est librement et volontairement acheminé, par obéissance à l’appel du Père (cf. Jn 13,1) ; enfin, elle nous manifeste le visage de l’Eglise, comme peuple de prêtres et communauté bien soudée, dans la variété et la complémentarité des charismes et des vocations. Le sacrifice rédempteur du Christ, que l’Eglise célèbre dans le mystère, donne une valeur particulièrement précieuse à la souffrance vécue en union avec le Seigneur Jésus. Les Pères synodaux nous ont invités à ne jamais oublier que " par l’offrande des souffrances, si fréquentes dans la vie des hommes, le chrétien malade s’offre comme victime à Dieu, à l’image du Christ qui s’est consacré lui-même pour nous tous (cf. Jn 17,19) " et que " l’offrande des souffrances à cette intention est de grande utilité pour la promotion des vocations "(109).

108- SC 10

109- Propositio 15.

 

9, 38 : Récréation pieuse Noël 1895

- DES MOISSONNEURS -

Là-bas sous d’autres horizons,

Malgré les frimas et la neige

Déjà se dorent les moissons Jn 4,35

Que le Divin Enfant protège.

Mais hélas ! pour les recueillir

Il faudrait de brûlantes âmes,

Des Moissonneurs voulant souffrir Mt 9,38

Se jouant du fer et des flammes.

Noël, Noël

Je viens au Carmel

Sachant que mes voeux sont les vôtres.

Au doux Sauveur

Enfantez, ma soeur

Un grand nombre d’âmes d’Apôtres.

 

10, 1-42 : Ad gentes 5 L’Eglise envoyée par le Christ

5 Dés le début de son ministère, le Seigneur Jésus " appela à lui ceux qu’il voulut, et en institua douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher " Mc 3,13 ; Mt 10,1-42 . Les apôtres furent ainsi les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée. Puis, une fois qu’il eut par sa mort et sa résurrection accompli en lui les mystères de notre salut et de la restauration du monde, le Seigneur, qui avait reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre Mt 28,18, fonda son Eglise comme le sacrement du salut, avant d’être enlevé au ciel Ac 1,11 ; tout comme il avait été lui-même envoyé par le Père Jn 20,21, il envoya ses apôtres dans le monde entier en leur donnant cet ordre : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du St Esprit, et leur apprenant observer tout ce que je vous ai prescrit " Mt 28,19 ; " Allez par le monde entier proclamer la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné " Mc 16,154 . C’est de là que découle pour l’Eglise le devoir de propager la foi et le salut apportés par le Christ, d’une part en vertu du mandat exprès qu’a hérité des apôtres l’Ordre des évêques, assisté par les prêtres en union avec le successeur de Pierre, pasteur suprême de l’Eglise, et d’autre part en vertu de l’influx vital que le Christ communique à ses membres : le Christ " dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion, par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité " Ep 4,16. La mission de l’Eglise s’accomplit donc par l’opération au moyen de laquelle, obéissant à l’ordre du Christ et mue par la grâce de l’Esprit-Saint et la charité, elle devient en acte plénier présente à tous les hommes et à tous les peuples, pour les amener par l’exemple de sa vie, par la prédication, par les sacrements et les autres moyens de grâce, à la foi, à la liberté, à la paix du Christ, de telle sorte qu’elle leur soit ouverte comme la voie libre et sûre pour participer pleinement au mystère du Christ.

Cette mission continue et développe au cours de l’histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle ; c’est donc par la même route qu’a suivie le Christ lui-même que, sous la poussée de l’Esprit du Christ, l’Eglise doit marcher, c’est-à-dire par la route de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de l’immolation de soi jusqu’à la mort, dont il est sorti victorieux par sa résurrection. Car c’est ainsi dans l’espérance qu’ont marché tous les apôtres, qui ont achevé par leurs multiples tribulations et souffrances ce qui manque à la passion du Christ au profit de son Corps, l’Eglise Col 1,24 ; souvent aussi le sang des chrétiens fut une semence (13).

(13) Tertullien, Apologeticum 50, 13 : PL 1, 534, CChr 1, 171.

10, 1 : III, 13 ARTICLE 2 : L’âme du Christ a-t-elle possédé la toute-puissance pour transformer les créatures ?

Objections : 3. L’âme du Christ a possédé en plénitude la grâce des miracles, aussi bien que les autres grâces. Mais tout changement opéré sur la créature peut appartenir à la grâce des miracles ; c’est ainsi que miraculeusement les corps célestes ont pu subir un changement dans leur cours, comme le prouve Denys. L’âme du Christ a donc possédé la toute-puissance pour transformer les créatures.

En sens contraire, changer les créatures appartient à celui qui les conserve. Or cela est l’oeuvre de Dieu seul, selon l’épître aux Hébreux (He 1,3) : " Il soutient l’univers par sa parole puissante. " Dieu seul possède donc la toute-puissance pour changer les créatures. Cela ne convient donc pas à l’âme du Christ.

Réponse : Il faut faire ici une double distinction. La première concerne le changement des créatures.

Il y en a trois sortes : l’un, naturel, qui a pour cause un agent propre et qui respecte l’ordre de la nature ; le deuxième, miraculeux, qui a pour cause un agent surnaturel, et qui dépasse l’ordre et le cours ordinaires de la nature : ainsi la résurrection des morts ; le troisième enfin est que toute créature peut retourner au néant.

La seconde distinction concerne l’âme du Christ, que l’on peut envisager à un double point de vue : premièrement dans sa propre nature, et dans sa puissance de nature ou de grâce ; deuxièmement en tant qu’elle est l’instrument du Verbe de Dieu uni personnellement à elle.

Si nous envisageons l’âme du Christ dans sa propre nature, et dans sa puissance de nature ou de grâce, on doit dire qu’elle pouvait produire les effets qui lui sont appropriés : ainsi elle pouvait gouverner son corps, régler ses actes humains ; de même elle pouvait, par la plénitude de la grâce et de la science, éclairer toutes les créatures rationnelles, inférieures à elle en perfection, de la manière qui convient à la créature rationnelle.

Mais si nous envisageons l’âme du Christ en tant qu’elle est l’instrument du Verbe qui lui est uni, elle possédait ainsi une puissance instrumentale capable de produire tous les changements miraculeux se référant à la fin de l’Incarnation qui est " de restaurer toutes choses, celles qui sont au ciel et celles qui sont sur la terre " (Ep 1,10) .

Quant au changement qui consiste à faire retourner les créatures au néant, il correspond à la création, puisque les choses y sont tirées du néant. Aussi, de même que Dieu seul peut créer, de même lui seul peut annihiler les créatures ; lui seul également les conserve dans l’être pour les empêcher de retomber au néant. Il faut donc conclure que l’âme du Christ ne possède pas la toute-puissance en ce qui concerne les changements à produire dans les créatures.

Solutions : 3. Nous l’avons déjà remarqué dans la deuxième Partie la grâce des miracles permet à l’âme d’un saint de les produire, non par sa propre puissance, mais par la puissance divine. Or cette grâce a été accordée à l’âme du Christ d’une manière très excellente, à tel point qu’il pouvait non seulement faire des miracles, mais encore communiquer ce pouvoir à d’autres. Et c’est pourquoi nous lisons (Mt 10,1) : " Ayant appelé ses douze disciples, il leur donna pouvoir sur les esprits impurs, pour qu’ils les chassent et qu’ils guérissent toute maladie et toute infirmité. "

10, 1 : III, 84, ARTICLE 3 : La forme de ce sacrement

Objections : 4. De même que le Seigneur a donné à ses disciples le pouvoir d’absoudre les péchés, ainsi leur a-t-il donné le pouvoir de remédier aux infirmités : chasser les démons et guérir les maladies, comme on le voit en S. Matthieu (Mt 10,1) et S. Luc (Lc 9,1) . Or, en guérissant les malades, les Apôtres ne se servaient pas de paroles comme celles-ci : " je te guéris ", mais ils disaient : " Que le Seigneur jésus Christ te guérisse ", ainsi que S. Pierre l’a dit au paralytique (Ac 9,34) . Il semble donc bien que les prêtres, en exerçant le pouvoir reçu du Christ par les Apôtres, ne doivent pas se servir de cette formule : " Je t’absous " mais dire " Que le Christ t’accorde l’absolution. "

En sens contraire, de même que le Seigneur a dit à ses disciples (Mt 28,19) : " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ", ainsi a-t-il dit à Pierre (Mt 16,19) : " Tout ce que tu délieras... " Or le prêtre, appuyé sur l’autorité de ces paroles du Christ, dit : " je te baptise. " Il doit donc dire en vertu de la même autorité, dans le sacrement de pénitence : " je t’absous. "

Réponse : En toute chose, l’achèvement est attribué à la forme. Or on a dit plus haut que ce sacrement trouvait son achèvement dans les actes du prêtre. Il faut donc que la contribution du pénitent, en paroles ou en actes, soit comme la matière du sacrement, et que les actes du prêtre y aient le rôle de forme 5. Et puisque les sacrements de la loi nouvelle produisent les effets qu’ils signifient, il faut que la forme signifie ce que fait le sacrement, conformément à la matière sacramentelle. Nous avons donc, pour le baptême, la forme " je te baptise ", et pour la confirmation, la forme " je te marque du signe de la croix et je te confirme avec le chrême du salut ", parce que ces sacrements s’achèvent dans l’usage de la matière sacramentelle. Quant au sacrement de l’eucharistie, qui consiste dans la consécration même de la matière, la vérité de cette consécration s’exprime dans ces paroles : " Ceci est mon corps. " Mais le sacrement de pénitence ne consiste pas dans la consécration d’une matière sanctifiée ; il consiste au contraire dans le rejet de cette sorte de matière qu’est le péché, selon la façon dont nous avons dit que le péché était matière de la pénitence. Or ce rejet est signifié par le prêtre quand il dit : " je t’absous " (je te délie), car les péchés sont une sorte de lien, d’après les Proverbes (Pr 5,22) : " Ses iniquités tiennent l’impie captif, et chacun est entravé par les liens de ses péchés. " Il est donc évident que cette forme du sacrement de pénitence : " Je t’absous ", est la plus appropriée.

Solutions : 4. Les Apôtres n’ont pas reçu le pouvoir de guérir eux-mêmes les maladies, mais d’obtenir cette guérison par leur prière, tandis qu’ils ont reçu le pouvoir d’agir dans les sacrements comme des instruments et des ministres. C’est pour cela qu’ils peuvent faire mention de leur action dans les formes sacramentelles, plus que dans la guérison des malades. Cependant, même dans ces guérisons, ils ne se servaient pas toujours de la forme déprécative, mais aussi quelquefois d’une formule indicative et impérative. Ainsi lisons-nous que Pierre dit au boiteux (Ac 3,6) : " Ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ, lève-toi et marche. "

10, 1-42 : Lumen gentium 19 L’institution des Douze

19 Le Seigneur Jésus, après avoir longuement prié son Père, appelant à lui ceux qu’il voulut, en institua douze pour en faire ses compagnons et les envoyer prêcher le royaume de Dieu (cf. Mc 3,13-19 ; Mt 10,1-42) il en fit ses apôtres (cf. Lc 6,13), leur donnant forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux (cf. Jn 21,15-17).Il les envoya aux fils d’Israël d’abord et à toutes les nations (cf. Rm 1,16) pour que, participant à son pouvoir, ils fassent de tous les peuples ses disciples, pour qu’ils les sanctifient et les gouvernent (cf. Mt 28,16-20 ; Mc 16,15 ; Lc 24,45-48 ; Jn 20,21-23), propagent ainsi l’Eglise et remplissent à son égard, sous la conduite du Seigneur, le ministère pastoral tous les jours jusqu’à la consommation des siècles (cf. Mt 28,20). Le jour de Pentecôte, ils furent pleinement confirmés dans cette mission (cf. Ac 2,1-26), selon la promesse du Seigneur : " Vous recevrez une force, celle de l’Esprit-Saint qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre " (Ac 1,8). En prêchant partout l’Evangile (cf. Mc 16,20), accueilli par ceux qui l’écoutent grâce à l’action de l’Esprit-Saint, les apôtres rassemblent l’Eglise universelle que le Seigneur a fondée en ses apôtres et bâtie sur le bienheureux Pierre, leur chef, le Christ Jésus étant lui-même la pierre suprême d’assise (cf. Ap 21,1 ; Mt 16,18 ; Ep 2,20).(3)

Notes : (3) Cf. liber sacramentorum S. grégoire, Praef. in natali S. Mathieu et S Thomas : PL 78, 51 et 152 ;cf. Cod. Vat. lat. 3548, f. 18. S. Hilaire, In Ps 67,10 : pl 9, 450 ; CSEL 22, p. 286. S. Hieronymus, adv. Iovin, 1, 26 : PL 23, 247 A. S Augustin, In ps. 86, 4 : PL 37, 1103. S grégoire M. Mor. in XXVIII, V : PL 76, 455-456. Primasius, comm. in apoc. V : pl 68, 924 BC. Paschasius Radb. In L. VIII, cap. 16 : PL 12O, 561 C. Cf. Lé&on XIII, epist. Et sane, 17 Décem. 1888 : ASS 21 (1888), p. 321.

10, 5-7 : 543 * III Les mystères de la vie publique de Jésus - L’annonce du Royaume de Dieu

543 Tous les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume. Annoncé d’abord aux enfants d’Israël (cf. Mt 10,5-7), ce Royaume messianique est destiné à accueillir les hommes de toutes les nations (cf. Mt 8,11 ; Mt 28,19). Pour y accéder, il faut accueillir la parole de Jésus :

La parole du Seigneur est en effet comparée à une semence qu’on sème dans un champ : ceux qui l’écoutent avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ ont accueilli son royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence croît jusqu’au temps de la moisson (LG 5).

544 Le Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c’est-à-dire à ceux qui l’ont accueilli avec un coeur humble. Jésus est envoyé pour " porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4,18 cf. Lc 7,22). Il les déclare bienheureux car " le Royaume des cieux est à eux " (Mt 5,3) ; c’est aux " petits " que le Père a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11,25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim (cf. Mc 2,23-26 ; Mt 21,18), la soif (cf. Jn 4,6-7 ; Jn 19,28) et le dénuement (cf. Lc 9,58). Plus encore : il s’identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l’amour actif envers eux la condition de l’entrée dans son Royaume (cf. Mt 25,31-46).

545 Jésus invite les pécheurs à la table du Royaume : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs " (Mc 2,17 cf. 1Tm 1,15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15,11-32) et l’immense " joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent " (Lc 15,7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie " en rémission des péchés " (Mt 26,28).

546 Jésus appelle à entrer dans le Royaume à travers les paraboles, trait typique de son enseignement (cf. Mc 4,33-34). Par elles, il invite au festin du Royaume (cf. Mt 22,1-14), mais il demande aussi un choix radical : pour acquérir le Royaume, il faut tout donner (cf. Mt 13,44-45) ; les paroles ne suffisent pas, il faut des actes (cf. Mt 21,28-32). Les paraboles sont comme des miroirs pour l’homme : accueille-t-il la parole comme un sol dur ou comme une bonne terre (cf. Mt 13,3-9) ? Que fait-il des talents reçus (cf. Mt 25,14-30) ? Jésus et la présence du Royaume en ce monde sont secrètement au coeur des paraboles. Il faut entrer dans le Royaume, c’est-à-dire devenir disciple du Christ pour " connaître les Mystères du Royaume des cieux " (Mt 13,11). Pour ceux qui restent " dehors " (Mc 4,11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13,10-15).

10, 5 : III, 36 ARTICLE 3 : A qui la naissance du Christ devait-elle être manifestée ?

Objections : 1. Le Seigneur a ordonné à ses disciples (Mt 10,5) : " Ne prenez pas le chemin des païens ", parce qu’il voulait d’abord se manifester aux Juifs. Il était encore beaucoup moins indiqué que la naissance du Christ soit révélée à des païens " qui venaient d’Orient " (Mt 2,1) .

En sens contraire, il y a cette parole du Christ (Jn 13,18) : " je connais ceux que j’ai choisis. " Or, ce qui se fait selon la sagesse de Dieu est bien fait. Donc ceux à qui a été manifestée la naissance du Christ ont été bien choisis.

Réponse : Le salut qui devait être réalisé par le Christ concernait toutes les catégories d’hommes parce que, dit S. Paul (Col 3,11), " dans le Christ Jésus il n’y a plus ni homme ni femme, ni païens ni Juifs, ni esclaves ni homme libre " et ainsi des autres différences. Et pour que cela soit préfiguré dans la naissance même du Christ il a été manifesté à des hommes de toutes conditions. Parce que, dit S. Augustin, " les bergers étaient des Israélites et les mages des païens. Les uns habitaient tout près, les autres venaient de loin. Les uns et les autres se rejoignirent en s’unissant à la pierre angulaire ". Il y eut entre eux d’autres différences : les mages étaient sages et puissants, les bergers ignorants et grossiers. Il s’est aussi manifesté à des justes comme Syméon et Anne, et à des pécheurs comme les mages ; il s’est encore manifesté à des hommes et à des femmes, comme Anne, pour montrer que nulle condition humaine n’est exclue du salut du Christ.

Solutions : 1. Cette manifestation de la naissance du Christ fut comme les prémices de la manifestation plénière qui se produirait plus tard. " Et de même qu’à cette seconde manifestation la grâce du Christ fut annoncée par le Christ et ses Apôtres d’abord aux Juifs et ensuite aux païens ; de même les premiers à s’approcher du Christ furent les bergers, qui étaient les prémices des juifs comme étant ses voisins ; et ensuite les mages qui venaient de loin, eux qui furent les prémices des nations ", selon S. Augustin.

10, 7-8 : Evangelium vitae 47

La mission de Jésus, avec les nombreuses guérisons opérées, montre que Dieu a aussi à coeur la vie corporelle de l’homme. " Médecin du corps et de l’esprit " (37), Jésus est envoyé par le Père pour porter la bonne nouvelle aux pauvres et panser les coeurs meurtris Lc 4,18 ; Is 61,1 . Envoyant à son tour ses disciples à travers le monde, il leur confie une mission dans laquelle la guérison des malades s’accompagne de l’annonce de l’Évangile : " Chemin faisant, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons " Mt 10,7-8 ; Mc 6,13 ; Mc 16,18 . Certes, la vie du corps dans sa condition terrestre n’est pas un absolu pour le croyant : il peut lui être demandé de l’abandonner pour un bien supérieur ; comme le dit Jésus, " qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera " Mc 8,35 . Il y a à ce sujet un certain nombre de témoignages dans le Nouveau Testament. Jésus n’hésite pas à se sacrifier lui- même et il fait librement de sa vie une offrande à son Père Jn 10,17 et à ses amis Jn 10,15 . La mort de Jean Baptiste, précurseur du Sauveur, atteste aussi que l’existence terrestre n’est pas le bien absolu : la fidélité à la parole du Seigneur est plus importante encore, même si elle peut mettre la vie en jeu Mc 6,17-29 . Et Étienne, alors qu’on lui enlève la vie temporelle parce qu’il était un témoin fidèle de la Résurrection du Seigneur, suit les traces du Maître et répond par des mots de pardon à ceux qui le lapident Ac 7,59-60, ouvrant ainsi la voie à l’innombrable cohorte des martyrs vénérés par l’Église dès ses origines. Toutefois, personne ne peut choisir arbitrairement de vivre ou de mourir ; ce choix, en effet, seul le Créateur en est le maître absolu, lui en qui " nous avons la vie, le mouvement et l’être " Ac 17,28 .

(37) S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Éphésiens 7, 2 : SC 10, p. 65.

10, 8 : " Guérissez les malades... "

1506 Le Christ invite ses disciples à le suivre en prenant à leur tour leur croix (cf. Mt 10,38). En le suivant, ils acquièrent un nouveau regard sur la maladie et sur les malades. Jésus les associe à sa vie pauvre et servante. Il les fait participer à son ministère de compassion et de guérison : " Ils s’en allèrent prêcher qu’on se repentît ; et ils chassaient beaucoup de démons et faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient " (Mc 6,12-13).

1507 Le Seigneur ressuscité renouvelle cet envoi (" Par mon nom ... ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris " : Mc 16,17-18) et le confirme par les signes que l’Eglise accomplit en invoquant son nom (cf. Ac 9,34 ; Ac 14,3). Ces signes manifestent d’une manière spéciale que Jésus est vraiment " Dieu qui sauve " (cf. Mt 1,21 ; Ac 4,12).

1508 L’Esprit Saint donne à certains un charisme spécial de guérison (cf. 1Co 12,9 ; 1Co 28 ; 1Co 12,30) pour manifester la force de la grâce du Ressuscité. Même les prières les plus intenses n’obtiennent toutefois pas la guérison de toutes les maladies. Ainsi S. Paul doit apprendre du Seigneur que " ma grâce te suffit : car ma puissance se déploie dans la faiblesse " (2Co 12,9), et que les souffrances à endurer peuvent avoir comme sens que " je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Eglise " (Col 1,24).

1509 " Guérissez les malades ! " (Mt 10,8). Cette charge, l’Eglise l’a reçue du Seigneur et tâche de la réaliser autant par les soins qu’elle apporte aux malades que par la prière d’intercession avec laquelle elle les accompagne. Elle croit en la présence vivifiante du Christ, médecin des âmes et des corps. Cette présence est particulièrement agissante à travers les sacrements, et de manière toute spéciale par l’Eucharistie, pain qui donne la vie éternelle (cf. Jn 6,54 ; Jn 6,58) et dont S. Paul insinue le lien avec la santé corporelle (cf. 1Co 11,30).

1510 L’Eglise apostolique connaît cependant un rite propre en faveur des malades, attesté par S. Jacques : " Quelqu’un parmi vous est malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Eglise et qu’ils prient sur lui, après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient, et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis " (Jc 5,14-15). La Tradition a reconnu dans ce rite un des septs Sacrements de l’Eglise (cf. DS 216 ; DS 1324-1325 ; DS 1695-1696 ; DS 1716-1717).

10, 8 : L’irréligion

2118 Le premier commandement de Dieu réprouve les principaux péchés d’irréligion : l’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes, le sacrilège et la simonie.

2119 L’action de tenter Dieu consiste en une mise à l’épreuve, en parole ou en acte, de sa bonté et de sa toute-puissance. C’est ainsi que Satan voulait obtenir de Jésus qu’il se jette du Temple et force Dieu, par ce geste, à agir (cf. Lc 4,9). Jésus lui oppose la parole de Dieu : " Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu " (Dt 6,16). Le défi que contient pareille tentation de Dieu blesse le respect et la confiance que nous devons à notre Créateur et Seigneur. Il inclut toujours un doute concernant son amour, sa providence et sa puissance (cf. 1Co 10,9 ; Ex 17,2-7 ; Ps 95,9).

2120 Le sacrilège consiste à profaner ou à traiter indignement les sacrements et les autres actions liturgiques, ainsi que les personnes, les choses et les lieux consacrés à Dieu. Le sacrilège est un péché grave surtout quand il est commis contre l’Eucharistie puisque, dans ce sacrement, le Corps même du Christ nous est rendu présent substantiellement (cf. CIC 1367 ; CIC 1376).

2121 La simonie (cf. Ac 8,9-24) se définit comme l’achat ou la vente des réalités spirituelles. A Simon le magicien, qui voulait acheter le pouvoir spirituel qu’il voyait à l’oeuvre dans les apôtres, Pierre répond : " Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent " (Ac 8,20). Il se conformait ainsi à la parole de Jésus : " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10,8 cf. déjà Is 55,1). Il est impossible de s’approprier les biens spirituels et de se comporter à leur égard comme un possesseur ou un maître, puisqu’ils ont leur source en Dieu. On ne peut que les recevoir gratuitement de Lui.

2122 " En dehors des offrandes fixées par l’autorité compétente, le ministre ne demandera rien pour l’administration des sacrements, en veillant toujours à ce que les nécessiteux ne soient pas privés de l’aide des sacrements à cause de leur pauvreté " (CIC 848). L’autorité compétente fixe ces " offrandes " en vertu du principe que le peuple chrétien doit subvenir à l’entretien des ministres de l’Eglise. " L’ouvrier mérite sa nourriture " (Mt 10,10 cf. Lc 10,7 ; 1Co 9,5-18 ; 1Tm 5,17-18).

10, 8 : VI L’amour des pauvres

2443 Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et réprouve ceux qui s’en détournent : " A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos " (Mt 5,42). " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10,8). C’est à ce qu’ils auront fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus (cf. Mt 25,31-36). Lorsque " la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres " (Mt 11,5 cf. Lc 4,18), c’est le signe de la présence du Christ.

2444 " L’amour de l’Eglise pour les pauvres ... fait partie de sa tradition constante " (CA 57). Il s’inspiré de l’Evangile des béatitudes (cf. Lc 6,20-22), de la pauvreté de Jésus (cf. Mt 8,20) et de son attention aux pauvres (cf. Mc 12,41-44). L’amour des pauvres est même un des motifs du devoir de travailler, afin de " pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux " (Ep 4,28). Il ne s’étend pas seulement à la pauvreté matérielle, mais aussi aux nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse (cf. CA 57).

2445 L’amour des pauvres est incompatible avec l’amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste :

Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. Votre or et votre argent sont souillés, et leur rouille témoignera contre vous : elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours ! Voyez : le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées. Vous avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage. Vous avez condamné le juste, il ne vous résiste pas (Jc 5,1-6).

2446 S. Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement : " Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs " (Laz. 1,6). " Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice " (AA 8) :

Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n’accomplissons un acte de charité (S. Grégoire le Grand, past. 3,21).

2447 Les oeuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles (cf. Is 58,6-7 ; He 13,3). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des oeuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec patience. Les oeuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir les affamés, loger les sans logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades et les prisonniers, ensevelir les morts (cf. Mt 25,31-46). Parmi

10, 8 : Dives in misericordia 14 L’Eglise s’efforce de mettre en oeuvre la miséricorde

14 Jésus-Christ nous a enseigné que l’homme non seulement reçoit et expérimente la miséricorde de Dieu, mais aussi qu’il est appelé à "faire miséricorde" aux autres : "Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" (120). Dans ces paroles, l’Eglise voit un appel à l’action, et elle s’efforce de pratiquer la miséricorde. Si toutes les béatitudes du Sermon sur la montagne indiquent la route de la conversion et du changement de vie, celle qui concerne les miséricordieux est, à cet égard, particulièrement parlante. L’homme parvient à l’amour miséricordieux de Dieu, à sa miséricorde, dans la mesure ou lui-même se transforme intérieurement dans l’esprit d’un tel amour envers le prochain.

120- Mt 5,7

Ce processus authentiquement évangélique ne réalise pas seulement une transformation spirituelle une fois pour toutes, mais il est tout un style de vie, une caractéristique essentielle et continuelle de la vocation chrétienne. Il consiste dans la découverte constante et dans la mise en oeuvre persévérante de l’amour en tant que force à la fois unifiante et élevante, en dépit de toutes les difficultés psychologiques ou sociales : il s’agit, en effet, d’un amour miséricordieux qui est par essence un amour créateur. L’amour miséricordieux, dans les rapports humains, n’est jamais un acte ou un processus unilatéral. Même dans les cas ou tout semblerait indiquer qu’une seule partie donne et offre, et que l’autre ne fait que prendre et recevoir (par exemple dans le cas du médecin qui soigne, du maître qui enseigne, des parents qui élèvent et éduquent leurs enfants, du bienfaiteur qui secourt ceux qui sont dans le besoin), en réalité cependant, même celui qui donne en tire toujours avantage. De toute manière, il peut facilement se retrouver lui aussi dans la situation de celui qui reçoit, qui obtient un bienfait, qui rencontre l’amour miséricordieux, qui se trouve être objet de miséricorde.

En ce sens, le Christ crucifié est pour nous le modèle, l’inspiration et l’incitation la plus haute. En nous fondant sur ce modèle émouvant, nous pouvons en toute humilité manifester de la miséricorde envers les autres, sachant qu’il la reçoit comme si elle était témoignée à lui-même (121). D’après ce modèle, nous devons aussi purifier continuellement toutes nos actions et toutes nos intentions dans lesquelles la miséricorde est comprise et pratiquée d’une manière unilatérale, comme un bien qui est fait aux autres. Car elle est réellement un acte d’amour miséricordieux seulement lorsque, en la réalisant, nous sommes profondément convaincus que nous la recevons en même temps de ceux qui l’acceptent de nous. Si cet aspect bilatéral et cette réciprocité font défaut, nos actions ne sont pas encore des actes authentiques de miséricorde ; la conversion, dont le chemin nous a été enseigné par le Christ dans ses paroles et son exemple jusqu’à la croix, ne s’est pas encore pleinement accomplie en nous ; et nous ne participons pas encore complètement à la source magnifique de l’amour miséricordieux, qui nous a été révélée en lui.

121- Mt 25,34-40

Ainsi donc, le chemin que le Christ nous a indiqué dans le Sermon sur la montagne avec la béatitude des miséricordieux est bien plus riche que ce que nous pouvons parfois découvrir dans la façon dont on parle habituellement de la miséricorde. On considère communément la miséricorde comme un acte ou un processus unilatéral, qui présuppose et maintient les distances entre celui qui fait miséricorde et celui qui la reçoit, entre celui qui fait le bien et celui qui en est gratifié. De là vient la prétention de libérer les rapports humains et sociaux de la miséricorde, et de les fonder seulement sur la justice. Mais ces opinions sur la miséricorde ne tiennent pas compte du lien fondamental entre la miséricorde et la justice dont parlent toute la tradition biblique et surtout la mission messianique de Jésus-Christ. La miséricorde authentique est, pour ainsi dire, la source la plus profonde de la justice. Si cette dernière est de soi propre à "arbitrer" entre les hommes pour répartir entre eux de manière juste les biens matériels, l’amour au contraire, et seulement lui (et donc aussi cet amour bienveillant que nous appelons "miséricorde"), est capable de rendre l’homme à lui-même.

La miséricorde véritablement chrétienne est également, dans un certain sens, la plus parfaite incarnation de l’"égalité" entre les hommes, et donc aussi l’incarnation la plus parfaite de la justice, en tant que celle-ci, dans son propre domaine, vise au même résultat. L’égalité introduite par la justice se limite cependant au domaine des biens objectifs et extérieurs, tandis que l’amour et la miséricorde permettent aux hommes de se rencontrer entre eux dans cette valeur qu’est l’homme même, avec la dignité qui lui est propre. En même temps, l’"égalité" née de l’amour "patient et bienveillant" (122) n’efface pas les différences : celui qui donne devient plus généreux lorsqu’il se sent payé en retour par celui qui accepte son don ; réciproquement, celui qui sait recevoir le don avec la conscience que lui aussi fait du bien en l’acceptant, sert pour sa part la grande cause de la dignité de la personne, et donc contribue à unir les hommes entre eux d’une manière plus profonde.

122- 1Co 13,4

Ainsi donc, la miséricorde devient un élément indispensable pour façonner les rapports mutuels entre les hommes, dans un esprit de grand respect envers ce qui est humain et envers la fraternité réciproque. Il n’est pas possible d’obtenir l’établissement de ce lien entre les hommes si l’on veut régler leurs rapports mutuels uniquement en fonction de la justice. Celle-ci, dans toute la sphère des rapports entre hommes, doit subir pour ainsi dire une "refonte" importante de la part de l’amour qui est - comme le proclame saint Paul - "patient" et "bienveillant", ou, en d’autres termes, qui porte en soi les caractéristiques de l’amour miséricordieux, si essentielles pour l’Evangile et pour le christianisme. Rappelons en outre que l’amour miséricordieux comporte aussi cette tendresse et cette sensibilité du coeur dont nous parle si éloquemment la parabole de l’enfant prodigue (123), ou encore celles de la brebis et de la drachme perdues (124). Aussi l’amour miséricordieux est-il indispensable surtout entre ceux qui sont les plus proches : entre les époux, entre parents et enfants, entre amis ; il est indispensable dans l’éducation et la pastorale.

123- Lc 15,11-32

124- Lc 15,1-10

Cependant, son champ d’action ne se borne pas à cela. Si Paul VI a indiqué à plusieurs reprises que la "civilisation de l’amour" (125) était le but vers lequel devaient tendre tous les efforts dans le domaine social et culturel comme dans le domaine économique et politique, il convient d’ajouter que ce but ne sera jamais atteint tant que, dans nos conceptions et nos réalisations concernant le domaine large et complexe de la vie en commun, nous nous en tiendrons au principe "oeil pour oeil et dent pour dent" (126) ; tant que nous ne tendrons pas, au contraire, à le transformer dans son essence, en agissant dans un autre esprit. Il est certain que c’est aussi dans cette direction que nous conduit le Concile Vatican II, lorsque, parlant d’une manière répétée de la nécessité de rendre le monde plus humain (127), il présente la mission de l’Eglise dans le monde contemporain comme la réalisation de cette tâche. Le monde des hommes ne pourra devenir toujours plus humain que si nous introduisons dans le cadre multiforme des rapports interpersonnels et sociaux, en même temps que la justice, cet "amour miséricordieux" qui constitue le message messianique de l’Evangile.

125- Cf. Insegnamenti di Paolo VI, XIII (1975), p. 1568, Discours de clôture de l’Année Sainte, 25 décembre 1975.

126- Mt 5,38

127- GS 40 ; Paul VI, Exhortation ap. Paterna cum benevolentia, particulièrement les nn. 1 et 6 : AAS 67 (1975), pp. 7-9 et 17-23.

Le monde des hommes pourra devenir "toujours plus humain" seulement lorsque nous introduirons, dans tous les rapports réciproques qui modèlent son visage moral, le moment du pardon, si essentiel pour l’Evangile. Le pardon atteste qu’est présent dans le monde l’amour plus fort que le péché. En outre, le pardon est la condition première de la réconciliation, non seulement dans les rapports de Dieu avec l’homme, mais aussi dans les relations entre les hommes. Un monde d’ou on éliminerait le pardon serait seulement un monde de justice froide et irrespectueuse, au nom de laquelle chacun revendiquerait ses propres droits vis-à-vis de l’autre ; ainsi, les égoïsmes de toute espèce qui sommeillent dans l’homme pourraient transformer la vie et la société humaine en un système d’oppression des plus faibles par les plus forts, ou encore en arène d’une lutte permanente des uns contre les autres.

C’est pourquoi l’Eglise doit considérer comme un de ses principaux devoirs - à chaque étape de l’histoire, et spécialement à l’époque contemporaine - de proclamer et d’introduire dans la vie le mystère de la miséricorde, révélé à son plus haut degré en Jésus-Christ. Ce mystère est, non seulement pour l’Eglise elle-même comme communauté des croyants mais aussi, en un certain sens, pour tous les hommes, source d’une vie différente de celle qu’est capable de construire l’homme exposé aux forces tyranniques de la triple concupiscence qui sont à l’oeuvre en lui (128). Et c’est au nom de ce mystère que le Christ nous enseigne à toujours pardonner. Combien de fois répétons-nous les paroles de la prière que lui-même nous a enseignée, en demandant : "Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés", c’est-à-dire à ceux qui sont coupables à notre égard (129) ! Il est vraiment difficile d’exprimer la valeur profonde de l’attitude que de telles paroles définissent et inculquent. Que ne révèlent-elles pas à tout homme, sur son semblable et sur lui-même ! La conscience d’être débiteurs les uns envers les autres va de pair avec l’appel à la solidarité fraternelle que saint Paul a exprimé avec concision en nous invitant à nous supporter "les uns les autres avec charité" (130). Quelle leçon d’humilité est ici renfermée à l’égard de l’homme, du prochain en même temps que de nous-mêmes ! Quelle école de bonne volonté pour la vie en commun de chaque jour, dans les diverses conditions de notre existence ! Si nous nous désintéressions d’une telle leçon, que resterait-il de n’importe programme "humaniste" de vie et d’éducation ?

128- 1Jn 2,16

129- Mt 6,12

130- Ep 4,2 ; Ga 6,2

Le Christ souligne avec insistance la nécessité de pardonner aux autres : lorsque Pierre lui demande combien de fois il devrait pardonner à son prochain, il lui indique le chiffre symbolique de "soixante-dix fois sept fois" (131), voulant lui montrer ainsi qu’il devrait savoir pardonner à tous et toujours. Il est évident qu’une exigence aussi généreuse de pardon n’annule pas les exigences objectives de la justice. La justice bien comprise constitue pour ainsi dire le but du pardon. Dans aucun passage du message évangélique, le pardon, ni même la miséricorde qui en est la source, ne signifient indulgence envers le mal, envers le scandale, envers le tort causé ou les offenses. En chaque cas, la réparation du mal et du scandale, le dédommagement du tort causé, la satisfaction de l’offense sont conditions du pardon.

131- Mt 18,22

Ainsi donc, la structure foncière de la justice entre toujours dans le champ de la miséricorde. Celle-ci toutefois a la force de conférer à la justice un contenu nouveau, qui s’exprime de la manière la plus simple et la plus complète dans le pardon. Le pardon en effet manifeste qu’en plus du processus de "compensation" et de "trève" caractéristique de la justice, l’amour est nécessaire pour que l’homme s’affirme comme tel. L’accomplissement des conditions de la justice est indispensable surtout pour que l’amour puisse révéler son propre visage. Dans l’analyse de la parabole de l’enfant prodigue, nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que celui qui pardonne et celui qui est pardonné se rencontrent sur un point essentiel, qui est la dignité ou la valeur essentielle de l’homme, qui ne peut être perdue et dont l’affirmation ou la redécouverte sont la source de la plus grande joie (132).

132- Lc 15,32

L’Eglise estime à juste titre que son devoir, que le but de sa mission, consistent à assurer l’authenticité du pardon, aussi bien dans la vie et le comportement que dans l’éducation et la pastorale. Elle ne la protège pas autrement qu’en gardant sa source, c’est-à-dire le mystère de la miséricorde de Dieu lui-même, révélé en Jésus-Christ.

A la base de la mission de l’Eglise, dans tous les domaines dont parlent de nombreux textes du récent Concile et l’expérience séculaire de l’apostolat, il n’y a rien d’autre que : "Puiser aux sources du Sauveur" (133 - Is 12,3). Il y a là de multiples orientations pour la mission de l’Eglise dans la vie des chrétiens, des communautés et de tout le Peuple de Dieu. "Puiser aux sources du Sauveur" ne peut se réaliser que dans l’esprit de pauvreté auquel le Seigneur nous a appelés par sa parole et son exemple : "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (134- Mt 10,8). Ainsi, sur tous les chemins de la vie et du ministère de l’Eglise - à travers la pauvreté évangélique de ses ministres et dispensateurs, ainsi que du peuple tout entier, qui rend témoignage "à toutes les merveilles" de son Seigneur - se manifeste encore mieux le Dieu "qui est riche en miséricorde".

10, 8 : II, II, 100, ARTICLE 1 : Qu’est-ce que la simonie ?

En sens contraire, S. Grégoire dit : " Acheter ou vendre l’autel, les dîmes et l’Esprit Saint, voilà l’hérésie simoniaque, nul fidèle ne l’ignore. "

Réponse : Est mauvais en soi, nous l’avons dite, tout acte qui porte sur une matière indue. Or, l’achat et la vente ne peuvent s’exercer à l’égard du spirituel, pour trois raisons. 1 Les réalités spirituelles, comparées aux valeurs terrestres, n’ont pas de prix. La " sagesse est plus précieuse que toutes les richesses : tout ce qu’on peut convoiter ne saurait lui être comparé " (Pr 3,15) . Aussi S. Pierre a-t-il condamné dans sa racine le vice de Simon, en disant : " Périsse ton argent avec toi, puisque tu as cru pouvoir acquérir à ce prix le don du Seigneur ! " - 2 On ne peut vendre légitimement que ce dont on est le maître (voir le texte cité dans l’objection 1). Or un prélat ecclésiastique n’est pas maître, mais seulement intendant des choses spirituelles. Comme dit S. Paul (1Co 4,1) : " Qu’on nous tienne pour les ministres du Christ, et les dispensateurs des mystères de Dieu. " - 3 L’origine des choses spirituelles est incompatible avec leur vente. Elles proviennent de la volonté gratuite de Dieu. C’est pourquoi notre Seigneur a dit (Mt 10,8) " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. " Par conséquent vendre ou acheter une chose spirituelle, c’est montrer de l’irrévérence envers Dieu et les choses divines. C’est donc pécher par irréligion.

10, 8 : II, II, 100, ARTICLE 6 : Le châtiment dû à la simonie

En sens contraire, on lit dans les Décrets : " Celui qui a été ordonné ou promu à une dignité par suite d’un trafic, n’en retirera aucun profit, mais il sera écarté de la dignité ou de la cure qu’il a acquise à prix d’argent. "

Réponse : Nul ne peut licitement retenir ce qu’il a acquis contre la volonté du possesseur. Par exemple, si un intendant distribuait des biens appartenant à son maître contrairement à sa volonté et à son ordre, celui qui les aurait reçus n’aurait pas le droit de les garder. Or, le Seigneur, dont les prélats ecclésiastiques sont les intendants et les ministres, a ordonné de dispenser gratuitement les biens spirituels (Mt 10,8) : " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. " Donc ceux qui obtiennent des biens spirituels quelconques grâce à un présent, ne peuvent légitimement les garder.

De plus les simoniaques, tant vendeurs qu’acheteurs de biens spirituels, ainsi que les intermédiaires, sont sous le coup d’autres pénalités : l’infamie et la déposition s’ils sont clercs, l’excommunication s’ils sont laïcs, selon le droits.