JEAN-PAUL II
Homélies et exhortations aux prêtres 1978-1986
Choix des textes et sous-titres de Pierre Raffin, OP
Publié sous le titre " Avec vous, je suis Prêtre ", Paris 1986.
Les lettres du Jeudi Saint se trouvent à leur endroit propre sur le site de la Congrégation pour le Clergé.
1. Au Clergé de Rome
9 novembre 1978
(Texte invoqué à l’appui de la Ratio fundamentalis de formation des prêtres de 1985).
Avec le Cardinal-vicaire, Monseigneur le Vice-Gérant et les Évêques auxiliaires sont ici présents les membres du clergé romain pour rencontrer le nouvel évêque de Rome, que le Christ a désigné au moyen du vote des Cardinaux au cours du Conclave du 16 octobre, après la mort inopinée du bien-aimé Pape Jean Paul Ier. Je dois vous avouer, chers Confrères, que j’ai fort désiré cette rencontre et l’ai vivement attendue. Toutefois, assumant l’héritage de mes vénérables Prédécesseurs - en fait à peine trois mois nous séparent de la mort du grand pape Paul VI - j’ai pensé qu’il convenait de le faire graduellement. D’autant plus que les circonstances sont particulièrement insolites.
La succession des évêques de Rome compte pour la première fois après 455 ans un Pape qui vient d’au-delà des frontières italiennes. C’est pourquoi j’ai cru bon de faire précéder ma prise de possession du diocèse de Rome, liée à l’entrée solennelle dans la Basilique Saint-Jean-de-Latran, par une période de préparation. Entre-temps, j’ai voulu m’insérer dans le magnifique courant de la tradition chrétienne d’Italie, exprimée par la figure de ses Saints Patrons : Saint François d’Assise et Sainte Catherine de Sienne. Après cette préparation, je désire accomplir le devoir fondamental de mon pontificat, c’est-à-dire prendre possession de Rome comme Diocèse, comme Église de cette ville, assumer officiellement la responsabilité de cette communauté, de cette tradition dont l’origine remonte à l’apôtre Saint Pierre. Je suis parfaitement conscient d’être devenu Pape de l’Église Universelle, parce que évêque de Rome. Le ministère de l’Évêque de Rome en tant que successeur de Pierre est la racine de l’universalité.
Notre rencontre aujourd’hui, fête de la Dédicace de la Basilique du Latran, est comme une inauguration de l’acte solennel qui aura lieu dimanche prochain. Je salue le Cardinal-Vicaire, Mgr le Vice-Gérant, les Évêques et tous les Prêtres ici réunis, tant diocésains que religieux. Je souhaite cordialement à tous la bienvenue au nom du Christ Sauveur.
Je connais vos problèmes essentiels
J’ai écouté très attentivement le discours du Cardinal-Vicaire. J’ajoute que, déjà avant notre rencontre d’aujourd’hui, il a eu la bonté de m’informer au sujet de différentes questions concernant le Diocèse de Rome et, en particulier, sur l’activité pastorale qui pèse sur vos épaules, chers Frères prêtres dans ce diocèse, premier par dignité parmi les autres.
En écoutant ce discours, j’ai constaté avec joie que les problèmes essentiels me sont familiers. Ils font partie de toute ma précédente expérience. Vingt années de service épiscopal et quelque quinze ans de direction de l’un des plus anciens diocèses de Pologne, l’archidiocèse de Cracovie, font que ces problèmes revivent dans mes souvenirs, me forçant à les confronter entre eux, tout en ayant, évidemment, conscience de la diversité des situations. Je sais parfaitement ce que signifient l’évangélisation et l’activité pastorale dans une ville où le centre historique est riche d’églises qui se dépeuplent alors qu’en même temps naissent de nouveaux quartiers et bourgades auxquels il faut pourvoir, non sans devoir souvent lutter pour obtenir de nouvelles églises, de nouvelles paroisses ainsi que les autres conditions fondamentales nécessaires pour l’évangélisation. Je me souviens des prêtres admirables, zélés et souvent héroïques avec lesquels j’ai pu partager la sollicitude et la lutte. Sur cette voie, la foi alimentée par la tradition acquiert des forces neuves. la laïcisation programmée ou bien jaillie d’habitudes et de prédispositions des habitants d’une grande ville s’arrête quand elle rencontre un vivant témoignage de foi qui sait mettre également en évidence la dimension sociale de l’Évangile.
Je sais également, chers Frères, ce que signifient les diverses institutions et structures auxquelles le Cardinal-Vicaire a eu la bonté de faire allusion, c’est-à-dire la Curie - en l’espèce le Vicariat de Rome - les Préfectures et le Conseil des Curés, le Conseil Presbytéral. J’ai appris à donner leur juste valeur à toutes ces formes de travail de groupe. Elles sont non pas seulement des structures administratives, mais aussi des centres par lesquels s’expriment et se réalisent notre communion sacerdotale et, en même temps, l’union du service pastoral et de l’évangélisation. Dans ma précédente activité épiscopale, il m’a été rendu de grands services par le Conseil Presbytéral soit en tant que communauté soit comme lieu de rencontre avec l’évêque, pour partager avec lui la commune sollicitude pour toute la vie du presbyterium et pour l’efficacité de son activité pastorale.
Parmi les institutions que le Cardinal-Vicaire a énumérées dans son discours, il en est trois qui, dans mon précédent service d’évêque, m’ont toujours été très proches et très chères : le séminaire diocésain, l’Université des Sciences théologiques et la paroisse.
Comme j’aimerais contribuer à leur développement ! Le Séminaire, en effet, est " la pupille de l’oeil " non seulement des Évêques, mais de toute l’Église locale et universelle. L’Université des Sciences théologiques - en notre cas l’Université du Latran - me sera chère autant que l’était et le reste la Faculté de théologie de Cracovie et ses Instituts annexes. Quant à la paroisse, comme je trouve profondément justifiée l’affirmation que c’est " dans la paroisse " que l’évêque se sent le plus à l’aise ! Les visites aux paroisses - cellules fondamentales d’organisation de l’Église et, en même temps, de la communauté du Peuple de Dieu - comme je les aimais ! J’espère pouvoir les continuer ici également pour connaître vos problèmes et ceux de la paroisse. A cet égard, j’ai déjà eu des entretiens avec le Cardinal-Vicaire et ses Évêques.
A Rome comme ailleurs, Évêque et Prêtres doivent être en communion profonde
Tout ce que je dis se rapporte à vous et vous touche directement, chers Frères prêtres romains. Tandis que je vous rencontre ici pour la première fois et vous salue avec sincère affection, j’ai encore dans les yeux et dans le coeur le " presbyterium " de l’Église de Cracovie - toutes nos rencontres en diverses occasions - les nombreux entretiens qui ont commencé dès les années de Séminaire - les réunions de prêtres - compagnons d’ordination des divers cours du séminaire, auxquels j’ai toujours été invité, y participant avec joie et profit.
Il ne sera pas possible évidemment de réaliser tout cela ici, étant données mes nouvelles conditions de travail, mais nous devons faire tout ce que nous pouvons pour être proches, pour former l’" unum ", la communion sacerdotale, comprenant tout le clergé diocésain et religieux et tous les prêtres provenant des diverses parties du monde qui travaillent au service de la Curie Romaine et se dévouent avec autant de sollicitude au ministère pastoral. Cette communion des prêtres entre eux et avec leur Évêque est la condition fondamentale de l’union entre tout le Peuple de Dieu. Elle constitue son unité dans le pluralisme et dans la solidarité chrétienne. L’union des prêtres avec leur évêque doit devenir la source de l’union réciproque des prêtres entre eux et des groupes de prêtres. Cette union, basée, sur la conscience de leur grande mission propre, s’exprime moyennant l’échange de services et d’expériences, la disponibilité à la collaboration, l’engagement dans toutes les activités pastorales, tant dans la paroisse que dans la catéchèse ou dans la direction de l’apostolat des laïcs.
Chers Frères, nous devons aimer notre sacerdoce du plus profond de notre âme, comme grand " sacrement social ". Nous devons l’aimer comme l’essence de notre vie et de notre vocation, comme base de notre identité chrétienne et humaine. Aucun de nous ne peut être divisé en lui-même. Le sacerdoce sacramentel, le sacerdoce ministériel, exige une particulière foi, un particulier engagement de toutes les forces de l’âme et du corps ; il exige une toute spéciale conscience de la propre vocation comme vocation exceptionnelle. Nous devons, chacun de nous, remercier le Christ à genoux pour le don de cette vocation : " Que rendrai-je au Seigneur pour les dons qu’il m’a faits ? J’élèverai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur " (Ps 115).
Chers Frères, nous devons prendre " le calice du salut ". Nous sommes nécessaires aux hommes, immensément nécessaires, et pas à moitié, à mi-temps, comme des " employés ". Nous sommes nécessaires en tant qu’hommes qui rendent témoignage et réveillent chez autrui le besoin de rendre témoignage. Et s’il peut sembler parfois que nous ne sommes pas nécessaires, cela veut dire qu’il nous faut commencer à rendre plus clairement témoignage, et alors nous nous rendrons compte combien le monde a besoin aujourd’hui de notre témoignage sacerdotal, de, notre service, de notre sacerdoce.
Aux hommes de notre temps, à nos fidèles, au peuple de Rome, nous devons donner et offrir notre témoignage avec toute notre existence humaine, avec tout notre être. Le témoignage sacerdotal, le tien, cher confrère prêtre, et le mien impliquent notre personne tout entière. Oui, le Seigneur semble en effet nous parler :
" J’ai besoin de tes mains pour continuer à bénir, / J’ai besoin de tes lèvres pour continuer à parler, / J’ai besoin de ton corps pour continuer à souffrir, / J’ai besoin de ton coeur pour continuer à aimer, / J’ai besoin de toi pour continuer à sauver " (Michel Quoist, Prières).
Ne nous flattons pas de servir, si nous tentons de " diluer " notre charisme sacerdotal en accordant un intérêt exagéré au vaste domaine des problèmes temporels, si nous désirons " laïciser " notre manière de vivre et d’agir, si nous effaçons également les signes extérieurs de notre vocation sacerdotale. Nous devons conserver le sens de notre vocation spéciale, et un tel caractère exceptionnel doit s’exprimer également dans le vêtement extérieur. Nous n’avons pas à en avoir honte. Certes, nous sommes dans le monde ! Mais nous ne sommes pas du monde !
Le Concile Vatican Il nous a rappelé cette splendide vérité du " sacerdoce universel " de tout le Peuple de Dieu qui découle de la participation au sacerdoce unique de Jésus. Notre sacerdoce " ministériel ", enraciné dans le sacrement de l’Ordre, diffère essentiellement du sacerdoce universel des fidèles. Il a été constitué afin d’éclairer plus efficacement nos frères et soeurs qui vivent dans le monde - c’est-à-dire les laïcs - sur le fait que nous sommes tous en Jésus-Christ " royaume de prêtres " pour le Père. Le prêtre rejoint cette fin par le ministère de la parole et des sacrements qui lui est propre, et surtout par le sacrifice eucharistique auquel lui seul est autorisé ; tout ceci, le prêtre le réalise également grâce à un stile de vie adapté. C’est pourquoi notre sacerdoce doit être limpide et expressif. Et si, dans la tradition de notre Église, il est strictement lié au célibat, c’est précisément en vue de la limpidité et de l’expressivité " évangélique " auxquelles se réfèrent les paroles du Seigneur au sujet du célibat " pour le royaume des cieux " (cf. Mt 19, 12).
Le Concile Vatican II et l’un des premiers Synodes des Évêques, celui de 1971, ont prêté grande attention aux questions précitées. En outre, rappelons-nous que, durant ce Synode, le Pape Paul VI a élevé aux honneurs de l’autel, le Bienheureux Maximilien Kolbe, un prêtre. Aujourd’hui, je désire me référer à tout ce qui a été énoncé à l’époque et également au témoignage sacerdotal de mon compatriote.
Je voudrais vous confier également un problème que j’ai pris particulièrement à coeur : celui des vocations sacerdotales pour notre chère ville et diocèse de Rome. Chers Prêtres, veuillez prendre part à ma préoccupation, à ma sollicitude ! Faites appel à vos souvenirs les plus personnels ! n’y a-t-il pas eu aux débuts de votre vocation un prêtre exemplaire qui vous a guidés dans vos premiers pas vers le sacerdoce ? Votre première pensée, votre premier désir de suivre le Seigneur, ne sont-ils pas liés à la personne concrète d’un prêtre-confesseur, d’un prêtre-ami ? Qu’aillent à ce prêtre votre pensée reconnaissante, votre coeur gonflé de gratitude. Oui, le Seigneur a besoin d’intermédiaires, d’instruments pour faire écouter sa voix, son appel. Chers Prêtres, offrez-vous au Seigneur pour être ses instruments pour appeler de nouveaux ouvriers à sa vigne. Il ne manque pas de jeunes généreux.
Avec grande humilité et amour je demande au Christ, Prêtre Éternel et unique, par l’intercession de Sa Mère et de la nôtre, particulièrement vénérée dans l’image connue dans le monde entier comme Salus Populi Romani, que notre commun service sacerdotal et pastoral, dans ce diocèse qui est le plus vénérable de l’Église Universelle, soit béni et produise des fruits abondants. Me référant donc à la prière sacerdotale de Jésus-Christ, je termine par ces paroles : " Père Saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés pour qu’ils soient une seule chose... et qu’aucun d’eux ne se perde... afin qu’ils soient sanctifiés dans la vérité " (Jn 17, 11, 19).
2. Aux élèves des séminaires du diocèse de Rome
19 novembre 1978
LE PRÊTRE, UN HOMME POUR AUTRUI
Notre rencontre d’aujourd’hui a le caractère d’une audience particulière. Et, pourrait-on dire, d’une audience eucharistique. Nous ne la " faisons " pas, mais nous la " célébrons ". C’est là une liturgie sacrée. Concélèbrent avec moi, nouvel Évêque de Rome, et avec Monsieur le Cardinal-Vicaire, les supérieurs des Séminaires de ce diocèse et participent à cette Eucharistie les élèves du Séminaire Romain, du Séminaire " Capranica " et du Séminaire Mineur.
L’Évêque de Rome désire visiter ses Séminaires, mais en attendant, c’est vous qui, aujourd’hui, êtes venus chez lui pour cette audience sacrée
La Sainte messe est aussi une audience. La comparaison est peut-être trop hardie, peut-être inconvenante, peut-être trop " humaine " : permettez-moi toutefois de l’utiliser : elle est une des audiences que le Christ accorde continuellement à toute l’humanité — qu’il accorde à une communauté eucharistique déterminée — et à chacun de nous qui constituons cette assemblée.
Durant l’audience, nous écoutons celui qui parle. Et nous aussi nous cherchons à Lui parler de manière qu’il puisse nous écouter.
Dans la liturgie eucharistique le Christ parle avant tout avec toute la force de son Sacrifice. C’est un discours extrêmement concis et en même temps brûlant. On peut dire de ce discours que nous le connaissons par cœur ; et pourtant, chaque fois, il paraît nouveau, sacré, révélateur. Il renferme en soi tout le mystère de l’amour et de la vérité, parce que la vérité vit de l’amour et l’amour de la vérité. Dieu, qui est Vérité et Amour, s’est manifesté dans l’histoire de la création et dans l’histoire du salut. Cette histoire il la propose à nouveau moyennant ce sacrifice rédempteur qu’il nous a transmis sous le signe sacramentel, afin que non seulement nous le repensions dans le souvenir, mais le renouvelions, le re-célébrions.
Chaque fois que nous célébrons le Sacrifice Eucharistique nous sommes introduits dans le mystère de Dieu lui-même et, également, dans toute la profondeur de la réalité humaine. L’Eucharistie est annonce de mort et de résurrection. Le mystère pascal y est exprimé comme le début d’un temps nouveau et comme attente finale.
C’est le Christ même qui parle, et nous, nous ne cessons de l’écouter. Nous désirons sans cesse sa force de salut qui est devenue la " garantie " divine des paroles de vie éternelle.
Il a des paroles de vie éternelle (cf. Jn 6, 68).
Ce que nous voulons Lui dire est toujours nôtre, parce que jailli de notre expérience humaine, de nos désirs, mais aussi de nos angoisses. C’est souvent un langage de souffrance mais aussi d’espérance. Nous lui parlons de nous-mêmes, de tous ceux qui attendent de nous que nous les Lui rappelions.
Ce que nous disons, nous est inspiré par la Parole de Dieu. La liturgie de la Parole précède la liturgie eucharistique. En relation avec la Parole que nous avons entendue aujourd’hui, nous aurons énormément à dire au Christ durant cette audience sacrée.
Nous voulons donc Lui parler avant tout de ce talent particulier — et peut-être pas seulement un, mais cinq — que nous avons reçu : la vocation sacerdotale, l’invitation à prendre la voie du sacerdoce en entrant au Séminaire. Chaque talent oblige, et nous nous sentons d’autant plus obligés par ce talent, à ne pas le gaspiller, à ne pas " le cacher sous terre ", mais à le faire fructifier Grâce à une préparation sérieuse, à l’étude, au travail sur son propre ego, et à une consciente formation de " l’homme nouveau " qui, se donnant sans réserve au Christ dans le service sacerdotal, vécu dans le célibat, pourra devenir, de manière toute particulière, un homme " pour autrui ".
Nous voulons également parler avec le Christ de cette voie qui mène chacun de nous au sacerdoce, parler chacun de sa propre vie. Dans celle-ci, tâchons de persévérer avec crainte de Dieu comme le Psalmiste nous invite à le faire. Ceci est la voie qui nous fait sortir des ténèbres pour nous conduire à la lumière, comme l’a écrit Saint Paul. Nous voulons être " fils de la lumière ". Nous voulons veiller, nous voulons être modérés, sobres et responsables, pour nous et pour autrui.
Chacun de vous aura certainement encore beaucoup d’autres choses à dire durant cette audience — chacun de vous, Supérieurs, et chacun de vous, très chers élèves.
Et que dirai-je à Jésus, moi votre nouvel Évêque ?
Avant tout je désire Lui dire : je te remercie pour tous ceux que Tu m’as donnés. Je veux encore Lui dire (je le Lui répète sans cesse) : la moisson est abondante ! Envoie des ouvriers pour ta moisson.
Et je veux surtout Lui dire : garde-les dans la vérité et accorde leur de mûrir à la grâce du sacrement du sacerdoce auquel ils se préparent.
Tout ceci je veux le Lui dire par l’intermédiaire de Sa Mère que vous vénérez au Séminaire Romain, en regardant l’image de la " Vierge de la confiance " envers qui le serviteur de Dieu Jean XXIII était particulièrement dévot.
Je confie donc à cette Mère chacun de vous et les trois Séminaires de mon Diocèse.
3. Au clergé, aux religieux et séminaristes de Saint-Domingue
26 janvier 1979
VIVEZ AVEC LE CHRIST ET ANNONCEZ-LE
Chers Frères et Sœurs,
Que soit béni le Seigneur qui m’a conduit ici, sur cette terre de la République Dominicaine où, heureusement, pour la gloire et la louange de Dieu en ce Nouveau Continent se leva aussi le jour du salut. Et j’ai voulu venir en cette cathédrale de Saint-Domingue pour être parmi vous, très aimés prêtres, diacres, religieux, religieuses et séminaristes, pour vous manifester mon affection spéciale, à vous en qui le Pape et l’Église déposent leurs plus grandes espérances, afin que vous soyez plus joyeux dans la foi, et que votre fierté d’être ce que vous êtes déborde sur moi (cf. Ph 1, 25).
Avant tout, cependant, je veux m’unir à vous dans l’action de grâce à Dieu. Merci pour la croissance et le zèle de cette Église qui possède tant de belles initiatives et qui montre tant d’engagement dans son service de Dieu et des hommes. Je rends grâce à Dieu avec une immense joie — pour reprendre les paroles de l’Apôtre — " pour la part que vous avez prise dans l’annonce de la Bonne Nouvelle depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui ; bien persuadé de ceci : Celui qui a commencé en vous une œuvre bonne en poursuivra l’achèvement jusqu’au jour du Christ Jésus "
(Ph 1, 3, 11).
J’aimerais vraiment disposer de beaucoup de temps pour rester avec vous, apprendre votre nom et écouter de vos lèvres " ce qui déborde de votre cœur " (Mt 12, 34), ce que vous avez expérimenté de merveilleux dans votre cœur — " fecit mihi magna qui potens est " (Lc 1, 49) — ayant été fidèles à la rencontre avec le Seigneur. Une rencontre de choix de sa part.
C’est précisément cela : la rencontre pascale avec le Seigneur, que je désire proposer à votre réflexion pour raviver davantage votre foi et votre enthousiasme en cette Eucharistie ; une rencontre personnelle, vivante, les yeux ouverts et le cœur palpitant, avec le Christ ressuscité (cf. Le 24, 34) l’objectif de votre amour et de toute votre vie.
Il arrive parfois que notre relation avec Jésus s’affaiblisse ou s’atténue — ce que le peuple fidèle remarque par la suite et ce dont il s’attriste — car nous le portons à l’intérieur, oui, mais parfois mélangé avec nos penchants et nos raisonnements humains (cf. ibid., 15), sans faire briller toute la lumière grandiose qu’Il renferme pour nous. En certaines occasions nous parlons peut-être de Lui, un peu influencés par certaines préventions et variantes, ou des données à saveur sociologique, politique, psychologique, linguistique au lieu de faire dériver les critères de base de notre vie et de notre activité d’un Évangile vécu également avec joie, avec confiance et avec cette immense espérance que renferme la croix du Christ.
Une chose est bien claire, très chers frères : la Foi au Christ ressuscité n’est pas le résultat d’une connaissance technique ou le fruit d’un bagage scientifique (cf. 1 Co 1, 26).
Ce qu’il nous demande est que nous annoncions la mort de Jésus-Christ et proclamions sa résurrection : Jésus est vivant, " Dieu l’a ressuscité, rompant les liens de la mort " (He 2, 24). Ce qui au début fut un murmure tremblant parmi les premiers témoins se transforma rapidement en une joyeuse expérience de la réalité de celui " avec lequel nous avons mangé et bu... après qu’il fut ressuscité des morts " (He 10, 41-42). Oui, le Christ vit dans l’Église, il est en nous, porteur d’espérance et d’immortalité.
Si ensuite vous avez rencontré le Christ, vivez le Christ, vivez avec le Christ ! Et annoncez-Le à la première personne, comme d’authentiques témoins : " pour moi vivre c’est le Christ " (Ph 1, 21). C’est là précisément que se trouve la vraie libération : proclamer Jésus, libre de toute attache, présent dans des hommes transformés, devenus nouvelles créatures. Pourquoi notre témoignage est-il vain parfois ? Parce que nous présentons un Jésus sans toute la force séductrice qu’offre sa Personne ; sans révéler les richesses de l’idéal sublime que comporte sa suite ; parce que nous n’arrivons pas toujours à montrer une conviction traduite en termes de vie, au sujet des valeurs merveilleuses de notre engagement à la grande cause ecclésiale que nous servons.
Frères et sœurs : il est important que les hommes voient en nous les dispensateurs des mystères de Dieu (cf. 1 Co 4, 1), les témoins crédibles de sa présence dans le monde. Pensons fréquemment que lorsque Dieu nous appelle, il ne nous demande pas une partie de notre personne, mais tout notre être avec ses énergies vitales, pour annoncer aux hommes la joie et la paix de la nouvelle vie dans le Christ et pour les guider à leur rencontre avec Lui. Pour cela, que notre première préoccupation soit la recherche du Seigneur, et, une fois rencontré, constater où et comment il vit, demeurant avec lui tout le jour (cf. Jn 1, 39).
Restons avec Lui d’une façon spéciale dans l’Eucharistie où le Christ se donne à nous, et dans la prière, par laquelle nous nous donnons à Lui. L’Eucharistie doit se compléter et se prolonger par l’offrande de notre devoir quotidien comme " un sacrifice de louange " (Missel Romain, Prière Eucharistique I). Dans la prière, dans nos relations confiantes avec Dieu notre Père, nous discernons mieux où se trouve notre force et où réside notre faiblesse, car l’Esprit vient à notre aide (cf. Rm 8, 26). L’Esprit lui-même nous parle et nous plonge peu à peu dans les mystères divins, dans les desseins d’amour pour les hommes que Dieu réalise à travers notre disponibilité à son service.
Comme Saint Paul au cours de la réunion eucharistique à Troas, moi aussi je prolongerais mon discours avec vous jusqu’à minuit. J’aurais beaucoup de choses à vous dire que je ne puis dire maintenant. En attendant je vous recommande la lecture attentive de ce que j’ai dit récemment au Clergé, aux Religieux, aux Religieuses et Séminaristes de Rome. Elle élargira notre rencontre qui se prolongera spirituellement avec d’autres semblables dans les prochains jours. Que le Seigneur et notre douce Mère la Vierge Marie vous accompagnent toujours et remplissent votre vie d’un grand enthousiasme dans le service de votre très haute vocation ecclésiale.
Nous allons poursuivre la Messe et déposer sur la table des offrandes nos désirs de vivre une nouvelle vie, nos nécessités et nos supplications, les nécessités et les supplications de l’Église, et de la Nation Dominicaine. Mettons-y également les travaux et les fruits de la IIIe Conférence Générale de l’Épiscopat latino-américain de Puebla.
4. Aux prêtres et religieux du Mexique
27 janvier 1979
POURQUOI DOUTER DE SON IDENTITÉ ?
Chers prêtres, diocésains et religieux,
Une des rencontres que, durant ma visite au Mexique, j’ai espérée avec grand bonheur, est celle que j’ai avec vous, ici, dans le sanctuaire de notre aimée et vénérée Mère de Guadalupe.
Voyez dans cet entretien une preuve de l’affection et de la sollicitude du Pape. Lui, en qualité d’évêque de toute l’Église, est conscient de votre rôle irremplaçable et il se sent très proche de ceux qui sont les pièces centrales dans la tâche ecclésiale, comme les principaux collaborateurs des Évêques, comme participants des pouvoirs salvifiques du Christ, témoins, annonciateurs de son Évangile, promoteurs de la foi et de la vocation apostolique du Peuple de Dieu. Et je ne veux pas oublier ici tant d’autres âmes consacrées, collaboratrices précieuses en de nombreux et importants secteurs de l’apostolat de l’Église, même sans le caractère sacerdotal.
Non seulement vous êtes une présence qualifiée dans l’apostolat ecclésial, mais l’amour que vous portez aux hommes pour Dieu trouve une insertion remarquable parmi les étudiants des divers grades, parmi les malades et ceux qui ont besoin d’assistance, parmi les hommes de culture, parmi les pauvres qui réclament compréhension et appui, parmi tant de personnes qui viennent à vous en recherche de conseils et d’encouragement.
Pour le don de votre personne au Seigneur et à l’Église pour votre proximité de l’homme, recevez aujourd’hui ma reconnaissance au nom du Christ.
Serviteurs d’une cause sublime, de vous dépend en grande partie le sort de l’Église dans les secteurs confiés à votre soin pastoral. Il vous impose une profonde conscience de la grandeur de la mission reçue et de la nécessité de vous y adapter toujours plus.
Il s’agit, en effet, chers frères et fils, de l’Église du Christ — celle que vous devez servir joyeusement en sainteté de vie (cf. Ep 4, 13). Quel respect et quel amour ceci doit nous inspirer
Ce service éminent et exigeant ne pourra être rendu sans la conviction claire et enracinée de votre identité comme prêtres du Christ, dépositaires et administrateurs des mystères de Dieu, instruments de salut pour les hommes, témoins d’un règne qui commence en ce monde, mais qui se complète dans celui de l’au-delà. En face de ces certitudes de la foi pourquoi douter de sa propre identité ? Pourquoi vaciller au sujet des valeurs de sa propre vie ? Pourquoi hésiter sur le chemin entrepris ?
Pour conserver ou renforcer cette conviction ferme et persévérante, regardez le modèle qu’est le Christ. Ravivez les valeurs surnaturelles de votre existence, demandez la force encourageante d’en haut, dans le colloque assidu et confiant de la prière. Aujourd’hui comme hier il vous est indispensable. Et soyez fidèles aussi à la pratique fréquente du Sacrement de la Réconciliation, à la méditation quotidienne, à la dévotion à la Vierge Marie par la prière du chapelet. En un mot, cultivez l’union avec Dieu à travers une profonde vie intérieure. Que ce soit là votre premier devoir. Ne craignez pas que le temps consacré au Seigneur enlève quelque chose à votre apostolat. Bien au contraire, il sera source de fécondité pour votre ministère.
Soyez des personnes qui ont fait de l’Évangile une profession de vie. De l’Évangiles vous devriez retirer les critères essentiels de foi — non de simples critères psychologiques ou sociologiques — qui produisent une synthèse harmonieuse entre spiritualité et ministère. Sans permettre le " professionnalisme " de celui-ci, sans diminuer l’estime que doit vous mériter votre célibat ou chasteté consacrée, accepté par amour du Règne dans une paternité spirituelle illimitée (1 Co 4, 15) : " C’est aux prêtres que nous devons notre bienheureuse régénération et de connaître une vraie liberté ", affirme Saint Jean Chysostome (De sacerdotio 4, 6).
Vous êtes participants du sacerdoce ministériel du Christ pour le service et l’unité de la communauté. Un service qui se réalise en vertu de la puissance reçue pour guider le Peuple de Dieu, pardonner les péchés et offrir le sacrifice eucharistique (cf. Lumen Gentium, 10 ; Presbyterorum ordinis, 2). Un service sacerdotal spécifique qui, dans la communauté chrétienne, ne peut être remplacé par le sacerdoce commun des fidèles, essentiellement différent du premier (LG 10).
Vous êtes membres d’une Église particulière, dont le centre d’unité est l’Évêque (Christus Dominus, 28), avec lequel tout prêtre est tenu de maintenir une attitude de communion et d’obéissance. Pour leur part, les religieux, en ce qui regarde les activités pastorales, ne peuvent nier leur loyale collaboration et obéissance à la hiérarchie locale, invoquant une exclusive dépendance envers l’Église universelle (cf. Christus Dominus, 34 et Document commun de la Sacrée Congrégation pour les Religieux et Instituts séculiers et de la S. Congrégation pour les Évêques, 14 mai 1978). Serait encore moins admissible pour des prêtres ou des religieux une pratique de magistères parallèles à ceux des Évêques — authentiques et seuls maîtres dans la foi —, ou des Conférences Épiscopales.
Soyez serviteurs du Peuple de Dieu serviteurs de la foi, administrateurs et témoins de l’amour du Christ pour les hommes ; amour qui n’est pas partisan, qui n’exclut personne, même s’il oriente ses préférences vers le plus pauvre. A ce sujet, je veux vous rappeler ce que j’ai dit il y a peu de temps aux Supérieurs Généraux des Religieux à Rome : " L’âme qui vit en contact habituel avec Dieu et se meut dans le rayon ardent de son amour sait se défendre facilement de la tentation de particularismes et d’antithèses qui créent le risque de douloureuses divisions ; elle sait interpréter à la juste lumière de l’Évangile les options pour les plus pauvres et pour chacune des victimes de l’égoïsme humain, sans céder à des radicalismes sociopolitiques qui à la longue se révèlent inopportuns et regrettables " (24 novembre 1978).
Soyez des guides spirituels qui s’efforcent d’orienter et d’encourager les cœurs de leurs fidèles afin que, convertis, ils vivent dans l’amour de Dieu et du prochain et s’engagent dans la promotion et une plus grande dignité de l’homme.
Soyez prêtres et religieux : ne soyez pas des dirigeants sociaux, leaders politiques ou fonctionnaires d’un pouvoir temporel. Pour cela je vous redis : N’ayons pas l’illusion de servir l’Évangile si nous essayons de " diluer " nôtre charisme par un intérêt exagéré dans le vaste champ des problèmes temporels " (Discours au Clergé de Rome). N’oubliez pas que le leadership temporel peut être facilement source de division tandis que le prêtre doit être signe et facteur d’unité et de fraternité. Les fonctions séculières sont le champ propre d’action des laïcs qui doivent animer et parfaire les choses temporelles selon l’esprit chrétien (Apostolicam Actuositatem, 4).
Chers prêtres et religieux : je pourrais vous dire bien d’autres choses, mais je ne veux pas trop prolonger cette rencontre. Certaines, je vous les dirai ailleurs, et je vous y renvoie.
Je termine en vous exprimant à nouveau ma grande confiance en vous. J’attends beaucoup de votre amour du Christ et des hommes. Il y a tant à faire. Reprenons le chemin avec un nouvel enthousiasme Unis au Christ, sous le regard maternel de la Vierge, Notre Dame de Guadalupe, douce mère des prêtres et religieux. Avec l’affectueuse bénédiction du Pape, pour vous et pour tous les prêtres et religieux du Mexique.
5. Au clergé de Rome
2 mars 1979
LE PRÊTRE DANS LE MYSTÈRE DU CHRIST
Nous nous rencontrons au début du Carême. Pendant cette période chacun de nous doit principalement renouveler — c’est-à-dire retrouver en quelque sorte — son " être chrétien - ", l’identité qui découle du fait d’appartenir au Christ, d’abord et avant tout par l’effet du Baptême. Toute la tradition de la période quadragésimale est orientée dans cette direction et, dans l’ancienne pratique de l’Église, son couronnement était précisément le Baptême des catéchumènes.
Rappelons-nous que le substrat fondamental de notre " sacerdoce " est l’" être chrétien " ; notre " identité sacerdotale " plonge ses racines dans l’" identité chrétienne " (christianus - alter Christus ; sacerdos - alter Christus).
En nous préparant avec tous nos frères dans La foi au renouvellement des promesses baptismales lors de la veillée du Samedi Saint, nous nous préparons de manière particulière au renouvellement de la promesse sacerdotale dans la liturgie du Jeudi Saint, la journée des prêtres. Le temps du Carême doit servir tout entier à cette préparation.
La sainteté du prêtre
Le Concile Vatican II a exposé de manière claire et précise l’essence de la sainteté propre des prêtres (Décret sur le ministère et la vie des prêtres). Nous devons rechercher les formes concrètes de cette sainteté, en exerçant les multiples tâches qui appartiennent à notre vocation et à notre ministère pastoral.
Si l’on se demande quels sont les éléments qui caractérisent la sainteté à laquelle est appelé le prêtre, les éléments qui en constituent, pour ainsi dire, le specificum, il est légitime de les déterminer sous ses deux aspects strictement complémentaires que je formulerai ainsi : a) un homme totalement possédé par le mystère du Christ ; b) un homme qui édifie de manière toute particulière la communauté du Peuple de Dieu.
Un homme totalement possédé par le mystère du Christ
Le prêtre est placé au centre même du mystère du Christ, lequel embrasse constamment l’humanité et le monde, la création visible et la création invisible. Il agit, en effet, in persona Christi, particulièrement quand il célèbre l’Eucharistie : par son ministère, le Christ continue à accomplir dans le monde son oeuvre de salut. C’est donc avec raison que chaque prêtre peut s’exclamer avec l’Apôtre Paul : " Qu’on nous regarde donc comme des ministres du Christ et intendants des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1).
Il est facile de découvrir les implications d’un tel état de fait. Je me limite à en indiquer quelques-unes :
— Si la fin de son ministère est la sanctification des autres, il est évident que le prêtre doit se sentir obligé à un effet de sainteté personnelle. Il ne peut " se tenir à l’écart ", il ne peut se dispenser d’un tel " effort ", sans se condamner du fait même à une vie " inauthentique ", ou pour user de paroles de l’Évangile, sans se transformer " de bon pasteur " en " berger à gages " (cf. Jn 10, 11-12).
Efficacité des sacrements et dispositions du ministre
Il y a ensuite l’implication constituée par le vieux problème théologique des rapports entre opus operatum et opus operantis. L’efficacité surnaturelle des sacrements dépend directement de l’opus operatum ; mais le Concile Vatican II a vigoureusement souligné l’importance de l’opus operantis. Rappelez-vous ce que dit le Décret Presbyterorum ordinis : " La grâce de Dieu, certes, peut accomplir l’oeuvre du salut même par des ministres indignes, mais d’ordinaire, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes accueillants à l’impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilite à dire avec l’Apôtre : "Si je vis, ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 20) " (n. 12).
Vie intérieure du prêtre
Il faut aussi parler du problème du " style " de la vie intérieure du prêtre ayant charge d’âmes. Le Concile Vatican II l’a affronté avec une courageuse clarté : " Les prêtres — est-il écrit dans Presbyterorum ordinis — sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l’unité entre leur vie intérieure et les exigences de l’action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement. Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c’est de suivre, dans l’exercice du ministère, l’exemple du Christ-Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l’a envoyé et d’accomplir son oeuvre " (n. 14).
Ce paragraphe constitue une réinterprétation spécifique des nombreuses et précieuses réflexions, mûries au cours des siècles, sur le rapport entre vie active et vie contemplative. Une chose est certaine : si la conscience du prêtre est pénétrée de l’immense mystère du Christ, si elle en est totalement possédée, alors toutes ses activités, même les plus absorbantes (vie active), trouveront racine et nourriture dans la contemplation des mystères de Dieu (vie contemplative), dont il est l’"intendant ".
Le prêtre édificateur de la communauté
Le second aspect de la vocation à la sainteté du prêtre, je le relève dans sa tâche d’édifier la communauté du Peuple de Dieu. Cela pourrait sembler un aspect " extérieur ", lié à la dimension institutionnelle de l’Église et donc peu important du point de vue de la, sainteté personnelle. Et cependant tout l’enseignement de Vatican II, remontant du reste aux sources les plus pures de l’ecclésiologie, voit également le proprium de la sainteté sacerdotale. Le prêtre, conquis par le mystère du Christ, est appelé à conquérir les autres à ce mystère ; cette dimension " sociale " de son sacerdoce, il la vit entre les structures de l’Église-institution. Le prêtre n’est pas seulement l’homme " pour les autres " ; il est appelé à aider " les autres " à devenir une communauté, c’est-à-dire à vivre la portée sociale de leur foi. De telle sorte, le zèle qu’il met à " rassembler " (et à ne pas " disperser " — cf. Mt 12, 30), le zèle qu’il met à " édifier " l’Église, devient la mesure de sa sainteté.
La salutation, par laquelle il commence la liturgie eucharistique : " la communion de l’Esprit Saint soit avec vous tous ! " devient son programme le prêtre est le porte-voix et l’intermédiaire de cette communion. Il est donc tenu à cultiver en lui-même une .attitude de fraternité et de solidarité, il doit apprendre l’art de la collaboration, de la mise en commun des expériences, de l’aide mutuelle. Partie vivante du Presbyterium qui se serre autour de son propre Évêque, il doit se sentir continuellement appelé à une action missionnaire vers ceux qui sont loin, qui ne font pas encore partie de l’ " unique bercail "(cf. Jn 10, 16).
Témoin de l’espérance eschatologique par le célibat
Et enfin, comme les croyants s’avancent dans le temps, soutenus par l’espérance de la rencontre définitive avec le Christ dans sa gloire, le prêtre édifie la communauté des frères en s’y plaçant comme témoin de l’espérance eschatologique. Les fidèles à qui il est envoyé attendent de lui, comme sceau définitif de sa mission, un témoignage clair et sans équivoque de la vie éternelle et de la résurrection de la chair. C’est également sous ce jour qu’il faut considérer l’engagement au célibat qui apparaît alors comme une contribution très importante à l’édification de l’Église et, par conséquent, comme élément caractérisant la spiritualité du prêtre.
Le Carême, " moment favorable " pour une opportune révision de vie
Très chers fils, je me suis attardé à situer les principaux traits de notre identité sacerdotale parce que la période du Carême est vraiment le " moment favorable " (2 Co 6, 2) pour une opportune révision de vie en présence du don extraordinaire de la vocation.
C’est une révision que chacun doit conduire à l’intérieur de la communauté tant presbytérale que paroissiale, de manière qu’elle se traduise, de la part de tous, en un nouvel effort de vie chrétienne. Le Carême a toujours donné une impulsion nouvelle à l’activité pastorale au sein de la paroisse : autrefois on faisait des missions paroissiales, des pratiques de piété spéciales, des exercices de pénitence communautaires. Aujourd’hui, avec la transformation des conditions de vie, il faut donner d’autres formes à l’effort de renouvellement de la vie chrétienne.
Les rencontres que j’ai déjà pu avoir avec les responsables du clergé diocésain m’ont permis de me rendre compte de la prometteuse floraison d’initiatives mises au programme de ce Carême dans les divers domaines de la catéchèse, des célébrations liturgiques, des réalisations caritatives. Je désire profiter de la présente circonstance pour vous exprimer ma sincère satisfaction et mes encouragements les plus cordiaux. Travaillez, très chers fils, sans vous laisser abattre par les difficultés et par les échecs. Tirez profit de l’expérience pour mettre au point de nouvelles initiatives, pour chercher de nouvelles voies sur lesquelles aller à la rencontre des hommes nos frères et leur porter la " Parole qui sauve " ; Parole dont ils sont affamés, peut-être sans. le savoir. Comme pasteur, le prêtre doit toujours imiter le Christ-Pasteur qui cherche.
Le sacerdoce doit unifier notre vie
Une telle recherche, menée avec le Bon Pasteur, de manière désintéressée et souvent pénible, confère à son sacerdoce ce caractère d’authenticité, si nécessaire tant au point de vue de sa personnalité sacerdotale que de sa personnalité plus simplement humaine, qui s’impose au respect et à l’estime de tous ceux qui l’approchent.
Il faut que nous évitions avec soin de " scinder " notre personnalité de prêtres. Nous devons aussi éviter scrupuleusement que notre sacerdoce cesse d’être pour nous la chose " la plus essentielle ", l’élément d’"unification " de tout ce dont nous nous occupons. Il ne doit jamais devenir quelque chose de secondaire, de " supplémentaire ".
C’est là l’objet fondamental de notre action sur nous-mêmes, de notre vie intérieure, en un mot, de la formation sacerdotale permanente considérée selon son triple aspect : spirituel, pastoral, intellectuel.
Nous nous formons " pour " exercer l’activité sacerdotale, et nous nous formons " par " l’activité sacerdotale. Nous devons, en ce domaine, avoir une authentique et saine ambition. Nous devons avoir à coeur de réaliser de la manière la plus efficace le service de la parole (Comment est-ce que je prêche, comment fais-je le catéchisme ?). Nous devons avoir l’affectueux souci d’arriver aux âmes pour assister les hommes dans leurs problèmes de conscience : confession, direction spirituelle, particulièrement à l’égard des personnes consacrées à Dieu (on entend parfois des plaintes sur le manque de bons directeurs de conscience).
Certes, nous devons toujours demeurer avec ceux qui souffrent, qui sont dans le besoin ; être de leur côté. Mais nous nous devons d’être avec eux toujours " en tant que prêtres ".
Les visites pastorales de l’Évêque de Rome
C’est depuis quelques mois seulement que je suis Évêque de Rome et je commence peu à peu à connaître mon nouveau dIocèse. Mais je me rends compte de ce que ma mission " universelle " est fondée sur ma mission " particulière ", et c’est la raison pour laquelle je cherche à me consacrer autant que je peux à cette dernière, profitant de l’aide précieuse du Cardinal-Vicaire, de Mgr le Vice-Gérant et des Évêques auxiliaires. Durant ces mois, j’ai eu l’occasion de visiter quelques paroisses après avoir d’abord pris contact avec les pasteurs. de chacune d’elles.
Ce furent des expériences très belles où j’ai trouvé la confirmation de la sympathie spontanée de la population, de la disponibilité franche et confiante des prêtres, de la généreuse vivacité des laïcs, et surtout des jeunes. A ce propos, je saisis volontiers l’occasion pour remercier Monsieur le Cardinal Vicaire, Leurs Excellences les Évêques des zones, le clergé et les fidèles pour la cordialité et la chaleur de leur accueil.
Je compte beaucoup sur ces rencontres que j’ai l’intention de faire autant que possible coïncider avec les visites plus approfondies de chacun des Évêques des différentes zones pastorales. Il me paraît très utile, dans de telles circonstances, de prendre directement contact avec les groupes de laïcs, apostoliquement engagés dans la paroisse. Parmi ceux-ci je voudrais souligner en particulier les groupes de catéchistes composés tant de parents que de jeunes, dont l’action se révèle toujours plus nécessaire, spécialement aujourd’hui où les prêtres sont trop peu nombreux. Ce n’est qu’avec l’engagement de groupes choisis et bien préparés, qui savent entraîner également les familles des enfants dans cet effort de maturation de la foi que doit être la catéchèse, que l’on pourra faire face aux graves problèmes que pose une société sécularisée.
Pastorale des vocations
C’est sur la base de la collaboration avec les familles et dans le contexte d’un dialogue approfondi avec les jeunes que doit se développer la pastorale des vocations, sur l’urgence de laquelle je n’ai pas besoin d’insister. Naturellement, il n’y a pas de quoi s’étonner si cette action pastorale spécifique se révèle des plus difficiles dans une ville qui compte des millions d’habitants. Toutefois, si elle est menée avec zèle et méthode, cette action pourrait, à la longue, se démontrer encore plus efficace dans un cadre aussi vaste. J’insisterai donc surtout sur la nécessité pour les prêtres de demander au Maître de la moisson de les aider à être, dans cette oeuvre de promotion des vocations, d’efficaces intermédiaires, grâce à leur propre vie et leur propre enseignement.
Unité du presbyterium
Au moment de conclure cette rencontre avec vous, ma pensée court vers le Jeudi-Saint, le jour où tout le presbyterium romain se trouvera de nouveau réuni autour de son Évêque, le jour qui est celui de notre unité sacerdotale. Il faut que nous cherchions à donner une forme concrète à cette unité, surtout ici à Rome où, comme il est notoire, le clergé est particulièrement différencié. Nous devons penser à ce qui peut servir au renforcement de cette unité et, de même, à ce que l’on peut faire pour écarter ce qui pourrait lui faire obstacle.
Le rapport présenté à votre assemblée du 15 février dernier consacrée au thème : " Le clergé de Rome face aux exigences du diocèse ", m’a permis de me rendre compte de l’effort que vous faites pour raviver et développer les structures de participation et de collégialité et, pour renforcer les liens de solidarité et de communion. C’est un programme qui mérite tous les encouragements, car il répond de manière responsable à cette exigence de fraternité qui découle de la commune ordination sacerdotale, du service commun, de la mission commune. Cultivez comme attitude habituelle et consciente de votre esprit ce que j’appellerai un véritable affectus collegialis, par analogie avec le lien de collégialité qui unit les Évêques. Ceci fait également partie de votre spiritualité spécifique.
En prenant congé de vous, je vous serre tous contre moi dans une étreinte spirituelle et je vous bénis de grand coeur. Lorsque, durant la période pascale, vous visiterez les familles de vos paroisses, portez-leur le salut et la bénédiction de l’Évêque de Rome, de l’humble successeur de Saint-Pierre, le Pape Jean-Paul II.
6. A tous les prêtres de l’Église a l’occasion du Jeudi Saint
7. Jeudi Saint à la messe chrismale
12 avril 1979
LA FÊTE DES PRÊTRES
Aujourd’hui précisément, nous sommes appelés à vivre ce jour : la fête des prêtres. Aujourd’hui parlent de nouveau à nos coeurs les mystères du Cénacle où, avec la première Eucharistie, le Christ a dit : " Faites ceci en mémoire de moi " (Lc 22, 19), instituant ainsi le sacrement du sacerdoce. Et s’accomplit ce que bien longtemps auparavant avait dit le prophète Isaïe : " Vous serez appelés prêtres du Seigneur, on vous nommera officiants de notre Dieu " (Is 61, 6).
Aujourd’hui, nous éprouvons très vivement le désir de nous trouver près de l’autel pour cette célébration eucharistique et rendre grâces au Seigneur pour ce don particulier qu’il nous a conféré. Conscients de la grandeur de cette grâce, nous désirons en outre renouveler les promesses que le jour de notre propre ordination chacun de nous a faites au Christ et à son Église en les déposant entre les mains de l’Évêque. En les renouvelant nous demandons la grâce de la fidélité et de la persévérance. Nous demandons également que la grâce de la vocation sacerdotale tombe sur le terrain d’un grand nombre de jeunes âmes et qu’elle y plonge ses racines d’où sortiront des fruits au centuple (cf. Lc 8, 8).
Comme cela a été prévu, les évêques du monde entier font aujourd’hui de même dans leurs cathédrales. Avec leurs prêtres ils renouvellent les promesses faites le jour de l’ordination. Unissons-nous à eux encore plus ardemment, par le lien de la fraternité dans la foi et dans la vocation que nous avons tirée du Cénacle comme héritage particulier qui nous a été transmis par les Apôtres.
Persévérons dans cette grande communauté sacerdotale, comme serviteurs du Peuple de Dieu, comme disciples aimants de celui qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort, qui est venu au monde, non pour être servi, mais pour servir ! (Mt 20, 28).
8. A un groupe de jeunes prêtres de Bologne
19 avril 1979
Monsieur le Cardinal,
La rencontre de ce matin est égayée par la présence de ces jeunes prêtres de votre archidiocèse à qui vous avez imposé les mains au cours de ces dernières années. Il me semble lire sur votre visage le légitime orgueil d’un père qui se voit entouré d’une nombreuse et forte guirlande de fils et sait qu’il peut compter sur eux aujourd’hui et demain. Je vous adresse donc, Monsieur le Cardinal, à vous et à vos prêtres, un salut cordial et de sincères souhaits de bienvenue.
J’éprouve toujours une joie toute spéciale à pouvoir m’entres tenir avec les prêtres car je sens qu’avec eux j’entre immédiatement en communion en raison des idéaux, des espérances et des expériences heureuses et tristes, en un mot, de la vocation qui, par une providentielle disposition divine, nous unit. Le désir spontané que j’éprouve dans ces cas serait de me mettre à l’écoute des problèmes de chacun d’eux, de les interroger sur leurs initiatives apostoliques, les difficultés qu’ils rencontrent, les résultats qu’ils ont obtenus, leurs projets pour l’avenir. J’aimerais pouvoir leur parler, dans une fraternelle communion d’esprit, du mystère de l’élection divine, de la grandeur de la mission à laquelle nous sommes invités, des responsabilités formidables qui pèsent sur nous. En parler pour raviver en nous la conscience du rôle irremplaçable que le sacerdoce ministériel doit accomplir au service du Peuple de Dieu.
J’ai consigné quelques pensées sur cette fonction ecclésiale fondamentale dans la Lettre qu’à l’occasion de la récente célébration liturgique j’ai adressé à tous les prêtres. Je suis certain, très chers fils, que vous l’aurez accueillie avec une ouverture de cœur identique à la mienne, au moment où je l’ai écrite ; et je présume avec confiance que vous arrêtez sur elle votre réflexion attentive, intelligente, disponible, de sorte qu’elle soit pour chacun de vous une source de réconfort et de nouvel élan pour persévérer joyeusement dans le don de vous-mêmes que vous avez fait au Christ et à l’Église.
Ici, je voudrais simplement me pencher sur deux des exigences particulièrement ressenties par le Clergé, surtout par le jeune clergé : l’exigence de l’authenticité et celle de la proximité avec l’homme de notre temps. Ce sont deux exigences qui méritent la plus grande attention parce qu’elles sont l’expression d’une sincère volonté de cohérence avec notre mission propre.
Parcourant le texte de ma Lettre, vous aurez remarqué que j’ai indiqué dans la conformité au Christ " Bon Pasteur " le critère décisif d’authenticité sacerdotale (cf. N. 5) et dans la volonté de présenter aux autres hommes le témoignage d’une personnalité sacerdotale qui soit pour tous " un signe et une indication clairs et limpides " (cf. N. 7), le moyen le plus efficace de réaliser une présence " marquante " parmi les hommes d’aujourd’hui. En effet ce n’est pas en cédant aux suggestions d’une facile laïcisation qui se manifeste par l’abandon de l’habit ecclésiastique, ou par l’assimilation aux habitudes mondaines, ou par l’exercice d’une profession profane qu’on se rend proche de l’homme d’aujourd’hui. A première vue, cette assimilation pourrait donner l’impression qu’on réussit à avoir des contacts plus directs ; mais à quoi cela servirait-il s’il fallait le payer de la perte de la charge évangélisatrice et sanctificatrice spécifique qui fait du prêtre le sel de la terre et la lumière du monde ? Le risque que le sel devienne insipide ou que la lumière soit voilée a déjà été envisagé par le Christ dans l’Évangile (cf. Mt 5, 13-16). A quoi servirait un prêtre assimilé au monde au point de se fondre en lui et de ne plus être un ferment transformateur ?
Je suis certain que vous partagez ces convictions et c’est pour cela que j’ai l’âme remplie d’allégresse quand je peux contempler aussi beau, aussi riche de promesses, un groupe de jeunes prêtres serrés autour de leur évêque. C’est pourquoi, en vous réitérant mes remerciements pour votre visite, dans laquelle je lis l’attestation d’une intense volonté de communion toujours plus étroite avec le successeur de Pierre, je vous assure volontiers de mon souvenir tout particulier près de l’Autel du Seigneur et en son nom je vous donne à tous ma paternelle bénédiction apostolique que j’étends à vos familles et aux âmes confiées à votre généreux ministère.
9. A des prêtres jubilaires
21 avril 1979
Très chers prêtres de Milan !
Célébrant le 25e anniversaire de votre ordination sacerdotale vous avez voulu le solenniser par une rencontre personnelle avec le Pape, au retour d’un pieux pèlerinage en Pologne, ma terre natale bien-aimée, près du sanctuaire marial de Czestochowa.
Je vous remercie sincèrement pour ce témoignage de filiale dévotion et, en vous accueillant avec une vive et profonde affection, je vous adresse, à tous, mon salut ; et mieux, je vous embrasse avec tout l’amour qui doit jaillir de notre commun sacerdoce et de ma mission de Père universel. Soyez donc les bienvenus, vous les Supérieurs qui provenez de Milan, ville célèbre dans le monde entier pour son histoire chargée d’événements et pour son intelligente activité ; un diocèse de grands évêques, de saints prêtres, de laïcs engagés ; la terre du ministère pastoral, attentif et prévenant, de mon vénéré prédécesseur Paul VI.
Soyez les bienvenus, vous qui revenez d’un pèlerinage dans ma patrie, dont les longues et douloureuses vicissitudes s’entrelacent avec une foi chrétienne toujours sincère et profondément vécue.
Mais c’est à vous surtout que je souhaite la bienvenue, vous les prêtres qui célébrez votre jubilé sacerdotal.
Vingt-cinq années de sacerdoce, c’est beaucoup ! C’est comme une précieuse et mystique cathédrale édifiée avec plus de 10 000 saintes messes célébrées, avec des milliers et des milliers d’absolutions données et d’innombrables baptêmes, mariages, onctions des malades administrés en vertu des pouvoirs divins conférés par Jésus lui-même par l’intermédiaire des Apôtres et moyennant la chaîne d’or de l’imposition des mains
Que pouvons-nous faire sinon remercier Dieu et répéter après le Psalmiste : " Misericordias Domini in aeternum cantabo " (je chanterai à jamais les grâces du Seigneur — Ps 89-88, 2) ?
Vingt-cinq années de sacerdoce signifient une période de longue expérience et de concrète réflexion sur la véritable identité du prêtre. Après tant d’années de laborieux ministère dans la vigne et dans la moisson du Seigneur " après avoir porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur " (Mt 20, 12), il est plus facile de déterminer les éléments essentiels du sacerdoce catholique, ce qui servira de soutien à notre intention de persévérer et d’enseignement pour tous nos confrères
Notre force intérieure réside dans la vocation
Nous avons été appelés ! Voilà la vérité fondamentale qui doit nous combler de courage et de joie ! Jésus lui-même a dit aux Apôtres : " Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit qui demeure " (Jn 15, 16). Et l’auteur de l’Épître aux Hébreux nous avertit : " Nul ne peut s’arroger cet honneur, sinon celui qui y est appelé par Dieu " (He 5, 4).
L’appel a d’abord été intérieur : mystérieux, causé par des raisons diverses ; puis, après la longue et nécessaire préparation au séminaire, sous la direction de supérieurs avisés et responsables, il est devenu officiel, garanti, quand l’Église nous a appelés et nous a consacrés par les mains de l’évêque.
Il n’est personne, en effet, qui oserait devenir ministre du Christ, en continuel contact avec le Très-Haut ! Personne qui aurait te courage de se charger du fardeau des consciences et d’accepter ainsi une solitude mystique et sacrée.
L’appel nous donne la force d’être, avec constance et fidélité, ce que nous sommes : dans les moments de sérénité, mais surtout dans les moments de crise et de découragement, nous devons nous dire à nous-mêmes : Courage, j’ai été appelé ! " Ecce ego, mitte me " (me voici, envoie-moi, Is 6, 8).
Notre joie est l’Eucharistie
Rappelons-nous les paroles du divin Maître aux Apôtres : " Je vous appelle mes amis parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître " (Jn 15, 15).
On est prêtre avant tout pour l’eucharistie : le prêtre vit de l’Eucharistie. Nous pouvons " consacrer " et rencontrer personnellement le Christ avec le divin pouvoir de la " transsubstantiation " : nous pouvons, dans la communion, recevoir le Christ vivant, vrai, réel ; nous pouvons distribuer aux âmes le Verbe, incarné, mort et ressuscité pour le salut du monde ! Chaque jour nous vivons une audience privée avec Jésus.
Aussi, faites toujours de la sainte messe le centre de la journée, la rencontre personnelle avec Celui qui est notre unique et vraie joie ; il est donc absolument nécessaire pour jouir pleinement de la joie du sacerdoce que Chaque sainte messe soit l’objet d’une adéquate préparation et de convenables remerciements.
Enfin, nous devons avoir pour souci l’amour et le service des âmes
Dans la place que la Providence nous a assignée par les soins des Supérieurs. En n’importe quel lieu où nous nous trouvions, que ce soient les paroisses mouvementées des grandes métropoles, ou les pays perdus de montagne, il s’y trouve toujours des personnes à aimer, à servir, à Sauver ; il y a toujours une raison de méditer ces consolantes paroles qui marqueront notre destinée éternelle : " C’est bien, serviteur bon et fidèle, comme tu as été fidèle dans les petites choses, viens et entre dans la joie de ton Seigneur " (cf. Mt 23, 23).
Que mes paroles vous accompagnent comme souvenir de votre jubilé ; quant à moi, je vous demande de prier pour moi et pour tous les prêtres ; de prier pour que le Seigneur suscite de nombreuses vocations.
Que vous assiste, vous éclaire, vous encourage la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle je m’adresse en empruntant à Paul VI les paroles qu’il a prononcées lors de la réouverture du concile Vatican II : " O Marie jette ton regard sur nous tes fils, regarde-nous, frères, disciples et continuateur de Jésus ; fais que nous soyons conscients de notre vocation et de notre mission ; fais que, dans notre sacerdoce, dans notre parole, dans l’oblation de notre vie en faveur des fidèles qui nous sont confiés, nous ne soyons jamais indignes d’assumer la représentation, la personnification du Christ. Toi, ô pleine de grâce, fais que le prêtre qui t’honore soit, lui aussi, saint et immaculé ! " (allocution du Il octobre 1963).
Et que demeure toujours avec vous ma réconfortante Bénédiction
10. Au sanctuaire marial du " Divin Amour "
28 avril 1979
Chers prêtres, je connais votre zèle et les difficultés que vous rencontrez dans votre travail apostolique à cause de la distance et de l’isolement des bourgades et des fermes confiées à vos soins pastoraux. Mais soyez intrépides dans la foi et dans la fidélité à votre ministère pour développer toujours plus parmi les âmes le sens de la paroisse comme communauté de vrais croyants ; pour accroître la pastorale familiale et faire ainsi de chaque maison ou groupe de maisons un lieu d’évangélisation, de catéchèse et de promotion humaine ; et pour réserver l’attention voulue aux enfants et aux jeunes qui représentent l’avenir de l’Église. Je vous exprime tous mes encouragements pour cet effort et je vous exhorte " au milieu du Peuple de Dieu qui regarde Marie avec tant d’amour et d’espoir ", de recourir à elle dans vos difficultés " avec une espérance et un amour exceptionnels. En effet, vous devez annoncer le Christ, qui est son Fils. Et qui mieux que sa Mère vous transmettra la vérité sur lui ? Vous devez nourrir du Christ le coeur des hommes. Et qui pourra vous rendre plus conscients de ce que vous faites, sinon celle qui l’a nourri ? " (cf. Lettre aux prêtres à l’occasion du Jeudi Saint, n. 11).
11. Homélie à l’occasion de la Journée des vocations
Rome, 8 mai 1979
COMME JÉSUS, QUE CHACUN SOIT " BON PASTEUR "
Très chers frères et surs,
Aujourd’hui, dans toute l’Église catholique, c’est la " Journée pour les vocations sacerdotales et religieuses " et je suis heureux de la célébrer avec vous, ici à Rome, au centre de la chrétienté, et dans votre paroisse confiée aux prêtres de la Congrégation des Rogationistes que je salue cordialement.
Ce dimanche-ci a été dédié à cette suprême et essentielle nécessité, précisément parce qu’aujourd’hui la Liturgie nous présente l’image de Jésus " Bon Pasteur ".
Déjà dans l’Ancien Testament il était courant de parler de Dieu comme Pasteur d’Israël, du peuple de l’alliance, qu’il avait choisi pour réaliser son dessein du salut. Le Psaume 22 est une hymne splendide au Seigneur, Pasteur de nos âmes : " Le Seigneur est mon Pasteur, je ne manque de rien : sur des prés d’herbe fraîche il me fait reposer ; près des eaux tranquilles il me mène, il y refait mon âme, il me conduit sur les sentiers de la justice... Même si je marche dans un val ténébreux, je ne crains aucun mal car tu es avec moi... " (Ps 22, 1-3).
Les prophètes Isaïe, Jérémie et Ézéchiel reviennent souvent sur le thème du peuple " troupeau du Seigneur " : " Voici votre Dieu ! ... Comme un pasteur il fait paître son troupeau ; de son bras il le rassemble... " (Is 40, 11), et surtout ils annoncent le Messie comme un Pasteur qui fera vraiment paître ses brebis et ne les laissera plus se débander : " Je susciterai à leur tête un seul Pasteur qui les paîtra, mon serviteur David ; c’est lui qui sera pour elles un pasteur " (Ez 34, 23).
Dans l’Évangile, cette douce et touchante figure du Bon Pasteur nous est devenue familière, et même si les temps sont changés, à cause de l’industrialisation et de l’urbanisme, elle a gardé tout son charme et sa pleine efficacité ; et nous nous souvenons tous de l’émouvante et suggestive parabole du Bon Pasteur qui se met à la recherche de la brebis égarée (Lc 15, 3-7).
Dans les premiers temps de l’Église l’iconographie s’en est emparée et a développé considérablement le thème du Bon Pasteur dont la figure paraît souvent, peinte ou sculptée, dans les catacombes, sur les sarcophages, dans les baptistères. Une iconographie si intéressante et pieuse nous atteste que dès les premiers temps de l’Eglise l’image de Jésus " Bon Pasteur " a frappé et ému l’esprit des croyants et des non-croyants et qu’elle fut une raison de conversion, d’engagement spirituel, de réconfort. Eh bien, le Bon Pasteur est encore aujourd’hui, vivant et vrai, au milieu de nous, au milieu de toute l’humanité et il veut, à chacun de nous, faire entendre sa voix et ressentir son amour.
Que signifie être le Bon Pasteur ?
Jésus nous l’explique clairement, de manière convaincante :
— Le pasteur connaît ses brebis et les, brebis le connaissent comme il est beau et consolant de savoir que Jésus nous connaît un par un, que nous ne sommes pas des anonymes pour Lui, que notre nom — ce nom choisi avec amour par les parents et les amis — Lui, il le connaît ! Nous ne sommes pas " une masse ", une " multitude " pour Jésus Nous sommes des " personnes ", des individualités ayant une valeur éternelle, tant comme créature que comme personne rachetée ! Lui, il nous connaît ! Lui, il me connaît et il m’aime et il s’est livré pour moi ! (Ga 2, 20) ;
Le pasteur nourrit ses brebis et les mène à des pâturages frais et abondants : Jésus est venu pour apporter la vie aux âmes, pour la donner en abondance. Et la vie des âmes consiste essentiellement en trois réalités : la vérité, la grâce, la gloire. Jésus est la vérité parce que le Verbe incarné est, comme l’a dit Saint Pierre au chefs du peuple et aux anciens, " la pierre d’angle " sur laquelle seule il est possible d’élever l’édifice familial, social, politique : " Car il n’est sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvé " (Ac 4, 11-12).
Jésus nous donne la grâce, c’est-à-dire la vie divine, par le baptême et les autres sacrements. Moyennant la grâce nous devenons participants de la nature trinitaire même de Dieu ! Mystère immense mais d’une indicible joie, d’une indicible consolation
Jésus, enfin, nous donnera la gloire du Paradis, une gloire totale et éternelle et nous y serons aimés et aimerons, participant de la félicité même de Dieu qui est Infini, même dans la joie " Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté — commente Saint Jean — Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables parce que nous Le verrons tel qu’il est " (1 Jn 3, 2).
— Le pasteur défend ses brebis, il n’est pas comme le berger à gages qui fuit quand arrive le loup, parce qu’il n’a pas souci des brebis. Nous savons que malheureusement dans le monde ce sont les mercenaires qui sèment la haine, la malice, le doute, le trouble des idées et des sens. Par contre, par la lumière de sa parole divine et avec la force de sa présence sacramentelle et ecclésiale, Jésus fortifie la volonté, purifie les sentiments et, de cette manière, nous défend et nous libère de tant de douloureuses et dramatiques expériences.
— Le pasteur offre même sa vie pour ses brebis : Jésus a réalisé le projet de l’amour divin moyennant sa mort sur la croix ! Il s’est offert sur la croix pour racheter l’homme, créé par l’amour pour l’éternité de l’Amour.
— Le pasteur, enfin, ressent le désir d’accroître son troupeau Jésus affirme ouvertement son angoisse universelle : " J’ai d’autres brebis encore qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi je dois les mener ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur " (Jn 10, 16). Jésus veut que tous les hommes le connaissent, l’aiment, le suivent.
Jésus a voulu dans son Eglise le prêtre comme " Bon Pasteur "
La paroisse est la communauté chrétienne, éclairée par l’exemple du Bon Pasteur, serrée autour de son propre curé et des vicaires, ses collaborateurs.
Dans la paroisse le prêtre continue la mission et la tâche de Jésus ; il doit donc " paître le troupeau " ; il doit enseigner, instruire, donner la grâce, défendre les âmes de l’erreur et du mal, convertir, et, surtout, aimer.
Aussi, avec toute la sollicitude de mon coeur de Pasteur de l’Eglise universelle, vous dis-je : aimez vos prêtres ! Estimez-les, écoutez-les, suivez-les ! Priez pour eux chaque jour ! Ne les laissez pas seuls, ni à l’autel ni dans la vie quotidienne
Et n’omettez jamais de prier pour les vocations sacerdotales et pour la persévérance dans l’engagement de la consécration au Seigneur et aux âmes. Mais, surtout, créez dans vos familles un climat favorable à l’épanouissement des vocations. Et vous, parents, correspondez généreusement aux desseins de Dieu sur vos enfants.
Enfin, Jésus veut que chacun soit un " bon pasteur ".
En vertu de son Baptême, chaque chrétien est appelé a être un " bon pasteur " dans le milieu ou il vit Parents, vous devez exercer les fonctions du Bon Pasteur à l’égard de vos enfants ; quant à vous, les enfants, vous devez édifier chacun par votre amour, par votre obéissance, mais surtout par votre foi courageuse et cohérente. Les relations mutuelles entre époux doivent, elles aussi, s’inspirer de l’exemple du Bon Pasteur pour que la vie familiale soit toujours à ce niveau de sentiments et d’idéaux voulu par le Créateur, en raison de quoi la famille a été définie comme " Église domestique "Et de même, à l’école, au travail, sur les lieux du jeu et des loisirs, dans les hôpitaux et partout où il y a de la souffrance, que chacun s’efforce d’être, comme Jésus, un " bon pasteur ". Mais il appartient surtout aux personnes consacrées d’être des " bons pasteurs "dans la société : aux religieux, aux sœurs, à tous les membres des Instituts séculiers. Nous devons prier — aujourd’hui et toujours —pour toutes les vocations religieuses, masculines et féminines, afin que dans l’Église ce témoignage de la vie religieuse soit toujours plus nombreux, toujours plus vif, toujours plus intense, toujours plus efficace. Le monde a besoin plus que jamais de témoins convaincus et totalement consacrés !
Très chers fidèles, je termine en rappelant l’invocation angoissée de Jésus le Bon Pasteur : " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux Priez donc le Maître de la moisson pour qu’il envoie de nombreux ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 37 ; Lc 10, 2)
Veuille le ciel que ma visite pastorale suscite dans votre paroisse quelque vocation sacerdotale parmi vous, jeunes gens et garçonnets ; quelque vocation religieuse et missionnaire parmi vous, jeunes filles et fillettes, vous tous qui vous ouvrez à la vie, pleins d’enthousiasme
Je recommande ce voeu à la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Jésus le Bon Pasteur, notre Mère, Inspiratrice de toute sainte vocation. !
12. A Jasna Góra
Le 6 Juin 1979
AUX SÉMINARISTES ET AUX RELIGIEUX NOVICES
Certains d’entre vous ont découvert que le Christ les appelle d’une manière particulière à son service exclusif et veut les voir à l’autel comme ses ministres, ou bien sur les voies de la consécration évangélique par les vœux religieux. Cette découverte de la vocation est suivie d’un travail particulier de préparation qui dure plusieurs années et se réalise dans les séminaires ecclésiastiques ou dans les noviciats religieux Que ces institutions — très méritantes dans la vie de l’Église — ne cessent jamais d’attirer les jeunes âmes, prêtes à se donner totalement au Rédempteur, afin que se réalise ce que vous chantez si spontanément : " Viens avec moi sauver le monde, c’est déjà le vingtième siècle... "
Rappelez-vous que je me réjouis de chaque vocation sacerdotale et religieuse comme d’un don particulier du Christ Seigneur pour l’Église, pour le peuple de Dieu, comme d’un témoignage singulier de la vitalité chrétienne de nos diocèses, de nos paroisses, de nos familles. Et ici aujourd’hui, avec vous, je confie chaque vocation de jeune à Notre-Dame de Jasna Góra et je la lui offre comme un bien particulier
Pendant le banquet de Cana, en Galilée, Marie demande a son Fils le premier signe, en faveur des jeunes époux et des maîtres de maison Que Marie ne cesse pas de prier pour vous, pour toute la jeunesse polonaise, pour la jeunesse du monde entier, afin que se manifeste en vous le signe d’une nouvelle présence du Christ dans l’histoire !
Et vous, très chers amis, rappelez-vous bien ces paroles que la Mère du Christ a prononcées à Cana en s’adressant aux hommes qui devaient remplir les jarres d’eau. Elle dit alors en montrant son Fils : " Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! " (Jn 2, 5).
A vous aussi elle dit cela aujourd’hui.
Acceptez ces paroles.
Souvenez-vous en.
Accomplissez-les !
13. Rencontre avec les prêtres à Czestochowa
6 juin 1979
Chers frères dans le sacerdoce et en même temps, dans le sacerdoce du Christ, fils très aimés.
Nous nous rencontrons ici, aux pieds de la Mère de Dieu, sous les yeux de notre Mère : la Mère des prêtres. Nous nous rencontrons dans des circonstances insolites, que vous ressentez certainement profondément, tout comme moi. Et pourtant ce premier Pape polonais qui se trouve aujourd’hui en face de vous a reçu la grâce de la vocation sacerdotale sur la terre polonaise, il est passé par un grand séminaire polonais (en bonne partie clandestin, car c’était durant l’occupation), il a étudié à la faculté de théologie de l’université Jagellon, il a reçu l’ordination sacerdotale des mains de l’évêque polonais d’inoubliable mémoire, un chef inflexible, le Cardinal Adam Stefan Sapieha ; il a participé, comme vous, aux mêmes expériences de l’Église et de la nation.
Voici ce que je veux surtout vous dire dans la rencontre d’aujourd’hui. Tout ce qui s’est fortifié en moi ici, tout ce dont, d’ici, je me suis fait l’écho durant les rencontres que j’ai eu l’occasion d’avoir avec les prêtres depuis le 16 octobre 1978. C’est pourquoi, en vous rencontrant aujourd’hui, je désire me référer surtout aux paroles que j’ai déjà prononcées en ces diverses occasions. Je suis sûr en effet que vous avez tous une part dans leur expression, et que les droits d’auteur vous en reviennent en partie. De plus, j’estime qu’elles vous concernent vous, en Pologne, même si elles ont été déjà prononcées à Rome ou ailleurs.
Voici un passage du discours que j’ai adressé aux prêtres diocésains et aux religieux du diocèse de Rome, le 9 novembre de l’année dernière :
" Je garde le souvenir, disais-je, des prêtres admirables, zélés et souvent héroïques dont j’ai pu partager les soucis et les luttes... Dans ma précédente charge épiscopale, le conseil presbytéral m’a rendu de grands services, en tant que communauté ou en tant que lieu de rencontre pour partager avec l’évêque la sollicitude commune de toute la vie du presbyterium et l’efficacité de son activité pastorale... En vous rencontrant ici pour la première fois et en vous saluant avec une sincère affection, disais-je encore aux prêtres et aux religieux de Rome, j’ai encore dans les yeux et dans le cœur le presbyterium de l’Église de Cracovie ; toutes nos rencontres en différentes occasions, nos nombreux entretiens qui remontent aux années de séminaire, les rencontres entre prêtres compagnons d’ordination et d’années de séminaire, auxquelles j’ai toujours été invite, y participant avec joie et profit "
L’identité du prêtre
Et maintenant, rendons-nous ensemble à la grande rencontre avec les prêtres mexicains au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe. Je leur ai adressé ces paroles : " Serviteur d’une cause sublime, de vous dépend en grande partie le sort de l’Église dans les secteurs confiés à vos soins pastoraux. Cela vous impose une profonde conscience de la grandeur de votre mission et de la nécessité d’y répondre toujours mieux. Il s’agit, en effet,... de l’Église du Christ — quel respect et quel amour cela doit vous inspirer ! — que vous devez servir joyeusement dans la sainteté de vie (cf. Ep 4, 13). Ce service élevé et exigeant ne pourra être rendu sans une conviction claire et profondément enracinée au sujet de votre identité de prêtres du Christ, dépositaires et intendants des mystères de Dieu, instruments de salut pour les hommes, témoins d’un royaume qui commence en ce monde, mais qui trouve son achèvement dans l’au-delà " (cf. nn. 2-3 : AAS 71, 1979, p. 180).
Être proche des hommes, mais en prêtre
Ma troisième citation, enfin, est peut-être la mieux connue c’est la lettre à tous les prêtres de l’Église à l’occasion du Jeudi Saint 1979. J’ai senti d’une manière particulièrement forte le besoin de m’adresser aux prêtres de toute l’Église au commencement de mon pontificat. Je désirais que cela se fasse à l’occasion du Jeudi Saint, à l’occasion de la " fête des prêtres ". J’avais devant les yeux ce jour où nous avons renouvelé ensemble, dans la cathédrale de Wawel, notre foi dans le sacerdoce du Christ, lui consacrant de nouveau, pour être à son entière disposition, tout notre être, âme et corps, afin qu’il puisse agir à travers nous et remplir son œuvre de salut.
" Notre activité pastorale, ai-je écrit entre autres, exige que nous soyons proches des hommes et de tous leurs problèmes, aussi bien de leurs problèmes personnels et familiaux que de leurs problèmes sociaux, mais elle exige aussi que nous soyons proches de tous ces problèmes en prêtres. C’est seulement ainsi qu’au milieu de tous ces problèmes nous restons nous-mêmes. Si donc nous sommes vraiment au service de ces problèmes humains, parfois très difficiles, nous conservons notre identité et nous sommes vraiment fidèles à notre vocation. Il nous faut mettre une grande perspicacité à rechercher, avec tous les hommes, la vérité et la justice, dont nous ne pouvons trouver la dimension véritable et définitive que dans l’Évangile, bien plus, dans le Christ lui-même. "
En Pologne, des prêtres profondément unis au peuple
Chers prêtres polonais réunis aujourd’hui à Jasna Góra, voici les principales pensées que je désirais partager avec vous. Les prêtres polonais ont leur histoire propre, qu’ont écrite, en lien étroit avec l’histoire de la patrie, les générations entières " des ministres du Christ et des administrateurs des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1) que notre terre a donnés.
Nous avons toujours ressenti un lien profond avec le peuple de Dieu, avec ce peuple du milieu duquel nous avons été " choisis "et pour lequel nous avons été " établis " (cf. He 5, 1). Le témoignage de la foi vive que nous atteignons au cénacle, à Gethsémani, au Calvaire, de la foi sucée avec le lait de notre mère, de la foi fortifiée à travers les dures épreuves de nos compatriotes, est notre carte d’identité spirituelle, le fondement de notre identité sacerdotale.
Comment pourrais-je, au cours de la rencontre d’aujourd’hui, ne pas évoquer le souvenir des milliers de prêtres polonais qui ont perdu la vie au cours de la dernière guerre, principalement dans les camps de concentration ?
Permettez-moi de mettre un frein aux souvenirs qui se pressent dans mon esprit et dans mon coeur.
Je dirai seulement que cet héritage de la foi sacerdotale, du service, de la solidarité avec la nation dans ses périodes les plus difficiles qui constitue en un certain sens le fondement de la confiance historique que la société met dans les prêtres polonais, doit être toujours repensé par chacun de vous et, je dirais, toujours reconquis. Le Christ Seigneur a enseigné aux Apôtres quelle conception ils doivent avoir de lui et ce qu’ils doivent exiger d’eux mêmes : " Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire " (Lc 17, 10). Vous devez donc, chers frères, prêtres polonais, en vous rappelant ces paroles et les expériences historiques, avoir toujours devant les yeux ces exigences qui proviennent de l’Évangile et qui sont la mesure de votre vocation. C’est un grand bien que ce crédit, cette confiance dont le
prêtre polonais jouit dans la société quand il est fidèle à sa mission et quand son attitude est limpide et conforme à ce style que l’Église en Pologne a élaboré au cours des dernières décennies c’est-à-dire le style du témoignage évangélique du service social. Que Dieu nous assiste afin que ce style ne soit pas exposé à quelque " ébranlement " que ce soit.
Le Christ demande à ses disciples que leur lumière brille aux yeux des hommes (cf. Mt 5, 16). Nous nous rendons très bien compte des faiblesses humaines qui existent en chacun d’entre nous. Avec humilité nous pensons à la confiance que nous fait le Maître et le Rédempteur, en confiant à nos mains sacerdotales le pouvoir sur son Corps et sur son Sang. Je veux espérer que, avec l’aide de sa Mère, vous serez toujours en mesure, en ces temps difficiles et souvent obscurcis, de vous comporter de manière telle que votre lumière brille aux yeux des hommes. Prions sans cesse pour cela, prions avec grande humilité.
Je désire en outre exprimer cordialement le souhait que la Pologne ne cesse d’être la patrie des vocations sacerdotales et la terre du grand témoignage qui est rendu au Christ à travers le service de votre vie : à travers le ministère de la Parole et de l’Eucharistie.
Aimez Marie, frères très chers ! Ne cessez pas de tirer de cet amour la force de vos coeurs. Qu’elle se manifeste par vous et par votre intermédiaire comme la Mère de tous les hommes, qui ont une soif si grande de cette maternité.
Monstra Te esse Matrem / Sumat per Te preces / qui pro nobis natus / tulit esse Tuus.
Amen.
14. Aux évêques d’Argentine
24 septembre 1979
FORMATION DES SÉMINAIRES ET RENOUVELLEMENT SPIRITUEL DES PRÊTRES
Cette année-ci, à l’occasion du Jeudi Saint, j’ai adresse deux lettres, respectivement, aux Évêques et aux prêtres pour insister sur la nécessité d’approfondir leur propre identité sacerdotale et de donner au monde le témoignage d’une claire consécration à Dieu. En apprenant alors l’encourageante nouvelle d’une reprise des vocations dans vos diocèses, je voudrais vous signaler l’importance prioritaire des soins pastoraux que requièrent, d’une part, la promotion et la formation des séminaristes et des aspirants à la vie religieuse ; et d’autre part le continuel renouvellement spirituel des prêtres.
Le sacerdoce chrétien n’a pas de sens hors du Christ. L’enseignement traditionnel nous rappelle constamment : " sacerdos alter Christus " et il le fait, non pas pour marquer un simple parallèle, mais pour indiquer comment le Christ se rend présent en chaque prêtre et que le prêtre agit " in persona Christi ". Comment cette réalité serait-elle possible, s’il n’existait pas une correspondance entre cette identité mystérieuse avec le Christ et l’identité personnelle qui s’obtient par l’acceptation effective de chaque prêtre ? Et comment pourrions-nous parvenir au Christ si le Père ne nous attirait pas 7 C’est pourquoi la prière doit remplir la vie du prêtre : la prière personnelle, qui doit s’exprimer éminemment à travers la liturgie sacrée, devra être alimentée par un recours continuel aux Saintes Écritures, sous l’éclairage du magistère de l’Église. La participation quotidienne à l’Eucharistie scellera ce contact intime et irremplaçable avec le Seigneur.
Évidemment, il est également requis du prêtre un effort d’étude et de recherche aux sources et dans les expressions de ce magistère de l’Église, avec le prudent complément des sciences profanes afin d’avoir une disponibilité toujours plus adéquate au service du Seigneur, en faveur des hommes.
D’autre part, l’identité authentique du prêtre comporte une humble soumission dans l’usage de l’intelligence et des dons naturels pour connaître et accepter les voies du Seigneur, en s’abandonnant avec confiance à son plan de salut. C’est uniquement sous l’action de la grâce qu’on parvient à la sagesse, don de l’Esprit Saint — en vertu de laquelle le prêtre possède la vision transcendante de la vie humaine, acquiert le véritable sens des choses et tire des principes de la foi les conclusions qui orientent chaque homme, dans chaque situation, sur les voies de la Vérité et de la Vie.
Ne manquent pas en Argentine les prêtres et religieux exemplaires qui ont donné et donnent un témoignage de leur fidélité et de leur oblation à leur propre consécration au Christ et à l’Église. C’est pourquoi je renouvelle ma confiante exhortation à vos prêtres, séminaristes et religieux, pour qu’ils persévèrent généreusement dans leur vocation.
15. Aux séminaristes d’Irlande
1 octobre 1979
SOYEZ FIDÈLES
Chers frères et fils en Notre Seigneur,
Vous occupez une place spéciale dans mon coeur et dans le coeur de l’Église. Au cours de ma visite à Maynooth je désirerais rester seul avec vous, ne fût-ce que quelques instants.
Il y a beaucoup de choses que je voudrais vous dire : toutes les paroles que j’ai prononcées plusieurs fois sur la vie des séminaristes et sur tous les séminaires durant ma première année de pontificat.
Je voudrais, en particulier, vous entretenir à nouveau de la parole de Dieu : sur la manière dont vous êtes appelés à l’écouter, à la protéger et à la vivre. Sur la façon dont vous devez baser toute votre vie et votre ministère sur cette parole de Dieu, telle qu’elle est transmise par l’Église, telle qu’elle a été interprétée durant toute l’histoire de l’Eglise, grâce au guide fidèle du Saint-Esprit : " semper et ubique et ab omnibus ". La parole de Dieu est le grand trésor de votre vie. Grâce à la parole de Dieu vous arriverez à une profonde connaissance du mystère de Jésus-Christ, fils de Dieu et fils de Marie : Jésus-Christ, le Grand Prêtre du Nouveau Testament et le Rédempteur du monde.
Le monde de Dieu doit réclamer tous vos efforts. Le comprendre dans sa pureté et intégrité et y répandre la parole et l’exemple est une grande mission. Et c’est là votre mission, aujourd’hui et demain et pour le reste de votre vie. Tandis que vous suivez votre vocation — une vocation si intimement unie à la parole de Dieu, je désire vous proposer à nouveau une simple mais significative leçon tirée de la vie de Saint Patrick ; la voici dans l’histoire de l’évangélisation, le destin d’un peuple tout entier — votre peuple — a été radicalement influencé à ce moment-là et dans les temps successifs par la fidélité avec laquelle Saint Patrick a compris et proclamé la parole de Dieu, et par la fidélité avec laquelle Saint Patrick a suivi son appel jusqu’au bout.
Ce que je désire vraiment que vous compreniez est ceci : Dieu compte sur vous ! Et Ses plans, en un certain sens, pour se réaliser, dépendent de votre libre collaboration, de l’offrande de votre vie et de la générosité avec laquelle vous suivrez l’inspiration du Saint Esprit, au plus profond de votre cœur.
La foie catholique, en Irlande, est liée aujourd’hui, dans le plan de Dieu, à la fidélité de Saint Patrick. Et demain, oui, demain, le plan de Dieu, pour une part, sera lié à votre fidélité, à la ferveur avec laquelle vous direz " oui " à la parole de Dieu dans votre vie.
Aujourd’hui, Jésus-Christ vous adresse un appel à travers ma personne : l’appel à la fidélité. Par la prière vous découvrirez toujours davantage, chaque jour qui passe, ce que veut dire cet appel et quelles en sont les implications. Par la grâce de Dieu, vous comprendrez toujours davantage, chaque jour qui passe, combien Dieu désire et accepte votre fidélité comme condition pour l’efficacité supranaturelle de tout votre ministère. L’expression suprême de votre fidélité sera votre don irrévocable et total en union avec Jésus-Christ et avec le Père. Et la Sainte Vierge Marie vous aidera à porter ce don.
Rappelez-vous Saint Patrick. Rappelez-vous ce que signifie la fidélité d’un seul homme pour l’Irlande et pour le monde. Oui, chers frères et fils, c’est la fidélité au Christ et à son monde qui détermine les différences dans le monde. C’est pourquoi il nous faut porter notre regard vers Jésus, qui est, à chaque instant, le témoin fidèle du Père.
16. Aux prêtres, religieux et religieuses d’Irlande
1er octobre 1979
Mes chers frères et soeurs dans le Christ,
Le nom de Maynooth est très estimé dans tout le monde catholique. Il nous rappelle tout ce qu’il y a de plus noble dans le sacerdoce catholique en Irlande. Y viennent des séminaristes de tous les diocèses irlandais, fils de familles catholiques qui étaient elles-mêmes de vrais " séminaires ", de vraies pépinières de vocations sacerdotales et religieuses. De là sont partis des prêtres vers chaque diocèse irlandais et vers les diocèses de la diaspora. Au cours de ce siècle, Maynooth a donné le jour à deux nouvelles sociétés missionnaires, l’une orientée dès le début vers la Chine, l’autre vers l’Afrique, et a envoyé des centaines de ses étudiants comme volontaires dans ces missions. Maynooth est une école de sainteté sacerdotale, une académie d’enseignement théologique, une université d’inspiration catholique. Le Collège de Saint Patrick est un lieu d’importantes entreprises, qui promettent un futur juste et grand.
Pour cela Maynooth est vraiment le lieu propice pour rencontrer les prêtres diocésains et religieux, les frères religieux, les soeurs religieuses, les missionnaires et les séminaristes, et pour parler avec eux. Ayant vécu pendant quelque temps, lorsque je me préparais au sacerdoce, dans une atmosphère de séminaire irlandais — le Collège Irlandais à Paris, prêté actuellement par les évêques irlandais à la hiérarchie de Pologne — j’éprouve maintenant une joie profonde en me rencontrant avec vous ici au Séminaire National d’Irlande.
Des prêtres qui prient
Mes premières paroles s’adressent aux prêtres diocésains et religieux. Je vous dis les paroles de Saint Paul à Timothée. Je vous demande de " raviver le don de Dieu qui est en vous par l’imposition des... mains (de l’Évêque) " (2 Tm 1, 6). Jésus-Christ lui-même, unique Souverain Prêtre, dit : " Je suis venu porter le feu sur la terre : et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! "(Lc 12, 49). Vous partagez son sacerdoce ; vous continuez son œuvre dans le monde. Son œuvre ne peut être accomplie par des prêtres tièdes ou apathiques. Son feu d’amour pour le Père et pour les hommes doit brûler en vous. Son désir de sauver l’humanité doit vous consumer.
Vous êtes appelés par le Christ comme le furent les apôtres. Comme eux, vous êtes destinés à être avec le Christ. Vous êtes envoyés, comme eux, pour aller en son nom et avec son autorité faire des disciples de toutes les nations (cf. MT 10, 1 ; 28, 19 ; Mc 3, 13-16).
Votre premier devoir est d’être avec le Christ. Chacun de vous est appelé à être " un témoin de sa Résurrection " (At 1, 22). Un péril constant pour les prêtres, même s’ils sont zélés, est de se plonger dans le travail du Seigneur au risque d’en oublier le Seigneur du travail.
Nous devons trouver le temps, nous devons créer le temps pour nous rencontrer avec le Seigneur dans la prière. Suivant l’exemple du Seigneur lui-même nous devons nous " retirer en des lieux solitaires et prier " (Lc 5, 16). Dans la mesure où nous consacrerons du temps au Seigneur notre envoi parmi les autres sera aussi de porter le Christ aux autres.
Ne décevez pas l’attente de votre peuple
Être avec le Seigneur, c’est toujours être envoyé par Lui pour accomplir son œuvre. Un prêtre est appelé par le Christ ; un prêtre est avec le Christ, un prêtre est envoyé par le Christ. Un prêtre est envoyé par la force du même Esprit Saint qui accompagna inlassablement Jésus le long des routes de la vie, les routes de l’histoire. Quels que soient les difficultés, les désillusions, les contretemps, nous prêtres, nous trouvons dans le Christ et dans la puissance de son Esprit la force de " nous fatiguer et de lutter, avec la force qui vient de Lui et qui agit en moi avec puissance " (Col 1, 29).
Comme prêtres, vous êtes choisis pour être pasteurs d’un peuple fidèle qui continue à répondre généreusement à votre ministère, et qui constitue un soutien valide à votre vocation sacerdotale elle-même, au moyen de la foi et de la prière. Si vous cherchez à être le type de prêtre que votre peuple attend et désire que vous soyez, alors vous serez de saints prêtres. Le niveau de la pratique religieuse en Irlande est élevé. De cela nous devons toujours remercier le Seigneur. Mais ce niveau se maintiendra-t-il toujours élevé ?
Les jeunes gens et les jeunes filles des nouvelles générations seront-ils encore fidèles comme le furent leurs parents ? Après avoir passé deux jours en Irlande, après avoir rencontré la jeunesse irlandaise à Galway, j’ai confiance qu’il en sera ainsi. Mais cela demandera de votre part un travail incessant et une prière infatigable. Vous devez travailler pour le Seigneur d’une manière pressante.
Vous devez travailler avec la conviction que cette génération, cette décennie des années quatre-vingt où nous allons rentrer, pourrait être cruciale et décisive pour l’avenir de la foi en Irlande. Qu’il n’y ait aucune complaisance. Comme le dit Saint Paul : " Veillez, soyez sûrs dans la foi, comportez-vous en hommes, soyez forts " (1 Co 16, 13). Travaillez avec confiance, travaillez avec joie. Nous sommes témoins de la Résurrection du Christ.
Portez témoignage par votre célibat
Ce que le peuple attend de vous plus que d’aucun autre est, la fidélité au sacerdoce. Elle est une manière de faire connaître aux hommes la fidélité de Dieu. Le fait d’être fidèle au Christ la rend forte à travers toutes les difficultés de leur vie, les difficultés de leurs mariages. Dans un monde si marqué de l’instabilité comme celui d’aujourd’hui, nous avons besoin de plus de signes et de plus de témoins de la fidélité de Dieu à notre égard et d’une fidélité que nous lui devons à Lui. Il est une réalité qui cause une grande tristesse à l’Église, une angoisse souvent silencieuse mais profonde dans le peuple de Dieu : c’est lorsque les prêtres transgressent la fidélité de leur engagement sacerdotal. Ce contre-signe, ce contre-témoignage ont été parmi les motifs de régression des grandes espérances de vie nouvelle jaillies dans l’Église du Concile Vatican II. Tandis que celui-ci a orienté les prêtres et l’Église tout entière vers une prière plus intense et fréquente ; parce qu’il nous a été enseigné que sans le Christ nous ne pouvons rien faire (cf Jn 15, 5).
Et la fidélité de l’immense majorité des prêtres a prouvé avec une plus grande clarté et un témoignage d’autant plus manifeste la fidélité de l’Église à Dieu et au Christ témoin fidèle (cf. Ap 1, 5).
L’étude de la théologie
Dans un centre d’études théologiques qui est aussi un séminaire comme Maynooth, ce témoignage de fidélité à une importance particulière et une valeur spéciale au regard des candidats au sacerdoce pour les convaincre de la grandeur et de la force représentées par la fidélité sacerdotale.
Ici à Maynooth, l’étude théologique faisant partie de la formation au sacerdoce est bien loin de se présenter comme une recherche académique purement intellectuelle. Ici, la fréquentation des cours de théologie est liée à la liturgie, la prière, l’édification d’une communauté de foi et d’amour, et ainsi à la construction du sacerdoce irlandais et en conclusion à l’édification de l’Église.
Mon invitation d’aujourd’hui est une exhortation à prier. C’est seulement par la prière que nous pourrons remplir les devoirs de notre ministère et répondre aux espérances de demain. Tous nos appels à la paix à la réconciliation ne seront efficaces que dans la prière.
Cette étude de la théologie, ici et partout dans l’Église, est une réflexion sur la foi, une réflexion dans la foi. Une théologie qui n’approfondirait pas la foi, qui ne porterait pas à prier pourrait être un discours de paroles sur Dieu mais ne pourrait jamais être un vrai discours au sujet de Dieu, du Dieu vivant, le Dieu qui est, et dont l’être est l’amour. Il en résulte que la théologie ne peut être authentique que dans l’Église, communauté de foi. C’est seulement lorsque l’enseignement des théologiens est conforme à l’enseignement des Évêques unis au Pape que le Peuple de Dieu peut savoir avec certitude que cet enseignement est " la foi qui, autrefois pour tous et pour toujours, a été confiée aux saints " (Jd 3).
Ceci n’est pas une limitation pour les théologiens mais une libération, car elle les préserve des modes inconstantes et les tient liés avec certitude à l’immuable vérité du Christ, la vérité qui nous rend libres (Jn 7, 32).
En mission hors d’Irlande
A Maynooth, en Irlande, parler du sacerdoce est parler de la mission. L’Irlande n’a jamais oublié que " l’Église en pèlerinage est missionnaire de par sa nature même, car c’est de la mission du Fils et de la mission de l’Esprit Saint qu’elle tire son origine,, selon le décret de Dieu Père " (Ad Gentes, 2).
Au cours des IX et siècles les moines irlandais rallumèrent le flambeau de la foi dans des régions où sa flamme s’était amortie ou éteinte après la chute de l’Empire romain, et il évangélisèrent de nouvelles Nations non encore évangélisées, y compris ma Pologne natale Comment pourrais je oublier qu’il y eut même un monastère irlandais à Kiev déjà au XIII siècle, et qu’il y eut un collège irlandais, pendant une brève période, jusque dans ma propre ville de Cracovie durant la persécution de Cromwell. Aux XVII et XVIII siècles des prêtres irlandais suivirent leurs émigrants dans tous les pays de langue anglaise. Au XX siècle de nouveaux instituts missionnaires d’hommes et de femmes ont fleuri en Irlande et, avec les sections irlandaises d’instituts missionnaires internationaux et les congrégations religieuses irlandaises déjà existantes, ont donné un nouvel élan missionnaire à l’Église.
Daigne l’esprit missionnaire ne jamais manquer dans le cœur des prêtres irlandais, qu’ils soient membres d’instituts missionnaires, du clergé diocésain, ou de congrégations religieuses consacrées à d’autres apostolats. Que cet esprit puisse toujours être stimulé avec ardeur par vous tous au milieu des laïcs déjà si fervents dans leurs prières, déjà si généreux dans leur soutien envers les missions Daigne l’esprit de partage croître entre les diocèses et les congrégations religieuses dans la mission totale de l’Église jusqu’à ce que chaque église diocésaine locale et chaque congrégation et communauté religieuse soit considérée comme missionnaire par sa. nature propre, se trouvant dans l’authentique mouvement missionnaire de l’Église universelle. J’ai appris avec beaucoup de plaisir que l’Union Missionnaire Irlandaise a l’intention de fonder un centre missionnaire national avec le double but d’un renouvellement missionnaire par les missionnaires eux-mêmes et d’une impulsion à la conscience missionnaire entre le clergé, les religieux et les fidèles de l’Église Irlandaise. Que ce travail puisse obtenir la bénédiction de Dieu et contribuer à une grande et nouvelle expansion de ferveur missionnaire, à une nouvelle vague de vocations missionnaires du sol de cette grande patrie de la foi qu’est l’Irlande.
Aux séminaristes
Je m’adresse aussi aux séminaristes. Vous vous préparez pour le don total de vous-mêmes au Christ et au service de son Règne. Vous portez au Christ le don de votre enthousiasme et de votre jeune vitalité. En vous le Christ est éternellement jeune et à travers vous il rajeunit l’Église. Ne le décevez pas.
Ne décevez pas le peuple qui attend que vous lui portiez le Christ. N’abaissez pas la qualité de votre génération de jeunes, hommes et femmes irlandais. Portez le Christ aux jeunes de votre génération, comme l’unique réponse à leurs attentes. Le Christ vous regarde et vous aime. Ne faites pas comme le jeune de l’Évangile qui s’en alla triste " car (cf Mt 19, 22) Au contraire, offrez tous vos trésors d’esprit, de cœur, d’énergie au Christ afin qu’il s’en serve pour attirer tout homme à soi (cf. Jn 12, 32).
Un temps merveilleux pour l’histoire de l’Église
A vous tous je dis que notre temps est un temps merveilleux pour l’histoire de l’Église. C’est un temps merveilleux pour être prêtre, pour être religieux, pour être missionnaire du Christ. Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Réjouissez-vous dans votre vocation. Je vous redis les paroles de l’Apôtre Paul " Réjouissez-vous dans le Seigneur toujours ; je vous le dirai de nouveau ; réjouissez-vous. N’ayez aucun souci ; niais en tout par la prière et la supplication avec action de grâce, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus " (Ph 4, 4-7).
Que Marie Mère du Christ, prêtre éternel, mère des prêtres et des religieux, vous tienne éloignés de toutes préoccupation, tandis que vous " attendez dans une joyeuse espérance la venue de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ". Confiez-vous à elle comme moi je vous recommande à elle, Marie, Mère de Jésus et Mère de son Église.
17. Aux prêtres américains
4 octobre 1979
Chers Frères Prêtres,
Célébrant cette messe qui réunit les présidents de tous les Conseils Presbytéraux des États-Unis, le thème qui s’impose à nos réflexions est un thème vital : le sacerdoce lui-même et son importance capitale pour la mission de l’Église. Dans ma Lettre Encyclique Redemptor hominis, j’ai décrit cette mission comme suit " A toutes les époques et particulièrement à la nôtre, le devoir fondamental de l’Église est de diriger le regard de l’homme, d’orienter la conscience et l’expérience de toute l’humanité vers le mystère du Christ, d’aider tous les hommes à se familiariser avec la profondeur de la Rédemption qui se réalise dans le Christ Jésus " (Redemptor hominis, 10).
Les conseils presbytéraux
Les conseils presbytéraux constituent une structure nouvelle dans l’Église, voulue par le Concile Vatican II et par la récente législation de l’Église Cette nouvelle structure donne une expression concrète à l’unité de l’évêque avec ses prêtres dans leur commune mission pastorale, et elle aide l’évêque dans sa tâche spécifique de gouvernement du diocèse, en lui fournissant la collaboration de conseillers représentatifs venant du presbyterium. La présente concélébration eucharistique du presbyterium est voulue comme témoignage du bien accompli, durant les années écoulées par les conseils presbytéraux aussi bien que comme encouragement à poursuivre toujours avec enthousiasme et décision ce but important qui est de " rendre la vie et l’activité du Peuple de Dieu toujours plus conforme à l’Évangile " (cf. Ecclesiae Sanctae 16, 1). J’aimerais toutefois que cette Messe soit surtout une occasion pour moi de parler du sacerdoce en m’adressant non seulement à vous, mais à tous mes frères, les prêtres de ce pays. Je répète ce que je vous ai écrit le Jeudi Saint : " Pour vous je suis Évêque avec vous je suis prêtre. "
Notre vocation sacerdotale nous a été donnée par le Seigneur Jésus lui-même. Il s’agit d’un appel qui est personnel et individuel : nous avons été appelés par notre nom comme 1e fut Jérémie. C’est une invitation à servir : nous sommes envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour " donner au troupeau de Dieu les soins du pasteur ". C’est un appel à la communion d’intention et d’action : former un unique sacerdoce avec Jésus et entre nous, exactement comme Jésus et son Père sont une seule et même chose — une unité si belle que symbolise cette messe concélébrée.
Le sacerdoce n’est pas purement et simplement une tâche qui nous a été confiée, c’est une vocation, un appel qui doit être entendu et réentendu, sans cesse. Entendre cet appel et répondre généreusement à ce que cet appel comporte est la tâche de chaque prêtre, mais ceci entraîne également la responsabilité, des conseils presbytéraux. Cette responsabilité signifie approfondissement de notre compréhension du sacerdoce tel que le Christ l’a institué, tel qu’il veut qu’il soit et se maintienne, tel que l’Église l’explique et le transmet fidèlement. La fidélité à l’appel au sacerdoce signifie édifier ce sacerdoce avec le Peuple de Dieu grâce à une vie de service en harmonie avec les priorités apostoliques : c’est-à-dire " centrée sur la prière et le ministère de la parole " (Ac 6, 4).
Dans l’Évangile de Saint Marc, la vocation sacerdotale des Douze Apôtres est comme un bourgeon dont la floraison déploie toute une théologie du sacerdoce. Dans le cadre du ministère de Jésus, nous lisons qu’" il gravit la montagne et appela à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher la bonne nouvelle... " Le passage énumère ensuite les noms des Douze (Mc 3, 13-14). Nous trouvons ici les trois aspects de l’appel fait par le Christ : il appelle les prêtres, individuellement, par leur nom ; il les appelle pour le service de sa parole, pour prêcher l’Évangile ; et il en fait ses propres compagnons, les insérant dans l’unité de vie et d’action qu’il forme avec son Père dans la Trinité.
Le sacerdoce : un don de Dieu
Explorons maintenant ces trois dimensions de notre sacerdoce en méditant les lectures de la Sainte Écriture de ce jour. En effet l’Évangile situe dans la tradition de la vocation prophétique l’appel que Jésus a fait aux Douze Apôtres. Quant un prêtre réfléchit à l’appel de Jérémie à être prophète, il est en même temps rassuré et troublé. " Ne crains pas... car je suis avec toi pour te protéger ", dit le Seigneur à tous ceux qu’il appelle, " voilà, je place mes paroles sur tes lèvres ". Qui ne se sentirait encouragé en entendant ces paroles rassurantes ? Quand nous considérons la nécessité de ces paroles rassurantes ne découvrons-nous pas également en nous-mêmes le même manque d’enthousiasme que dans la réponse de Jérémie ? Tout comme pour lui, parfois notre conception du ministère est trop liée à la terre nous manquons de confiance en celui qui nous appelle. Nous pouvons ainsi arriver à trop nous attacher à notre propre vision du ministère, imaginant trop souvent qu’il dépend de nos propres talents, de nos propres capacités et oubliant parfois que c’est Dieu qui nous appelle, comme il a appelé Jérémie dans le sein maternel. Et ce ne sont ni nos talents ni nos capacités qui ont la priorité : nous sommes appelés pour annoncer la parole de Dieu et non la nôtre ; pour administrer les sacrements qu’il a donnés à son Église ; et pour appeler le peuple à un amour que Lui, le premier, a rendu possible.
Aussi, la soumission à l’appel de Dieu doit-elle se faire avec une extrême confiance et sans réserve. Notre soumission à la Parole de Dieu doit être totale : le " oui ", dit une fois pour toutes, dois s’aligner sur le " oui " qu’a dit Jésus lui-même. Comme l’a écrit Saint, Paul : " Aussi vrai que Dieu est fidèle, notre langage avec vous n’est que oui et non... Le Christ Jésus n’a pas été oui et non : il n’y a eu que oui en lui " (2 Co 1, 18-19).
L’appel de Dieu est une grâce : c’est un don, un trésor " possédé en des vases d’argile pour qu’on voit bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous " (2 Co 4, 7). Mais ce n’est pas un don confié au prêtre d’abord pour lui-même ; il est plutôt un don de Dieu pour l’Église tout entière et pour sa mission dans le monde. Le sacerdoce est. un signe sacramentel immuable qui indique que l’amour de Dieu, le Bon Pasteur, pour son troupeau ne manquera jamais Dans la Lettre que je vous ai adressée le dernier Jeudi Saint, j’ai développé les aspects du sacerdoce en tant que don de Dieu : Notre sacerdoce, ai-je dit " constitue un ministerium particulier, c’est-à-dire un "service" à l’égard de la communauté des croyants. Il ne tire donc pas son origine de cette communauté, comme si c’était elle qui "appelait" ou "déléguait". C’est en réalité un don pour cette communauté et il provient du Christ lui-même, de la plénitude de son sacerdoce " (Lettre aux prêtres, n. 4).
C’est le divin donateur lui-même qui prend l’initiative de cette offrande C’est lui " qui appelle " celui que lui-même a désigné.
" Sacerdos in aeternum "
Aussi, lorsque nous réfléchissons à l’intimité qui existe entre le Seigneur et son prophète, son prêtre — une intimité qui découle et résulte de l’appel dont Il a lui-même pris l’initiative — nous pouvons mieux comprendre certaines caractéristiques du sacerdoce et nous rendre compte de leur convenance avec la mission de l’Église aujourd’hui comme hier.
a) Le sacerdoce est donné pour toujours — tu es sacerdos in aeternum — nous ne pouvons donc rejeter ce don une fois donné. Il n’est pas possible qu’après avoir dit oui à Dieu de tout notre cœur, nous soyons amenés à lui dire non.
b) Le monde ne devrait pas s’étonner si l’appel de Dieu continue, par l’intermédiaire de l’Église, à nous proposer un ministère d’amour et de service dans le célibat, à l’exemple de notre Seigneur Jésus-Christ. L’appel de Dieu nous a, en effet, touchés jusqu’au plus profond de notre être. Et, après des siècles d’expérience, l’Église sait combien il convient que le prêtre puisse donner cette réponse concrète et exprimer par là dans sa plénitude le " oui " qu’il a dit au Seigneur lorsqu’il l’a appelé par son nom à son service.
c) Il s’agit d’un appel individuel, d’un appel personnel au sacerdoce fait par le Seigneur " aux hommes qu’Il a choisis " et qui concorde pleinement avec la tradition prophétique. Ceci devrait nous aider à comprendre que la décision traditionnelle de l’Église d’appeler au sacerdoce des hommes et non des femmes n’est pas une prise de position sur les droits de l’homme, ni une exclusion de la femme de la sainteté et de la mission dans l’Église . Cette decision exprime plutôt la conviction de l’Église sur ce don particulier qui est le sacerdoce, au moyen duquel Dieu a choisi de paître son troupeau.
Le prêtre, homme pour les autres
Chers frères : " Le troupeau de Dieu est parmi vous : consacrez-lui les soins du bon pasteur. " Combien étroitement liée à l’essence même de notre compréhension du sacerdoce est notre tâche de pasteurs ; dans l’histoire du salut revient sans cesse l’image des bons soins de Dieu pour son peuple. Et c’est uniquement dans le rôle de Jésus, le Bon Pasteur, que l’on peut comprendre notre ministère pastoral de prêtres. Rappelez-vous comment, dans son appel aux Douze, Jésus les engagea à être ses compagnons, précisément afin de " les envoyer prêcher la Bonne Nouvelle ". Le sacerdoce est une mission et un service ; le prêtre a été " envoyé " par Jésus pour " donner à son troupeau les soins du pasteur ". Cette caractéristique du prêtre — pour rappeler une belle expression concernant Jésus ; " l’homme-pour-les-autres " — nous indique ce que signifie authentiquement " donner ses soins au troupeau ". C’est insister à la fois sur la conscience qu’a l’humanité du mystère de Dieu et de la profondeur de la Rédemption qui s’est réalisée en Jésus-Christ Le ministère sacerdotal est essentiellement missionnaire, il est envoyé aux autres comme le Christ fut envoyé par Son Père pour évangéliser. Suivant les paroles de Paul VI " évangéliser signifie porter la Bonne Nouvelle à toutes les couches de l’humanité... et les renouveler " (Evangelii Nuntiandi, 18). A la base et au cœur de son dynamisme, l’évangélisation contient une claire proclamation du fait que le salut se trouve en Jésus-Christ, le Fils de Dieu. C’est son nom, son enseignement, sa vie, ses promesses, son royaume et son mystère que nous proclamons devant le monde. Et l’efficacité de notre proclamation et, donc, le succès véritable de notre sacerdoce dépendent de notre fidélité au Magistère au moyen duquel l’Église " garde le bon dépôt avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous " (2 Tm 1, 14).
Comme modèle de tout ministère et apostolat dans l’Église, le ministère sacerdotal ne doit jamais être conçu en termes de choses acquises mais en tant que don ; il est un don qui doit être proclamé et partagé avec les autres. Ne le voit-on pas clairement dans l’enseignement de Jésus, quand la mère de Jacques et de Jean lui demanda que ses deux fils siègent, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, dans son royaume ? " Vous savez, dit Jésus, que les chefs des nations commandent en maître et que les grands font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi nous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur, et celui qui voudra devenir le premier, se fera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude " (Mt 20, 25-28).
De même que Jésus fut à la perfection " un homme-pour-les-autres ", se livrant complètement sur la croix, le prêtre doit être surtout un serviteur et " un homme-pour-les-autres " quand il agit in persona Christi, en conduisant l’Église dans cette célébration où se renouvelle le Sacrifice de la Croix. C’est pour cette raison que dans le sacrifice eucharistique quotidien de l’Église, la Bonne Nouvelle — que les Apôtres ont été chargés d’aller annoncer partout — est prêchée dans toute sa plénitude ; l’œuvre de notre rédemption se renouvelle.
C’est de la manière la plus parfaite que les Pères du Concile Vatican II ont cerné cette vérité fondamentale dans leur décret sur le ministère et la vie des prêtres : " Les autres sacrements, ainsi que tons les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques, sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle... On voit donc alors comme l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation " (Presbyterorum ordinis, n. 5). Dans la célébration de l’Eucharistie, nous les prêtres, nous sommes véritablement au cœur de notre ministère, de notre service " de donner au troupeau de Dieu les bons soins du pasteur ". Tout notre effort pastoral sera incomplet aussi longtemps que nous n’aurons pas conduit nos fidèles à la pleine et active participation au Sacrifice Eucharistique.
L’unité entre les prêtres
Rappelons-nous comment Jésus a appelé douze disciples pour être ses compagnons. L’appel au service sacerdotal contient une invitation à une intimité toute spéciale avec le Christ. L’expérience vécue par les prêtres dans chaque génération leur a permis de découvrir que, au centre de leur propre vie et de leur propre ministère, il y a leur union personnelle avec Jésus, leur qualité de compagnons de Jésus. Il n’est personne qui puisse effectivement porter la Bonne Nouvelle de Jésus aux autres sans avoir d’abord été son compagnon assidu par la prière personnelle, sans avoir appris de Jésus le mystère à proclamer.
L’union avec Jésus, modelée sur l’unité du Fils avec le Père, a également une autre dimension intrinsèque, comme le révèle sa prière au cours de la Dernière Cène : " Qu’ils soient un comme nous, Père " (Jn 17, 11). Son sacerdoce est une seule chose, et cette unité doit être actuelle et effective entre les compagnons qu’il s’est choisi. Il en résulte que l’unité entre les prêtres, vécue en pleine fraternité et amitié, est une exigence inéluctable et constitue une partie intégrante de la vie du prêtre.
L’unité entre les prêtres n’est pas une unité ou une fraternité qui ait sa propre fin en soi. Elle doit exister par amour de l’Évangile, pour symboliser, dans la réalisation du sacerdoce, la direction essentielle à laquelle l’Évangile appelle tout fidèle : une union d’amour avec lui et avec tout autre. Et seule cette union peut garantir paix, justice et dignité à chaque être humain. Il n’est pas douteux que c’est là la signification soulignée par Jésus dans sa prière lorsqu’il poursuit : " Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en Toi " (Jn 17, 20-2 1). Aussi, comment le monde pourrait-il croire que le Père a envoyé Jésus sinon en constatant de manière tangible que ceux qui croient en Jésus ont écouté son commandement à " s’aimer l’un l’autre " ? Et comment les fidèles pourraient-ils être convaincus que cet amour est concrètement possible, si l’exemple ne leur venait pas de l’unité de leurs prêtres, de ceux-là mêmes dont Jésus a, dans le sacerdoce, fait ses compagnons ?
Mes frères prêtres : n’avons-nous pas touché le cœur du sujet : notre zèle en faveur du sacerdoce lui-même ? Il est inséparable de notre zèle dans le service du peuple. Cette messe concélébrée qui, de manière si belle, symbolise l’unité de notre sacerdoce, donne au monde entier un témoignage de cette unité pour laquelle Jésus a élevé, en notre faveur, sa prière vers le Père. Mais il ne faut pas que cela soit seulement une manifestation passagère qui rendrait stérile la Parole de Jésus Toute célébration eucharistique renouvelle cette prière pour l’unité : " Souviens-toi, Seigneur, de ton Église répandue à travers le monde : Fais-la grandir dans ta charité avec le Pape Jean-Paul, notre Évêque, et tous ceux qui ont la charge de ton peuple. "
Vos conseils presbytéraux, — cette nouvelle structure, fournissent un merveilleux moyen pour rendre visiblement témoignage de l’unique sacerdoce que vous partagez avec vos Évêques et les uns avec les autres, et pour démontrer ce qui doit se trouver au cœur du renouvellement de chaque structure dans l’Église : l’unité pour laquelle Jésus lui-même a prié.
Au début de cette homélie, je vous ai demandé d’assumer les responsabilités de votre sacerdoce, une tâche qui incombe à chacun de vous personnellement, une tâche à partager avec tous les prêtres et qui doit concerner tout particulièrement, vos Conseils presbytéraux. La foi de toute l’Église impose de comprendre clairement et exactement ce qu’est réellement le sacerdoce et la place qu’il occupe dans la mission de l’Église. Aussi l’Église compte-t-elle sur vous pour approfondir toujours plus cette compréhension et pour la mettre en pratique dans votre vie et dans votre ministère ; en d’autres mots, pour partager le don de votre sacerdoce avec toute l’Église en renouvelant la réponse que vous avez déjà donnée à l’invitation du Christ " viens, suis-moi ! ", en vous livrant totalement comme lui-même l’a fait.
Parfois nous entendons ces mots : " Priez pour les prêtres. " Aujourd’hui j’adresse ces mêmes paroles comme un appel, comme une supplication, à tous les fidèles de l’Église aux États-Unis. Priez pour les prêtres, afin que tous et chacun d’eux répètent sans cesse leur " oui " à l’appel qu’ils ont reçu, continuent sans fin à prêcher le message évangélique et soient à jamais fidèles comme compagnons de notre Seigneur Jésus-Christ.
Chers frères prêtres : Comme nous renouvelons le mystère pascal et que nous nous trouvons réunis au pied de la Croix avec Marie, Mère de Dieu, permettez-moi de vous confier à Elle. Nous trouverons dans son amour de la force pour nos faiblesses et de la joie pour nos cœurs.
18.Homélie du Saint-Père pour la béatification de Enrique de Ossó y Cervelló
14 octobre 1979
L’IMAGE TOUJOURS ACTUELLE DU PRÊTRE
Ce matin l’Église entonne une hymne de joie et de louanges au Seigneur. C’est le chant de la Mère qui célèbre la bonté et la miséricorde divine en proclamant Bienheureux un fils insigne qui s’est distingué par sa pratique éminente des vertus chrétiennes : le prêtre Enrique de Ossó y Cervelló, gloire de la chère Espagne, terre de saints.
Oui, le Bienheureux Enrique de Ossó nous offre une vivante image de prêtre fidèle, persévérant, humble et courageux devant les oppositions, méprisant tous les intérêts purement humains, animé de zèle apostolique pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, actif dans l’apostolat et contemplatif dans son extraordinaire vie de prière.
Elle n’était certes pas facile l’époque qu’il dut vivre dans une Espagne écartelée par les guerres civiles du XIX siècle et secouée par les mouvements laïques et anticléricaux qui visaient la transformation politique et sociale non sans provoquer parfois de sanglants épisodes révolutionnaires. Il sut cependant rester ferme et intrépide dans sa foi ; il y trouvait force et inspiration pour projeter la lumière de son sacerdoce sur la société de son temps. Ayant clairement conscience de sa propre mission comme homme d’Église, d’une l’Église qu’il aimait de tout son cœur, sans chercher : jamais à s’imposer dans des domaines étrangers à sa condition, il était ouvert à tous, sans distinction, pour les rendre meilleurs et les mener au Christ. Il réalisa son projet : " Je serai toujours avec Jésus, son ministre, son apôtre, son missionnaire de paix et d’amour. "
Les trente années à peine de sa vie sacerdotale donnèrent lieu à un continuel développement d’entreprises apostoliques bien méditées et réalisées avec abnégation, avec une impressionnante confiance en Dieu.
Sa vie fut une prière continuelle qui alimentait sa vie intérieure et modelait toutes ses œuvres. A l’école de la grande Sainte d’Avila il apprit que la prière, ce " traité d’amitié " avec Dieu est le moyen nécessaire pour connaître et vivre la vérité, pour croître dans la conscience d’être un fils de Dieu, pour croître dans son amour. Elle est aussi un moyen efficace de transformation du monde. C’est pourquoi le Bienheureux Enrique de Ossó sera légalement un apôtre et un maître de la prière. A tant et tant d’âmes, il apprit à prier avec son œuvre : Le quart d’heure de prière !
Ce fut le secret de sa grande vie sacerdotale, ce qui lui donna la joie, l’équilibre et la force ; ce qui fit que lui, prêtre, serviteur et ministre de tous, souffrant avec tous, les aimant et les respectant tous, il se sentait heureux d’être ce qu’il était. Il avait conscience de tenir en ses mains des dons reçus du Seigneur pour la rédemption du monde, tout petit et indigne qu’il se sentît. Il savait que ces dons lui étaient offerts par la supériorité infinie du mystère du Christ et ils remplissaient son âme d’une joie ineffable. Un témoignage et une leçon de vie ecclésiale toujours valables pour le prêtre d’aujourd’hui qui, dans l’exemple des saints et dans l’enseignement ou les normes de l’Église — et non dans des suggestions ou théories étrangères — peut trouver son identité, une orientation sûre pour guider sa conduite.
Je voudrais une fois de plus, en cette splendide occasion, vous exhorter, mes bien-aimés frères prêtres, à l’abandon total au Christ, joyeusement vécu dans le célibat pour le royaume des cieux et pour le service généreux en faveur de nos frères, surtout des plus pauvres, et à mener une vie centrée sur votre propre ministère pastoral — qui est la mission spécifique de l’Église — et caractérisée par ce style évangélique que j’ai défini dans ma lettre du Jeudi Saint, et dont j’ai parlé de nouveau dans mes rencontres avec les prêtres durant mon récent voyage apostolique.
Ši nous voulons dégager maintenant un des traits les plus caractéristiques de la physionomie apostolique du nouveau Bienheureux, nous pourrions dire qu’il fut un des plus grands catéchistes du XIX siècle, ce qui le rend des plus actuels en ce moment où l’Église réfléchit — comme ce fut le cas lors de la dernière session du Synode des Évêques — sur le devoir de catéchiser qui incombe à tous ses fils.
Comme catéchiste génial, il se distingua par ses écrits et par son travail pratique, attentif à faire connaître, de manière adéquate et conforme au Magistère de l’Église, le contenu de la foi et à le vivre. Ses méthodes pratiques en firent un devancier des conquêtes pédagogiques ultérieures. Mais, par-dessus tout, l’objectif qu’il se proposa fut de faire connaître et réanimer l’amour envers Dieu et envers l’Église, ce qui est au cœur de la mission du véritable catéchiste.
Et cette mission lui fit aborder tous les milieux : celui des enfants, avec ses inoubliables catéchèses à Tortosa (" par les enfants au cœur des hommes ") ; celui du monde des jeunes, avec ses associations de jeunesse qui finirent par avoir la plus ample diffusion ; celui de la famille, avec ses écrits de propagande religieuse et particulièrement la Revista Teresiana ; celui des travailleurs, en leur faisant connaître la doctrine sociale de l’Église ; celui de l’enseignement et de la culture où, tenant compte de la mentalité de l’époque, il lutta pour assurer la présence de l’idéal catholique dans les écoles à tous les niveaux jusqu’à celui des universités. Il se dévoua inlassablement au ministère de la parole par ses prédications et à celui de la parole écrite, au moyen de la presse.
19 Au collège anglais de Rome
6 décembre 1979
TÉMOIGNER AUPRÈS DE CETTE GÉNÉRATION DE LA JEUNESSE DE L’ÉGLISE
Comme vos prédécesseurs, vous êtes également appelés à être prêtres de Jésus-Christ, serviteurs de son Évangile et témoins devant le peuple de l’authentique foi catholique telle qu’elle a été transmise par les Apôtres, proclamée par le Magistère de l’Église et maintenue par les martyrs et confesseurs de tous les temps. Vous êtes appelés à rendre, par la parole et l’exemple, votre témoignage catholique en ce moment critique de l’histoire. Dieu vous appelle, ici et maintenant, dans les circonstances actuelles de l’Église et du monde. Le Christ et son Église vous demandent donc de relever le défi de l’heure présente, non pas en vous fondant simplement sur vos talents ou sur une sagesse purement humaine, mais bien sur la puissance de l’Évangile. Dans les paroles de Saint Paul vous devez trouver le bouclier de la foi, le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu (cf. Ep 6, 16-17). Votre témoignage de foi, individuel et communautaire, ne saurait être essentiellement différent du témoignage rendu par vos martyrs — un témoignage de la foi de l’Église universelle, un témoignage qui conduira les autres au Christ, un témoignage qui persistera — comme nous le dit Jésus dans l’Évangile — lorsque " la pluie tombe, que les torrents viennent, que les vents soufflent et que la maison s’écroule " (cf. Mt 7, 27).
C’est précisément parce que nous portons la cuirasse de Dieu et sommes enracinés dans la foi que nous trouvons dans le Seigneur et dans sa puissance la force et l’énergie pour proclamer tout le mystère de l’Église et rendre témoignage, en continuation de ces générations, à la plénitude de la foi catholique.
Voici, aujourd’hui, la première partie de votre mission : être des témoins de la foi. Le Christ vous a appelés et son Église vous confiera une mission ecclésiale : il vous faudra porter témoignage de la foi là où peut-être vous n’avez jamais pensé vous trouver, d’une manière que vous n’avez jamais imaginée. Déjà l’histoire de votre Collège, et principalement la vie de vos martyrs, vous auront enseigné l’ouverture, la droiture et le calme. Et aujourd’hui, dans cette liturgie, Isaïe adresse à chacun de vous sa prophétique exhortation : " Mettez votre confiance dans le Seigneur, toujours Car le Seigneur est le rocher pour toujours " (Is 26, 4). Et je vous répète ces mots : mettez votre confiance dans le Seigneur ; mettez votre confiance dans le Seigneur pour remplir votre rôle de témoins de la foi — de la foi en Jésus-Christ.
Il est bon de méditer le fait que vous êtes également appelés à témoigner dans cette génération de la vitalité de la jeunesse de l’Église — à être les témoins de la puissance et de l’efficacité de la grâce du Christ pour captiver les cœurs des jeunes d’aujourd’hui. Le monde a besoin de preuves concrètes que le Christ peut attirer à lui cette génération. Et vous devez montrer que vous avez compris la signification de la vie dans le contexte de l’amour du Christ et de son appel. Vous êtes appelés à témoigner du fait que, malgré les mille et une attractions et options offertes par le monde moderne, vous avez été " captivés " par le Christ au point de faire fi de tout le reste, pour devenir ses compagnons et ses disciples ; pour embrasser sa mission et, finalement, sa Croix ; et pour connaître la puissance de sa Résurrection !
La considération du fait que nous sommes des témoins de la puissance de la grâce du Christ nous mène naturellement à quelque chose qui est le sommet de notre être véritable : notre propre liberté. C’est uniquement par l’exercice de cette liberté — le grand don que Dieu nous accorde — que nous pouvons répondre de manière adéquate à son invitation, à l’appel de sa grâce, à l’amour qu’il nous offre. Le devoir de chacun de vous, le voici : abandonner votre cœur et votre volonté au Christ, sous l’action de l’Esprit Saint ; vous livrer au Christ librement, totalement, et avec persévérance. Le Seigneur Jésus exige la réponse de votre libre arbitre, l’oblation de votre liberté. Et les paroles du Psaume vous permettent de répondre : " Mon cœur est prêt, Seigneur ! Mon cœur est prêt " (Ps 57, 7).
Chers frères et fils : Vous êtes toutefois appelés à rendre témoignage de votre foi catholique dans toute sa pureté : vous êtes appelés à être les témoins de la victoire de l’amour du Christ non pas comme un pouvoir abstrait mais en tant qu’il touche nos propres vies et consacre notre propre liberté. Ceci est donc pour vous un moment de grande confiance. Celui qui a entrepris une œuvre excellente en vous — qui a entrepris une œuvre excellente dans ce collège il y a quatre cents ans — est bien capable, par la puissance de l’Esprit, de la conduire à son parfait accomplissement (cf. Ph 1, 6), pour la gloire de son nom, l’honneur de son Évangile et le bien de l’Église tout entière.
Et Marie, la Reine des martyrs, la Vierge fidèle qui soutint vos martyrs et tous vos prédécesseurs, sera avec chacun de vous de manière que votre témoignage soit authentique dans la foi et dans la sainteté. Elle vous assistera dans votre rôle de vrais disciples de son Fils, membres fidèles de l’Église, étudiants zélés du Concile Vatican II et de tous les Conciles qui l’ont précédé. Je recommande tout spécialement à son intercession le témoignage que vous êtes appelés à rendre, en vérité et en amour, devant vos frères anglicans dans le dialogue providentiel — à soutenir par la prière et la pénitence — orienté vers la restauration de la pleine unité en Jésus-Christ et en son Église.
Et ainsi, ancrés dans la foi et voué à la sainteté de la vie, vous pouvez vous attendre, joyeusement confiants, à une ère nouvelle de votre Collège. Sacrifice et générosité, prière et étude, humilité et discipline auront une grande place dans votre avenir comme ils l’auront eue dans votre passé. De nombreux hommes, femmes et enfants regarderont vers vous pour trouver le Christ. Du plus profond de leur être ils vous imploreront, avec les paroles de l’Évangile : " Nous voulons voir Jésus " (Jn 12, 21). Comme l’apôtre Philippe vous devez faire voir Jésus au monde — Jésus et nul autre, car il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés (cf. Ac 4, 12). Vous pouvez donc voir clairement que le destin de votre patrie est lié au succès de la mission de cette institution. La contribution que vous apporterez au monde dépendra de la manière dont vous porterez le témoignage de la foi et de la puissance de la grâce du Christ dans vos propres vies.
Mes chers frères, fils et amis : après quatre cents ans ce Collège est encore, par la grâce de Dieu, aussi actif qu’il le fut jadis, et ce qu’il signifie est plus important que jamais. Et il restera ainsi, du moment que vous mettez en pratique ce que Jésus lui-même vous demande quand il dit : " Prêchez mon Évangile. Proclamez ma parole. Renouvelez mon Sacrifice. Oui, soyez mes témoins. Demeurez en mon amour, aujourd’hui et toujours. "
Amen !
20. Aux aumôniers des O.I.C.
13 décembre 1979
LA CONFUSION DES CHARISMES APPAUVRIT L’ÉGLISE
Je vous rappellerai d’abord une considération de la lettre que je vous ai adressée le Jeudi Saint de cette année 1979, considération qui doit nous apporter constamment joie, espérance et réconfort spirituel.
Lorsqu’un prêtre, au cours de sa vie, s’arrête un moment et jette un regard sur son sacerdoce, il ne peut s’empêcher de s’émerveiller devant l’ampleur de la grâce qui lui a été donnée avec le sacrement de l’Ordre. Les prêtres qui se dépensent dans le labeur qui leur a été confié, quel qu’il soit : ministère paroissial, enseignement, formation, tous, s’ils gardent la conscience de leur vocation de prêtres et s’efforcent d’agir en tout et partout en prêtres, peuvent constater, dans l’immense variété de leurs champs d’action, la fécondité surnaturelle de la grâce sacerdotale qui passe par eux.
Quant à vous, chers frères, le Seigneur vous appelle pour le moment à exercer votre ministère de prêtres, à plein temps ou à mi-temps, dans le champ très spécial de l’assistance ecclésiastique aux Organisations et Associations Internationales Catholiques.
Je n’ai pas besoin de vous dire l’estime sincère de l’Église pour les O.I.C. Ces Organisations, très diverses, rassemblées depuis plus de cinquante ans dans une Conférence, revêtent un double aspect qui fait leur richesse : d’une part, grâce à leurs buts apostolique, spirituel ou caritatif, elles permettent à l’Église d’accomplir sa mission salvifique dans le monde ; d’autre part, grâce au statut dont jouissent plusieurs d’entre elles, elles assurent une forme particulière de présence de l’Église là où se joue de façon décisive le jeu, complexe, délicat et important, de la vie internationale à ses différents niveaux.
Ces Organisations et les autres Associations qui portent un témoignage identique sont formées pour la plupart de laïcs qui doivent y trouver la possibilité de croître dans leur foi et dans leur engagement apostolique en même temps que le moyen de participer à la vie et à la mission de l’Église.
Voilà, cher amis, un champ où la grâce de votre sacerdoce peut s’exercer de façon admirable si vous vous montrez capables d’y vivre avec authenticité et intensité votre vocation de ministres de Jésus-Christ.
L’authenticité signifie accepter votre condition de prêtres sans retour ni réserve, cette condition dont vous avez rêvé lorsque vous étiez jeunes, à laquelle vous vous êtes préparés avec amour et que vous avez accueillie dans l’enthousiasme le jour où l’Évêque et le Presbyterium vous ont imposé les mains, Cette condition de prêtres vous donne une identité claire et précise au sein de l’Église et au milieu du Peuple de Dieu : il ne faut pas diluer cette identité, l’estomper ou l’échanger par d’autres identités. Il faut, au contraire, l’éclairer et la montrer aux yeux de tous. Dans les organisations et associations auxquelles vous rendez service — ne vous y trompez pas ! — l’Église vous veut prêtres, et les laïcs que vous y rencontrez vous veulent prêtres et rien que prêtres. La confusion des charismes appauvrit l’Église ; elle ne l’enrichit en rien. Prêtres, soyez donc au sein de ces groupements les artisans de communion, les éducateurs dans la foi, les témoins de l’Absolu de Dieu, les vrais apôtres. de Jésus-Christ, les ministres de la vie sacramentelle, spécialement de l’Eucharistie, les animateurs spirituels dont les laïcs ont besoin soit pour leur formation, soit pour les éclairer dans leur engagement souvent très difficile, voire risqué.
L’intensité n’est autre chose que la ferveur d’esprit avec laquelle vous devez vivre votre vocation à l’égard de ceux et celles dont vous êtes Pasteurs en tant qu’Assistants ecclésiastiques d’importantes Organisations et associations internationales catholiques. Est-il besoin de vous le rappeler : la vitalité et le dynamisme apostoliques, la capacité d’engagement, l’efficacité de l’action de ces communautés ou groupements dépendent, en définitive, en très grande partie de la valeur humaine et évangélique dont témoignera votre vie sacerdotale.
Vous n’êtes pas seuls. Sachez que le Pape suit vos activités qui sont très proches des soucis, des projets, des activités du Saint-Siège en tant que celui-ci est une expression majeure de la catholicité de l’Église. Restez unis à vos Évêques, à vos Supérieurs majeurs et, à travers eux, avec vos familles spirituelles. Tâchez d’intéresser à votre travail les autres prêtres que vous rencontrez ; partager avec eux vos soucis et vos réalisations. Sachez trouver auprès des laïcs pour qui vous travaillez un renouveau d’énergie. spirituelle pour votre sacerdoce et pour votre vie. Et j’ajoute, enrichissez tout cela en cherchant à vous retrouver aussi entre vous chaque fois que cela vous sera possible, pour vous éclairer mutuellement sur votre tâche, pour vous aider à croître dans votre spiritualité et votre ferveur missionnaire, pour vous encourager les uns les autres. Ces rencontres peuvent être déterminantes pour l’authenticité et l’intensité de votre sacerdoce. Le Conseil pontifical pour les Laïcs ne refusera pas, j’en suis certain, de vous aider à vous retrouver ainsi.
Que le Christ Prêtre, dont découle la grâce immense de notre sacerdoce, soit toujours avec vous et vous assiste dans votre ministère. Qu’il vous bénisse. En son nom, je vous donne, en gage d’abondantes grâces divines, la bénédiction apostolique.
21. Au collège mexicain de Rome
13 décembre 1979
ÊTRE CONFORME A L’IMAGE DU CHRIST-PRÊTRE
J’éprouve aujourd’hui une grande joie à pouvoir m’entretenir, fut-ce pendant peu de temps, avec la nombreuse communauté du Collège pontifical mexicain de Rome dans lequel je vois comme un prolongement spirituel de ces terres, géographiquement lointaines mais toujours très proches de moi, que j’ai eu le plaisir de visiter lors de mon premier voyage pastoral hors d’Italie...
Je désire vous encourager à bien utiliser le temps qui vous est maintenant accordé pour répondre à la confiance de vos Évêques, ils vous ont envoyés ici pour vous renforcer dans cette permanente docilité aux enseignements du Magistère qui, dans ce milieu, résonnent avec une particulière intensité afin de ressembler toujours plus à cette figure de prêtre qui sait s’insérer dans le monde d’aujourd’hui, pleinement conscient des exigences de l’heure actuelle et possédant une authentique vigueur intérieure qui oriente et détermine toutes les actions de son propre service ecclésial.
A ce propos, je désire vous répéter ce qu’en la Basilique de Guadalupe j’ai dit aux prêtres vos frères : " Ce service éminent et exigeant ne pourra être rendu sans la conviction claire et enracinée de votre identité comme prêtres du Christ, dépositaires et administrateurs des mystères de Dieu, instruments du salut pour les hommes, témoins d’un règne qui commence en ce monde mais qui se complète dans celui de l’au-delà " (Discours aux prêtres, 3).
Avec cette conception sans équivoque de vous-mêmes et de votre mission, nourrie dans la prière et dans la pratique des sacrements, votre vision de la foi doit se renouveler sans cesse dans un généreux engagement au service de l’Église et de l’homme votre frère.
Nous ne saurions également oublier que notre rencontre a lieu à l’avant-veille de la fête de Notre-Dame de Guadalupe à qui tout Mexicain voue une ardente dévotion. Que ce soit donc elle qui vous guide et vous enseigne la voie de la joyeuse et prompte donation à l’Église et à autrui.
A Elle que j’ai eu le bonheur de prier devant son image en la nouvelle basilique, en son " Sanctuaire du peuple mexicain ", à Elle donc, je vous confie par des prières répétées pour que vous sachiez vous conformer toujours à l’image du Christ-Prêtre.
22. Avec le clergé de Rome
21 février 1980
ÉTUDIER, RÉFLÉCHIR, EXAMINER, TRAVAILLER ENSEMBLE
Chers Frères dans le sacerdoce,
" A tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par vocation, à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ " (Rm 1, 7).
C’est avec ces mots de Saint Paul que je vous salue affectueusement et cordialement dans le Seigneur au début de cet entretien fraternel.
J’ai beaucoup désiré cette rencontre d’aujourd’hui avec vous. Ainsi nous nous relions à la tradition de rencontres analogues au début du Carême soit avec les prédicateurs d’exercices spirituels, soit avec le clergé de Rome. Mais, par la même occasion, nous cherchons également une dimension et un contexte un peu différents de ceux des rencontres précédentes. C’est la raison pour laquelle le lieu choisi est ici au Latran où se trouve le siège de l’évêque de Rome et l’évêché de Rome. Ici est le centre du diocèse, c’est-à-dire de l’Église particulière qui est à Rome.
Je désire mettre cette réalité en évidence d’une manière spéciale. L’Église a une dimension universelle et, en même temps, locale. " Le diocèse — a déclaré le Concile Vatican II — est une portion du peuple de Dieu qui est confiée au soin pastoral de l’évêque, aidé de son presbyterium, de telle sorte que, par son adhésion à son pasteur, unie dans l’Esprit Saint par le moyen de l’Évangile et de la sainte Eucharistie, elle constitue une Église particulière dans laquelle est vraiment présente et agissante l’Église du Christ, Une, Sainte Catholique et Apostolique " (Décret Christus Dominus, 11).
Si l’Église de Rome, justement parce qu’elle est le siège de saint Pierre, a une importance si fondamentale pour l’universalité de l’Église, elle est cependant et tout d’abord l’Église d’un " lieu " : l’Église qui est à Rome. C’est ainsi que le Christ l’a voulue. C’est ainsi que Pierre l’a inaugurée ici et ainsi que tous ses successeurs l’ont reçue en héritage.
Le Pape, évêque de Rome
A la vérité, ce n’est pas la première fois que je souligne le fait que je me sens surtout l’évêque de Rome et que, par conséquent, je considère comme mon premier devoir et ma première obligation le service de cette Église. Si je puis accomplir cette tâche — qui est en soi une tâche très vaste — c’est grâce à la persévérante et infatigable collaboration du Cardinal vicaire, de l’archevêque vice-gérant, des évêques auxiliaires, qui œuvrent tous avec moi dans le service épiscopal et qui partagent systématiquement avec moi ce labeur pastoral. Il est clair que la majeure partie de cette charge pèse sur leurs épaules et pour cela je veux aujourd’hui leur exprimer ma bienveillance sincère et ma vive reconnaissance.
Pour une part, cependant, je cherche, autant que possible à donner ma contribution personnelle ; et ceci par les visites que je fais dans les paroisses. Pourtant, même pour ces visites, une part notable du travail est accomplie par les évêques de chaque zone : on peut dire que toute la préparation, longue et méthodique, de chaque visite est confiée à leur zèle et à leur dévouement. Il me reste, d’une certaine manière, l’acte final, la conclusion qui est en même temps une " synthèse ". Dans les limites de mes autres engagements, j’ai cherché et je cherche à accomplir ces visites dans les paroisses le plus souvent possible. Grâce à elles, j’ai déjà acquis une certaine expérience dans ce domaine, qui m’était presque complètement inconnu. J’apprends à connaître Rome comme le diocèse du Pape, comme mon Église. Et au cours de ces rencontres dominicales avec les différentes communautés du peuple de Dieu et de la société romaine j’expérimente très profondément ses besoins, ses anxiétés, ses attentes. Pendant la première année, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mois de décembre dernier, j’ai rendu visite à dix-huit paroisses ; je garde le souvenir de mes visites à Garbatella et au Testaccio ; à Saint-Basile et à Saint-Luc ; à Saint-Clément aux Prati Fiscali et à la Vierge des douleurs de Villa Gordiani ; à Spinaceto, à la Rustica, au Trullo, à la Vierge du divin amour, à l’église des Douze Apôtres. Cette année j’ai déjà rendu visite à la paroisse de l’Immaculée au quartier de la Tiburtine, à la paroisse de la Vierge de la Guadalupe, à celle de l’Ascension de Quarticcioli, de Saint-Timothée à Casalpalocco et enfin à celle de Saint-Martin aux Monts.
Ces visites m’ont permis de rencontrer les curés, ainsi que les prêtres qui les aident dans leur ministère, et les fidèles : les pères et les mères de famille, les jeunes, les enfants, les malades, les différents groupes engagés, les catéchistes. Chacune de ces visites me donne toujours, en particulier, une nouvelle occasion de collaboration directe avec vous, prêtres de cette Église " qui est à Rome ". C’est sur ces expériences personnelles que je désire baser notre rencontre, aujourd’hui, qui ne veut pas être une audience mais un entretien.
L’unité du ministère hiérarchique
Je désire, avant tout, vous assurer que bien que ces instants fragmentaires que je puis, à l’occasion de ces visites paroissiales, consacrer à une collaboration immédiate avec vous, soient objectivement et relativement modestes, je les considère cependant absolument essentiels et fondamentaux pour ma mission apostolique. La mission de l’évêque est de présider à la vie de son Église, d’en être le pasteur, avec l’aide des prêtres comme collaborateurs directs de son ministère. " Les évêques dirigent les Églises particulières qui leur sont confiées, comme vicaires et légats du Christ " (Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 27). Telle est la vision théologique du ministère pastoral de l’évêque dans l’Église. Les prêtres sont l’accomplissement et le complément de ce sacerdoce que possède l’évêque dans sa plénitude pastorale en ce qui concerne son Église — Jésus-Christ seul le possède dans sa plénitude ontologique. Les prêtres sont ses fils en ce que, par le sacrement de l’Ordre, il les engendre, d’une certaine manière, à la vie sacerdotale ; ils sont ensuite ses frères dans ce sacerdoce. " Je suis évêque pour vous, avec vous je suis prêtre " vous ai-je rappelé, en adaptant les paroles de Saint-Augustin (cf. Sermones 340, 1 PL 38, 1483) dans la lettre que j’ai adressée à tous les prêtres de l’Église à l’occasion du Jeudi Saint de l’année dernière. Chaque visite, que j’accomplis dans une paroisse du diocèse, me rend de nouveau conscient de cette vérité apostolique de la vie de l’Église, et me lie toujours plus étroitement à vous dans cette unité du ministère hiérarchique que nous constituons dans notre Église qui est à Rome. Chaque visite me fait méditer encore plus profondément sur les paroles de Saint Augustin : " Ce n’est pas pour nous que nous sommes évêques, mais pour ceux en faveur de qui nous administrons la parole et le sacrement du Seigneur. " Et encore : " Ce n’est pas pour nous mais pour les autres que nous le sommes " (Contra Cresconium Donatistam II, 11 : PL 43, 474).
Le clergé de Rome dans sa diversité
Le clergé de Rome — comme on l’a remarqué dans les différents rapports — est très divers et lié à différents domaines du travail apostolique. Ce n’est qu’une partie du clergé qui se consacre à la pastorale paroissiale et ce pourcentage est réduit. Les prêtres, séculiers et religieux, qui résident actuellement à Rome sont 5 280 environ. Mais sur ce nombre ceux qui sont au service des âmes dans les paroisses sont seulement 1 153. A ces derniers, il faudrait ajouter les prêtres étudiants qui, outre leur fréquentation des universités pontificales, apportent une certaine contribution à la pastorale paroissiale. D’autre part, le diocèse de Rome est structuré en paroisses qui, selon la terminologie adoptée par le Professeur J. Majka dans son livre Sociologie de la paroisse, sont appelées " paroisses géantes " : à Rome il y a 47 paroisses de 15 000 à 20 000 fidèles ; 31 de 20 000 à 30 000 ; 14 de 30 000 à 40 000 ; 5 de 40 000 fidèles et plus.
Nous ne pouvons pas non plus oublier dans cette brève mais nécessaire vue d’ensemble de la situation du diocèse, qu’il existe 70 paroisses dont les locaux destinés au culte sont improvisés et dont les fidèles participent à la célébration de la messe et des sacrements dans des salles, des magasins, etc. Quinze quartiers récents de Rome sont encore sans lieux de culte.
De ces quelques statistiques approximatives, on peut déduire la gravité des problèmes religieux et pastoraux du diocèse. Il existe, en effet, une disproportion objective entre la masse des fidèles et le nombre des prêtres qui se consacrent au ministère. C’est non seulement la pastorale de base qui est précaire et insuffisante, mais également la pastorale spécialisée, malgré la disponibilité occasionnelle d’autres prêtres, l’aide qu’offrent les religieuses et les laïcs engagés eux-mêmes. Je voudrais, à ce propos, m’adresser à nos frères les religieux prêtres qui résident à Rome. Ils sont aujourd’hui environ 3 644. Le diocèse attend beaucoup d’eux, de leur générosité, de leur sens de l’Église, de l’ardeur apostolique qui les anime.
On a rappelé récemment que pendant les premiers jours de janvier, le vicariat a organisé une première rencontre des religieux et des religieuses de Rome au sujet de leur présence et de leur mission dans la capitale. Ce congrès a été fécond en indications et en propositions. Je souhaite que les religieux et les religieuses de Rome, dans le plein respect du charisme spécifique de leurs instituts, sachent s’insérer dans la pastorale d’ensemble de ce diocèse, vers lequel convergent les regards du monde entier.
Rome, une ville en pleine mutation
Puisque je parle aujourd’hui cœur à cœur avec vous, prêtres de Rome, j’estime de mon devoir de vous exprimer ma plus sincère gratitude et ma profonde admiration pour le témoignage sacerdotal de générosité, d’engagement, de pauvreté qui vous distingue. Vous devez proclamer, vivre et faire vivre le message de l’Évangile dans une ville qui a derrière elle, dans son propre sang, deux mille sept cents ans d’une histoire parmi les plus complexes et les plus prestigieuses ; une ville dans laquelle s’est produit, d’une manière exemplaire, et l’affrontement et la rencontre entre le monde classique et le christianisme ; une ville qui est aujourd’hui une authentique ville géante : en 1881, il y a cent ans, elle comptait environ 274 000 habitants, et, aujourd’hui, elle en compte dix fois plus, à savoir deux millions neuf cent mille ; une ville dans laquelle se manifestent avec toujours plus d’acuité les tensions qui y explosent et les contradictions de la société contemporaine, les problèmes de l’urbanisation, de l’immigration, du manque de logements suffisants, de l’occupation, du travail, de la violence, du terrorisme armé.
Le clergé de Rome, appelé à affronter pastoralement et selon l’Évangile l’énorme masse des problèmes humains et sociaux, n’est pas homogène car il provient de toutes les régions d’Italie. Ce phénomène, qui se manifeste dans Rome à un degré sans doute supérieur à tout autre diocèse urbain du monde, a certainement ses aspects positifs : chaque prêtre porte en lui une diversité de traditions, d’expériences, d’écoles de vie spirituelle, de pastorale, Tout ceci ne peut pas être nié ; et même, en particulier à Rome, un phénomène semblable est justifié. Mais cette situation comporte, en même temps, de plus grandes exigences pour la construction et la sauvegarde de l’unité tellement indispensable dans la pastorale de cette ville. Il convient d’entreprendre, avec courage et persévérance, des efforts appropriés qui puissent conduire à cette unité d’orientation de la pastorale d’ensemble ; il est nécessaire, dans ces circonstances qui deviennent toujours plus délicates et problématiques, d’étudier ensemble, de réfléchir ensemble, d’examiner ensemble, de travailler ensemble.
Notre rencontre d’aujourd’hui veut être l’un de ces efforts.
Cette unité doit être avant tout la réponse concrète, personnelle de chacun de nous à la prière de Jésus à son Père : " Qu’ils soient un " (cf. Jn 17, 11, 21, 22). Elle doit être une réponse, mûrie dans l’amour réciproque, en face des différents problèmes qui touchent au clergé de Rome : problèmes de caractère spirituel, culturel, pastoral, humain, économique. Elle doit être une réponse qui fasse surmonter certaines tentations individualistes et s’ouvrir en pleine disponibilité aux plans organiques indiqués ou préparés au centre, au lieu d’une continuelle prise de position critique ou polémique devant les directives qui sont le fruit, sans aucun doute, d’une réflexion et d’une longue méditation.
Très chers frères ! Conservez, autour de votre évêque, l’unité du presbyterium, d’autant plus nécessaire dans un diocèse comme celui de Rome que ses propres structures sociologiques et culturelles conduisent à un type de pluralisme parfois ambigu.
" Celui qui abandonne l’unité, viole la charité ; et celui qui viole la charité, quelque grandeur qu’il possède, n’est rien lui même ", nous avertit Saint Augustin qui poursuit en citant l’hymne de Saint Paul à la charité : " C’est inutilement qu’il possède toutes choses celui qui n’a pas l’unique bien par lequel on est en relation avec tous " (Serm. 88, 18, 21 : PL 38, 550).
Au milieu des profondes et continuelles mutations dans tous les domaines, le clergé ressent le besoin de suivre le rythme vertigineux de notre temps : il ressent le besoin de se mettre continuellement à jour pour être prêt et vigilant dans son interprétation des événements à la lumière de la Parole de Dieu, c’est-à-dire dans une perspective chrétienne.
On ressent toujours davantage l’urgence, la nécessité d’une " formation permanente " spirituelle et culturelle du clergé, comme également du laïcat engagé apostoliquement. Et nous devons reconnaître que Rome, avec les richesses culturelles de ses universités et de ses collèges pontificaux, pourrait mettre au point des initiatives vraiment adaptées. Même dans ce domaine une disponibilité et une collaboration cordiale et réciproque seront nécessaires.
Une priorité : promouvoir les vocations
Parmi les tâches prioritaires qui incombent à l’évêque, au presbyterium et à toute l’Église de Rome, se trouve celle des vocations sacerdotales et religieuses. Dans le rapport particulier sur cette question on a souligné ma constante préoccupation pour les vocations, et je vous en suis reconnaissant. Au cours de ma première rencontre avec le clergé romain je vous ai ouvert mon cœur, avec beaucoup de franchise et de sincérité, et je vous ai adressé l’invitation pressante de prendre part à mon souci. Je suis revenu plusieurs fois sur cette question jusqu’à ces derniers jours, en parlant aux membres du Conseil et aux secrétaires régionaux réunis à Rome pour méditer ensemble sur les questions concernant la " promotion des vocations ", à l’initiative de la Conférence italienne des supérieurs majeurs. A cette occasion, je me suis adressé par la pensée à tous les prêtres et religieux qui " vivent paisiblement, jour après jour, dans leur vocation, fidèles aux engagements qu’ils ont pris, artisans humbles et cachés du royaume de Dieu, et qui rayonnent par leurs paroles, leur comportement, leur vie, la joie lumineuse du choix qu’ils ont fait. Ce sont vraiment ces religieux et ces prêtres qui, par leur exemple, encourageront tant de jeunes à accueillir dans leur cœur le charisme de la vocation " (cf. L’Osservatore Romano, édition italienne, 17 février 1980, p. 2).
Le diocèse a deux séminaires : le séminaire romain majeur qui, reçoit actuellement 85 élèves dont 22 de Rome ; et le séminaire romain mineur qui comporte 13 élèves internes qui constituent la communauté stable : une communauté des vocations est constituée par 70 jeunes des écoles secondaires qui ont des rencontres fréquentes au séminaire. Deux cents autres jeunes des écoles secondaires gravitent autour d’eux : les membres du séminaire les rencontrent dans les paroisses ou au séminaire même pour les aider à approfondir avec sérieux l’étude de leur vocation.
Ces données statistiques font émerger l’urgente nécessité d’un " réveil des vocations ", d’un effort conscient, constant, réfléchi, organisé, pour que même — et tout spécialement — dans ce domaine le diocèse de Rome soit fécond et fertile ; pour que les séminaires diocésains, riches de glorieuses traditions de formation culturelle et spirituelle, deviennent toujours davantage le reflet de la vitalité de notre Église particulière. La vitalité et la maturité d’un diocèse sont en proportion du nombre et de la qualité de ses vocations sacerdotales et religieuses. Au cours des quinze dernières années les prêtres diocésains venant des séminaires romains ont été au nombre de 122.
Le diocèse de Rome sera-t-il assez généreux pour donner encore de nombreux saints prêtres pour la construction du royaume de Dieu ?
Les laïcs engagés
Mes différentes visites dans les paroisses m’ont encore fourni la possibilité de constater comment, dans ces communautés, des groupes de laïcs, engagés dans l’apostolat, sont en activité.
Les laïcs redécouvrent la paroisse. C’est une réalité consolante parce qu’elle montre que les fidèles ressentent le besoin d’un point de référence stable. Il y a bien 70 associations à caractère national qui sont représentées, en nombre variable, dans les différentes paroisses ; et par ailleurs il existe environ 100 groupes locaux qui sont engagés dans l’apostolat. Mon encouragement va à ces groupes qui, dans le cadre de la foi chrétienne, veulent donner un témoignage particulier soit par la prière communautaire, soit par une écoute religieuse de la parole de Dieu, soit par un engagement charitable à l’égard de leurs frères dans le besoin. Mais mon désir serait que dans aucune paroisse ne manque un " groupe de catéchistes " composé d’adultes — mères et pères de famille — et de jeunes, sérieusement préparés et généreusement disponibles pour une transmission de la catéchèse aux enfants et aux adolescents. " La communauté paroissiale doit rester l’animatrice de la catéchèse et son lieu privilégié... Qu’on le veuille ou non, la paroisse reste le point principal de référence pour le peuple chrétien et même pour les non-pratiquants ", c’est ce que j’ai écrit dans ma récente Exhortation apostolique à propos de la catéchèse de notre temps (Catechesi Tradendae, n. 67). Les éléments fondamentaux de ces structures existent dans nos paroisses : ce sont ces structures qui font de la paroisse une unité missionnaire d’évangélisation et de catéchèse. Même si les statistiques indiquent que le degré de pénétration de la " masse " de ce vaste ensemble des paroissiens est inférieur à ce que l’on pourrait désirer, il convient toutefois de ne pas se décourager et de consacrer un grand effort à la question de la catéchèse.
Les jeunes
Puis je pense en ce moment, d’une façon particulière, aux jeunes, destinataires privilégiés de ma sollicitude apostolique de prêtre, d’évêque et de pasteur de l’Église universelle. Comme vous l’avez entendu dans le rapport, il y a à Rome 500 000 jeunes de 15 à 30 ans — sur deux millions neuf cent mille habitants ! Et sur ce nombre, il y en a bien 200 000 qui sont en attente d’une occupation ! Leurs problèmes humains sont graves. Plus graves encore leurs problèmes spirituels. Il s’agit de leur éducation et de leur maturation dans la foi chrétienne, de leur préparation au mariage, de leur insertion dans la société des adultes qui parfois les ont fortement déçus. Que fera l’Église de Rome, que feront les prêtres de Rome pour aller au devant d’eux d’une façon adaptée et moderne, au devant de leur idéal, de leurs attentes religieuses, culturelles, sociales, au devant de ces jeunes en grande partie déçus par les idéologies et tentés de changer la société à tout prix et en utilisant n’importe quel moyen, y compris la violence ?
Je m’adresse aux prêtres jeunes de Rome pour qu’ils consacrent leurs meilleures énergies à l’apostolat parmi les jeunes, avec générosité, enthousiasme, persévérance, sans se laisser décourager par les échecs humains inévitables. Aimez les jeunes ! Sachez les écouter ! Sachez les comprendre ! Ils possèdent des trésors cachés et inépuisables de générosité et d’enthousiasme. Présentez-leur le Christ, homme-Dieu, notre frère ! Proclamez-leur le message de l’Évangile avec toute la vigueur et toute la rigueur de leurs exigences
Chers frères dans le sacerdoce
J’ai écouté avec grand intérêt et grande attention, ce que vos représentants, en votre nom, m’ont exposé sur la situation du clergé romain, des paroisses, sur le programme diocésain organique, sur les vocations sacerdotales à Rome, sur la présence des religieux et des religieuses dans la capitale, sur la condition des jeunes.
De mon côté, j’ai essayé de me faire la voix de votre voix, de vos pensées, de vos désirs, de vos espérances, mais en particulier de votre engagement à être d’authentiques prêtres du Christ dans cette Église qui est à Rome.
Poursuivons ensemble notre cheminement de foi, d’engagement pastoral, forts de la puissance du Christ qui s’est manifestée dans sa faiblesse d’homme.
Aujourd’hui, l’Église célèbre la mémoire de Saint, Pierre Damien, l’austère ermite de Fontaine Avellana, appelé par Dieu à s’insérer dans les circonstances dramatiques de l’Église de l’an mille, dans une période difficile et dangereuse. Écoutons et faisons nôtre son invitation à aimer l’Église unie par le lien d’une charité réciproque : " L’Église, si elle est vraiment du Christ, est liée par les liens d’une si grande charité réciproque qu’elle est dans la pluralité et, d’une façon mystérieuse, tout entière en chacun... Elle est une en tous et tout entière en chacun ; assurément elle est simple dans la pluralité par l’unité de la foi et multiple en chacun par la soudure de la charité et par les dons différents des charismes ; tous en effet viennent d’un seul " (Liber qui appellatur " Dominus vobiscum " 5 : PL 145, 235).
Dans l’Église de Dieu qui est à Rome que la diversité des charismes soit toujours cimentée par la charité.
Que du ciel nous protège la Vierge " Salus Populi Romani " et Mère de la confiance.
Avec ma bénédiction apostolique.
23. Aux prêtres de Turin
13 avril 1980
LA MISSION SPÉCIFIQUE DU PRÊTRE
Bien-aimés prêtres de l’archidiocèse de Turin !
" A vous grâce et paix de par Dieu, notre Père et le Seigneur Jésus-Christ ! " (1 Co 1, 3). De tout cœur je vous salue tous indistinctement et j’embrasse en particulier votre Archevêque le Cardinal Anastasio Ballestrero qui, avec vous et pour vous, dépense ses meilleures énergies de pasteur en faveur de cet illustre archidiocèse. J’ai reçu son invitation et me voici aujourd’hui parmi vous ! Je vous assure que mon salut est marqué d’un sentiment particulier d’affection émue ainsi que d’une grande joie. Cette affection vient d’une part de la responsabilité pastorale qui nous est commune, bien que diversifiée, et que nous exerçons dans l’Église de Dieu et, d’autre part, de ce sentiment d’une paternité qui est le propre du successeur de Pierre et qui me fait répéter avec la même sollicitude : " Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, le surveillant non par contrainte mais de bon gré selon Dieu " (1 Pier 5, 2).
Mais cette salutation est également tissée d’une émotion particulière. Je sais, en effet, que je me trouve en présence des héritiers d’une extraordinaire tradition pastorale qui est le propre clergé de Turin ; ce clergé qui a eu le privilège de compter dans ses rangs les très lumineuses figures de Saint Joseph Benoît Cottolengo, de saint Jean Bosco ainsi que celles de saint Joseph Cafasso et du bienheureux Sébastian Valfré. Et il faudrait leur ajouter d’autres noms de premier plan, aussi bien à Turin que dans tout le Piémont, qui ont été un reflet heureux et efficace de ces grands saints. Ceux-ci en effet, comme on le voit pour la couronne des Alpes qui entoure votre région, sont seulement les sommets les plus élevés de toute une chaîne de montagnes, robustes et splendides. Depuis toujours, la générosité, l’abnégation, un infatigable zèle pastoral ont été les caractéristiques d’entières générations de prêtres, sagement stimulées et guidées par leurs évêques, surtout après les dispersions du Moyen Âge de fer et de la Renaissance. Je voudrais aujourd’hui rendre publiquement hommage à cette très haute tradition pastorale qui est de toute première importance pour la vie de l’Église, non seulement à Turin mais en Italie et aussi dans l’Église universelle ; je remercie Dieu d’avoir suscité de tels " hommes qui ont voué leur vie au nom de notre Seigneur Jésus-Christ " (Ac 15, 26). C’est une tradition qui a fait du prêtre l’homme d’un apostolat intelligent et fécond dans tous les domaines de la vie humaine : auprès des malades, de la jeunesse, des ouvriers, des étudiants, des prisonniers et des condamnés à mort. Puis, aujourd’hui, il ne manque pas non plus de nouvelles occasions d’exercer les énergies apostoliques des prêtres : il y a malheureusement des familles en crise, des drogués, des violents, des milieux parallèles de délinquants. C’est donc dans tous ces secteurs que l’on peut expliquer en plénitude tout le dynamisme de la mission propre du prêtre, vécue dans une pleine et joyeuse conscience de son " identité " : c’est lui qui peut manifester l’amoureuse sollicitude du Christ pour tous ses frères, partout où ils vivent et souffrent, surtout les plus nécessiteux car " ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin mais les malades " (Lc 5, 31).
Expérimentez donc des voies d’approche toujours nouvelles pour rejoindre les hommes dans leurs conditions de vie ; ceci dans une fidélité intégrale à tout ce qui est essentiel à votre sacerdoce, et, en même temps, avec une grande souplesse pastorale qui vous rende sensibles et ouverts aux plus urgentes nécessités des temps que nous vivons.
Il me plaît, en outre, de rappeler la noble tradition d’étude et de culture qui vous est propre. On sait déjà que le célèbre humaniste Érasme de Rotterdam reçut de l’université de Turin son doctorat en théologie en l’an 1505. Mais, plus récemment, j’ai été informé des différentes initiatives académiques qui ont surgi après la suppression des facultés de théologie ; ces initiatives culminent avec la nouvelle faculté de théologie, distincte de celle de l’Italie septentrionale, à laquelle s’ajoutent d’autres écoles qualifiées en théologie existant dans la ville, y compris l’Institut de pastorale. J’adresse l’expression de mon estime et de mon encouragement aux responsables et aux enseignants de ces institutions, et je l’étends volontiers aussi aux étudiants en théologie et à tous les séminaristes.
Enfin, je rappelle à votre attention et à la mienne que, même dans l’exercice de fonctions différentes, il existe certains caractères de base qui sont le bien commun de tous ceux qui partagent dans l’Église le sacerdoce ministériel.
Le premier de ces caractères est notre participation à Jésus-Christ unique Prêtre, souverain et éternel ; en effet, nous sommes tous " sanctifiés par l’offrande de son corps, faite une fois pour toutes " (He 10, 10), même si nous portons toujours en nous le sentiment de notre indignité devant cette vocation particulière qui nous fait de " pauvres serviteurs " (Lc 17,10).
Le second caractère consiste dans notre responsabilité particulière qui distingue le prêtre de tous ceux qui sont aussi marqués du sacerdoce baptismal et qui lui réserve une tâche spécifique dans la prédication de la Parole, dans la célébration des sacrements et dans le gouvernement de la communauté (cf. 1 Tm 4, 14 ; 2 Tm 1, 6). Il me plaît ici de souligner le ministère typique de saint Joseph Cafasso : celui du sacrement de la pénitence qu’il exerça assidûment, et même en faveur de saint Jean Bosco, dans un fidèle ministère au service du peuple et surtout, dans les prisons, pour le bien de nombreux prisonniers. Il s’agit d’une " diaconie "toujours actuelle et féconde, puisqu’elle dispense en abondance la miséricorde du Seigneur telle qu’elle se révèle dans le mystère pascal que nous célébrons justement ces jours-ci : " Misericordias Domini in aeternum cantabo " (Ps 88, 2). Le prêtre est celui qui, d’une façon particulière, a éprouvé en lui-même le mystère de la miséricorde pour la distribuer le plus largement possible aux autres.
Le troisième caractère, strictement lié aux précédents, regarde notre particulière conformité au Christ qui fait que son sacrifice et son amour deviennent aussi notre norme de vie ; chaque fidèle devrait pouvoir dire de chacun d’entre nous ce que chaque chrétien, avec saint Paul, confesse de Jésus : " Il m’a aimé et s’est livré pour moi " (Ga 2, 20), comme aussi le Saint-Suaire qui est conservé ici nous le rappelle opportunément.
Et enfin, il faut tenir compte d’un élément irremplaçable, l’élément ecclésial, selon lequel chaque prêtre sait qu’il doit diriger son dévouement non dans le dessein de déchirer mais au contraire de construire le " corps du Christ dans la concorde et la cohésion " (Ep 4, 16), ceci également par une franche charité réciproque qui puisse féconder une croissance communautaire dans l’Esprit (cf. ibidem 2, 22). Je vous invite en particulier à toujours cultiver une étroite communion avec vos évêques, selon l’enseignement classique de saint Ignace d’Antioche : " En effet, votre vénérable sacerdoce, digne de Dieu, est harmonieusement uni à l’évêque comme les cordes de la cithare ; et c’est ainsi que, de la parfaite harmonie de vos sentiments et de votre charité, s’élève un concert de louanges à Jésus-Christ " (ad Eph. IV).
Et soyez certains que le Pape partage avec vous les singulières peines de notre temps, qui sont en connexion avec la réconciliation réciproque, avec l’insuccès de certaines tentatives pastorales qui autrefois portaient du fruit et avec la situation " missionnaire " que vous vivez.
Sur ces bases, mon exhortation à la joie se présente naturellement et d’une façon presque évidente : que cette joie soit comme celle des soixante-douze disciples à leur retour près de Jésus après leur mission (cf. Lc 10. 17-20) ; si, par la suite, cette mission s’accompagne de persécutions souffertes en faveur de l’Église (cf. Col 1, 25 ; 2 Co 12, 10), elle sera alors d’autant plus enracinée et féconde. Cette joie " personne ne pourra vous l’ôter "(Jn 16, 22), spécialement parce qu’elle germe d’un contact continuel dans le Christ qui fait de nous des hommes consacrés au renouvellement de son sacrifice rédempteur, les hommes de l’Eucharistie qui doit trouver dans notre vie son foyer rayonnant et cordial.
24. A un groupe de prêtres de Viterbe
14 avril 1980
PERSÉVÉRER DANS L’AMOUR
Chers jeunes prêtres, fils de Saint Léonard Murialdo,
A peine ordonnés " Ministres du Seigneur " et sitôt après avoir célébré votre première messe vous avez souhaité être reçus par le Pape pour lui manifester votre fidélité à l’Église, pour écouter sa parole et recevoir sa bénédiction.
Et moi je suis heureux de vous accueillir et de vous adresser mon salut le plus affectueux ; je vous remercie pour ce geste de profond respect et je participe à votre joie d’être devenus plus étroitement conformes au Christ, grâce au Sacrement de l’Ordre, et d’être appelés à le servir dans l’Église avec ses propres pouvoirs divins.
En ce moment si émouvant pour vous, mon exhortation est uniquement : persévérez dans l’Amour ! Persévérez dans la grâce sacramentelle et dans l’austère mais merveilleuse mission du salut des âmes.
Et pour persévérer, il vous suffit de vous inspirer de la figure de votre fondateur Saint Léonard Murialdo dont vous connaissez certainement la vie comblée de zèle et les écrits passionnés.
Que votre premier moyen de persévérance soit l’inquiétude apostolique ! Le prêtre doit avoir une vision " eschatologique " de l’existence et de l’histoire et vivre dans cette perspective. Les âmes doivent être évangélisées, voilà la volonté de Dieu ! Le prêtre est responsable de cette annonce et de ce salut. N’oubliez jamais l’angoisse apostolique de Léonard Murialdo, qui disait : " Que nous n’ayons jamais à avoir de remords parce qu’une âme, sauvée par le sang du Christ, se serait perdue, en partie à cause de notre ignorance, de notre paresse, de notre égoïsme ! "
Un deuxième moyen de persévérance est le sens du réalisme chrétien. Murialdo, esprit supérieurement équilibré et concret, avait, en des temps tristes et obscurs, une grande foi, une grande confiance en l’homme. Vous connaissez ses slogans-programmes : " Taisons-nous et agissons ! " et " Faites-vous saints et faites-le vite ". Après les événements de 1870, il écrivait : " Notre époque a du bon et du mauvais comme toutes les époques, mais le mauvais ne se change pas en baissant la tête et en se retirant sous la tente d’Achille... L’Église et les chrétiens seront toujours dans la situation de miliciens sur cette terre... Pour notre part, nous unissons à la prière les bonnes œuvres, l’union des forces, l’ardeur pour le salut des âmes mais tout de suite, sans attendre des interventions célestes et d’imaginaires triomphes " (Lettre de mai 1872).
C’est un programme excellent et plus actuel que jamais : ni optimisme irréel ni pessimisme qui fait tort à la Providence ; mais un sain réalisme chrétien qui accepte la réalité de l’homme et de l’histoire pour l’aimer et pour la sauver au nom du Christ, avec efforts et patience.
Et enfin, comme troisième moyen de persévérance, la pureté de la pensée, moyennant l’étude ordonnée et des lectures solides. Dans le ferment des philosophies rationalistes et matérialistes de son siècle, votre fondateur s’est senti profondément éducateur, des jeunes principalement et surtout au moyen de la " bonne presse ". Un siècle s’est écoulé depuis lors, et, aujourd’hui, les préoccupations pour " la pureté de la pensée " se sont multipliées à l’infini. Il est tellement important de se maintenir dans l’" intimité divine ", grâce à la méditation de livres sérieux et profonds qui réchauffent l’âme au feu de l’amour de Dieu et la tiennent sereine et enthousiaste, dans n’importe quelle situation, devant n’importe quelle menace
Chers nouveaux prêtres ! Imitez également Saint Léonard Murialdo dans sa dévotion à la Très Sainte Vierge Marie et demandez-vous toujours : " La Vierge est-elle contente de ma décision ? Que me suggère-t-elle ? Comment agirait-elle à ma place ? "
Et maintenant, gagnez, fidèlement obéissants et pleins de joie et de courage, les postes qui vous sont désignés ; et persévérez dans l’amour, aidés par votre Saint Fondateur et réconfortés par ma bénédiction apostolique.
25. Aux prêtres du Zaïre
4 mai 1980
Chers frères prêtres,
J’ai vivement désiré cette rencontre avec vous. Les prêtres, vous le savez, ont une place spéciale dans mon cœur et dans ma prière. C’est normal : avec vous, je suis prêtre. Celui qui a été constitué Pasteur de tout le troupeau a d’abord les yeux fixés sur ceux qui partagent son pastorat — qui est le pastorat du Christ —, sur ceux qui supportent quotidiennement " le poids du jour et de la chaleur ". Et votre mission est tellement importante pour l’Église !
L’an dernier, pour le Jeudi Saint, j’ai tenu à adresser une lettre spéciale à tous les prêtres du monde, par l’intermédiaire de leurs évêques. Au nom de toute l’Église, je vous exprimais mes sentiments de gratitude et de confiance. Je vous rappelais votre identité sacerdotale, par rapport au Christ Prêtre, au Bon Pasteur ; je situais votre ministère dans l’Église. Je montrais aussi le sens des exigences attachées à votre état sacerdotal. J’espère que vous avez lu cette lettre, que vous la relirez. Je ne peux pas en reprendre ici tous les thèmes, même brièvement. Je donnerai plutôt quelques pensées qui la prolongent. Je tenais surtout à vous parler personnellement à vous, prêtres en Afrique, prêtres au Zaïre. C’est l’une de mes premières rencontres sur le sol africain, une rencontre privilégiée avec mes frères prêtres.
Au-delà de vos personnes, je pense à tous les prêtres du continent africain. A ceux qui sont venus de loin pour les débuts de l’évangélisation et qui continuent à apporter leur aide précieuse et indispensable. Je n’ose pas trop dire " missionnaires ", car tous doivent être missionnaires. Et je pense aussi — et tout spécialement dans l’entretien présent — aux prêtres qui sont issus des peuples africains : ils constituent déjà une réponse riche de promesses consolantes ; ils sont la démonstration la plus convaincante de la maturité que vos jeunes Églises ont acquise ; ils sont déjà, et ils sont appelés de plus en plus, à en être, les animateurs. Ils sont particulièrement nombreux dans ce pays. C’est une grande grâce dont nous remercions Dieu, en ce centenaire de l’évangélisation. C’est aussi une grande responsabilité.
Dans le Christ, être médiateur entre Dieu et les hommes
Parmi tant de pensées qui se pressent en ce moment dans mon âme, laquelle choisirai-je pour thème de cette rencontre ? Il me semble que l’exorde la meilleure nous est fournie par l’Apôtre Paul, quand il exhorte son disciple Timothée à raviver le don que Dieu a déposé en lui par l’imposition des mains (cf. 2 Tm 1, 6), et à puiser, dans une conscience renouvelée de cette grâce, le courage de poursuivre avec générosité le chemin entrepris, parce que " ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi " (ibid., 1, 7).
Notre méditation d’aujourd’hui doit donc commencer par rappeler les traits fondamentaux du sacerdoce. Être prêtre signifie être médiateur entre Dieu et les hommes, dans le Médiateur par excellence qui est le Christ.
Jésus a pu accomplir sa mission grâce à son union totale avec le Père, parce qu’Il ne faisait qu’un avec Lui : dans sa condition de pèlerin sur les routes de notre terre (viator), il était déjà en possession du but (comprehensor) auquel il devait conduire les autres. Pour pouvoir continuer efficacement la mission du Christ, le prêtre doit en quelque façon être lui aussi déjà arrivé là où il veut conduire les autres : il y parvient par la contemplation assidue du mystère de Dieu, nourrie par l’étude de l’Écriture, une étude qui s’épanouit en prière. La fidélité aux moments et aux moyens de prière personnelle, la prière officielle des heures, mais aussi l’accomplissement digne et généreux des actes sacrés du ministère contribuent à sanctifier le prêtre et à le conduire à une expérience de la présence mystérieuse et fascinante du Dieu vivant, en lui permettant d’agir avec force sur le milieu humain qui l’entoure.
A la suite du Christ, totalement donné à Dieu et aux frères
Le Christ a surtout exercé son office de médiateur par l’immolation de sa vie dans le sacrifice de la croix, accepté par obéissance au Père. La croix reste la route " obligée " de la rencontre avec Dieu. C’est une route sur laquelle le prêtre au premier chef doit s’élancer avec courage. Comme je le rappelais dans ma récente lettre sur l’Eucharistie, n’est-il pas appelé à renouveler in persona Christi, dans la célébration eucharistique, le sacrifice de la croix ? Selon la belle expression de l’Africain Augustin d’Hippone, le Christ au calvaire fut " prêtre et sacrifice, et donc prêtre parce que sacrifice " (Confessions, X, 43, 69). Le prêtre qui, dans la pauvreté radicale de l’obéissance à Dieu, à l’Église, à son évêque, aura su faire de sa vie une offrande pure à offrir, en union avec le Christ, au Père céleste, expérimentera dans son ministère la force victorieuse de la grâce du Christ mort et ressuscité.
Comme Médiateur, le Seigneur Jésus fut, dans toutes les dimensions de son être, l’homme pour Dieu et pour les frères. De même le prêtre ; et c’est la raison pour laquelle il lui est demandé de consacrer toute sa vie à Dieu et à l’Église, dans les profondeurs de son être, de ses facultés, de ses sentiments. Le prêtre qui, dans le choix du célibat, renonce à l’amour humain pour s’ouvrir totalement à celui de Dieu, se rend libre pour se donner aux hommes par un don n’excluant personne, mais les comprenant tous dans le flux de la charité, qui provient de Dieu (cf. Rm 5,5) et conduit à Dieu. Le célibat, en liant le prêtre à Dieu, le libère pour toutes les œuvres requises par le soin des âmes.
Voilà tracée en quelques traits la physionomie essentielle du prêtre, telle qu’elle nous a été léguée par la tradition vénérable de l’Église. Elle a une valeur permanente, hier, aujourd’hui,, demain. Il ne s’agit pas d’ignorer les problèmes nouveaux que posent le monde contemporain, et aussi le contexte africain, car il importe de préparer des prêtres qui soient à la fois pleinement africains et authentiquement chrétiens. Les questions posées par la culture où s’insère le ministère sacerdotal demandent une réflexion mûrie. Mais c’est de toute façon à la lumière de la théologie fondamentale que j’ai rappelée qu’il faut les aborder et les résoudre.
Les fonctions du prêtre
Il n’est pas nécessaire maintenant que je m’étende sur les différentes fonctions du prêtre. Vous avez médité, vous devez souvent reprendre les textes du Concile Vatican II, la constitution Lumen Gentium (n. 28) et tout le décret Presbyterorum ordinis.
L’annonce de l’Évangile, de tout l’Évangile, à chaque catégorie de chrétiens et aussi aux non-chrétiens, doit prendre une grande place dans votre vie. Les fidèles y ont droit. De ce ministère de la Parole de Dieu relèvent notamment la catéchèse, qui doit pouvoir atteindre le cœur et l’esprit de vos compatriotes, et la formation des catéchistes, religieux et laïcs. Et soyez des éducateurs de la foi et de la vie chrétienne selon l’Église, dans les domaines personnel, familial, professionnel.
La digne célébration des sacrements, la dispensait des mystères de Dieu, est également centrale dans votre vie de prêtres. En ce domaine, veillez avec assiduité à préparer les fidèles à les recevoir, afin que, par exemple, les sacrements du baptême, de la Pénitence, de l’Eucharistie, du mariage portent tous leurs fruits. Car le Christ exerce la force de son action rédemptrice dans les sacrements. Il le fait particulièrement dans l’Eucharistie et dans le sacrement de la Pénitence.
L’Apôtre Paul a dit : " Dieu (...) nous a confié le ministère de la réconciliation " (2 Cor 5 s.). Le peuple de Dieu est appelé aune conversion continuelle, à une réconciliation toujours renouvelée avec Dieu dans le Christ. Cette réconciliation s’opère dans le sacrement de la Pénitence, et c’est là que vous exercez, par excellence, votre ministère de réconciliation.
Oui, le Pape connaît vos difficultés : vous avez tant de tâches pastorales à accomplir et le temps vous fait toujours défaut. Mais chaque chrétien a un droit, oui, un droit à une rencontre personnelle avec le Christ crucifié qui pardonne. Et, comme je l’ai dit dans ma première encyclique, " il est évident qu’il s’agit en même temps d’un droit du Christ lui-même à l’égard de chaque homme qu’il a racheté " (Redemptor hominis, n. 20). C’est pourquoi je vous supplie : considérez toujours ce ministère de réconciliation dans le sacrement de Pénitence comme une des plus importantes de vos tâches.
Enfin, le " pouvoir spirituel " qui vous a été donné (cf. décret Presbyterorum ordinis, n. 6), l’a été pour construire l’Église, pour la conduire comme le Seigneur, le Bon Pasteur, avec un dévouement humble et désintéressé, toujours accueillant, avec une disponibilité à assumer les différents ministères et services qui sont nécessaires et complémentaires dans l’unité du presbyterium, avec un grand souci de collaboration entre vous, prêtres, et avec vos évêques. Le peuple chrétien doit être entraîné à l’unité en voyant l’amour fraternel et la cohésion que vous manifestez. Votre autorité dans l’exercice de vos fonctions est liée à votre fidélité à l’Église qui vous les a confiées. Laissez les responsabilités politiques à ceux qui en sont chargés : vous, vous avez une autre part, une part magnifique, vous êtes " chefs " à un autre titre et d’une autre façon, participant au sacerdoce du Christ, comme ses ministres. Votre domaine d’intervention, et il est vaste, est celui de la foi et des mœurs, où l’on attend que vous prêchiez en même temps par une parole courageuse et par l’exemple de votre vie.
La formation des laïcs. Chaque membre de l’Église y a un rôle irremplaçable. Le vôtre consiste aussi à aider tous ceux qui appartiennent à vos communautés à remplir le leur, religieux, religieuses, laïcs. Vous avez en particulier à mettre en valeur celui des laïcs : il ne faut jamais oublier, en effet, que le baptême et la confirmation confèrent une responsabilité spécifique dans l’Église. J’approuve donc vivement votre souci de susciter des collaborateurs, de les former à leurs responsabilités. Oui, il faut savoir leur adresser, sans se lasser, des appels directs, concrets, précis. Il faut les former en leur faisant prendre conscience des richesses cachées qu’ils portent en eux. Il faut enfin savoir vraiment collaborer, sans accaparer toutes les tâches, toutes les initiatives ou toutes les décisions, quand il s’agit de ce qui est du domaine de leurs compétences et de leurs responsabilités. C’est ainsi que se forment des communautés vivantes, qui représentent vraiment une image de l’Église primitive, dans laquelle on voit apparaître, autour de l’Apôtre, les noms de ces nombreux auxiliaires, hommes et femmes, que saint Paul salue comme " ses collaborateurs dans le Christ Jésus " (Rm 16, 3).
Un homme d’espérance
Dans tout ce travail pastoral, les difficultés inévitables ne doivent pas porter atteinte à notre confiance. Scimus Christum surrexisse a mortuis vere. La présence du Christ ressuscité est le fondement assuré d’une espérance " qui ne trompe pas " (Rm 5, 5). C’est pourquoi le prêtre doit être, toujours et partout, un homme d’espérance. Il est bien vrai que le monde est traversé de tensions profondes, qui bien souvent engendrent des difficultés dont la solution immédiate nous dépasse. Dans de telles circonstances, et en tout temps, il est nécessaire que le prêtre sache offrir à ses frères, par la parole et par l’exemple, des motifs convaincants d’espérance. Et il peut le faire parce que ses certitudes ne sont pas fondées sur des opinions humaines, mais sur le roc solide de la parole de Dieu.
Un homme de discernement et un maître authentique de la foi
Soutenu par elle, le prêtre doit se révéler un homme de discernement et un maître authentique de la foi.
Oui, il doit être, surtout à notre époque, un homme de discernement. Car, nous le savons tous, si le monde moderne a fait de grands progrès dans le domaine du savoir et de la promotion humaine, il est aussi pétri d’un grand nombre d’idéologies et de pseudo-valeurs qui, à travers un langage fallacieux, réussissent trop souvent à séduire et à tromper nombre de nos contemporains. Non seulement il faut savoir ne pas y succomber, c’est trop évident, mais la fonction des pasteurs est aussi de former le jugement chrétien des fidèles (cf. 1 Tm 5, 21 ; 1 Jn 4, 1), afin qu’ils soient eux aussi capables de se soustraire à la fascination trompeuse de ces nouvelles " idoles ".
Par là, le prêtre se révélera aussi un maître authentique de la foi. Il amènera les chrétiens à mûrir dans leur foi, en leur communiquant une connaissance toujours plus approfondie du message évangélique — " non pas leur propre sagesse mais la parole de Dieu " (cf. décret Presbyterorum ordinis, n. 4) — et en les aidant à juger à sa lumière les circonstances de la vie. Ainsi, grâce à vos efforts persévérants, aujourd’hui, en Afrique, les catholiques sauront découvrir les réponses qui, dans la pleine fidélité aux valeurs immuables de la Tradition, seront aussi capables de satisfaire de manière adéquate aux besoins et aux interrogations du présent.
L’éveil des vocations
J’ai rappelé le rôle de tous les fidèles dans l’Église. Mais, au terme de cet entretien, j’attire votre attention sur le devoir primordial que vous avez à l’égard des vocations. Le sens de toute vocation chrétienne est si intimement dépendant de celui de la vocation sacerdotale que, dans les communautés où ce dernier disparaîtrait, ce serait l’authenticité même de la vie chrétienne qui serait atteinte. Travaillez donc inlassablement, chers frères, à faire comprendre à tout le peuple de Dieu l’importance des vocations priez et faites prier pour cela ; veillez à ce que l’appel du Christ soit bien présenté aux jeunes ; aidez ceux que le Seigneur appelle au sacerdoce ou à la vie religieuse à discerner les signes de leur vocation ; soutenez-les tout au long de leur formation. Vous êtes bien persuadés que l’avenir de l’Église dépendra de prêtres saints, parce que le sacerdoce appartient à la structure de l’Église telle que le Seigneur l’a voulue. Finalement, chers frères, ne croyez-vous pas que le Seigneur se servira d’abord de l’exemple de notre propre vie, généreuse et rayonnante, pour susciter d’autres vocations ?
Frères très chers, ayez foi dans votre sacerdoce. Il est le sacerdoce de toujours, parce qu’il est une participation au sacerdoce éternel du Christ, " qui est le même hier, aujourd’hui et à jamais " (He 13, 8 ; cf. Ap 1, 17 sq.). Oui, si les exigences du sacerdoce sont bien grandes, et si je n’ai pas hésité pourtant à vous en parler, c’est qu’elles ne sont que la conséquence de la proximité du Seigneur, de la confiance qu’il témoigne à ses prêtres. " Je ne vous appelle plus mes serviteurs, mais je vous appelle mes amis " (Jn 15, 15). Ce chant du jour de notre ordination demeure pour chacun de vous, comme pour moi, une source permanente de joie et de confiance. C’est cette joie que je vous invite à renouveler aujourd’hui. Que la Vierge Marie soit toujours votre soutien sur la route, et qu’elle nous introduise tous chaque jour davantage dans l’intimité du Seigneur ! Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.
26. Aux prêtres de France
30 mai 1980
Chers Frères prêtres,
C’est une très grande joie pour moi de m’adresser à vous dès ce soir — et en premier lieu — à vous prêtres et diacres de Paris et de la région parisienne, et par vous à l’ensemble des prêtres et des diacres de France. Pour vous, je suis évêque ; avec vous, je suis prêtre. Vous êtes mes frères, en vertu du sacrement de l’Ordre. La lettre que je vous ai adressée l’an dernier pour le Jeudi Saint vous disait déjà mon estime, mon affection, ma confiance toutes particulières. Après-demain, je rencontrerai longuement vos évêques, qui sont à un titre spécial mes frères ; c’est en union avec eux que je vous parle. Mais à mes yeux, aux yeux du Concile, vous êtes inséparables des évêques, et je penserai à vous en m’entretenant avec eux. Une profonde communion unit les prêtres et les évêques, fondée sur le sacrement et le ministère. Chers amis, puissiez-vous comprendre l’amour que je vous porte dans le Christ Jésus ! Si le Christ me demande, comme à l’Apôtre Pierre, d’" affermir mes frères ", c’est bien vous d’abord qui devez en bénéficier.
Remonter aux sources
Pour marcher avec joie et espérance dans notre vie sacerdotale, il nous faut remonter aux sources. Ce n’est pas le monde qui fixe notre rôle, notre statut, notre identité. C’est le Christ Jésus c’est l’Église. C’est le Christ Jésus qui nous a choisis, comme ses amis, pour que nous portions du fruit ; qui a fait de nous ses ministres : nous participons à la charge de l’unique Médiateur qu’est le Christ. C’est l’Église, le Corps du Christ, qui, depuis deux mille ans, manifeste la place indispensable que tiennent en son sein les évêques, les prêtres, les diacres.
Et vous, prêtres de France, vous avez la chance d’être les héritiers d’une pléiade de prêtres qui demeurent des exemples pour l’Église entière, et qui sont pour moi-même une source constante de méditation. Pour ne parler que de la période la plus proche, je pense à saint François de Sales, à saint Vincent de Paul, à saint Jean Eudes, aux maîtres de l’École française, à saint Louis-Marie Grignion de Montfort, à saint Jean-Marie Vianney, aux missionnaires du dix-neuvième et du vingtième siècles dont j’ai admiré le travail en Afrique. La spiritualité de tous ces pasteurs porte la marque de leur temps, mais le dynamisme intérieur est le même et la note de chacun enrichit le témoignage global du sacerdoce que nous avons à vivre. Comme j’aurais aimé me rendre en pèlerin à Ars, si cela avait été possible ! Le Curé d’Ars demeure en effet pour tous les pays un modèle hors pair, à la fois de l’accomplissement du ministère et de la sainteté du ministre, adonné à la prière et à la pénitence pour la conversion des âmes.
Beaucoup d’études et d’exhortation ont aussi jalonné le chemin de la vie des prêtres de votre pays : je pense par exemple à l’admirable lettre du Cardinal Suhard : " Le prêtre dans la cité. " Le Concile Vatican II a repris toute la doctrine du sacerdoce dans la Constitution Lumen Gentium (n. 28) et dans le décret Presbyterorum ordinis (P.O.), qui ont eu le mérite d’envisager la consécration des prêtres dans la perspective de leur mission apostolique, au sein du peuple de Dieu, et comme une participation au sacerdoce et à la mission de l’évêque. Ces textes se prolongent par beaucoup d’autres, en particulier par ceux de Paul VI, du Synode, et ma propre lettre.
Voilà les témoignages, voilà les documents qui tracent pour nous la route du sacerdoce. Ce soir, dans ce haut lieu qui est comme un Cénacle, je vous livre seulement, chers amis, quelques recommandations essentielles.
" Ayez foi en votre sacerdoce "
Et d’abord, ayez foi en votre sacerdoce. Oh, je ne suis pas sans savoir tout ce qui pourrait décourager et peut-être ébranler certains prêtres aujourd’hui. Beaucoup d’analyses, de témoignages insistent sur ces difficultés réelles que je garde très présentes à l’esprit — en particulier le petit nombre d’ordinations —, même si je ne prends pas le temps de les énumérer ce soir. Et pourtant, je vous dis : soyez heureux et fiers d’être prêtres. Tous les baptisés forment un peuple sacerdotal, c’est-à-dire qu’ils ont à offrir à Dieu le sacrifice spirituel de toute leur vie, animée d’une foi aimante, en l’unissant au Sacrifice unique du Christ. Heureux Concile qui nous l’a rappelé ! Mais précisément pour cela, nous avons reçu un sacerdoce ministériel pour rendre les laïcs conscients de leur sacerdoce et leur permettre de l’exercer. Nous avons été configurés au Christ Prêtre pour être capables d’agir au nom du Christ Tête en personne (cf. décret Presbyterorum ordinis n. 2). Nous avons été pris d’entre les hommes, et nous demeurons nous-mêmes de pauvres serviteurs, mais notre mission de prêtres du Nouveau Testament est sublime et indispensable : c’est celle du Christ, l’unique Médiateur et Sanctificateur, à tel point qu’elle appelle une consécration totale de notre vie et de notre être. Jamais l’Église ne pourra se résoudre à manquer de prêtres, de saints prêtres. Plus le peuple de Dieu atteint sa maturité, plus les familles chrétiennes et les laïcs chrétiens assument leur rôle dans leurs multiples engagements d’apostolat, plus ils ont besoin de prêtres qui soient pleinement prêtres, précisément pour la vitalité de leur vie chrétienne. Et dans un autre sens, plus le monde est déchristianisé ou manque de maturité dans sa foi, plus il a aussi besoin de prêtres qui soient totalement voués à témoigner de la plénitude du mystère du Christ. Voilà l’assurance qui doit soutenir notre propre zèle sacerdotal, voilà la perspective qui doit nous inciter à encourager de toutes nos forces, par la prière, le témoignage, l’appel et la formation, les vocations de prêtres et de diacres.
" Gardez le souci apostolique, missionnaire "
J’ajoute : apôtres du Christ Jésus par la volonté de Dieu (cf. exorde de toutes les lettres de saint Paul), gardez le souci apostolique, missionnaire, qui est si vif chez la plupart des prêtres français. Beaucoup — cela est particulièrement frappant ces trente-cinq dernières années —, ont été habités par la hantise d’annoncer l’Évangile au cœur du monde, au cœur de la vie de nos contemporains, dans tous les milieux, qu’ils soient intellectuels, ouvriers, ou même du " quart monde ", à ceux-là aussi qui sont souvent loin de l’Église, qu’un mur semblait même séparer de l’Église, et cela à travers des approches nouvelles de toute sorte, des initiatives ingénieuses et courageuses, allant même jusqu’au partage du travail et des conditions de vie des travailleurs dans la perspective de la mission, en tout cas presque toujours avec des moyens pauvres. Beaucoup — des aumôniers par exemple — sont constamment sur la brèche pour faire face aux besoins spirituels d’un monde déchristianisé, sécularisé, souvent agité par de nouvelles mises en question culturelles. Ce souci pastoral, pensé et accompli en union avec vos évêques, est à votre honneur : qu’il se poursuive qu’il se purifie sans cesse. Tel est le vœu du Pape. Comment être prêtre sans partager le zèle du bon Pasteur ? Le bon Pasteur se soucie de ceux qui sont éloignés de la bergerie par manque de foi ou de pratique religieuse (cf. Presbyterorum ordinis, n. 6) ; à plus forte raison, il se soucie de l’ensemble du troupeau des fidèles à rassembler et à nourrir, comme en témoigne le ministère pastoral quotidien de tant de curés et de vicaires.
Prêtres de Jésus-Christ
Dans cette perspective pastorale et missionnaire, que votre ministère soit toujours celui de l’apôtre de Jésus-Christ, du prêtre de Jésus-Christ. Ne perdez jamais de vue ce à quoi vous êtes ordonnés : faire avancer les hommes dans la vie divine (cf. ibid., n. 2). Le Concile Vatican II vous demande à la fois de ne pas rester étrangers à la vie des hommes et d’être " témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre " (cf. ibid., n. 3).
Ainsi, vous êtes ministres de la Parole de Dieu, pour évangéliser et former des évangélisateurs, pour éveiller, enseigner et nourrir la foi — la foi de l’Église —, pour inviter les hommes à la conversion et à la sainteté (cf. ibid., n. 4). Vous êtes associés à l’œuvre de sanctification du Christ, pour apprendre aux chrétiens à faire l’offrande de leur vie, à tout moment, et spécialement dans l’Eucharistie, qui " est la source et le sommet de l’évangélisation " (ibid., n. 5). Et là, chers Frères prêtres, il nous faut toujours veiller, avec un soin extrême, à une célébration de l’Eucharistie qui soit vraiment digne de ce mystère sacré, comme je le rappelais récemment dans ma Lettre à ce sujet. Notre attitude dans cette célébration doit vraiment faire entrer les fidèles dans cette action sainte qui les met en relation avec le Christ, le Saint de Dieu. L’Église nous a confié ce mystère et c’est elle qui nous dit comment célébrer. Vous apprenez aussi aux chrétiens imprégner toute leur vie de l’esprit de prière, vous les préparez aux sacrements ; je pense spécialement au sacrement de pénitence, ou de réconciliation, qui est d’une importance capitale pour le chemin de la conversion du peuple chrétien. Vous êtes éducateurs de la foi, formateurs des consciences, guides des âmes, pour permettre à chaque chrétien d’épanouir sa vocation personnelle selon l’Évangile, dans une charité sincère et active, de lire dans les événements ce que Dieu attend de lui, de prendre toute sa place dans la communauté des chrétiens dont vous êtes les rassembleurs et les pasteurs et qui doit être missionnaire (cf. ibid., n. 6), d’assumer aussi ses responsabilités temporelles dans la communauté des hommes d’une façon conforme à la foi chrétienne. Les catéchumènes, les baptisés, les confirmés, les époux, les religieux et religieuses, individuellement ou en association, comptent sur votre aide spécifique pour devenir eux-mêmes ce qu’ils doivent être.
Bref, toutes vos forces à vous sont consacrées à la croissance spirituelle du Corps du Christ, quels que soient le ministère précis ou la présence missionnaire qui vous sont confiés. C’est votre part qui est source de joie très grande et aussi de sacrifices très grands. Vous êtes proches de tous les hommes et de tous leurs problèmes " en prêtres ". Vous y conservez votre identité sacerdotale qui vous permet d’assurer le service du Christ auquel vous avez été ordonnés. Votre personnalité sacerdotale doit être pour les autres un signe et une indication ; en ce sens votre vie sacerdotale ne peut souffrir d’être laïcisée.
Unis à votre évêque
Bien situé par rapport aux laïcs, votre sacerdoce s’articule sur celui de votre évêque. Vous participez à votre rang au ministère épiscopal par le sacrement de l’Ordre et la mission canonique. C’est ce qui fonde votre obéissance responsable et volontaire envers votre évêque, votre coopération avisée et confiante avec lui. Il est le père du presbyterium. Vous ne pouvez pas construire l’Église de Dieu en dehors de lui. C’est lui qui fait l’unité de la responsabilité pastorale, comme le Pape fait l’unité dans l’Église universelle. Réciproquement, c’est avec vous, grâce à vous, que l’évêque exerce sa triple fonction que le Concile a longuement développée (cf. Const. Lumen Gentium, nn. 25-28). Il y a là une communion féconde, qui n’est pas seulement du domaine de la coordination pratique, mais qui fait partie du mystère de l’Église et qui prend un relief particulier dans le Conseil presbytéral.
Unis à vos frères prêtres
Cette unité avec vos évêques, chers amis, est inséparable de celle que vous avez à vivre entre prêtres. Tous les disciples du Christ ont reçu le commandement de l’amour mutuel ; pour vous, le Concile va jusqu’à parler de fraternité sacramentelle : vous participez au même sacerdoce du Christ (cf. Presbyterorum ordinis, n. 8). L’unité doit être dans la vérité : vous établissez les bases sûres de l’unité en étant les témoins courageux de la vérité enseignée par l’Église pour que les chrétiens ne soient pas emportés à tout vent de doctrine, et en accomplissant tous les actes de votre ministère en conformité avec les normes que l’Église a précisées, sans quoi ce serait le scandale et la division. L’unité doit être dans le travail apostolique, où vous êtes appelés à accepter des tâches diverses et complémentaires dans l’estime réciproque et la collaboration. L’unité est non moins nécessaire au plan de l’amour fraternel : nul ne doit juger son frère en le soupçonnant a priori d’être infidèle, en ne sachant que le critiquer, voire en le calomniant, comme Jésus le reprochait aux pharisiens. C’est à partir de notre charité sacerdotale que nous portons témoignage et édifions l’Église. D’autant plus que nous avons la charge, comme dit le Concile, de conduire tous les laïcs à l’unité dans l’amour et à faire que personne ne se sente étranger dans la communauté chrétienne (cf. Presbyterorum ordinis, n. 9). Dans un monde souvent divisé, où les options sont unilatérales et abruptes, les méthodes trop exclusives, les prêtres ont la belle vocation d’être les artisans du rapprochement et de l’unité.
Appelés à la sainteté
Tout cela, chers Frères, se relie à l’expérience que nous avons de Jésus-Christ, autant dire à la sainteté. Notre sainteté est d’un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère que nous accomplissons (cf. Presbyterorum ordinis, n. 12). Nous sommes les instruments vivants du Christ Prêtre éternel. A cet effet, nous sommes dotés d’une grâce particulière, pour tendre, au bénéfice du peuple de Dieu, à la perfection de celui que nous représentons. Ce sont avant tout les différents actes de notre ministère qui nous ordonnent par eux-mêmes à cette sainteté : transmettre ce que nous avons contemplé, imiter ce que nous accomplissons, nous offrir tout entiers à la messe, prêter notre voix à l’Église dans la prière des heures, nous unir à la charité pastorale du Christ... (cf. Ibid., n. 12-14).
Notre célibat manifeste pour sa part que nous sommes totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur nous a appelés : le prêtre, saisi par le Christ, devient " l’homme pour les autres ", tout disponible au Royaume, sans cœur partagé, capable d’accueillir la paternité dans le Christ.
Notre attachement à la personne de Jésus-Christ doit donc se fortifier de toute manière, par la méditation de sa Parole, par la prière en relation avec notre ministère, et d’abord par le Saint Sacrifice que nous célébrons chaque jour (cf. ma lettre du Jeudi Saint, n. 10), et il doit prendre les moyens que l’Église a toujours conseillés à ses prêtres. Il nous faut sans cesse retrouver avec joie l’intuition du premier appel qui nous est venu de Dieu : " Viens, suis-moi. "
Témoins d’espérance
Chers amis, je vous invite à l’espérance. Je sais que vous portez " le poids du jour et de la chaleur " avec beaucoup de mérite. On pourrait faire la liste des difficultés intérieures et extérieures, des sujets d’inquiétude, surtout en ce temps d’incroyance nul mieux que l’apôtre Paul n’aura parlé des tribulations du ministère apostolique (cf. 2 Co, 4-5), mais aussi de ses espérances.
C’est donc d’abord une question de foi. Ne croyons-nous pas que le Christ nous a sanctifiés et envoyés ? Ne croyons-nous pas qu’il demeure avec nous, même si nous portons ce trésor dans des vases fragiles et avons nous-mêmes besoin de sa miséricorde dont nous sommes les ministres pour les autres ? Ne croyons-nous pas qu’il agit par nous, du moins si nous faisons son œuvre, et qu’il fera croître ce que nous avons laborieusement semé selon son Esprit ? Et ne croyons-nous pas qu’il accordera aussi le don de la vocation sacerdotale à tous ceux qui devront travailler avec nous et prendre la relève, surtout si nous savons raviver nous-mêmes le don que nous avons reçu par l’imposition des mains ?
Que Dieu augmente notre foi ! Élargissons aussi notre espérance à l’ensemble de l’Église : certains membres souffrent, d’autres sont à l’étroit de multiples façons, d’autres vivent un véritable printemps. Le Christ doit souvent nous redire " Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ? " (Mt 8, 26). Le Christ n’abandonnera pas ceux qui se sont livrés à lui, ceux qui se livrent à lui chaque jour.
Cette cathédrale est dédiée à Notre-Dame. L’an prochain, j’irai devant la grotte de Massabielle à Lourdes, et je m’en réjouis. Votre pays comporte de multiples sanctuaires où vos fidèles aiment prier la Vierge bénie, leur Mère. Nous prêtres, nous devons être les premiers à l’invoquer comme notre Mère. Elle est la mère du sacerdoce que nous avons reçu du Christ. Je vous en prie, confiez-lui votre ministère, confiez-lui votre vie. Qu’elle vous accompagne, comme les premiers disciples, depuis la première rencontre joyeuse de Cana, qui vous fait penser à l’aube de votre sacerdoce, jusqu’au sacrifice de la croix, qui marque nécessairement nos vies, jusqu’à la Pentecôte dans l’attente toujours plus pénétrante de l’Esprit Saint dont elle est l’Épouse depuis l’incarnation. Nous terminerons notre rencontre par un Ave Maria.
Avec regret, je dois vous quitter, pour aujourd’hui. Mais les prêtres sont toujours proches de mon cœur et de ma prière. Au nom du Seigneur, je vais vous bénir : bénir chacun d’entre vous, bénir les prêtres que vous représentez, bénir spécialement ceux qui connaissent l’épreuve, physique ou morale, la solitude ou la tentation, afin que Dieu donne à tous sa paix. Que le Christ soit votre joie ! Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Amen !
27. A Saint-Pierre, homélie au cours d’une messe d’ordination
15 juin 1980
CONSACRÉS POUR ÊTRE ENVOYÉS AU MONDE
Chers frères,
Il est nécessaire que vous vous retrouviez vous-mêmes. Il est nécessaire que vous retrouviez la juste grandeur du moment que vous vivez, à la lumière des paroles du Christ que vous avez entendues dans l’Évangile de ce jour.
Le Christ adresse sa prière au Père. Il prie à haute voix devant les Douze qu’il a choisis. Il prie dans le Cénacle, le Jeudi Saint, après avoir institué le Sacrement de la Nouvelle et Éternelle Alliance. On appelle généralement cette prière : " la prière sacerdotale ". Elle dit ceci
" J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi et tu me les as donnés... Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais " (Jn 17, 6.15).
" Consacre-les dans la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité... " (Jn 17, 17-19).
Vous qui, en ce moment, devez recevoir l’ordination sacerdotale, écoutez ces paroles parce qu’elles se réfèrent à vous, elles parlent de vous. Elles viennent directement du cœur du Christ qui, devant ses Apôtres, s’est révélé comme prêtre de la Nouvelle et Éternelle Alliance.., et elles se réfèrent à vous. Elles parlent de vous. Elles disent qui vous êtes — qui vous devez devenir — qui vous devez être. Écoutez bien ces paroles et gravez-les profondément dans votre cœur, parce qu’elles doivent constituer pour toute votre vie le fondement de votre identité sacerdotale.
Donc, avant tout " vous avez été choisis dans le monde et donnés au Christ ".
Sous peu, ceci s’accomplira définitivement. Vous serez " choisis parmi les hommes ", comme le dit l’Épître aux Hébreux s, i, " tirés du monde " et " donnés au Christ ". Par qui ? Par le Père ! Non pas par les hommes, même si " d’entre les hommes ", et certainement aussi par l’action de différents hommes : Vos parents, vos condisciples, vos éducateurs... en particulier peut-être par l’action d’autres prêtres : en grand nombre ou même un seul par l’intermédiaire desquels ou duquel Dieu vous a révélé sa Volonté Divine.
Mais en définitive, toujours et exclusivement : par le Père ! Le Père vous donne au Christ aujourd’hui — tout comme il lui a donné ces premiers Douze qui furent avec lui à l’heure de la Dernière Cène. Il en est de même pour vous : Le Père " vous a tirés du monde pour vous donner au Christ ". Ceci s’accomplira proprement dans un moment, au cœur même de l’Église, grâce à mon ministère sacramentel.
Dans la liturgie de la Parole, il vous a été lu la description de la vocation d’un prophète nommé Jérémie — afin que vous puissiez vous rappeler encore une fois comment s’est accompli votre propre appel, de quelle manière Dieu s’est révélé à chacun de vous avec sa grâce, comment il a appelé chacun de vous...
Le Prophète se détendait, s’excusait, avait peur. Vous-mêmes, peut-être, avez éprouvé la même chose. Dans la vocation sacerdotale il y a toujours un mystère devant lequel le cœur humain finit par se trouver — un mystère attirant et en même temps peu facile : fascinosum et tremendum. L’homme doit éprouver de la peur pour qu’ensuite se manifeste d’autant plus vive la puissance de l’appel et que d’autant plus clairement apparaisse le fait que c’est le Seigneur qui appelle et que celui qui est appelé agit non pas de sa propre volonté, ni de ses propres forces, mais seulement par la volonté et par la force de Dieu lui-même " Nul ne s’arroge à soi-même cet honneur, on y est appelé par Dieu " dit l’Épître aux Hébreux (5, 4) dans son texte classique sur le sacerdoce.
Ainsi, il faut donc conserver pour toute la vie un sens profond des proportions exactes. Il est nécessaire de conserver l’humilité :
" Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour qu’on voie bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous " (2 Cor 4, 7). Oui ! Il faut conserver l’humilité. Elle aussi est source de zèle authentique. Le zèle en effet n’est rien d’autre que la profonde gratitude pour le don, qui s’exprime dans toute la vie et dans le propre comportement. Soyez donc fervents ! Ne ralentissez jamais votre zèle ! Que la vérité intérieure de votre sacerdoce ministériel rayonne sur les autres, en particulier sur les jeunes afin qu’ils suivent nos traces, eux aussi. Par l’intermédiaire de ceux qu’elle ordonne prêtres, l’Église appelle constamment de nouveaux candidats sur la voie du ministère sacerdotal. Votre ordination est accompagnée de ma prière et de celle de toute l’Église pour les vocations sacerdotales.
" Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais... Consacre-les dans la vérité " (Jn 17, 15. 17). Oui ! Vous avez étés " choisis parmi les hommes " et " donnés au Christ " par le Père, pour être dans le monde, au cœur des masses. Vous êtes " constitués pour le bien des hommes " (Heb 5,1). Le sacerdoce est le sacrement dans lequel l’Église s’exprime comme société du peuple de Dieu, il est le sacrement " social ". Les Prêtres, doivent " convoquer " les diverses communautés du peuple de Dieu autour d’eux, mais non pour eux ! Pour le Christ ! " Ce n’est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, le Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, pour l’amour de Jésus " (2 Cor 4, 5).
Aussi faut-il que vous soyez fidèles. En vous doit transparaître le sacerdoce du Christ lui-même. En vous doit se manifester le Christ Bon Pasteur. Par vous, doit être exprimée sa volonté, et rien que sa volonté.
Voici ce que dit encore l’Apôtre : " Répudiant les silences de la honte, ne nous conduisant pas avec astuce, et ne falsifiant pas la parole de Dieu mais annonçant ouvertement la vérité, nous nous recommandons à toute conscience humaine devant Dieu " (2 Cor 4, 2). Oui ! Tout homme aura le droit de vous juger d’après la vérité de vos paroles et de vos œuvres, au nom de ce " sens de la foi " qui est donné à tout le peuple de Dieu comme fruit de la participation à la mission prophétique de Jésus-Christ.
C’est pourquoi je reprends une nouvelle fois cette merveilleuse parole de Paul que nous trouvons dans la seconde lecture d’aujourd’hui. Les vœux les plus chaleureux que je vous adresse aujourd’hui et que l’Église tout entière formule avec moi sont ceux-ci : Que Dieu, qui du sein des Ténèbres a fait jaillir la lumière, brille dans vos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ (cf. 2 Cor 4, 6). Ceci est le premier de mes vœux.
Le second est que, miséricordieusement investis de ce ministère, vous ne faiblissiez jamais (cf. 2 Cor 4, 1).
Le Christ est avec vous. Sa Mère est votre Mère. Les Saints dont nous invoquons aujourd’hui l’intercession sont avec vous. L’Église est avec vous. S’il vous arrivait de vaciller, rappelez-vous que dans le Corps du Christ se trouvent les puissantes forces de l’Esprit, capables de soulever chaque homme et de le soutenir sur la voie de la vocation. Sur la voie où Dieu même l’a appelé.
Voilà les pensées, nées de la méditation de la parole de Dieu, que l’Église nous offre en ce moment solennel. Et maintenant, avancez ! Que s’accomplissent en vous les paroles de la prière sacerdotale du Christ : les paroles qu’il a prononcées dans le Cénacle, à la veille de son mystère pascal. Que s’accomplissent ces paroles : Père " comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les envoie dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité " (Jn 17, 18-19).
Amen !
28. A Rio de Janeiro, homélie au cours d’une messe d’ordination
2 juillet 1980
LE PRÊTRE DANS LA SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE
L’identité du prêtre
" Qui suis-je ? que m’est-il demandé ? quelle est mon identité ? " C’est cette demande anxieuse que le prêtre se pose le plus fréquemment aujourd’hui, car il n’est certainement pas exempt des contrecoups de la crise de transformation qui ébranle le monde.
Vous, très chers fils, vous ne sentez sûrement pas la nécessité de vous poser cette question. Mais il pourra se faire que demain vous rencontriez des frères dans le sacerdoce qui, en proie à l’incertitude, s’interrogent sur leur identité propre. Il pourra se faire que votre première ferveur s’assoupisse avec le temps, et que vous en arriviez un jour à vous interroger vous-même. C’est pourquoi je voudrais vous proposer certaines réflexions sur la véritable physionomie du prêtre pour qu’elles vous soient un puissant secours dans votre fidélité sacerdotale.
Ce n’est certainement pas dans les sciences du comportement humain, ni dans les statistiques socio-religieuses que nous irons chercher notre réponse, mais dans le Christ, dans la foi. Nous interrogerons humblement le divin Maître et nous lui demanderons qui nous sommes, comment il veut que nous soyons, quelle est devant lui notre véritable identité.
Le prêtre : un appelé
Une première réponse nous est immédiatement donnée : nous sommes appelés. L’histoire de notre sacerdoce commence par un appel de Dieu, comme cela s’est produit pour les apôtres. Dans leur choix, l’intention de Jésus est manifeste. C’est lui qui prend J’initiative. Lui-même le fait remarquer : " Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis " (Jn 15, 16). Les scènes simples et émouvantes qui nous présentent l’appel de chaque disciple révèlent l’actualisation précise de choix déterminés (cf. Le 6, 13) sur lesquels il est utile de méditer.
Qui Jésus choisit-il ? Il ne semble pas qu’il considère la classe sociale de ces élus (cf 1 Co 1,27), ni qu’il tienne compte d’enthousiasmes superficiels (cf Mt 8, 19-22). Une chose est certaine : nous sommes appelés par le Christ, par Dieu. Ce qui veut dire que nous sommes aimés par le Christ, aimés de Dieu. Avons-nous suffisamment pensé à cela ? En réalité, la vocation au sacerdoce est un signe de prédilection de la part de celui qui, en vous choisissant au milieu de tant de frères, vous a appelés à participer, d’une façon toute spéciale, à son amitié : " Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que fait son maître ; je vous appelle amis car tout ce que j’ai appris de mon Père je vous l’ai fait connaître " (Jn 15, 15). Notre appel au sacerdoce, qui marque le moment le plus haut de l’usage de notre liberté, a provoqué la grande et irrévocable option de notre vie, et, de ce fait, la plus belle page de l’histoire de notre expérience humaine. Notre bonheur consiste à ne jamais la dévaloriser.
Le prêtre : un consacré
Par le rite de la sainte ordination vous serez introduits, Fils très chers, dans un nouveau genre de vie qui vous sépare de tout et vous unit au Christ par un lien original, ineffable irréversible. Ainsi votre identité s’enrichit d’une autre note : vous êtes des consacrés.
Cette mission du sacerdoce n’est pas un simple titre juridique. Il ne consiste pas seulement en un service ecclésial rendu à la communauté, délégué par elle et de ce fait révocable par le même communauté ou susceptible de renoncement de la part du " fonctionnaire ". Il s’agit au contraire d’une réelle et intime transformation par laquelle est passé votre organisme surnaturel, par l’action du " sceau " de Dieu, du " caractère " qui vous habilite à agir " in persona Christi " (à la place du Christ) et de ce fait vous qualifie en relation à Lui comme les instruments vivants de son action.
Vous comprenez alors comment le prêtre devient un " segregatus in Evangelium Dei " (choisi pour annoncer l’évangile de Dieu ; cf. Rm 1,1) ; il n’appartient plus au monde, mais il se trouve dans l’état de propriété exclusive du Seigneur. Ce caractère sacré le pénètre à une telle profondeur qu’il oriente intégralement tout son être et tout son agir selon une destination sacerdotale. De sorte qu’il ne reste plus rien en lui dont il puisse disposer comme s’il n’était pas prêtre ou, moins encore, comme s’il était en contraste avec cette dignité. Même quand il accomplit des actions qui, de leur nature, sont d’ordre temporel, le prêtre est toujours le ministre de Dieu. En lui, tout, même le profane doit devenir " sacerdotalisé " comme en Jésus, qui a toujours été prêtre, a toujours agi comme prêtre dans toutes les manifestations de sa vie.
Jésus nous identifie d’une telle façon avec lui dans l’exercice des pouvoirs qu’il nous confère que notre personnalité disparaît pour ainsi dire devant la sienne, puisque c’est lui qui agit par nous. " Par le sacrement de l’ordre, a dit quelqu’un avec justesse, le prêtre devient effectivement idoine pour pouvoir prêter à Jésus notre Seigneur, sa voix, ses mains et tout son être. C’est Jésus qui, à la sainte messe, par les paroles de la consécration, change la substance du pain et du vin en son Corps et en son Sang " (cf. I. Escriva de Balaguer, Sacerdote per l’eternità. Milan, 1975, p. 30). Et nous pouvons poursuivre. C’est vraiment Jésus qui, dans le sacrement de la pénitence, prononce la parole paternelle de l’autorité : " Tes péchés te sont pardonnes " (Mt 9,2 ; Le 5,20 ; 7,48 ; cf. Jn 20, 23). C’est Lui qui parle quand le prêtre, exerçant son ministère au nom et dans l’esprit de l’Église, annonce la parole de Dieu. C’est vraiment Jésus qui prend soin des infirmes, des enfants et des pécheurs quand l’amour et la sollicitude des ministres sacrés les entourent.
Comme vous le voyez, nous nous trouvons ici au sommet du sacerdoce du Christ dont nous sommes participants et qui faisait s’écrier à l’auteur de la Lettre aux Hébreux : " ... grandis sermo et ininterpretabilis ad dicendum " — " Sur ce sujet, nous avons bien des choses à dire et difficiles à exposer " (He 5,11).
L’expression " sacerdos alter Christus ", " le prêtre est un autre Christ ", créée par l’intuition du peuple chrétien n’est pas une simple manière de parler, une métaphore, mais une merveilleuse, surprenante et consolante réalité.
Le prêtre : un envoyé
Ce don du sacerdoce, souvenez-vous en toujours, est une merveille qui a été réalisée en vous mais pas pour vous. Elle l’a été pour l’Église, ce qui équivaut à dire pour le monde qui doit être sauvé. La dimension sacrée du sacerdoce est totalement ordonnée à la dimension apostolique c’est-à-dire à la mission, au ministère
pastoral. " Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21).
Le prêtre est donc un " envoyé ". Voici une autre connotation essentielle à l’identité sacerdotale.
Le prêtre est l’homme de la communauté, lié sous une forme totale et irrévocable à son service, comme le Concile l’a clairement montré (cf. Presbyterorum ordinis n. 12). Sous cet aspect vous êtes destinés à l’accomplissement d’une double fonction qui suffirait à elle seule pour une méditation infinie sur le sacerdoce. En vous revêtant de la personne du Christ vous exercerez dans une certaine mesure la fonction de médiateur. Vous serez alors les interprètes de la parole de Dieu, les dispensateurs des mystères de Dieu (cf. 1 Co 4,1 ; 2 Co 6,4) auprès du peuple. Et vous serez, auprès de Dieu, les représentants du peuple dans toutes ses composantes : les enfants, les petits, les malades et finalement ceux qui sont loin et les adversaires. Vous serez les porteurs de leurs offrandes. Vous serez leur voix priante et suppliante, exultante ou gémissante. Vous serez leur expiation (cf. 2 Co 5, 21).
A cause de cela nous portons gravé dans notre mémoire et dans notre cœur la parole de l’apôtre : " Pro Christo legatione fungimur, tamquam Deo exhortante per nos ", " Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous " (2 Co 5,20) pour faire de notre vie une imitation intime, progressive et forte du Christ rédempteur.
Prêtres et laïcs
Chers Fils, dans cet exposé rapide j’ai cherché à vous montrer les traits fondamentaux du profil du prêtre.
Je désire maintenant en tirer quelques conséquences pratiques qui vous aideront dans l’accomplissement de votre activité sacerdotale, à l’intérieur ou à l’extérieur de la société ecclésiale.
Avant tout dans le monde ecclésial. Vous savez que la doctrine du sacerdoce commun des fidèles, si largement développée par le Concile, offre au laïcat une occasion providentielle pour découvrir toujours davantage la vocation de tout baptisé à l’apostolat, et son nécessaire engagement, actif et conscient, dans la tâche de l’Église. D’où une vaste et consolante floraison d’initiatives et d’œuvres qui constituent une inestimable contribution pour l’annonce du message chrétien soit dans les terres de mission, soit dans des pays comme le vôtre où l’on sent d’une façon plus aiguë la nécessité de suppléer, par l’aide des laïcs, à l’absence de prêtres.
Ceci est une consolation, et nous devons être les premiers à nous réjouir de la collaboration des laïcs et à l’encourager.
Rien de tout cela cependant, il est bon de le dire tout de suite, ne diminue en aucune manière l’importance et la nécessité du ministère sacerdotal, ni ne peut justifier la tentative de transférer à l’assemblée ou à la communauté le pouvoir que le Christ a conféré exclusivement aux ministres sacrés. Oui, nous devons solliciter de toutes les manières la collaboration des laïcs. Mais dans l’économie de la rédemption, il existe des fonctions et des tâches comme l’offrande du sacrifice eucharistique, le pardon des péchés, la fonction du magistère que le Christ a essentiellement lié au sacerdoce et dans lesquelles personne, sans avoir reçu le sacrement de l’ordre, ne pourra nous remplacer. Sans le ministère sacerdotal la vitalité religieuse court le risque de se voir coupée de ses sources, la communauté chrétienne de se désagréger et l’Église de se séculariser.
Il est vrai que la grâce de Dieu peut agir de la même manière, spécialement là où il est impossible d’avoir un ministre de Dieu et où il n’y a pas de faute dans le fait de ne pas en avoir. Il est cependant nécessaire de ne pas oublier que la voie normale et sûre des biens de la rédemption passe par les moyens institués par le Christ et dans les formes qu’il a établies.
D’où l’on comprend également combien le problème des vocations doit nous tenir à cœur à chacun d’entre nous. Nous vous exhortons à consacrer à ce secteur les premières et les plus intenses préoccupations de votre ministère. C’est un problème d’Église (cf. Optatam totius n. 2). C’est un problème important entre tous. De lui dépend la certitude de l’avenir religieux de votre patrie. Les difficultés, réelles, pour faire parvenir au monde des jeunes l’invitation de l’Église pourront peut-être vous décourager. Mais ayez confiance ! Même la jeunesse de notre temps sent fortement l’attirance des hauteurs, des choses difficiles, des grands idéaux. Ne vous laissez pas prendre par l’illusion d’un sacerdoce moins austère dans ses exigences de sacrifice et de renoncement — comme, par exemple, dans la discipline du célibat ecclésiastique — et qui permettrait d’augmenter le nombre de ceux qui ont l’intention de s’engager à la suite du Christ. Au contraire. C’est plutôt une mentalité de foi vigoureuse et consciente qui manque et qu’il est nécessaire de créer dans nos communautés. Là où le sacrifice quotidien maintient vivant l’idéal évangélique et élève à un haut niveau l’amour de Dieu, les vocations continuent à être nombreuses. La situation religieuse du monde le confirme. Les pays où l’Église est persécutée sont, paradoxalement, ceux dans lesquels les vocations fleurissent le plus, et parfois y abondent.
" Signes et instruments du monde invisible "
II est nécessaire en outre de prendre conscience, bien-aimés prêtres, que votre ministère se déroule aujourd’hui dans un milieu de société sécularisée, dont la caractéristique est le déclin progressif du sens du sacré et l’élimination systématique des valeurs religieuses. Vous êtes appelés à réaliser le salut dans cette société, comme signes et instruments du monde invisible.
Prudents mais confiants, vous vivrez au milieu des hommes pour partager leurs angoisses et leurs espérances, pour soutenir leurs efforts pour la liberté et la justice. Mais ne vous laissez pas posséder par le monde, ni par son prince, le malin (cf. Jn 17, 14-15). Ne vous adaptez pas aux opinions et aux goûts de ce monde, selon l’exhortation de Saint Paul : " Nolite conformari hoc saeculo, " Ne vous modelez pas sur le monde présent " (Rm 12, 1-2).
Insérez plutôt vos personnalités, avec leurs aspirations, dans la ligne de la volonté de Dieu.
La force du signe ne se trouve pas dans le conformisme mais dans la distinction. La lumière est différente des ténèbres pour pouvoir éclairer la route de ceux qui sont dans l’obscurité. Le sel est différent de la nourriture pour pouvoir lui donner sa saveur. Le feu est différent de la glace pour réchauffer les membres raidis par le froid. Le Christ nous appelle la lumière et le sel de la terre. Dans un monde dissipé et confus comme le nôtre, la force du signe se situe exactement dans le fait qu’il est différent. Ce signe doit nous distinguer et cela d’autant plus que l’action apostolique exige une plus grande insertion dans la masse humaine.
A ce sujet qui ne s’aperçoit que d’avoir absorbé une certaine mentalité mondaine, d’avoir fréquenté des milieux de dissipation, de même que l’abandon d’une manière extérieure de se présenter, qui distingue le prêtre, peuvent diminuer la sensibilité à la valeur propre du signe que l’on est ?
Quand on perd de vue ces horizons lumineux la figure du prêtre s’obscurcit, son identité entre en crise, ses devoirs particuliers ne se justifient plus et se contredisent, et sa raison d’être même s’affaiblit.
Et l’on ne retrouve pas non plus cette raison d’être fondamentale en se faisant prêtre " homme-pour-les-autres ". Celui qui désire suivre le Maître divin ne doit-il pas l’être aussi ?
" Homme-pour-les-autres ", le prêtre l’est certainement, mais en vertu de sa manière particulière d’être " homme-pour-Dieu ". Le service de Dieu est le fondement sur lequel se construit l’authentique service des hommes, celui qui consiste à libérer les âmes de l’esclavage du péché et à ramener l’homme au nécessaire service de Dieu. Dieu, en effet, veut faire de l’humanité un peuple qui l’adore " en esprit et en vérité " (Jn 4,23).
Qu’il reste donc bien clair que le service sacerdotal, s’il veut vraiment demeurer fidèle à lui-même, est un service excellent et essentiellement spirituel. Il faut accentuer cela aujourd’hui ! Contre les tendances multiformes à la sécularisation du service du prêtre que l’on réduit à une fonction simplement philanthropique. Son service n’est pas celui du médecin, ni celui de l’assistante sociale, ni celui de l’homme politique, ni celui du syndicaliste. Dans certains cas, peut-être, le prêtre pourra rendre ces services, bien que par suppléance, et il l’a fait dans le passé d’une fort belle façon. Mais aujourd’hui ces services sont convenablement rendus par d’autres membres de la société, alors que notre service se spécifie toujours plus clairement comme un service spirituel. Il se situe dans le domaine des âmes, de leur relation à Dieu et de leur rapport intérieur avec leurs semblables ; c’est là que le prêtre a une fonction essentielle à remplir. C’est là que doit se réaliser son assistance aux hommes de notre temps. Certainement, si les circonstances l’exigent, il ne pourra s’exempter de fournir aussi une aide matérielle par les œuvres de charité et la défense de la justice. Mais, comme je l’ai dit, c’est-à-dire en dernière analyse, il s’agit d’un service secondaire qui ne doit jamais faire perdre de vue le service principal qui est celui d’aider les âmes à découvrir le Père, à s’ouvrir à Lui et à l’aimer par-dessus toutes choses.
C’est seulement ainsi que le prêtre ne pourra jamais se sentir un inutile, un homme qui a échoué, même s’il est contraint à renoncer à quelque activité extérieure. Le saint sacrifice de la messe, la prière, la pénitence, le meilleur donc de sa vie sacerdotale resterait toujours intact comme il l’a été pour Jésus au cours des trente années de sa vie cachée. Il donnerait même ainsi une gloire immense à Dieu. L’Église et le monde ne seraient pas privés d’un authentique service spirituel.
Chers Ordinands, chers Prêtres, mon discours se transforme maintenant en prière, en une prière que je désire confier à l’intercession de la très sainte Marie, Mère de l’Église et reine des apôtres. Dans votre attente trépidante du sacerdoce vous vous êtes certainement approchés d’elle comme les apôtres au cénacle. Qu’elle vous obtienne la grâce dont vous avez besoin pour votre sanctification et pour la prospérité religieuse de votre pays. Qu’elle vous accorde surtout l’amour, son amour, celui qui lui donna la grâce d’engendrer le Christ, pour être capables d’accomplir votre mission d’engendrer vous aussi le Christ dans les âmes. Qu’elle vous enseigne à être purs, comme elle l’a été, qu’elle vous rende fidèles à l’appel de Dieu, qu’elle vous fasse comprendre toute la beauté, la joie et la force d’un ministère vécu sans réserve dans le dévouement et l’immolation pour le service de Dieu et des âmes. Demandons, finalement, à Marie pour vous et pour nous tous ici présents qu’elle nous aide à dire, à son exemple, la grande parole : Oui, à la volonté de Dieu, même quand elle est exigeante, même peut-être quand elle est incompréhensible, même quand elle est douloureuse pour nous.
Amen.
29. A Aparecida (Brésil)
4 juillet 1980
AVEC LES SÉMINARISTES - L’APPEL DE DIEU
Cette rencontre avec vous, à l’occasion de mon pèlerinage à Aparecida, me remet spontanément en mémoire mon séminaire et le temps de ma formation au sacerdoce. Je n’ai pas honte de dire que je ressens la nostalgie de ces années de séminaire. Je rends un hommage ému à ces bons prêtres qui, avec tant de zèle, au milieu de nombreuses difficultés m’ont préparé à devenir prêtre. Ce furent des années décisives pour le ministère que le Seigneur me réservait pour l’avenir. C’est pourquoi cette rencontre, à l’ombre du sanctuaire de Notre Dame d’Aparecida, en cette atmosphère cordiale de communion et de vive espérance, m’émeut et me réjouit. Il n’est pas nécessaire de dire beaucoup de paroles pour vous dire ma grande affection et mon désir sincère d’encourager vos saintes aspirations, vos certitudes et vos projets. Vous occupez une place toute spéciale dans le cœur du Pape comme dans le cœur de l’Église. En vous, je veux saluer les aspirants au sacerdoce de tout le Brésil.
En vous voyant aujourd’hui autour de moi, comme j’ai déjà vu tant de séminaristes au Mexique, en Irlande et aux États-Unis, ma pensée illuminée par la foi se tourne presque insensiblement, dirais-je, vers la réalité visible et en même temps mystérieuse de l’Église de Dieu. Jésus-Christ, pasteur éternel qui a porté au monde l’évangile de la réconciliation entre Dieu et les hommes, a constitué le peuple de la nouvelle alliance. Pour que ce peuple ne manque pas de guides et de pasteurs, II a envoyé les apôtres, comme lui-même avait été envoyé par le Père. Par les apôtres, Jésus-Christ " chef du corps, c’est-à-dire de l’Église " (Col 1,18) a rendu participants à sa consécration et à sa mission leurs successeurs, les évêques, qui, à leur tour, ont réparti et confié les fonctions de leur ministère en premier lieu aux prêtres. Ceux-ci, unis aux évêques dans la dignité sacerdotale, sont consacrés par le sacrement de l’ordre pour annoncer l’évangile, guider le peuple de Dieu, célébrer la liturgie, comme de vrais prêtres du Nouveau Testament (cf. Lumen Gentium, 18 et 28).
En méditant sur cette disposition de la volonté de Dieu qui a ainsi constitué son Église, œuvre de ses mains et non invention des hommes, nous comprenons toujours mieux qu’en elle, comme il ne peut y avoir de pasteurs sans peuple, de même il ne peut y avoir de peuple sans pasteurs. Certainement la continuité de la mission des apôtres a été garantie par celui qui a fondé l’Église :
" Allez donc enseignez toutes les nations... Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 19 ss). Pour traduire ce mandat perpétuel dans la réalité, Jésus-Christ lui-même continue à appeler ses collaborateurs dans l’intime de leur conscience tandis que les pasteurs de l’Église reconnaissent la légitimité de cette vocation intérieure, par la vocation publique des ordres sacrés.
Cependant, l’appel de Dieu — comme celui qui a été adressé à Marie par l’archange de l’Annonciation — s’arrête avec respect dans l’attente de la réponse d’un consentement libre et réfléchi. " Qu’il me soit fait selon ta parole " (Lc 1, 38). L’appel personnel, donc, doit être éclairé afin que la voix du Seigneur ne passe pas inaperçue. Il faut que cet appel soit stimulé et protégé pour que la réponse livrée ne soit pas embarrassée par les hésitations intérieures, ni étouffée par les difficultés du monde. La réalité du mystère de l’élection de Dieu comporte, pourtant, la responsabilité de la coopération de chacun et, en même temps, l’action discrète qui doit accompagner et aider la formation des jeunes.
L’appel de Dieu, mes chers séminaristes, est vraiment sublime car il se rapporte au service plus important du peuple de Dieu. C’est le prêtre, en effet, qui rend sacramentellement présent parmi les hommes le Christ, rédempteur de l’homme. " De lui dépend aussi bien la première proclamation de l’évangile qui rassemble l’Église que l’incessant renouvellement de l’Église rassemblée " (synode des évêques. Document sur le sacerdoce ministériel). Si venait à manquer la présence et l’action de ce ministère qui est reçu par l’imposition des mains, il manquerait à l’Église la pleine certitude de sa fidélité propre et de sa propre continuité visible. Par l’annonce de l’évangile, la direction de la communauté, le pardon des péchés et surtout la célébration de l’eucharistie, le prêtre rend présent le Christ-chef dans l’exercice vivant de son œuvre de rédemption. Il agit " in persona Christi ", il remplit la fonction du Christ quand il répand et renouvelle existentiellement dans les âmes la vie de l’Esprit.
Au séminaire, c’est à cette mission et à cette fonction que vous vous préparez. C’est pourquoi je vous exhorte à considérer toute l’importance de la période que vous vivez. Elle est importante pour votre formation doctrinale, pour que vous soyez de vrais maîtres de vérité et des éducateurs du peuple de Dieu dans la foi. Elle est importante surtout pour votre formation humaine et spirituelle. " L’homme de Dieu " que vous devez être (cf. 1 Tm 6,11) ou bien sera formé durant cette période de séminaire ou bien ne le sera jamais plus. C’est au séminaire que l’on apprend à vivre les vertus typiques du prêtre. Que ce temps ne soit pas pour vous un temps inutile mais un temps fructueux.
En face de la grandeur de la vocation sacerdotale, vocation irremplaçable qui imprègne en profondeur celui qui la reçoit, je vous invite à prendre conscience de la prédilection qu’elle signifie de la part de Jésus. Élevons vers le " Seigneur de la moisson " notre prière confiante pour que, dans cet immense Brésil, de nombreux jeunes aient une ouverture de conscience susceptible d’accueillir la vocation amicale qu’il leur adresse et un enthousiasme capable de le suivre.
Pendant ces six dernières années, quinze nouveaux grands séminaires pour le clergé séculier et régulier ont été ouverts au Brésil — cinq grands séminaires et quatre petits séminaires seulement pour l’année dernière. Cette augmentation du nombre des vocations est un phénomène réconfortant, fruit de la grâce et de la généreuse correspondance de ceux qui sont appelés. Mais la réalité est que l’on compte un prêtre pour 20 000 habitants si l’on ne considère que les prêtres séculiers ; un prêtre pour 10 000 si l’on considère également les prêtres religieux. C’est certainement encore trop peu pour les énormes et urgentes exigences des fidèles. C’est pourquoi le devoir de tous est de prier avec ferveur et persévérance le Seigneur de tous les dons.
Je confie à Notre Dame d’Aparecida chacun de vous et tous les jeunes de ce cher Brésil qui sont appelés au sacerdoce. Je demande à la mère de l’Église de vous encourager et de vous fortifier dans votre témoignage d’une réponse joyeuse, courageuse et généreuse, et je vous donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique.
30. A un groupe de prêtres des États-Unis d’Amérique
11 décembre 1980
PROCLAMER L’ÉVANGILE EST LA TOUTE PREMIÈRE DE VOS TÂCHES
Mes Chers Frères prêtres,
Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous rencontrer au moment où, terminant votre cours de formation théologique permanente à la " Casa Santa Maria ", vous vous apprêtez à rentrer chez vous. Nous savons que durant ces moments que nous passons ensemble Jésus-Christ est ici parmi nous parce que nous sommes réunis en son Saint Nom, dans la fraternité de son sacerdoce.
Grâce à Dieu et aux encouragements de vos Évêques et de vos Supérieurs religieux, vous aurez eu la merveilleuse occasion de prolonger votre réflexion sur la théologie et la Sainte Écriture. Je suis certain que vous aurez bénéficié en même temps que les autres avantages de ceux que le Concile Vatican II considère comme inhérents à des cours comme les vôtres : un affermissement de la vie sacerdotale et un bénéfique échange des expériences apostoliques (cf. Presbyterorum ordinis, n. 19).
Et maintenant vous êtes sur le point de retourner parmi votre peuple, dans les communautés où vous exercez votre ministère pastoral. Vous y retournez, plaise à Dieu, pour proclamer avec toujours plus de compréhension et de zèle la Bonne Nouvelle du salut qui a été révélée par un Père plein de miséricorde et d’amour et que l’Église, par fidélité au Christ, transmet d’une génération à l’autre.
La proclamation de l’Évangile est la toute première de vos tâches en tant que collaborateurs des Évêques ; elle atteint son plein accomplissement dans le Sacrifice Eucharistique (Presbyterorum ordinis, 4, 13). C’est là, la mission à laquelle vous êtes appelés ; c’est la raison pour laquelle vous avez été ordonnés.
Mais pour être absolument efficaces comme prêtres, vous devez consacrer toute votre vie à la Parole de Dieu et à Celui qui est le Verbe Incarné du Père, Jésus-Christ notre Seigneur, notre Sauveur et notre seul Prêtre Suprême.
La Parole de Dieu est le critère de toute notre prédication. Le pouvoir inhérent à la Parole de Dieu, voilà ce que nous offrons à notre peuple et c’est ce pouvoir qui unit les fidèles et les affermit dans la sainteté et dans la justice. La Parole de Dieu est un défi au Peuple de Dieu — et au cœur de chacun de nous — mais elle contient une force, une force immense ; et lorsque nous l’embrassons elle produit joie et bonheur. La Parole de Dieu, que nous sommes appelés à proclamer et sur laquelle est édifiée toute communauté de foi, est le message de la Croix. Quand, jour après jour, semaine après semaine, nous nous réunissons pour célébrer ce mystère de la foi, efforçons-nous de présenter et d’expliquer ses différents aspects qui sont d’importance si vitale pour la vie de l’Église : le salut et le pardon, la souffrance et la délivrance, la victoire et la miséricorde éternelle que nous a conservés le Christ. A l’exemple de Saint-Paul, puissions-nous avoir vraiment conscience que nous nous présentons " faibles, craintifs et tout tremblants " et sans " la force persuasive de la sagesse ", mais qu’avec la parole de Dieu nous possédons toujours la force persuasive de l’Esprit ". Et, avec Saint Paul, soyons toujours prêts à parler le langage de la vérité, en disant : " Votre foi repose non point sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu " (1 Cor 2, 4-5)
Puisse un effet renouvelé en faveur de la Parole de Dieu être le résultat durable de vos cours à Rome. Continuez, chers frères, à étudier la Parole de Dieu pour la propager et pour vivre en elle. Croyez de tout votre cœur en la Parole de Dieu. Prêchez-la, en communion avec l’Église tout entière, dans toute Sa pureté et intégrité. Et finalement, abandonnez complètement votre vie à ses exigences et à ses inspirations.
Et puisse Marie, Épouse du Saint-Esprit et Mère des prêtres, soutenir chacun de vous dans son ministère de la parole et sa consécration sacerdotale à Jésus-Christ, le Verbe Éternel qui " s’est fait chair et est venu habiter parmi nous " (Jn 1, 14).
31. A Cebu (Philippines), aux prêtres et aux séminaristes
19 février 1981
L’ÉGLISE EST PAR NATURE MISSIONNAIRE
Chers prêtres et séminaristes,
Je vous remercie au Nom de Jésus ! C’est pour moi une grande joie de me trouver parmi vous et de saluer en vous tous les prêtres des Philippines, de bénir et encourager tous les séminaristes de ce pays.
Le premier évêque des Philippines
" Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui proclame la paix, qui annonce de bonnes nouvelles, qui proclame le salut, qui dit à Sion Ton Dieu est Roi ! " (Isaïe 52, 7). Ces paroles du Prophète Isaïe nous viennent spontanément à l’esprit lorsque nous évoquons le zèle apostolique de tous ces prêtres missionnaires qui ont entrepris, il y a plus de quatre siècles, la prédication de l’Évangile du salut aux populations de ces îles. Ce fut l’oeuvre mystérieuse de la grâce de rendre leur coeur anxieux et d’animer leurs pas jusqu’à ce que soient annoncés la paix et le salut dans ce pays. Pensez au prêtre dominicain Domingo de Salazar. Il quitta son Espagne natale pour se rendre d’abord au Vénézuela, puis au Mexique, un bref moment en Floride, puis dans les Philippines. Ici il devint le premier évêque des Philippines — à Manille en 1578 ; ici il prêcha la Bonne Nouvelle non seulement aux populations de cette île, mais aussi à ses compatriotes pour les persuader que l’Évangile du Seigneur signifie justice et non pas asservissement pour les peuples qu’ils colonisaient. Ce fut également l’évêque Domingo de Salazar qui, à son retour en Espagne, recommanda la fondation de la province ecclésiastique des Philippines.
Héritiers de ce grand missionnaire
Vous êtes les héritiers de la tâche missionnaire commencée par le Père Domingo et par les premiers évangélisateurs de ces îles les prêtres augustins, franciscains, jésuites et dominicains dont on dira toujours " Qu’ils sont beaux les pieds de ces messagers de bonnes nouvelles. " En rendant hommage à ces missionnaires et à tous les autres — aux missionnaires de toutes les générations, celle-ci comprise, je rends grâces au Seigneur qui a soutenu leur zèle pour son Royaume. Par un mystérieux dessein de Dieu, vous avez été appelés par le Christ pour annoncer ses joyeuses Nouvelles ici, dans votre patrie. Réfléchissons ensemble à la tâche sacerdotale qui vous incombe aujourd’hui, mes chers prêtres, et en vue de laquelle, chers séminaristes, vous avez à vous préparer sérieusement.
C’est la foi en Jésus-Christ, qui est Seigneur pour l’Éternité, qui donne la réponse que Dieu a voulue lorsqu’il a envoyé sa parole à travers le monde. C’est la foi au coeur de leur vocation sacerdotale qui anime ses ministres et constitue le fondement du témoignage de leur vie. Dans son Épître aux Romains, Saint Paul écrit : " En effet sites lèvres confessent que Jésus est le Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car la foi du coeur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut (...). Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans l’entendre d’abord ? Et comment entendre sans prédicateur ? Selon le mot de l’Écriture : " Qu’ils sont beaux les pieds des messagers de la Bonne Nouvelle ! ... Ainsi la foi naît de la prédication, et de cette prédication la Parole du Christ est l’instrument " (Rm 10, 9-17).
La mission du prêtre
Prêcher la parole de Dieu voilà la mission de toute génération. La foi qui " naît de la prédication " est la réponse que Dieu lui-même exige, une réponse qui amène les fidèles à confesser de leurs lèvres que Jésus est le Seigneur et à devenir ses disciples. La proclamation de la parole et la réponse de la foi provoquent la rencontre initiale, la communauté fondamentale de l’Église. C’est en vue de cette rencontre que le prêtre-apôtre est " envoyé " prêcher : in persona Christi, il offre le sacrifice de l’Eucharistie qui récapitule toute la proclamation de la parole et dans lequel l’invitation même du Christ à croire et à s’affermir au sein de l’Église est continuellement entendue par son peuple. Lorsque le Concile Vatican Il enseigne Par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère qui, de jour en jour, construit ici-bas l’Église pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit " (Presbyterorum ordinis, 1).
Prêtres et laïcs
Par nature, l’Église est missionnaire (Ad Gentes, 2). Tous les chrétiens qui croient et sont devenus un dans le Christ participent à la tâche missionnaire du service apostolique au monde. Mais " entendre " l’appel à la foi doit être une constante invitation à la conversion et au renouvellement à l’intérieur de l’Église elle-même, et c’est aux apôtres et à leurs successeurs dans l’épiscopat, en union avec les prêtres, leurs collaborateurs, que le Seigneur a confié le soin de guider son peuple missionnaire. Selon le propre dessein de Dieu, l’Église ne saurait exister sans cet homme apôtre " envoyé " pour prêcher, pour être dans l’Église même un signe sacramentel de l’éternelle et fondamentale invitation a " croire dans nos coeurs " que Jésus est le Seigneur.
Il en est aujourd’hui qui ignorent ou entendent mal cette importante dimension de la nature de l’Église et suggèrent de réduire l’importance du sacerdoce, seul moyen d’après eux de donner pleinement au laïcat sa place dans l’Église. Ceci est dû vraisemblablement à une réaction excessive contre ces prêtres qui, à cause de la fragilité humaine ou d’un aveuglement spirituel, n’ont pas pris à coeur la profonde leçon donnée par Jésus dans sa réponse à la demande de la mère de Jacques et de Jean : " Vous savez que les chefs des nations leur commandent en maîtres et que les grands font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous se fera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous se fera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour une multitude " (Mt 20, 25-28).
Mais une manière de penser qui voit une opposition ou une rivalité entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles comprend mal le dessein de Dieu instituant le Sacrement de l’Ordre sacré au sein de son Église. Dans sa Constitution sur l’Église, le Concile Vatican Il enseigne clairement que " le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu’ils diffèrent entre eux d’essence et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre ; car l’un et l’autre participent, chacun d’une manière particulière, à l’unique sacerdoce du Christ " (Lumen Gentium, 10). Avec le sacerdoce ministériel de l’Ordre Sacré, Dieu a inséré dans son Église un signe visible grâce auquel le dialogue divin qu’il a inauguré — la parole du salut qui requiert la réponse de la foi — est sacramentellement et donc efficacement représenté. Le sacerdoce est donc un sacrement dont la " célébration " intéresse l’Église entière, et l’Église dans son ensemble — laïcs et prêtres également — doit veiller à ce que sa " célébration " ne soit pas amoindrie par des incompréhensions ou un zèle déplacé pour la multiplication des ministres comprise comme une substitution du sacerdoce ministériel.
L’eucharistie dans votre vie
Jésus est le Seigneur ! La proclamation de cette affirmation atteint son moment le plus parfait dans l’Eucharistie. " Les autres sacrements, ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques, sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle... On voit donc alors comment l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation " (Presbyterorum ordinis, 5). La célébration de l’Eucharistie est le coeur du ministère sacerdotal et de la vie chrétienne, car le Christ y accomplit son sacrifice d’amour. Dans chaque célébration Eucharistique, l’Église est elle-même formée à nouveau et reçoit sa figure définitive : par le ministère de ses prêtres, le Christ fait l’appel de tous ses disciples, les réunit dans son amour et les envoie en avant pour être les porteurs de l’unité et de l’amour du banquet Eucharistique comme exemple et modèle de chaque communauté et service humain.
Mes frères prêtres, cette Église missionnaire, ce peuple Eucharistique dépendent de vous, de l’authentique proclamation par vous de la Bonne Nouvelle. Mais si vous voulez être de vrais prédicateurs de la parole, vous devez être des hommes à la foi profonde qui soient aussi auditeurs et artisans de la parole. Nous devons toujours dire avec Saint Paul : " Ce n’est pas nous qui prêchons, mais le Christ Jésus, le Seigneur, nous ne sommes, nous, que vos serviteurs pour l’amour de Jésus ". (2 Cor 4, 5). C’est pourquoi nous ne devons jamais cesser d’examiner scrupuleusement comment nous vivons notre vie sacerdotale, pour éviter qu’elle ne devienne un contresigne...
Unis au Christ
Pour ce but, je vous soumets aujourd’hui trois brèves réflexions sur la manière de vivre la vie sacerdotale conformément à la pensée et au coeur du Christ.
En premier lieu, Jésus a appelé les prêtres à une toute spéciale intimité avec lui. La véritable nature de notre tâche l’impose. Si nous avons à prêcher le Christ et non pas nous-mêmes, nous devons le connaître intimement dans les Écritures et la prière. Si nous avons à guider les autres vers la rencontre et la réponse de la foi, notre foi doit être elle-même un témoignage. Dans les Saintes Écritures nous nous trouvons toujours en présence de la parole de Dieu. Faisons donc des Écritures l’aliment de notre prière quotidienne et le sujet de notre permanente étude théologique. C’est pour nous la seule manière de posséder la parole de Dieu — et d’être possédés par le Verbe — dans ce climat d’intimité réservé à ceux dont Jésus a dit : " Je vous appelle mes amis " (Jn 15, 15).
Unis entre prêtres
La deuxième considération que je vous livre concerne l’unité du sacerdoce. Les Pères du Concile Vatican Il nous rappellent que " tous les prêtres, en union avec les évêques, participent à l’unique sacerdoce et à l’unique ministère du Christ ; c’est donc l’unité même de consécration et de mission qui réclame leur communion hiérarchique avec l’Ordre des évêques " (Presbyterorum ordinis, 7).
Cette unité doit prendre concrètement forme dans la nette conception que les prêtres, diocésains et religieux, constituent un unique presbyterium autour de leur évêque. La collégialité qui définit l’union dans la foi et le partage de responsabilité de tout l’ordre épiscopal avec l’Évêque de Rome se reflète, par analogie, dans l’unité des prêtres avec leur évêque et des prêtres entre eux dans la mission pastorale commune. Il ne faut pas que nous sous-estimions l’importance, pour l’effective évangélisation du monde, de cette unité de notre sacerdoce. Le signe sacramentel du sacerdoce lui-même ne peut être ni fragmenté ni individualisé : nous constituons un sacerdoce unique — le sacerdoce du Christ — dont nous devons témoigner par l’harmonie de notre vie et de notre service apostolique. L’unicité fondamentale de l’Eucharistie offerte par l’Église exige que cette unité soit vécue dans la vie des prêtres comme une réalité visible, sacramentelle. La nuit précédant sa mort, Jésus invoqua son Père céleste : " Je prie pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé " (Jn 17, 20-21). Notre unité dans le Seigneur, sacramentellement, visible au centre de l’unité même de l’Église, est une indispensable condition d’efficacité pour tout ce que nous faisons : notre prédication de la foi, notre service dévoué aux pauvres par un choix préférentiel, nos efforts tendus vers l’édification de communautés chrétiennes fondamentales comme éléments vitaux du Royaume de Dieu, notre action pour promouvoir la justice et la paix de Dieu, tout notre multiforme apostolat paroissial, chaque effort pour assurer à notre peuple une direction spirituelle — tout cela dépend entièrement de notre union avec Jésus-Christ et avec son Église.
Importance du célibat
En troisième lieu, je désire réfléchir avec vous à la valeur de la vie d’un célibat sacerdotal authentique. Il serait difficile de surestimer le profond témoignage qu’un prêtre rend de la foi par son célibat. Le prêtre annonce la Bonne Nouvelle du Royaume en tant que personne qui a le courage de renoncer aux joies humaines du mariage et de la vie familiale pour témoigner de sa < conviction au sujet des réalités qu’on ne voit pas " (Heb. 11, 1). L’Église a besoin du témoignage du célibat embrassé volontairement et vécu avec joie par ses prêtres pour l’amour du Royaume. Car le célibat n’est pas un moyen en marge de la vie du prêtre. Il rend témoignage d’une dimension de l’amour modelée sur l’amour du Christ lui-même. Cet amour parle clairement le langage de tout pur amour, le langage du don de soi-même par amour de l’être aimé ; et son symbole parfait est à jamais la Croix de Jésus-Christ
Les séminaristes
Mes chers séminaristes, tout ce que j’ai dit à mes frères les prêtres, je l’ai dit en pensant à vous. Le temps précieux de la formation au Séminaire vous est accordé pour que vous soyez sérieusement préparés aux tâches qui vous attendent comme prêtres. Vous pouvez être certains que toute l’Église regarde vers vous et, en prière, espère que les paroles du Seigneur : " Viens et suis-moi " prennent racine profondément dans votre vie. Et ce qui est vrai pour tout le peuple de Dieu est d’autant plus vrai pour ces prêtres de qui vous vous préparez à être les compagnons dans la prédication de la parole de Dieu. Les prêtres ont parfaitement conscience de tout le travail à faire et " ils ont prié le maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson (Mt 9, 37). Ils se réjouissent aujourd’hui en voyant en vous une réponse à leur ardente prière. C’est pourquoi, vous les séminaristes, vous êtes déjà unis aux prêtres dans cette prière pour un accroissement des vocations sacerdotales. A ces jeunes dans lesquels le Seigneur jette encore aujourd’hui les semences secrètes de cette vocation, vous devez vous offrir comme compagnons et guides, désireux de leur donner l’exemple de votre union intime avec Jésus et de votre zèle apostolique au service de son peuple.
Oui, vous devez toujours avoir Jésus devant les yeux. Il est la vraie raison pour laquelle vous vous trouvez au séminaire : à ceci il ne saurait jamais y avoir un motif dé carrière ou de prestige, mais uniquement celui de vous préparer à un ministère de service basé sur la parole du Seigneur. Jésus vous a choisis pour porter la lumière de sa parole à vos frères et à vos soeurs. Vous pouvez donc constater combien il est important pour vous, personnellement, de connaître la parole de Dieu, de l’embrasser avec tous ses défis d’amour et de sacrifices ; comme Marie, méditez-là dans votre coeur (cf. Lc 2, 51). Le séminaire existe pour vous préparer à votre mission de proclamer la sainteté et la vérité du Verbe de Dieu Incarné. Mais si le Séminaire est tenu à réaliser ses fins en ce qui vous concerne, il est de votre devoir d’ouvrir généreusement vos coeurs à l’Esprit de Dieu pour permettre que Jésus se forme en vous.
Jésus est Seigneur ! Comme l’assure Saint Paul : " Nul ne peut dire : "Jésus est Seigneur" que sous l’action de l’Esprit Saint " (1 Cor 12, 3). Ayons confiance en l’Esprit Saint, qui guide toute l’Église, et en son pouvoir qui opère dans notre ministère pastoral. Avec confiance et inlassable zèle prêchons la parole de Dieu afin que montent spontanément aux lèvres de nos frères et soeurs les paroles du prophète : " Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui proclame la paix, qui annonce la Bonne Nouvelle, qui proclame le salut, qui annonce à Sion : Ton Dieu est Roi. "
Puisse Marie, Reine du Clergé, Mère des Prêtres et des séminaristes, vous aider à mettre toute votre confiance en cet Esprit Saint qui, par son opération, a fait d’elle la Mère de Jésus, qui, à jamais, est Seigneur !
32. A Nagasaki (Japon), homélie à l’occasion de l’ordination sacerdotale de quinze diacres
25 février 1981
VOUS ÊTES LA LUMIÈRE DU MONDE
Chers Frères et Soeurs dans le Christ,
Pour le Pape, c’est un moment solennel et émouvant. Mais il en est sans doute de même et plus encore pour vous, chers fils, qui allez être consacrés sacramentellement comme " ministres de Jésus-Christ pour les nations, dans le service sacerdotal de l’évangile de Dieu " (Rm 15, 16), et comme " intendants des mystères de Dieu " (1 Cor 4, 1).
C’est seulement au cours de nombreuses années de fidélité au don que vous allez recevoir aujourd’hui que vous en viendrez graduellement à toujours mieux comprendre cet événement et ce qu’il a d’admirable. Oui, une vie entière ne suffit pas pour comprendre ce. que cela veut dire d’être le prêtre de Jésus-Christ. Nous ne pouvons dévoiler ici qu’un petit nombre des caractéristiques de ce mystère, avec l’aide des lectures de cette liturgie solennelle.
Le prêtre, oint du Seigneur
La première phrase qui vous concerne est celle que le prophète Isaïe utilise pour décrire sa vocation : " L’Esprit du Seigneur est sur moi, car le Seigneur m’a oint " (Is 61, 1).
Ces mots s’appliquent à chaque prêtre. Ils s’appliquent à vous. Ils veulent dire qu’à la racine de toute vocation de prêtre il n’y a pas une initiative personnelle avec ses limitations humaines inévitables, mais bien plutôt une mystérieuse initiative de Dieu. La lettre aux Hébreux dit du sacerdoce du Christ : " Ce n’est pas le Christ qui s’est attribué à soi-même la gloire de devenir grand prêtre, mais il l’a reçue de celui qui lui a dit " tu es mon fils " (He 5, 5). Ceci est vrai non seulement du Christ lui-même, mais aussi de tous ceux qui partagent son sacerdoce.
Tout prêtre peut dire : " Le Seigneur m’a oint. " Le Seigneur m’a oint, tout d’abord, de toute éternité avant même que je vienne au jour, quand il m’a appelé par mon nom. " Le Seigneur m’a appelé dès le sein de ma mère ", dit Isaïe, " dès le sein de ma mère il m’a appelé par mon nom " (Is 49, 1). Une intelligence complète de la vocation de prêtre requiert que nous revenions à cette onction de l’amour préférentiel de Dieu pour une personne avant même son existence, et à la vocation que Dieu adresse à cette personne à cause de son amour.
Un prêtre peut également dire que le Seigneur l’a oint quand, dans son enfance ou sa jeunesse, son cœur a répondu à l’appel du Seigneur : " Suis-moi ". Il n’est pas toujours facile de préciser ce moment et d’identifier l’événement qui a permis à l’appel de se faire entendre : l’exemple d’un prêtre ou d’un ami ? La découverte d’un vide que seul le service total de Dieu peut remplir ? Un désir de répondre à la détresse matérielle, morale ou spirituelle d’une façon qui soit pleinement effective ? Mais quelles qu’aient été les circonstances, c’est Dieu qui appelle. Qu’un prêtre puisse ou non déterminer le jour où il a mis sa vie en jeu en se soumettant à l’influence de Dieu — ce que le prophète Jérémie appelle la séduction du Seigneur (Jer 20, 7) — il a pris conscience du fait que Dieu l’appelle.
En troisième lieu, un prêtre peut dire que le Seigneur l’a oint le jour de son ordination, le jour ou finalement et pour toujours il est devenu un prêtre de Jésus-Christ. C’est le jour de l’onction proprement dite des mains de l’évêque. Nous, prêtres, nous devrions toujours garder ce jour dans notre esprit Paul presse ainsi Timothée " Je t’invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains " (2 Tm 1, 6) Nous devrions toujours nous souvenir de notre ordination pour rallumer sans cesse notre première ferveur et pour tirer notre force de ce souvenir, de façon à vivre une vie qui soit conséquente avec son sens profond. En effet l’onction d’aujourd’hui est pour vous, mes chers fils, le signe éminent et visible d’une marque permanente dans votre personnalité. C’est le signe sacramentel de la grâce par laquelle le Christ Prêtre vous consacre pour une mission spéciale au service de son royaume, en faisant de vous des prêtres de Jésus-Christ pour toujours.
Accueillir la lumière du Christ pour la donner au monde
Qu’êtes-vous appelés à faire comme prêtres ? Un autre passage de la liturgie d’aujourd’hui vous donne la réponse : " Vous êtes la lumière du monde " (Mt 5, 14).
Il est déconcertant pour nous, conscients comme nous le sommes de notre petitesse et de notre péché, de nous entendre adresser ces paroles claires : " Vous êtes la lumière du monde. " Les apôtres ont dû trembler en les entendant. Et depuis, des milliers de personnes également. Et pourtant le Seigneur a dit ces paroles à des personnes dont il savait qu’elles étaient humaines, limitées et pleines de péché. Il savait aussi que ces personnes devaient être la lumière non pas par leur propre force mais par un reflet et une communication de sa lumière ; en effet il a dit de lui-même : " Je suis la lumière du monde " (Jn 8, 12 ; 9, 5 ; cf. 1, 5-9 ; 3, 19 ; 12, 46).
Tout prêtre découvre qu’il ne peut donner la lumière à ceux qui sont dans les ténèbres que dans la mesure ou il a lui même accepté la lumière du Maître, Jésus-Christ. Il est, cependant, enveloppé dans des ombres dangereuses et incapable d’éclairer les autres s’il se détache de l’unique source de toute vraie lumière. C’est pourquoi, chers fils, vous devez toujours rester proches du Christ Prêtre en écoutant assidûment sa parole, en célébrant ses mystères dans l’Eucharistie, et en restant toujours lié à lui par une amitié intime. On reconnaîtra votre communion au Christ à votre capacité de donner la vraie lumière à un monde qui est bien souvent dans les ténèbres.
Ayez une foi solide, courageuse et contagieuse
Mais finalement, il ne suffit pas pour un prêtre de refléter, plus ou moins imparfaitement, la lumière du Christ : il doit s’effacer lui-même et laisser le Christ briller directement. " Ce que nous prêchons ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ le Seigneur... En effet le Dieu qui a dit : "que du sein des ténèbres brille la lumière" est celui qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ " (2 Cor 4, 5-6).
Comme prêtres, vous serez les ministres de la lumière qui brille sur la face du Christ par la foi. Votre mission est donc, d’abord et surtout, de pourvoir à cette prédication par l’écoute d’où vient la foi (Rm 10, 17). Le Concile Vatican II décrit les prêtres comme les " éducateurs de la foi " (Presbyterorum ordinis, 6). Votre service fondamental est de proclamer à tous le Christ qui est la Vérité et les vérités de la foi, de nourrir constamment la foi, de renforcer cette foi quand elle est faible et de la défendre contre toute menace.
Il est inutile de dire que vous serez de meilleurs éducateurs de la foi dans la mesure où vous-mêmes vous aurez une foi profondément enracinée, courageuse et contagieuse. Les évangélistes décrivent les années que Jésus a passées en compagnie des douze comme un processus de consolidation de leur foi : " Jésus... manifesta sa gloire et ses disciples crurent en Lui " (Jn 2, 11 ; cf. 11, 15). Vous, comme les douze, vous avez passé des années avec Jésus avant d’arriver ici. Vous devez être des disciples à la foi mûre et éprouvée, fermement enracinée dans les paroles du Maître et prête pour le combat. Puissiez-vous ne jamais cesser de vous joindre à la prière humble et fervente des apôtres : " Augmente notre foi " (Lc 17, 5), et puissiez-vous toujours entendre comme réponse ce que le Christ a dit à Pierre : " J’ai prié pour toi pour que ta foi ne défaille pas " (Lc 22, 32). Ainsi vous serez préparés à guider beaucoup d’autres personnes vers la foi.
Chaque prêtre à l’obligation spéciale, comme également le presbyterium lui-même, de promouvoir des vocations au sacerdoce. A ce sujet la prière est essentielle ; mais il est aussi essentiel pour de jeunes hommes d’être soutenus par d’exemple de sainteté et de joie qu’ils voient chez leurs prêtres. De ce fait Jésus-Christ donne vraiment à ces jeunes prêtres, ce matin, un rôle important à remplir par l’influence qu’ils exerceront, par exemple, sur le cœur des jeunes.
L’importance de la famille
Je voudrais dire quelques mots aux familles des nouveaux prêtres, et à toutes les familles chrétiennes du Japon.
C’est avec une profonde émotion que j’évoque la rencontre qui a eu lieu ici, à Nagasaki, entre un missionnaire récemment arrivé et un groupe de personnes qui, après s’être assurées qu’il était bien un prêtre catholique, lui avaient dit : " Nous vous avons attendu depuis des siècles. " Ils étaient restés sans prêtre, sans église et sans culte public depuis environ deux siècles. Et pourtant, malgré ces circonstances contraires, la foi des chrétiens ne s’était pas éteinte ; elle avait été prise en main dans les familles de génération en génération. La famille chrétienne montrait ainsi son immense importance pour la vocation chrétienne.
La famille chrétienne est aussi un lieu vital suprême pour les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse. La majorité de ces vocations naissent à la vie et se développent dans les familles profondément chrétiennes. C’est pourquoi le Concile Vatican II a appelé la famille le premier séminaire (cf. Optatam totius 2). Je suis certain aussi que de nombreuses vocations dans le " petit troupeau " de la communauté catholique du Japon sont nées et ont grandi dans des familles animées par un esprit de foi, de charité et de piété.
En ordonnant de nouveaux prêtres pour votre pays, moi, le successeur de Pierre, j’exhorte chaque famille chrétienne au Japon à être vraiment " une Église domestique " : un lieu où Dieu reçoit louange et action de grâces, un lieu où sa parole est écoutée et sa loi obéie, un lieu où l’éducation de la foi est donnée et où la foi est nourrie et renforcée, un lieu de charité fraternelle et de service mutuel, un lieu d’ouverture aux autres, en particulier aux pauvres et aux malheureux.
Veillez à être ouverts aux vocations au milieu de vous. Priez pour que, en signe d’amour spécial, le Seigneur appelle un ou plusieurs membres de votre famille pour le servir. Vivez votre foi avec la joie et la ferveur qui encouragent de telles vocations. Soyez généreux si votre fils ou votre fille, votre frère ou votre sœur, décide de suivre le Christ d’une façon spéciale. Permettez à sa vocation de grandir et de se fortifier. Donnez votre plein appui au choix qu’il ou elle a fait dans la liberté.
Puissions-nous, nous tous qui sommes ici rassemblés, poursuivre maintenant avec foi et dévotion la célébration Eucharistique du sacrifice du Christ Prêtre. Nous souvenant des prêtres, religieux et laïcs japonais qui en cet endroit ont donné le suprême témoignage de leur vie pour l’amour de Jésus-Christ, prions pour les familles chrétiennes de ce pays, afin qu’elles puissent vivre leur vocation chrétienne avec intensité. Demandons au Seigneur de leur accorder qu’il y ait parmi elles de nombreux prêtres, comme ceux qui aujourd’hui commencent leur vie de prêtre et leur ministère, ainsi que de nombreux religieux pour la gloire de Jésus-Christ et pour le salut du monde.
Amen.
33. Aux prêtres du diocèse de Terni (Italie)
9 mars 1981
CONFIGURÉS AU CHRIST-PRÊTRE
J’ai désiré passer un moment au milieu de vous, chers prêtres, pour vous dire mon affection spéciale, et pour que vous puissiez vous sentir plus forts et plus joyeux dans la foi dont je souhaite qu’elle croisse de plus en plus dans le Christ, également à cause de ma visite (cf. Phil. 1, 25-26).
La réalité si sublime que vous portez en vous-mêmes — car vous êtes marqués par le caractère spécial qui vous configure au Christ Prêtre, de façon à pouvoir agir en son nom (cf. Decr. Presb. Ord, 2) — comporte la conscience de la grandeur de la mission que vous avez reçue et de la nécessité de vous en rendre toujours plus dignes. Il est nécessaire en face du don du Seigneur d’avoir une claire et profonde conviction de votre identité de prêtres du Christ, dépositaires et administrateurs des mystères de Dieu, instruments de salut pour les hommes. Ces certitudes de foi ne vous permettent pas de douter de votre identité, d’hésiter sur la valeur de votre vie ni de douter en face du chemin entrepris.
Je suis au milieu de vous pour approfondir ces convictions, pour les rendre invincibles et constantes, en vous invitant à une union toujours plus étroite avec le Christ, notre raison de vivre et notre force. Parfois notre union de foi avec Jésus peut s’affaiblir et s’atténuer, si sa présence en nous est gênée par des propensions et des raisonnements humains, qui font que nous sommes incapables de faire briller toute la lumière grandiose qu’il représente pour nous. " Chaque prêtre — comme je le disais aux ordinants de Nagasaki le 25 février dernier — s’aperçoit qu’il peut illuminer ceux qui sont dans les ténèbres seulement dans la mesure où il a lui-même accepté la lumière du Maître Jésus-Christ. " Parfois, nous parlons peut-être de Lui sous l’influence de présupposés et de données dont la saveur est sociologique, politique, psychologique, au lieu de faire dériver les critères de base de notre vie de l’évangile vécu dans son intégrité, avec joie, avec la confiance et l’immense espérance qui sont contenues dans la croix du Christ.
Vous, chers prêtres, du fait de votre ministère même, vous êtes tenus de vivre au milieu des hommes, de connaître vos brebis comme de bons pasteurs et de chercher à ramener aussi celles qui ne sont pas de cette bergerie afin qu’elles aussi entendent la voix du Christ (cf. Decr. Presb. Ord., 3). Cependant, en accomplissant cette tâche de proximité, il est nécessaire que les hommes voient en vous les témoins crédibles de l’amour de Dieu et du royaume qui, commencé ici-bas, se perfectionnera dans la vie éternelle.
Ainsi la réalité particulière socio-culturelle de l’Église qui est à Terni, à Narni et Amelia, réalité que vous connaissez bien dans ses instances et ses tensions, dans ses motivations et ses orientations, et qui semble parfois opposer de graves obstacles à la pénétration de la mentalité chrétienne, exige de trouver en vous non des dirigeants sociaux ou d’habiles administrateurs, mais d’authentiques guides spirituels qui s’efforcent d’orienter et d’améliorer le cœur des fidèles pour que, convertis, ils vivent dans l’amour de Dieu et du prochain et s’engagent à élever et à promouvoir l’homme. N’ayons pas l’illusion de servir l’évangile si nous cédons à la tentation de " diluer " notre charisme dans un intérêt exagéré pour les problèmes temporels. N’oublions pas que le prêtre doit être le représentant des valeurs surnaturelles, signe d’unité et de fraternité.
Je voudrais vous indiquer encore un point de réflexion. Vous êtes membres du presbyterium d’une Église particulière dont le centre d’unité est l’évêque, envers lequel tout prêtre qui aspire à une véritable fécondité de ministère doit avoir une attitude convaincue de communion et d’obéissance. " Cette obéissance sacerdotale — nous rappelle le Concile — se fonde sur la participation même au ministère épiscopal, conféré aux prêtres par le sacrement de 1’Ordre et la mission canonique " (Decr. Presb. Ord., 7).
Dans l’activité pastorale, même en tenant compte des différentes problématiques locales, qu’il règne un esprit d’entente et de coopération entre les initiatives paroissiales et les initiatives diocésaines ; ces dernières, de par leur nature même, sont ouvertes à des horizons plus vastes et à des instances plus générales, telles que celles qui concernent le monde du travail, des communications sociales, de l’école, de la culture et de la présence dans le domaine civil.
L’union entre les prêtres et l’évêque est particulièrement nécessaire aujourd’hui, car les différentes initiatives apostoliques dépassent souvent les limites d’une paroisse ou d’un diocèse et demandent que les prêtres unissent leurs forces à celles de leurs confrères, sous la direction de ceux qui gouvernent l’Église.
Bien aimés prêtres et religieux, je voudrais vous dire bien d’autres choses et je voudrais écouter les soucis les plus personnels de chacun d’entre vous, mais il ne m’est pas possible de prolonger trop longuement cette rencontre. Je termine en vous renouvelant ma grande confiance, et en vous exhortant à mettre votre confiance en Celui qui " compte le nombre des étoiles et les appelle chacune par son nom " (Ps 147-146, 4) et qui a prononcé votre nom, en vous appelant dès le sein maternel (cf. Is 49, 1). Notre confiance se fonde radicalement sur cet amour " préférentiel et consécratoire de Dieu " qui n’abandonne pas en particulier ceux qui, appelés à participer au sacerdoce de son Fils, s’adressent à Lui avec confiance. C’est précisément pour cela que saint Paul nous rappelle que dans toutes nos tribulations " nous sommes plus que vainqueurs en Celui qui nous a aimés " (Rm 8, 37). Je termine en vous exhortant avec l’auteur de l’épître aux Hébreux : " N’abandonnez pas votre confiance, à laquelle est réservée une grande récompense. Vous avez seulement besoin de persévérance, pour pouvoir, après avoir fait la volonté de Dieu, atteindre la promesse " (He 10, 35-36).
Sous la garde de Marie, mère des prêtres et des religieux, elle qui est tellement vénérée à Terni comme mère de la miséricorde, poursuivez votre route avec un nouvel enthousiasme et que ma bénédiction apostolique vous accompagne.
34. Aux prêtres de Todi et d’Orvieto réunis dans la cathédrale
22 novembre 1981
QUE LA MISÉRICORDE DIVINE SOIT VOTRE PROGRAMME SACERDOTAL
Très chers prêtres,
Je désirais vous rencontrer, vous qui appartenez au clergé séculier et régulier des diocèses de Todi et d’Orvieto, unis dans la promesse de l’Évêque, pour vous manifester ma profonde affection et mes encouragements pour votre vie et pour votre ministère sacerdotal. Je suis heureux de vous voir recueillis dans cette insigne cathédrale de Todi qui, avec celle encore. plus connue d’Orvieto, synthétise admirablement la foi, l’art et l’histoire des populations de cette terre. Il me plaît aussi de savoir que vous avez désiré vivre avec moi un moment de fraternelle et joyeuse communion ecclésiale. Je vous salue tous avec la plus vive cordialité, je désire vous embrasser tous, vous encourager et vous remercier pour votre chaleureux accueil. Je salue en particulier votre Évêque, Monsieur Decio Lucio Grandoni et les deux Vicaires Généraux.
Il y aurait tant à vous dire et tant à vous entendre dire, mais le peu de temps disponible ne le permet pas ; aussi dois-je me limiter à vous exposer quelques pensées que me suggèrent les circonstances de ma visite de ce jour au Sanctuaire de l’Amour Miséricordieux à Collevalenza.
Parlant à des prêtres chargés du soin des âmes, signes vivants et efficaces de la miséricorde de Dieu, je ne trouve de considérations plus stimulantes que celles qui découlent de cette vertu qui se trouve au centre de l’Église comme une fontaine jaillissante à laquelle chacun vient puiser pour étancher sa soif. Jamais l’homme n’a eu autant besoin qu’aujourd’hui de la miséricorde qui est indispensable tant pour le progrès spirituel de toute âme que pour le progrès humain, civil et social. En effet, si elle est vécue pleinement, elle pourra renouveler la substance des rapports au sein de vos presbyteriums et donner à vos communautés diocésaines une consistance majeure et plus de souffle d’amitié, de bonté, de concorde, d’estime et confiance mutuelles et de collaboration volontaire. Si vous vivez cette spiritualité, il pourra intervenir parmi vous des divergences de points de vue, des différences dans les libres opinions, une multiplicité d’initiatives pastorales, mais l’unité de la foi, de la charité et de la discipline ne fera jamais défaut, de même le sens de la compréhension et de l’indulgence envers les manquements d’autrui ne vous manquera jamais. En particulier, vous, les prêtres, les plus anciens, vous trouverez le moyen de comprendre vos confrères plus jeunes ; et vous, les jeunes, vous saurez établir avec vos supérieurs des rapports sincères et confiants sans enlever à celui qui dirige le devoir de la responsabilité ni à vous-mêmes le mérite de l’obéissance. C’est dans l’étude de cette réciproque miséricorde que s’accomplit et si célèbre le mystère de la rédemption dans l’Église. Faites d’elle votre programme sacerdotal, tant dans son charisme intérieur de pardon et d’amour que dans l’exercice extérieur de son service d’assistance à tous les besoins des confrères, afin de vivre dans une plénitude de foi et de joie le mystère du Christ mort et ressuscité.
Mais la charité pastorale exige que vous sachiez utiliser cette miséricorde pour le soulagement des âmes confiées à votre sollicitude. On peut dire des prêtres qu’ils sont les premiers et les plus directs promoteurs des œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle. C’est vrai ! Mais que comporte toute ceci ? Tout ceci impose une nouvelle conception de la fonction du pasteur qui doit " compatir " — " souffrir avec " (Phil 2, 1), qui doit avoir dans le cœur une bonne compassion (Eph 4, 32), et ne jamais reculer devant un confrère dans le besoin ; en un mot, il doit devenir un bon Samaritain (cf. Lc. 10, 30-37). Il est indubitable que la fonction pastorale exige l’exercice d’une autorité, le pasteur est un chef, il est un guide, il est un maître ; mais intervient aussitôt une autre exigence : celle du service. Dans la pensée du Christ, l’autorité n’est pas conçue à l’avantage de celui qui l’exerce mais en faveur de ceux à qui elle s’adresse. L’autorité est un devoir et surtout un ministère destiné à conduire les autres à la vie éternelle. Accomplie dans cet esprit, cette fonction mène à son expression la plus pleine, c’est-à-dire au don total, au sacrifice de soi ; précisément comme Jésus l’a dit de lui-même et l’a fait : " le bon pasteur qui donne sa vie pour son troupeau " (Jn 10, 11). Dans cette vision il y a une grande richesse de qualités pastorales : l’humilité, le désintéressement, la tendresse (rappelez-vous le discours de Paul aux chrétiens de Milet, cf. Actes 20, 17-38) ; mais aussi une quantité d’exigences de l’art pastoral, comme l’étude de la théologie pastorale, de la psychologie, de la sociologie pour éviter toute légèreté dans les relations avec les âmes individuelles et avec les communautés.
En particulier, cet amour miséricordieux vous l’actualisez dans l’administration des sacrements, lieu privilégié de miséricorde et de pardon. On le sait, le Père qui a fait de nous ses fils dans le Baptême demeure fidèle à son amour même quand l’homme se sépare de lui, par sa propre faute. Sa miséricorde est plus forte que le péché et le sacrement de la Confession en est le signe le plus expressif, presqu’un second Baptême, comme l’appellent les Pères de l’Église. En effet, dans la Confession, la grâce du Baptême se renouvelle pour une nouvelle et plus riche insertion dans le mystère du Christ et de l’Église. Même la fragilité et l’infirmité physique de l’homme sont pour la miséricorde de Dieu des occasions de grâce ; comme il advient également dans l’Onction des malades, qui exprime à nouveau et renouvelle l’insertion totale du chrétien malade dans le mystère pascal, comme signe efficace de soulagement et de pardon. En effet, par ce sacrement, le Christ se charge de la fragilité de l’homme et en assure le rachat, parce que dans la faiblesse, de la créature se manifeste pleinement la puissance de Dieu (cf. 2 Cor 12, 9-10).
Mais pour le malade, l’Eucharistie est aussi un sacrement de la miséricorde divine car il est le viatique du dernier voyage, destiné à le soutenir dans le passage de cette vie au Père et à le munir de la garantie de la résurrection, selon les paroles du Seigneur :
" Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour " (Jn 6, 54). C’est un geste d’authentique amour que de réconforter les malades avec ce sacrement, le dernier avant de voir Dieu au-delà des signes sacramentels et de participer joyeusement au banquet du royaume.
Très chers prêtres, pour l’administration de ces sacrements de la miséricorde soyez toujours diligents et fervents, sans épargner ni temps ni énergie, profondément conscients que " l’Église vit une vie authentique quand elle professe et proclame la miséricorde — le plus merveilleux attribut du Créateur et Rédempteur — et quand elle rapproche les hommes des sources de la miséricorde du Seigneur dont elle est dépositaire et dispensatrice " (Enc. Dives in Misericordia, n. 13). Ayez dans votre élan pastoral cette patience et cette bonté dont le Seigneur lui-même nous a laissé l’exemple, étant venu, non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17). Soyez, vous aussi, comme le Christ, intransigeants à l’égard. du mal mais miséricordieux envers les personnes. Dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, les fidèles doivent trouver dans les paroles et dans le cœur des pasteurs que vous êtes l’écho de la voix du Rédempteur " doux et humble de cœur " (Mt 11, 29).
Dans le sillage des exemples que vous ont laissés de lumineuses figures de prêtres et d’évêques — parmi lesquels le digne et dévoué Mgr Alfonso De Sanctis à qui l’ont doit l’érection du Sanctuaire de l’Amour Miséricordieux — poursuivez votre œuvre d’animation chrétienne parmi ces chères populations de Todi et d’Orvieto. Prenez soin de votre vie de prière et de bonté pour être d’exemplaires ministres portant à tous joie et sérénité. Cultivez l’intimité avec le Christ dans une sincère et profonde vie intérieure, n’oubliant jamais que votre mission est d’être les témoins du surnaturel et d’annoncer le Christ aux hommes de notre époque, qui se rendent de plus en plus compte de l’appel et du besoin de Dieu, même si les apparences peuvent faire penser parfois le contraire.
Je confie ces vœux à la Vierge Marie, Très Sainte Mère de la Miséricorde. Elle ne manquera pas de vous protéger et d’assurer à votre sacerdoce sa maternelle et puissante intercession. Puisse-t-elle faire refleurir le nombre de ceux qui aspirent au sacerdoce et suivent le divin Agneau où qu’il aille.
35. A des évêques espagnols en visite " ad limina "
2 février 1982
PROMOUVOIR L’UNITÉ ENTRE ÉVÊQUES ET PRÊTRES
Une attitude fondamentale, nécessaire pour que toute action pastorale soit efficace, est l’union entre les évêques et les prêtres. Il faut que le clergé diocésain fasse l’objet de votre plus vive attention pour devenir vraiment le centre de la mission commune " où tous sont liés entre eux par une intime fraternité qui doit se manifester spontanément et volontiers dans l’aide mutuelle aussi bien spirituelle que matérielle, pastorale que personnelle, dans diverses réunions et dans la communication de vie, de travail et de charité ". (Lumen Gentium, n. 28). Être traité familièrement en ami et collaborateur sera souverainement encourageant pour tout prêtre qui ; même au milieu du monde, saura où trouver un appui dans ses difficultés, un milieu pouvant l’aider à perfectionner sa vie spirituelle et intellectuelle et surtout à donner témoignage de " sa séparation, d’une certaine manière, du Peuple de Dieu " et de son appartenance au groupe des " disciples " élus du Seigneur, chargés d’exercer le ministère de l’Évangile en union avec l’Évêque (cf. Presbyterorum ordinis, n. 3) — c’est-à-dire pour rendre toujours plus visible et confirmer son identité sacerdotale.
Je sais d’ailleurs que vous vous prodiguez pour le bien des prêtres afin que, selon l’exemple des ministres du Christ, ils se pénètrent entièrement du don de Dieu et soient d’authentiques apôtres. Ainsi, ils offriront aux fidèles le signe de leur propre identité, comme l’a exprimé Saint Paul :
" Chacun de vous a reçu sa part de la grâce divine selon que le Christ a mesuré ses dons... : il a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres prophètes ou encore évangélistes, ou bien pasteurs... " (Eph 4, 7 et sv.). Aussi être pasteur ou prêtre est un don de Dieu ; l’œuvre du Père, accomplie dans le Christ, nous est donnée comme grâce et participation, et elle ne peut donc peser sur la conscience comme un poids gênant mais être source d’enthousiasme, de spiritualité et d’initiative pour l’apostolat.
Saisissez toute occasion pour rappeler à vos prêtres que le ministère est toujours, peu importe la manière de l’exercer, une manifestation de ce don de l’Esprit dont les fruits sont uniquement œuvre de la grâce et de la force de l’Évangile. On est souvent tenté aujourd’hui d’annoncer le mystère du Christ enveloppé d’expériences émotives ou mêlé de doctrines prises chez les " maîtres " de ce monde ; à cause de ce bruit de fond, cette annonce ne s’harmonise ni avec la personne du Christ ni avec les personnes à qui Il nous a députés. Celles-ci reconnaissent très bien la présence de Dieu le Père qui sauve par le prêtre, quand celui-ci emporte les cœurs et suscite dans l’âme la joie et la décision de vivre avec le Christ.
Vous comprendrez pourquoi je me suis attardé à cette réflexion que vous poursuivrez, je l’espère. Combien changeront le monde, les hommes quand on parviendra à leur faire comprendre pleinement la vie sacerdotale !
36. A Enugu (Nigeria)
13 février 1982
AUX PRÊTRES ET AUX SÉMINARISTES
Chers frères prêtres,
Mes chers séminaristes, " Que la paix du Christ règne dans vos cœurs " (Col 3, 15).
Le prêtre est député par le Christ et par son Église pour proclamer l’Évangile du Salut, avant tout par la célébration de l’Eucharistie.
Le prêtre est ordonné pour offrir le Sacrifice de la messe et donc pour renouveler le mystère pascal de notre Seigneur Jésus-Christ. Comme ministre du Christ, le prêtre est appelé à sanctifier le peuple de Dieu par la parole et par les sacrements. Il partage la sollicitude pastorale de Dieu, le Souverain Pasteur, qui s’exprime fréquemment dans la prière pour le troupeau. Comme prêtres vous êtes appelés à prêcher et à enseigner la Parole de Dieu avec clarté, une foi vive, en vous engageant personnellement, de manière orthodoxe, avec amour. Vous êtes appelés à rassembler le peuple de Dieu, à édifier le corps de l’Église. Conformément à la volonté du Christ, le prêtre exerce son apostolat sous la conduite de son évêque et en union avec ses frères les prêtres.
Une église pleine de vie et de vigueur
Votre jeune Église du Nigeria est pleine de vie et de vigueur. Grâce à leur dynamisme apostolique, vos prêtres missionnaires ont laissé de solides fondations enracinées par la prière, le dévouement, la chasteté, le zèle charitable. Les prêtres autochtones et les évêques ont repris leur mission et l’ont consolidée. Et maintenant, vous avez entrepris directement de nombreuses initiatives pour rendre l’Église " chez elle ", dans votre propre culture. Je vous félicite de l’harmonie avec laquelle les prêtres diocésains, les prêtres missionnaires, les prêtres religieux nigérians travaillent à faire progresser tous ensemble le Royaume du Christ.
Je comprends que la plupart des vôtres soient surchargés. Quelques-uns d’entre vous, prêtres paroissiaux, ont dix mille catholiques à assister ; et beaucoup d’autres en ont encore plus. Il y a bien quinze stations locales où travaille un seul prêtre. La plupart d’entre vous célèbrent deux ou trois messes chaque dimanche en des lieux éloignés, y enseignant la doctrine chrétienne et donnant la Bénédiction eucharistique.
Vos fidèles fréquentent en masse le sacrement de la Réconciliation. Vous exercez ce ministère avec patience et amour. Je sais qu’en certains secteurs tous les prêtres des paroisses voisines joignent leurs efforts pour rendre le sacrement plus accessible. Vous le faites par groupes de dix ou vingt, allant dans les diverses paroisses des environs aux périodes de grande fréquentation de la Pénitence, comme aux fêtes de Pâques et de Noël. C’est là, mes chers frères dans le sacerdoce, un excellent moyen pour accomplir la volonté du Christ de servir son peuple. En même temps vous offrez aux paroissiens un bon choix de confesseurs et vous rendez un silencieux témoignage de l’unique sacerdoce du Christ et de votre fraternelle solidarité. Le Pape se réjouit de votre fidélité à ce ministère sacramentel extrêmement important, où le pardon du Christ et son pouvoir rédempteur touchent les cœurs humains.
Les catéchistes
Vous accordez également grande attention à la préparation aux autres sacrements et à une promotion générale de la catéchèse. Vous animez et coordonnez le travail de vos catéchistes, instituteurs catholiques et autres professeurs de religion. Vos Conférences Épiscopales ont récemment insisté sur l’importance du catéchuménat, donné des directives et publié des Lettres pastorales pour une parfaite administration des sacrements, de l’initiation. Loué soit Jésus-Christ qui par votre intermédiaire, par celui des catéchistes, continue à pourvoir à un plus profond enracinement de l’Église dans la puissance de la Parole de Dieu.
Je veux aussi exprimer mon estime pour l’apostolat de ces prêtres qui, en collaboration avec leur évêque, travaillent dans les centres diocésains, dans les centres de la pastorale et de la catéchèse, dans les grands et petits séminaires, dans les services sociaux, au Secrétariat Catholique de Lagos, dans les écoles, les lycées, les universités, dans les mass-media, et tout autant pour les prêtres chargés de mission en dehors de leur, diocèse, tant au Nigeria même qu’au-delà de ses frontières, ou auxquels a été confiée toute autre tâche. Ces prêtres servent également le Christ dans des domaines d’importance vitale. L’Église a besoin de leur contribution particulière à sa mission pastorale ; leur activité a toujours le même but : évangéliser, communiquer le Christ.
Les séminaristes
Dieu a favorisé le Nigeria en l’aidant à se donner de nombreux Grands et Petits Séminaires. En effet votre Bigard Memorial Seminary d’Enugu et Ikot Ekpene est l’un des plus grands du monde. Les professeurs de vos Séminaires se sont distingués par leur vif désir de faire connaître la parole de Dieu et par leur zèle infatigable. Daigne le Seigneur récompenser tous ceux — laïcs, religieux, prêtres et évêques — qui font tout leur possible. Qu’il bénisse la Sacrée Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples qui vous a apporté son appui moral, financier et technique.
Le nombre élevé de vos séminaristes ne doit jamais servir de prétexte à un certain relâchement dans la qualité des résultats. Ce qui, dans le Séminaire, a la plus haute importance c’est l’amitié avec le Christ, centrée sur l’Eucharistie et nourrie par la prière et la méditation de la Parole de Dieu. Cette amitié avec le Christ s’exprime authentiquement par le sacrifice, l’amour du prochain, la chasteté, le zèle apostolique. Elle exige également l’assiduité aux études et un certain détachement des choses de ce monde. Vous avez besoin d’un plus grand nombre de directeurs spirituels pour vos séminaristes. Un prêtre qualifié serait très heureux de se voir confié cette tâche spéciale dans le Séminaire. Il devrait s’efforcer, par l’exemple et la parole, de présenter aux séminaristes les idéaux les plus élevés du sacerdoce. Quel grand privilège que de pouvoir aider les jeunes à acquérir une meilleure connaissance de Jésus-Christ, et plus d’amour pour Lui, le Bon Pasteur ! Les séminaristes qui ne sont pas réellement appelés au sacerdoce devraient être charitablement et fermement engagés à suivre une autre vocation.
Vivre en union étroite avec le Christ
Il est impossible au prêtre d’accomplir son ministère s’il ne vit pas en étroite union avec le Christ. Sa vie doit, comme celle du Christ, être marquée d’abnégation, de zèle pour la propagation du Royaume de Dieu, d’inaltérable chasteté, d’inlassable charité. Et tout cela n’est possible que si le prêtre est un homme de prière et de dévotion eucharistique. La prière de la liturgie des heures, faite en union avec l’Église, le remplira de force et de joie pour son apostolat. La prière silencieuse devant le Saint-Sacrement lui permettra de se renouveler constamment dans sa consécration à Jésus-Christ et de soutenir son engagement dans le célibat sacerdotal. En invoquant Marie la Mère de Jésus, le prêtre se sentira soutenu dans le généreux service à tous ses frères et soeurs dans le Christ vivant dans le monde entier. Oui, le prêtre ne doit pas permettre que des besoins passagers de l’apostolat lui fassent négliger ou affaiblir sa vie de prière. Il ne doit pas s’affairer au travail pour Dieu au point de risquer d’oublier Dieu lui-même. Il devra se rappeler que notre Sauveur nous a avertis : sans lui nous ne pouvons rien. Sans lui nous pouvons jeter les filets toute la nuit, mais sans prendre le moindre poisson.
Collaboration entre prêtres
Le prêtre ne saurait tout faire de lui-même. Il travaille en collaboration avec les autres prêtres, ses frères, et sous la direction de l’Évêque, qui est leur père, leur frère, leur collaborateur et leur ami. Le prêtre authentique maintiendra l’amour et l’unité dans le presbyterium. Il respectera son évêque et lui obéira comme il l’a solennellement promis le jour de son ordination. Le presbyterium constitué par l’Évêque et ses prêtres, diocésains et religieux, doit fonctionner comme une famille, comme " équipe " apostolique caractérisée par la joie, l’entente mutuelle, l’amour fraternel. Le presbyterium existe afin que, par le renouvellement du sacrifice du Christ, le mystère de l’amour sauveur du Christ puisse pénétrer la vie du peuple de Dieu. Les prêtres ne doivent jamais oublier qu’ils ont à aider les prêtres, leurs frères, lorsque ceux-ci se trouvent en difficulté : moralement, spirituellement, financièrement ou de toute autre manière. Et que dans leur chaleureux amour fraternel, les prêtres âgés ou malades trouvent tant la consolation que le soutien.
Résistez aux tentations
Il n’est pas d’état qui échappe aux tentations et vous devrez tâcher d’identifier celles qui vous menacent ; avec la grâce de Dieu et un persévérant effort, vous devez lutter pour ne pas succomber à la tentation qui se présente sur votre chemin ; fuyez par exemple le laisser-aller dans la discipline, la paresse, l’instabilité, les déplacements trop nombreux, le gaspillage des énergies apostoliques.
Comptez sur la grâce divine, ainsi vous repousserez les tentations contre le célibat par la vigilance, la mortification et la prière. Vous refuserez de succomber à l’attrait des choses matérielles et ne chercherez pas votre joie dans l’argent, la belle voiture ou la haute position dans la société. Les partis politiques ne sont pas faits pour vous. C’est le propre champ d’action de l’apostolat laïc. Vous êtes plutôt les aumôniers du laïcat qui doit assumer ses propres responsabilités en politique (Gaudium et Spes, 43). Pour chaque prêtre, le recours au sacrement de la pénitence a une énorme importance dans la lutte contre la tentation. Nous, les ministres de la réconciliation, trouvons ici dans notre propre vie l’action salvatrice et fortifiante du Christ, son amour miséricordieux et son pardon.
Nécessité d’avoir des prêtres instruits
Le Nigérian aime l’étude. C’est bien, cela ! Des prêtres instruits sont nécessaires pour répondre aux besoins du Christ et de la société. Chaque prêtre doit continuer à se former lui-même par l’étude privée de la théologie, du catéchisme et d’autres sciences sacrées. Efforcez-vous de trouver fréquemment du temps pour de telles études. Quand vous êtes ordonnés et qu’il est question de fréquenter des universités ou instituts similaires au Nigeria ou ailleurs, il s’agit d’une faculté qui n’est accordée qu’à un nombre limité de prêtres en fonction des besoins et du programme diocésains, dont l’évêque a toute la responsabilité. Ne faites jamais rien sans l’accord de votre évêque, et moins encore contre celui-ci, spécialement en cette matière. Les prêtres qui se sont déjà mis dans cette situation irrégulière peuvent maintenant revenir sur leurs pas et retrouver la paix de leur conscience. Sur le même plan, vous résisterez à la tentation de chercher un emploi n’importe où, sans l’accord ou contre l’avis de votre évêque. Nous prenons tous part au seul sacerdoce du Christ. Maintenons-le dans l’unité et l’amour.
Urgence de l’évangélisation
Le prêtre doit être un levain dans la communauté nigériane actuelle. Dans un pays où une multitude s’intéresse avant tout à faire fortune, le prêtre doit, par la parole et par l’exemple, attirer l’attention sur les valeurs plus hautes. L’homme ne vit pas seulement de pain. Le prêtre doit s’identifier au pauvre afin d’être capable de lui porter l’Évangile exaltant du Christ. N’oubliez pas que Jésus a appliqué ces paroles à lui-même : " L’Esprit du Seigneur est sur moi... il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres " (Lc 4, 18).
Comme " l’évangélisation serait incomplète si elle ne tenait pas compte de l’incessante connexion entre l’Évangile et la vie concrète de l’homme " (Evangelii Nuntiandi, 29) ; le prêtre doit s’engager à fond pour que la lumière de l’Évangile et la puissance de la Parole de Dieu pénètrent les différents problèmes de la vie familiale, des droits et devoirs humains fondamentaux, de la justice et la paix, du développement et de la libération, de la culture et de l’enseignement. Il s’efforcera de rendre le Christ et l’Église présents dans le domaine des sciences et des arts, dans la culture et les professions. Je suis particulièrement heureux de l’inauguration, à Port Harcourt par les Évêques du Nigeria, du Ghana, du Sierra Leone, du Libéria et de la Gambie, de l’institut catholique de l’Afrique occidentale, destiné à la promotion des plus hautes études ecclésiastiques.
Les prêtres qui travaillent dans les mass media ont une merveilleuse occasion pour donner le Christ en partage, comme le font les directeurs spirituels des religieux et des laïcs, les aumôniers d’organisations d’apostolat catholique et les prêtres qui accueillent les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. A vous tous, je dis : " Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâce à Dieu le Père " (Col. 3, 17).
Chers prêtres et futurs prêtres du Nigeria, comme Évêque de Rome et comme Prêtre, votre frère, je vous bénis de tout cœur. Je vous embrasse chacun avec une profonde affection en Jésus-Christ — votre seul Maître et plus fidèle ami — qui a aimé chacun de vous d’un amour éternel. Je vous confie tous à Marie la Mère de Jésus, notre grand Souverain Prêtre.
37. A Kaduna (Nigeria) : A l’occasion de l’ordination sacerdotale de quatre-vingt-douze séminaristes
14 février 1982
MESSE POUR LES ORDINATIONS SACERDOTALES
Chers frères et soeurs en le Christ,
Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous en lui.
C’est en effet une joie d’être à Kaduna aujourd’hui. Je rends grâces au Seigneur pour cette bienheureuse occasion de célébrer l’Eucharistie avec vous et d’ordonner au sacerdoce de notre Seigneur Jésus-Christ de nombreux diacres provenant de différents diocèses du Nigeria. Les vies de ceux qui vont être ordonnés constituent une grande promesse pour la croissance continuelle de l’Église en ce pays bien-aimé et donnent un élan nouveau à l’œuvre vitale d’évangélisation. Avec tous les fidèles du Nigeria et avec toute l’Église du monde, je loue le Maître de la moisson qui a envoyé de nouveaux ouvriers à sa moisson.
Le prêtre, serviteur du peuple de Dieu
En ce jour plein de joie, permettez-moi d’adresser ma parole directement à ceux qui vont être ordonnés. Mes frères, chacun de vous a reçu du Seigneur l’appel à être prêtre et, avec lui, le privilège d’être appelé à devenir serviteur de Jésus-Christ. L’ordination sacerdotale confère l’autorité et le mandat de proclamer l’Évangile et de prêcher au nom de l’Église. Comme prêtres vous présiderez à la célébration de l’Eucharistie, et au nom du Christ vous pardonnerez les péchés dans le Sacrement de la Pénitence. Dans cette activité et dans les nombreuses autres que l’Église de Dieu confiera à vos soins pastoraux, cherchez toujours à être considérés comme quelqu’un qui sert. Puissent les paroles de la deuxième prière eucharistique être l’expression de votre constante gratitude pour votre vocation " Père, nous te remercions pour avoir été jugés dignes de servir en ta présence ".
Vous avez été appelés à imiter le Seigneur et Maître que vous aimez, à suivre l’exemple du Fils de l’homme " qui est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude " (Mt 20, 28). Rappelez-vous aussi que Jésus a clairement expliqué à ses Apôtres qu’ils ne devront jamais vouloir dominer leurs fidèles ni chercher à leur faire sentir leur autorité. Comme Saint Paul nous devons tenir pour un privilège d’être appelés serviteurs de Jésus-Christ (cf. Rm 1, 1).
Le prêtre prend en charge son peuple par la prière
Un des caractères les plus frappants de la vie terrestre de Jésus a été la priorité qu’il donna à la prière. Saint Luc nous rapporte que " des foules nombreuses " accouraient pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. Mais lui se retirait dans les solitudes et priait " (Lc 5, 15-16). Alors qu’il avait grande compassion pour les foules et qu’Il déployait tout son zèle pour proclamer que le Royaume de Dieu est proche, Jésus n’en cherchait pas moins, régulièrement et fréquemment, un endroit tranquille pour être seul avec son Père Éternel. Parfois même il passait la nuit entière en prière.
L’auteur de l’Épître aux Hébreux nous parle de l’intensité de la prière de Jésus : " Durant sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication " (Heb 5, 7). De tout son cœur et de toute son âme, Jésus a crié vers son Père les besoins de l’homme et il a tâché de toutes ses forces de conformer ses actions humaines à la volonté de son Père.
Mes frères, nous ne devons jamais oublier la leçon que le Seigneur nous a laissée par la parole et par l’exemple. Prier est un élément vital de la vie du chrétien et c’est un des moyens ordinaires dont dispose le prêtre pour servir son peuple. C’est également par la prière que nous préservons et approfondissons notre amour personnel pour le Christ et que nous parvenons à voir et à accepter la volonté de Dieu pour nous. Le temps passé en prière n’est pas du temps enlevé à nos fidèles. C’est du temps utilisé pour eux auprès du Seigneur qui est la source de tout bien. C’est pourquoi l’Église n’hésite pas à exiger de ses ministres qu’ils récitent la Liturgie des heures. Soyez toujours fidèles à ce devoir, car la Liturgie des heures nous unit tous, avec toute l’Église répandue dans le monde, dans la grande œuvre de louange et d’adoration du Dieu vivant.
Prendre sa croix à la suite du Christ
L’Épître aux Hébreux nous enseigne également que notre Seigneur et Maître, durant sa vie sur la terre " apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance " (Héb 5, 8). Souffrir est le lot inéluctable des disciples du Christ. C’est ce que Jésus a dit à ses disciples " Quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite, ne peut être mon disciple " (Lc 14, 27). Il ne faut pas oublier toutefois ou négliger le fait que la foi en Jésus-Christ est la source d’une profonde joie (cf. n. 15, 11) et que Jésus a promis à ses disciples une paix que le monde ne peut donner (cf. Jn 14, 27). Mais il reste vrai que la souffrance fait partie du service du Christ. La souffrance est strictement liée à l’obéissance, car lorsque nous acceptons la souffrance que la divine Providence permet, alors nous nous conformons strictement à la volonté de notre Père céleste.
Aujourd’hui ce n’est pas seulement à moi, mais aussi à votre Évêque, que vous promettez obéissance et respect. Par cette promesse vous créez un lien spécial de confiance avec votre Évêque et avec ses successeurs. Vous avez déclaré que vous voulez coopérer avec lui et réaliser ses directives et ses ordres pour le bien de l’Église locale, dans un esprit d’amour et de respect. En ceci, vous imitez Jésus-Christ qui n’est pas venu pour faire sa volonté mais la volonté de Celui qui l’a envoyé (Jn 6, 38). Rappelez-vous que notre salut s’est accompli par l’œuvre salvifique du Fils de Dieu, qui s’est humilié lui-même, prenant la condition d’esclave et obéissant jusqu’à la mort (cf. Phil 2, 7-9).
Le prêtre, évangéliste de la miséricorde
La première lettre de la messe de ce jour contient la description du ministère que Jésus s’applique à lui-même au début de sa vie publique (cf. Lc 4, 16 et sv.) et que chaque prêtre peut adopter pour lui-même, quel que soit le temps où il a été ordonné : " L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer l’année de grâce du Seigneur " (Isaïe 61, 1).
Remarquez que l’Oint du Seigneur a été envoyé aux pauvres, aux prisonniers, à ceux qui ont le cœur brisé. En d’autres termes, l’Oint du Seigneur a été envoyé à tous ceux qui ont besoin d’une manière toute particulière de la miséricorde de Dieu. Dans ma Lettre Encyclique Dives in Misericordia, j’ai écrit : " L’Église doit porter témoignage de la miséricorde de Dieu, révélée par le Christ dans la plénitude de sa mission de Sauveur, en la professant au premier rang comme vérité de foi salvifique et comme nécessaire pour vivre en harmonie avec la foi, et donc en cherchant à l’introduire et à l’incarner dans la vie de ses fidèles et, dans la mesure du possible, dans la vie de tous les hommes de bonne volonté " (n. 12).
Comme prêtre vous avez une occasion unique et la responsabilité de proclamer la miséricorde de Dieu. Par votre bonté et votre compassion pastorales vous montrez aux hommes la tendresse du Christ ; par votre zèle à prêcher et à enseigner vous proclamez la bonté de Dieu, sa puissance salvatrice. Comme ministres des sacrements, spécialement de l’Eucharistie et de la Réconciliation, vous les mettez en contact avec notre Seigneur qui est riche en miséricorde.
Promouvoir les vocations
En ce jour de grande joie, je ne puis manquer de dire un mot de l’énorme besoin de vocations à la vie religieuse et au sacerdoce. Car les paroles de Notre Seigneur doivent nous faire réfléchir : " La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 37).
Tout en me réjouissant aujourd’hui pour l’ordination de ces nouveaux prêtres (nous voyons, en leurs cœurs si impatients de servir, une grande espérance pour l’avenir de l’Église), j’exhorte le Peuple de Dieu à faire très attention à la nécessité d’encourager les vocations à la vie religieuse et au sacerdoce. Notre Seigneur Jésus-Christ ne manquera pas de pourvoir à la vie de son Église, mais il demande les prières et la collaboration de chacun. Les familles chrétiennes ont un rôle particulier à jouer en créant un climat de foi où la vocation peut se développer. Et vous les nouveaux prêtres d’aujourd’hui, ayez toujours conscience de l’importance de votre exemple et du joyeux témoignage de votre vie dans le célibat.
Je vous confie aujourd’hui à Marie, la Mère de Dieu. Qu’elle soit toujours présente à vos côtés et vous protège à jamais dans l’amour de son Fils, notre Souverain Prêtre Jésus-Christ.
38. Aux prêtres et religieux du Gabon
17 février 1982
UNE GRANDE EXIGENCE DE VIE SACERDOTALE
Chers fils et chères filles de l’Église qui est au Gabon,
En cette rencontre mémorable, je me sens pressé d’affermir tous ceux et toutes celles que le Christ a mystérieusement appelés aux tâches de l’évangélisation en terre gabonaise. Dans une optique de reconnaissance et de fidélité aux pionniers du siècle dernier, ils poursuivent la même œuvre selon les méthodes renouvelées par l’Église en notre temps. C’est pourquoi je m’adresserai en premier lieu aux prêtres gabonais et aux Pères Spiritains, Salésiens, Clarétains et " Fidei donum " qui leur apportent un si précieux concours.
A vous, chers frères dans le sacerdoce ministériel, qui n’êtes pas sans vous inquiéter de votre nombre restreint ni sans souffrir parfois des interrogations — même en Afrique — sur l’identité et la mission du prêtre, je veux confier un certain nombre de choses qui me tiennent profondément à cœur. Et tout d’abord ceci : sans nullement perdre de vue le problème extrêmement sérieux de la relève sacerdotale, dont nous reparlerons, ne croyez-vous pas — et cela vaut pour bien d’autres régions du monde — que les prêtres du Christ sont appelés plus que jamais à une très grande qualité de vie sacerdotale ? Il est des moments où la qualité doit nécessairement suppléer la quantité ! D’autre part, les interrogations auxquelles je faisais allusion, assurément excessives et débilitantes, peuvent et doivent aussi nous donner l’évidence que le sacerdoce est un véritable mystère au sens chrétien du mot, c’est-à-dire une réalité dont nous connaissons une face mais dont l’autre nous échappe parce qu’elle vient de Dieu et rejoint Dieu. Dans le langage des Pères de l’Église, les mots mystère et sacrement étaient souvent équivalents. Frères très chers — et je le dis aussi pour l’assemblée tout entière —, il nous est demandé à tous de croire au sacerdoce, comme nous croyons au baptême et à l’eucharistie. Or, pourrons-nous jamais épuiser, par exemple, la signification du baptême : devenir fils de Dieu dans l’amour, mourir au péché avec le Christ pour ressusciter dans une vie nouvelle, devenir toujours davantage membre du peuple de Dieu, vivre les Béatitudes dans l’espérance ? Richesse et profondeur du don de Dieu ! Il en est de même pour le sacerdoce. Réjouissons-nous s’il pose question et si aucune définition ne nous satisfait jamais entièrement parce que sa découverte totale n’est jamais achevée. En tout cas, je tiens à souligner que la première fidélité demandée à un prêtre — quel que soit son genre de vie et d’apostolat — est de continuer à croire à son propre mystère, de persévérer dans la foi à ce don de Dieu qu’il a reçu et auquel l’inévitable routine et les autres obstacles peuvent certainement porter atteinte. C’est bien cela que l’Apôtre Paul rappelait avec soin à son disciple Timothée (2 Tm 1, 6). Si dans un passé qui n’est pas si lointain on a pu écrire des pages lyriques sur la grandeur du prêtre, aujourd’hui, à force de dire que le prêtre doit être un homme comme les autres, on risque de relativiser le sacrement qu’il a reçu et de jeter un voile sur le caractère indélébile dont parle la théologie traditionnelle, confirmée par les Conciles de Trente et de Vatican II. Dans une authentique perspective théologique, on est prêtre pour toute la vie ou on ne l’est pas, comme on est baptisé ou on ne l’est pas. Seuls les actes du ministère sont engagés dans la succession et le temps. Cela a toujours été la foi de l’Église catholique et des Églises orientales.
C’est à partir de là que je veux affermir en vos cœurs la fidélité à votre mission sacerdotale, qui est fidélité d’amour à l’annonce de l’Évangile, au service des sacrements, au soutien des communautés chrétiennes dans un attachement sans faille à l’Église et à ses responsables. Le cri de saint Paul : " Malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Évangile ! " (1 Co 9, 16) ne mobilisera jamais assez les énergies physiques, intellectuelles et spirituelles d’un prêtre. Et dans vos annales gabonaises, vous êtes légitimement fiers de conserver le souvenir du premier prêtre issu de votre peuple, Monseigneur Raponda-Walker. Oui, les hommes —consciemment ou non — attendent que le prêtre leur parle de Dieu avec beaucoup de conviction et d’humilité. Et les occasions ne manquent pas, depuis la liturgie dominicale jusqu’aux rencontres de préparation aux sacrements et d’animation des mouvements apostoliques ou caritatifs, en passant par les heures données au très grave devoir de la catéchèse. Renoncer à la proclamation explicite de l’Évangile pour se livrer à des tâches socioprofessionnelles serait mutiler l’idéal apostolique et sacerdotal. J’ajouterai que le service des sacrements fait toujours partie intégrante du sacerdoce ministériel, et que les chrétiens qui en font la demande ont besoin d’être écoutés, compris, éclairés sur le vrai sens de leur démarche. Un prêtre ne saurait se résigner à devenir un fonctionnaire autoritaire et blasé, oubliant que les sacrements et tous les actes liturgiques sont non seulement des signes efficaces de la foi, mais des appels à mieux prier et à mieux aimer pour ceux qui les donnent et pour ceux qui les reçoivent. Tous ces gens qui viennent recevoir la lumière et la force de Dieu constituent des communautés humaines et chrétiennes sans doute très diverses mais qui ont toutes besoin de la fidélité du prêtre à sa mission, à ses engagements. Il arrive, certains jours, que la foi en l’appel du Christ peut s’obscurcir et les tentations d’une autre vie devenir pressantes. Mais la présence de jeunes, d’adultes, d’anciens, dont le prêtre sait qu’ils ont besoin de lui et qu’ils lui font confiance, constitue une raison indubitable parmi d’autres de demeurer fidèle à sa mission. Et j’achèverai mes confidences aux prêtres en soulignant que les fidélités déjà évoquées ne sauraient tenir sans une fidélité d’amour ardent au mystère de l’Église, à la redécouverte continuelle de ses dimensions mystérieuses, en même temps divines et fraternelles. Mystère de l’Eglise, dont la Constitution conciliaire de Vatican II est peut-être le joyau ! C’est que la mission du prêtre, qu’il soit enfoui au Sahara, comme Charles de Foucauld le fut, ou perdu dans la brousse africaine, comme tant de missionnaires l’ont été et le sont encore, est toujours une mission d’Église ! Prêtres de Jésus-Christ, prêtes au Gabon, le Pape vous aime de tout son cœur, il prie spécialement pour vous, pour votre fidélité, pour votre ferveur.
39. PRIÈRE A L’OCCASION DU JEUDI SAINT 1982
cf. www.clerus.org
40. A la messe chrismale concélébrée avec mille deux cents prêtres
Jeudi Saint, 8 avril 1982
L’ÉGLISE SE CONSTRUIT PAR L’EUCHARISTIE
Les prêtres sont ceux qui offrent le sacrifice, et en eux se révèle et se réalise le Royaume de Dieu sur la terre.
Les prêtres reçoivent l’onction.
Chaque année, le Jeudi Saint, l’Église bénit les huiles liturgiques, avec lesquelles elle prêche le " nouvel an de grâce du Seigneur " (Lc 4, 19 ; cf Isaïe 61, 2).
Voici, en effet, que, dans la sainte onction liturgique, nous obtenons la participation à cette unique et éternelle onction de l’Oint et à la mission de l’Envoyé.
Les têtes et les mains des hommes sont ointes et ceci se fait durant la célébration des Saints Sacrements de l’Église. Sont oints également les objets et les lieux consacrés à Dieu.
L’onction signifie la puissance de l’Esprit donnée en plénitude au Messie du Seigneur. L’onction signifie la grâce : la beauté et la splendeur de la participation à la puissance de l’Esprit.
L’onction signifie le lien vivifiant avec le Messie, avec le Christ Oint et Envoyé du Seigneur.
Chers Frères !
Nous sommes tous oints de manière particulière et nous sommes tous envoyés par l’effet du sacrement du sacerdoce. Parmi ceux dont le Christ a fait et continue à faire " une royauté de prêtres ", nous sommes prêtres de manière particulière, de manière sacramentelle.
Nous avons tous, également, puisé d’une façon spécifique à la plénitude de cette puissance messianique qui s’est révélée dans l’" aujourd’hui " du Jeudi Saint du Christ.
Cet " aujourd’hui " est notre Jour. Il est notre fête. Nous sommes nés en même temps que l’Eucharistie : nous sommes donc nés en même temps que l’Église au Cénacle de la Dernière Cène.
En instituant le Sacrifice à partir duquel l’Église s’édifie constamment, le Christ a en même temps béni les prêtres, ministres de son Sacrifice.
Il a dit : " Faites ceci... en mémoire de moi " (1 Co 11, 25). Et nous le faisons, nous tous ici réunis et tous les prêtres dans toute l’Église, auxquels ce jour-ci nous unit par le lien d’une profonde fraternité sacerdotale.
Oh ! Combien grande est notre dette à l’égard de " Celui qui nous aime " (Ap. 1, 5) ; envers Celui qui le premier nous a aimés et invités, appelés et préparés par son Esprit, et enfin unis par le service de l’Église.
" C’est moi l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Maître de tout ! " (Ap 1, 8).
C’est pour ce Dieu qui est le Commencement et la Fin de toutes choses que nous sommes prêtres. Entre le Commencement et la Fin, il y a le temps de toutes les créatures. Entre l’Alpha et l’Oméga, il y a le monde qui passe. Et dans ce temps qui passe, dans ce monde, entre le Christ : l’Oint et l’Envoyé, le Christ, l’unique, l’éternel Prêtre.
Et nous par Lui et en Lui.
Par le moyen de l’Eucharistie. Par le Sacrifice qu’il a confié à nos mains, à nos bouches et à notre cœur.
Par Lui et en Lui nous sommes pour Dieu.
Par Lui et en Lui nous sommes également pour les hommes, parce que nous sommes choisis parmi les hommes (cf. Heb. 5,1).
Nous sommes prêtres moyennant tout notre service. Moyennant la consécration de notre être humain : par Lui, en Lui et avec Lui.
Il convient qu’aujourd’hui nous chantions avec le psalmiste le cantique de reconnaissance : J’ai trouvé David, mon serviteur, dit le Seigneur, / je l’ai oint de mon huile sainte, / lui que ma main soutiendra, que mon bras fortifiera " (Psaume 89-88, 21-22).
Il faut que nous chantions le cantique de reconnaissance au Seigneur parce qu’Il nous a trouvés comme David, parce qu’Il nous a oints, parce qu’Il nous guide et nous fortifie.
" Ma fidélité et ma grâce seront avec Lui / et en mon nom s’élèvera sa puissance. / ... Lui il m’invoquera : Tu es mon père, / mon Dieu et le rocher de mon salut " (ibid 25-27).
Comme il est bon, notre Dieu, Père et Rocher de notre salut ! Restons-Lui tous toujours fideles !
Que le mystère du Jeudi Saint renouvelle notre alliance sacerdotale avec Dieu, le Rocher de notre salut !
41 A des séminaristes néerlandais
15 avril 1982
LE SACREMENT DE L’ORDRE, DON INEFFABLE DE DIEU POUR SERVIR LES HOMMES
Dans la prière que j’ai envoyée le Jeudi Saint à tous les prêtres de l’Église j’ai écrit : " L’Eucharistie est surtout le don fait à l’Église, un don ineffable Le sacerdoce est aussi un don fait à l’Église, en vue de l’Eucharistie " (cf. ORLF n. 8 du 8 avril 1982).
Il est bon et il est utile d’y penser un moment au début de cette célébration eucharistique exceptionnelle, cette célébration eucharistique éminemment sacerdotale du sacerdoce ecclésial sous ses différentes formes et à ses différents degrés : le Pape, les Évêques, les prêtres et les futurs prêtres.
Dieu nous a tant aimés qu’il nous a donné son Fils unique, (cf. Jn 3, 6) et celui-ci nous a tant aimés qu’il s’est humilié, obéissant jusqu’à la mort sur une croix (cf. Phil 2, 8), et nous a lavés de nos péchés par son sang (cf. Ap. 1, 5). Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous a aimés et qui nous a envoyés pour nos péchés (cf. 1 Jn 4, 10) son Fils en victime de propitiation.
La rédemption, le pardon de nos péchés : un don de l’amour et de la miséricorde infinis de Dieu pour nous ; et c’est ainsi que le sacrement du sacrifice rédempteur de la Croix, l’Eucharistie, et le sacrement du ministère de l’Eucharistie, le sacerdoce, sont également des dons de l’amour illimité de Dieu. Don à l’Église, aux fidèles, mais don de nature absolument exceptionnelle à ses serviteurs eux-mêmes, aux prêtres. Il faut donc que nous considérions la vocation sacerdotale avant tout comme un don ineffable de Dieu que nous devons accueillir avec une grande humilité et une grande gratitude. Un don absolument immérité que nous devons accepter pour le service de l’Église, en vue de l’Eucharistie, et que nous devons donc accomplir comme un authentique service, comme une humble activité au service de l’Église et des fidèles.
Dans cette célébration eucharistique, je désire vous exhorter à prier Dieu avec ferveur pour qu’il nous accorde la grâce de toujours considérer et vivre le sacerdoce comme un don ineffable de Dieu et comme un véritable service des fidèles.
Afin de pouvoir accomplir correctement et fructueusement ce service, commençons par nous convertir et demander à Dieu pardon pour nos péchés.
42. Aux séminaristes de Bologne
18 avril 1982
RÉPONDEZ PLEINEMENT A L’APPEL QUE VOUS AVEZ REÇU
Jésus vous a appelés
Le Christ, fils de Dieu, vous a aimés de façon toute particulière ; il a voulu faire de vous ses amis favoris (cf. Jn 15, 15) ; il s’est mis à marcher à côté de vous ; il a traversé votre route et vous a appelés.
Le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie sont déjà une manifestation de l’appel du Christ qui, par ces sacrements, fait des hommes ses fidèles, ses disciples. Et, jour après jour, cet attachement à la suite de Jésus se trouve renforcé dans la famille, dans la paroisse, à l’école, dans les associations, lieux privilégiés pour " le chemin de la foi " continu, ininterrompu du chrétien qui doit continuellement conformer sa vie à l’image du Christ (cf. Rm 8, 29) et vivre toujours en union intime avec Lui (cf. Jn 15, 1-9 ; Gal 2, 20 et sv.).
Mais dans votre jeunesse de chrétiens qui avez cherché dans la foi — personnellement et communautairement approfondie, mûrie, menée à ses conséquences vitales — le sens le plus authentique et total à donner à l’existence, vous avez compris, soit à l’improviste par une fulgurante intuition, soit lentement, après de longues réflexions, que Jésus voulait de vous quelque chose de plus. Vous avez compris le sens de ses paroles, vous les avez perçues comme vous étant personnellement adressées : " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 37-38). Vous avez compris que vous pouviez — et même que vous deviez — être vous-mêmes ces ouvriers, nécessaires pour travailler dans la mystérieuse et immense " moisson " que sont l’Église, le monde entier, toute l’humanité, assoiffés de la Parole de Dieu et, si bien cultivés, capables de donner des fruits de bien.
Jésus vous a appelés. Chacun de vous. Par son nom. Et de manière singulière, unique, comme est singulière et unique votre personnalité à laquelle Il a adressé sa douce et pressante invitation.
Vous serez les ministres de la Parole et des sacrements
Très chers, Jésus vous appelés à le suivre ! " Suivez-moi " (Mt 8, 22 ; Mc 2, 14). A le suivre le long d’une route rude et difficile ; par un chemin qui souvent peut se transformer en " chemin de la Croix ", conduire au Calvaire, à la crucifixion. Mais qui est appelé à suivre Jésus de plus près sait qu’il ne s’attache pas à un simple homme, du reste génial et prestigieux, mais qu’il se confie directement au Fils de Dieu Incarné ; à Jésus de Nazareth, le Messie, le Seigneur, le Rédempteur de l’homme ; le Juge suprême et définitif de l’histoire.
Jésus vous a appelés pour être les ministres de ses sacrements, en particulier de l’Eucharistie et de la Réconciliation. Dans l’Église, la présence sacramentelle du Christ est intimement liée à la présence et à l’action ministérielle du prêtre ; et de même, l’admirable don de la Miséricorde divine est normalement offert dans l’Église moyennant l’œuvre des prêtres. Un jour — un jour que vous attendez dans la prière fervente et une intense préparation — vous pourrez dire à l’Autel, " in persona Christi ", les mystérieuses paroles sacramentelles : " Ceci est mon corps... " et grâce au pouvoir sacré dont vous serez investis, vous accomplirez le service eucharistique et l’offrirez à Dieu au nom de tout le Peuple (cf. Lumen Gentium, 10) ; à vos frères, courbant le front parce que conscients de leur propre misère humaine, vous pourrez dire en tremblant, mais avec une rassurante sécurité : " Je t’absous... ".
Jésus vous a appelés, il vous a choisis parmi les hommes, pour intervenir en faveur des hommes (cf. He 5, 1) moyennant le sacerdoce ; pour vous faire participer plus intimement à sa mission prophétique, sacerdotale et royale afin d’en rendre particulièrement témoignage dans l’Église et devant le monde.
Vous êtes destinés à être les hérauts, les porte-parole, ministres de la Parole de Dieu (cf. Actes 6, 4), c’est-à-dire à devenir — au moyen de la prédication, de l’évangélisation, de la catéchèse — les généreux et inlassables témoins des merveilles que Dieu a accomplies et ne cesse d’accomplir pour l’humanité ; capables donc et toujours disposés à prodiguer à leurs frères les fruits de l’amour et de la paix, à leur donner et communiquer cette certitude de la foi qu’ils ont acquise non seulement grâce à l’étude continuelle des différentes disciplines théologiques et bibliques nécessaires, indispensables pour une adéquate préparation culturelle et spirituelle, mais spécialement dans la prière incessante. Et cette certitude communiquée à vos frères les aidera à comprendre plus profondément le sens ultime de l’existence humaine, rachetée par le Christ ; favorisera également l’animation chrétienne de l’ordre éthique dans leurs rapports avec Dieu, avec eux-mêmes, avec autrui.
Le célibat sera le signe de votre don
Pour que votre attachement à suivre le Christ, qui veut vous faire participer à son sacerdoce, soit total, l’Église latine a voulu et veut qu’il soit uni au don du célibat " pour le Royaume des cieux " (cf. Mt 19, 12), et elle le fait parce que le célibat " pour le Royaume " n’est pas seulement un signe eschatologique, mais a aussi, dans la vie présente, une grande signification sociale pour le service du Peuple de Dieu. Pour être vraiment ouvert à ce service, à la sollicitude de tout le Peuple de Dieu, le cœur du Prêtre doit être libre. Le célibat est le signe d’une liberté qui est " pour le service " (cf. Lettre à tous les prêtres de l’Église à l’occasion du Jeudi Saint 1979, n. 8).
Préparez-vous, par la méditation, par la prière, par l’abnégation, à faire avec joie ce don définitif au Christ et à l’Église.
Imitez la Vierge Marie
Très chers ! Ici, sur le Col de la Garde, sous l’antique image de la Vierge Très Sainte qu’une pieuse et significative tradition attribue à l’Évangéliste Saint Luc, j’aimerais, dans cette rencontre, vous demander : à cet appel de Jésus qui veut faire de vous ses collaborateurs, les continuateurs les plus intimes de sa mission salvifique, comment avez-vous répondu ! Comment voulez-vous répondre aujourd’hui ?
Soyez généreux à l’égard de Jésus. Regardez Marie, comme dans son Évangile, Saint Luc, décrivant le mystère de l’Annonciation, nous la présente — nous pourrions dire : nous la peint — avec une extraordinaire efficacité et une intense délicatesse. A l’appel de Dieu qui l’a choisie pour la vocation singulière de Mère du Messie, Fils du Très Haut, Elle répond, après s’être sentie d’abord troublée devant cet exceptionnel privilège : " Ecce, ancilla Domini. Fiat mihi secundum verbum tuum " (Lc 1, 38 : " Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole "). Imitez cette disponibilité absolue de la Vierge en présence du projet de Dieu. A l’appel de Jésus répondez, vous aussi " me voici ; qu’il m’advienne selon ta parole ".
Préparez-vous joyeusement au sacerdoce par la prière assidue, l’étude sérieuse, la discipline quotidienne, la charité opérante.
43. Aux prêtres, à la cathédrale Saint-Pierre de Bologne
18 avril 1982
SOYEZ LES VOIX QUI PARLENT D’ABSOLU
Ces dernières années, on a beaucoup discuté à propos de la nature du sacerdoce et de la fonction qui lui revient dans l’Église. Ce qui a provoqué, en conséquence, chez beaucoup de prêtres, une " crise d’identité " qui a freiné leur zèle. Il est temps désormais de reconnaître la grandeur du don que le Christ a fait à l’Église en instituant le sacerdoce ministériel. Il est surtout temps de retrouver l’élan généreux pour répondre à son appel et pour cueillir sur ses lèvres la consigne " Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création " (Mc 16, 15).
C’est là, en effet, la mission essentielle du sacerdoce. Il est l’annonciateur de la Parole de Dieu, telle qu’elle est rapportée de manière définitive par Jésus-Christ. C’est la parole de l’amour de Dieu pour tous les hommes qu’il a appelés à former une seule famille ; une parole qui demande à être traduite en actions concrètes et encore en institutions sociales nouvelles et meilleures. Ces conséquences sociales innovatrices, ce ne sera toutefois pas le prêtre qui, normalement, devra les tirer cette tâche constitue en effet la mission propre des laïcs (cf constitution dogmatique Lumen Gentium, 31, Décret Apostolicam Actuositatem, Décret Ad Gentes, 21).
Et de même : la parole du message évangélique confiée aux prêtre est une parole de pardon, qui libère de l’esclavage du péché et ranime dans les cœurs la flamme de l’espérance. Il est incontestable que celle-ci exerce une action apaisante sur les blessures que la faute a laissées dans la psyché de qui s’en est rendu coupable ce n’est toutefois pas le prêtre qui devra se charger d’une thérapie psychologique spécifique qui vise à résoudre les effets traumatisants d’expériences erronées du passé (cf. Avertissement du Saint Office, 15 juillet 1961, n. 3 ; AAS 1961, vol. 53, p. 571).
La parole que le prêtre annonce atteint son plus haut sommet dans le sacrifice eucharistique où le Pain qui est le Corps du Christ est rompu et partagé entre les hommes. Qui ne voit dans un tel geste une lumineuse invitation au partage de tous les autres biens que le Seigneur a placés sur la " table " de la terre pour les hommes qui sont tous également ses fils ? Toutefois l’engagement concret en vue d’une plus équitable distribution, entre hommes et nations, des ressources disponibles est une tâche qui appelle immédiatement non seulement le prêtre mais aussi les responsables de la vie économique et politique dans le cadre de la cité, de la nation, du monde entier (cf. Constitution dogmatique Lumen Gentium, 36 ; Décret Apostolicam actuos, 14 ; Const. Gaudium et Spes, 69).
Serait-ce un discours craintif ? Faut-il y reconnaître une fuite de l’engagement concret ? Ne saurait penser ainsi que celui qui n’a pas mesuré dans toute son ampleur l’implication personnelle qu’exige du prêtre la mission d’annoncer la Parole " qui lui est confiée ". S’il doit renoncer à certaines tâches, c’est uniquement pour pouvoir accomplir à fond la mission qui lui est propre : être le " porteur d’un message ".
Pour pouvoir annoncer " la parole de salut " (Actes 13, 26) avec la liberté suprême qui découle du fait de " ne pas être partie en cause " dans les tensions présentes de la Communauté et du monde, le prêtre doit se soumettre à un continuel self-control et affronter également l’inconvénient de se sentir parfois incompris ou même contesté et rejeté. Le généreux dévouement à sa tâche propre ne manquera pas d’obtenir de Dieu cette " assurance " (cf. Actes 4, 29.31 ; 28, 31) qui permit aux premiers Apôtres d’affronter un monde encore totalement païen et de le transformer.
" Annoncer la Parole ", voilà votre mission spécifique, très chers prêtres. Vous trouvez ici la racine de votre préoccupation quotidienne, ici la source inépuisable de votre joie la plus authentique. Toutefois, comme ministres de la Parole — et ceci est la dernière pensée que je vous laisse — vous devez connaître tant le contenu du message qui vous est confié, que la mentalité des personnes à qui il est destiné. Ceci signifie que vous devez vous efforcer d’être des hommes de culture et, en particulier, de vrais théologiens.
Il me plaît de le rappeler ici, dans une Région dont le centre est une ville comme Bologne qui, en fait de culture, a brillé au cours des siècles comme un phare à la lumière resplendissante. A vous la fierté de tenir à une si noble tradition, soit en prenant soin d’adapter constamment les structures de formation, soit en vous engageant personnellement dans cette profonde réflexion sur la Parole de Dieu dans le contexte des interrogations actuelles.
C’est grâce à de tels efforts que vous éviterez d’être ou de ternes répétiteurs de formules justes en soi, mais qui n’ont que peu à voir avec les problèmes d’aujourd’hui, ou bien des innovateurs téméraires qui savent, certes, recueillir les humeurs du moment, mais non les évaluer avec un mûr " discernement " (la diacrisis dont parle Saint Paul : cf. 1 Cor 12, 10), à la lumière du critère suprême qui est et reste toujours la Parole de Dieu. Le risque d’être " ballotés par les ondes et portés ici et là par quelque vent de doctrine " (Eph. 4, 14) n’appartient pas seulement au passé ; iI investit chaque époque de l’histoire, sans exclure la nôtre.
Il est donc nécessaire de " se consacrer à la lecture " (I Tim 4, 13) et d’approfondir ainsi la connaissance des Écritures qui " conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus " (2 Tim 3, 15).
44. Aux prêtres du mouvement des Focolari
30 avril 1982
RAVIVEZ LE DON QUE DIEU A DÉPOSÉ EN VOUS
Parmi les éléments de la spiritualité évangélique que le Mouvement des Focolari a adoptés, il en est encore un qui mérite quelque considération de notre part : l’unité que Jésus a demandée à son Père avant de mourir (cf. Jn 17, 21). C’est parce que le Christ s’est humilié jusqu’à l’abandon et la mort que nous sommes devenus un avec lui et entre nous (cf. Gal 3, 26-28 ; Eph 2, 14-18). Et quand Jésus nous donne le commandement de nous aimer les uns les autres comme lui-même nous a aimés (cf. Jn 15, 12), il nous invite à utiliser la même mesure pour illustrer notre amour réciproque ; et c’est précisément de cela que peut naître l’unité, car l’amour unit toujours ceux qui y participent. Puis, dans l’unité, on expérimente la présence vivante du Christ ressuscité en qui, précisément, nous sommes un ; Saint Léon le Grand l’a parfaitement exprimé : " Le Fils de Dieu a assumé la nature humaine dans une union si intime qu’il est l’unique et identique Christ non seulement en celui qui est le premier-né de toute créature, mais également en tous ses saints " (Discours 12 sur la Passion ; PI 54, 355). C’est par l’unité qu’ils réalisent dans la vie sacerdotale, que les prêtres trouvent leur véritable maison, qui grandit et se fortifie dans la communion avec le Pape et avec les évêques. Le Christ ne peut manquer d’être au milieu de ceux qui sont réunis en son nom (cf. Mt 18, 20), soit pour rendre efficace la Parole de Dieu que tout le monde a le droit d’" attendre tout spécialement de la bouche des prêtres " (Presbyterorum ordinis, n. 4), soit pour célébrer de manière féconde l’Eucharistie et les autres sacrements (cf. ibid. n. 5), soit, en tant que pasteurs, " pour réunir la famille de Dieu en une communauté de frères qu’habite un dynamisme d’unité " (ibid. n. 6). De plus, les religieux trouvent dans la pratique de la communion fraternelle une plus étroite relation avec leur fondateur, et la possibilité de faire resplendir la spécificité de leurs charismes (cf. Lumen Gentium, 46). De cette manière, tous ensemble, ils transmettent au monde au moins un rayon de cette suprême et inégalable communion qui lie l’une à l’autre les Personnes de la Sainte-Trinité (cf. Gaudium et Spes, 24) dans un fécond mystère de vie.
Dans l’Évangile qui a été lu durant cette liturgie, nous avons écouté les paroles que, du haut de sa Croix, Jésus a adressées successivement à sa Mère et au disciple qu’il aimait, les confiant l’un à l’autre dans un échange de rapports à la fois maternels et filiaux (cf Jn 19, 26-27). Comme on le sait, votre Mouvement s’appelle également " Œuvre de Marie ", et c’est également pour ce motif qu’on ne saurait manquer de rappeler la place que Marie doit avoir dans la vie sacerdotale. Le texte évangélique que nous venons de citer nous offre un modèle de dévotion mariale. " A partir de cette heure le disciple la prit chez lui " (Jn 19, 27). Peut-on en dire autant de nous ? Accueillons-nous également Marie " chez nous ", dans notre maison ? En effet, nous devrions l’accueillir à plein titre dans la maison de notre vie, de notre foi, de nos affections, de nos engagements et reconnaissons-lui le rôle maternel qui lui est propre, c’est-à-dire une fonction de guide, de mise en garde, d’exhortation, ou seulement de présence silencieuse qui plus d’une fois peut déjà suffire à donner force et courage. D’autre part, la lecture biblique nous a rappelé qu’après l’Ascension de Jésus les premiers disciples étaient réunis " Avec Marie, la Mère de Jésus " (Actes 1, 14). Dans leur communauté il y avait donc également Marie, et bien plus, c’était probablement elle qui donnait la cohésion à ce groupe. Le fait de spécifier, " la mère de Jésus " indique comme elle était située par rapport à la figure de son Fils : cela nous dit, donc, que Marie rappelle seulement et toujours la valeur salvifique de l’œuvre de Jésus, notre unique Sauveur, et, d’autre part, dit aussi que croire en Jésus-Christ ne nous dispense pas de comprendre également dans notre acte de foi la figure de Celle qui fut sa Mère. Dans la famille de Dieu, et plus particulièrement dans la famille sacerdotale, Marie protège la diversité de chacun au sein de la communion entre tous. Et en même temps elle nous apprend à être ouverts au Saint-Esprit, à prendre part à la soumission totale du Christ à la volonté de son Père et, surtout, à participer intimement à la Passion de son Fils et à assurer la fécondité de notre ministère. " Voici ta mère " (Jn 19, 7) ; chacun sent que ces paroles lui sont adressées et, donc, y puise confiance et élan pour avancer de manière toujours plus décidée et sereine sur la voie engagée de sa propre vie sacerdotale.
45. Salut du Saint-Père à des prêtres américains
7 mai 1982
LA MISSION ESSENTIELLE DU PRÊTRE SE TROUVE DANS L’EUCHARISTIE
Mes chers Frères prêtres,
C’est pour moi un grand plaisir de vous recevoir ce matin, vous tous qui fréquentez en ce moment l’" Institut pour la formation théologique permanente " de " Casa Santa Maria ". Votre présence ici nous offre l’occasion d’une brève réflexion commune sur le sacerdoce auquel nous participons tous — le sacerdoce de Jésus-Christ.
Vous avez eu, au cours de ces dernières semaines, l’extraordinaire occasion de réfléchir sur le sacerdoce et de le considérer dans le contexte de l’amour du Christ et de la mission évangélisatrice de l’Église. Il vous a également été donné la possibilité de revivre tout le mystère de la rédemption dans son cadre historique — là où il a réellement eu lieu. En méditant les grâces qui ont influencé votre sacerdoce, considérez qu’il y a un autre événement qui vous a tous touchés profondément dans votre vie sacerdotale. C’est le grand événement ecclésial du siècle : le Concile Vatican II. Et dans l’héritage que nous a légué spécialement le Concile, il y a l’enseignement sur le sacerdoce.
A Nous les prêtres, le Concile nous a laissé de nombreuses notations, au sujet de nous-mêmes, au sujet de ce qui est important dans notre vie, au sujet de la collaboration que nous pouvons vraiment offrir au monde. Sans minimiser d’aucune façon toutes les possibilités de service pastoral qui s’offrent au prêtre d’aujourd’hui, le Concile n’a pas hésité à décréter certaines priorités absolues. Et il y a insisté à de nombreuses reprises. La mission essentielle du prêtre se trouve dans l’Eucharistie. Votre identité et de même mon identité sont fixées à tout jamais dans la célébration eucharistique, cette action de Jésus qui est, à son tour, la plus pleine et plus effective proclamation de tout le message évangélique : le Christ est mort ! Le Christ est ressuscité ! Le Christ reviendra ! La Constitution dogmatique exprime cette vérité en ces termes : les prêtres " exercent surtout leur fonction sacrée dans le culte eucharistique " (Lumen Gentium, n. 28 par. 2). Et le Décret sur le sacerdoce ajoute : " Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit " (Presbyterorum ordinis, n. 13).
Mes chers Frères prêtres, ce que le monde attend réellement de nous, ce dont il a vraiment besoin, c’est que nous rendions le mystère de la rédemption accessible aux hommes, aux femmes et aux enfants d’aujourd’hui. Et c’est par l’Eucharistie que la rédemption du Christ touche les cœurs humains, et transforme l’histoire humaine. C’est par la dévotion à l’Eucharistie que nous devenons capables de lire soigneusement " lés signes des temps " et de comprendre tout ce qu’exige de nous un authentique aggiornamento. C’est dans notre fidèle ministère eucharistique que nous sommes pleinement d’effectifs ministres de l’Évangile et serviteurs de Jésus-Christ et de son peuple. C’est uniquement par l’Eucharistie que nous pouvons être les fidèles pasteurs de notre peuple et de crédibles leaders spirituels dans nos communautés.
Qu’une plus vive appréciation de votre vocation eucharistique, chers Frères, soit le résultat durable de votre séjour à Rome. Et que par l’intercession de Marie, la Mère de Jésus, vous puissiez trouver votre joie et votre accomplissement dans l’Eucharistie.
46. A Manchester (Grande-Bretagne), à l’occasion d’ordinations sacerdotales
31 mai 1982
AMBASSADEURS DU CHRIST POUR RÉCONCILIER LE MONDE AVEC DIEU
Mes chers Frères, candidats au sacerdoce, aujourd’hui le Christ renouvelle pour vous la prière à son Père : " Consacre-les dans la vérité ; ta vérité " (Jn 17, 17). Cette consécration vous rend plus intensément " création nouvelle ". Elle vous met à part du monde pour que vous puissiez vous consacrer totalement à Dieu. Elle vous donne la mission d’agir comme Ambassadeurs du Christ pour réconcilier le monde avec Dieu. C’est dans cette intention que Jésus est venu de la part du Père, qu’il est né de la Vierge Marie. Et c’est cette mission même que le Christ a confiée à ses disciples : " Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux, je me consacre moi-même afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité (Jn 17, 18-19).
Jeunes gens, en ce très important moment de votre vie, je vous dis : Rendez-vous compte combien vivement Jésus désire que vous soyez consacrés comme lui-même est consacré. Soyez dignes du privilège que vous allez recevoir en portant le divin don de l’amour au peuple et en offrant à Dieu la pieuse réponse du Peuple.
Vous devrez être des hommes de Dieu, ses amis les plus proches. Vous devez développer chaque jour des modèles de prière, et la pénitence doit faire partie régulièrement de votre vie. Prière et pénitence vous aideront à apprécier plus profondément le fait que la force de votre ministère est basée sur le Seigneur et non sur les ressources humaines.
L’Angleterre a le bonheur de posséder un digne héritage de saints prêtres. Un grand nombre de ses fils ont abandonné famille et patrie aux époques difficiles pour se préparer au sacerdoce. Après leur ordination, ils retournèrent en Angleterre pour affronter le danger, et bien souvent la mort à cause de leur foi. Manchester est légitimement fier de son grand martyr, le Bénédictin Saint Ambroise Barlow. Le Lancashire Catholique honore ses autres martyrs : Saint Edmond Arrowsmith et tous ces saints appelés " John " — (Jean) — : John Almond, John Plessington, John Rigby, John Southworth. Mais, en plus de vos martyrs, vous devez aussi vous réjouir du souvenir de nombreux saints prêtres de cette région qui ont vécu intensément chaque jour leur vocation. Tout près d’ici à Saint Helens, Sutton, se trouve la tombe du Bienheureux Dominique Barberi le Passionniste venu d’Italie qui a reçu John Henry Newman dans l’Église. Il est un exemple des innombrables prêtres qui continuent à servir de modèle de sainteté aux prêtres de nos jours.
Vous devez tâcher d’approfondir chaque jour votre amitié avec le Christ. Vous devez aussi apprendre à participer aux espérances et aux joies, aux peines et aux privations du peuple confié à vos soins. Portez-lui le message de salut du Christ. Allez voir vos paroissiens chez eux, dans leurs foyers. Ceci a toujours été la force de l’Église en Angleterre. C’est une pratique pastorale qu’il ne faut pas négliger.
Et n’oubliez jamais tous ceux qui ont particulièrement besoin de vous, notamment ceux qui se trouvent en prison ainsi que leurs familles. Dans l’Évangile, Jésus s’identifie lui-même avec les prisonniers quand il dit : " J’étais en prison et vous m’avez visité. "Et rappelez-vous qu’il n’a pas spécifié s’il s’agissait d’un innocent ou d’un coupable. Comme vous représentez le Christ, il n’est personne qui puisse être exclu de votre amour pastoral. Je vous demande, à vous et à tous vos frères les prêtres, de porter mon salut dans toutes les prisons britanniques — spécialement à la grande prison de Manchester. Jésus souhaite offrir par votre intermédiaire la paix de la conscience et le pardon de tous les péchés. Par votre intermédiaire, Jésus veut réveiller l’espérance dans les cœurs. Par vous, Jésus-Christ veut aimer tous ceux pour qui il est mort. Par la fidélité avec laquelle vous vivez votre propre vie, enseignez à tout votre peuple que vous croyez à cet amour fidèle. C’est avec votre vie que vous devez proclamer l’Évangile. Quand vous célébrez les sacrements à des moments décisifs de leur vie, aidez-les à avoir confiance en la promesse de miséricorde et de pardon faite par le Christ. Lorsque vous offrez le sacrifice rédempteur de l’Eucharistie, aidez les fidèles à comprendre la nécessité de transformer ce grand amour en œuvres de charité.
Mes frères, ayez conscience de l’effet qu’a sur autrui le témoignage de la vie. Votre ordination est une source de consolation pour ceux qui ont déjà vécu de nombreuses années de service sacerdotal et qui sont largement représentés ici aujourd’hui. Le Seigneur leur est reconnaissant pour leurs fatigues, et aujourd’hui il les bénit en leur assurant qu’il ne cessera jamais de pourvoir au futur de l’Église. Que tous ces prêtres puissent sentir renaître en eux le joyeux enthousiasme de leur premier appel ; puissent-ils aussi continuer à faire généreusement don d’eux-mêmes dans l’œuvres sacerdotale du Christ : la réconciliation du monde avec son Père.
Je sais qu’un certain nombre de prêtres ont été empêchés de venir ici à cause de leur état de santé. Je leur adresse, à eux également, l’expression de mon amour au nom de Jésus-Christ. Leurs prières, leur sagesse, leurs souffrances constituent pour l’Église un riche trésor dont découleront à l’avenir d’abondantes bénédictions.
Et que dire de vos contemporains ? Incontestablement votre acceptation de la mission du Christ est un clair témoignage pour ceux qui ne sont pas encore sûrs de ce que le Seigneur attend d’eux. Vous leur montrez qu’être ordonnés pour le service de Dieu est une noble vocation qui demande foi, courage et sacrifice de soi-même. Je suis sûr que l’on peut trouver toutes ces qualités chez les jeunes de Grande-Bretagne. Et je leur dis : Soyez certains que le Christ a adressé à un grand nombre des vôtres son appel à la vie sacerdotale ou religieuse. Soyez certains que si vous écoutez son appel et le suivez dans le sacerdoce ou dans la vie religieuse, vous trouverez grande joie et grand bonheur. Soyez généreux, ayez courage et rappelez-vous sa promesse : " Mon joug est aisé et mon fardeau léger " (Mt 11, 30).
Et pour conclure, je désire saluer les parents et les familles de ceux qui vont être ordonnés. Au nom de l’Église, et en compagnie de mes frères les Évêques, je vous dis merci pour votre générosité. C’est vous qui avez porté ces personnes dans le monde. C’est vous les premiers qui leur avez communiqué la foi et les valeurs qui ont aidé à les conduire aujourd’hui à l’autel du Seigneur. L’Église doit être, elle aussi, une famille, évêques prêtres, diacres, religieux et laïcs se soutenant l’un l’autre et partageant chacun avec les autres les dons individuels reçus de Dieu. Chaque prêtre doit compter sur la foi et sur les talents de sa communauté paroissiale. S’il est sage, il voudra non seulement connaître la joie de répandre la grâce de Dieu, mais aussi. de la recevoir abondamment de ses paroissiens eux-mêmes. La communion entre les prêtres et les fidèles s’édifie sur la prière, la collaboration, le respect et l’amour mutuels. Ce fut toujours la tradition de ces îles britanniques. Puisse-t-elle ne jamais prendre fin !
Par ces ordinations le Seigneur continue réellement et fidèlement son travail de " nouvelle création ". Et il continue de répandre son message par toute la terre et à parler personnellement avec ceux qui veulent être ordonnés : " Vers tous ceux vers qui je t’enverrai tu iras, et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras, Ne crains rien de leur part, car je suis avec toi pour te sauver — parole du Seigneur ! " (Jérémie 1, 7-8).
Amen !
47. A Saint-Pierre de Rome, ordination de nouveaux prêtres
6 juin 1982
EN UNION AVEC LE CHRIST
Mes très chers !
" Les onze disciples se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait fixé rendez-vous " (Mt 28, 16).
Vous aussi, vous venez en ce lieu par la volonté du Christ. Parce qu’il vous a appelés. Parce que vous avez accueilli l’impératif intérieur comme sa volonté, mûrissant dans sa compréhension au cours des ans. Vous venez donc ici également parce que vous l’avez librement choisi.
Vous venez en ce lieu où vous devez recevoir l’ordination sacerdotale.
Nous lisons que quand ils virent Jésus, ses disciples se prosternèrent devant lui (cf. Mt 28, 17).
Vous aussi, en ce lieu, vous vous prosternerez devant Dieu. Dans un moment, pendant que l’assemblée tout entière chantera les litanies des Saints, vous vous prosternerez en adoration devant l’invisible Majesté de Dieu qui remplit ce lieu sacré et ce saint moment.
Nous lisons enfin, à propos des disciples, que d’aucuns cependant doutèrent (cf. Mt 28, 17).
Il n’est permis à aucun de vous de douter en ce moment. Vous devez avoir la certitude : toute la certitude morale dont vous êtes capables.
Vous recevez l’ordination le dimanche de la Très Sainte Trinité.
Selon l’Évangile de Saint Matthieu, Jésus adressa les paroles suivantes aux onze disciples qui étaient venus au rendez-vous sur le Mont de Gaulée : " Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 18-20).
Vous venez pour assumer la part qui vous est destinée du pouvoir du Christ, du pouvoir qui lui a été donné, à Lui l’Unique, au ciel et sur la terre. Votre part et votre participation.
Le Peuple entier de la Nouvelle Alliance se constitue au moyen de la participation à la puissance salvifique du Christ, à ce pouvoir en vertu duquel s’accomplit le salut du monde et de l’humanité.
A ce pouvoir du Christ, Prêtre, Prophète et Roi, vous devez participer de manière particulière, vous tous qui êtes appelés à exercer au sein du Peuple de Dieu le sacerdoce ministériel (et en même temps hiérarchique).
Par la force de ce pouvoir, le Peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance est rassemblé de manière particulière, rassemblé dans cette unité qu’il tire de l’Unité de Dieu : Père et Fils et Saint-Esprit.
Vous recevez l’ordination sacerdotale le jour que l’Église consacre à la célébration de cette unité.
Voici, vous vous trouvez ici le regard fixé sur la perspective du moment qui doit réaliser vos aspirations. Qui doit confirmer votre vocation par la voix de l’Église et moyennant le service de l’Évêque. Qui doit remettre entre vos jeunes mains et confier à la garde de vos cœurs la Très Sainte Eucharistie, dans laquelle est contenu " tout le trésor spirituel de l’Église ", comme l’a justement relevé le Concile Vatican II (Presbyterorum ordinis, n. 5).
C’est comme si les paroles du Psaume responsorial s’adressaient de manière particulière à vous-mêmes : Dieu veille sur ceux qui le craignent, / sur ceux qui espèrent en sa grâce " (Ps 33/32, 18).
Il en est ainsi, chers amis ! Il ne saurait en être autrement ! On ne saurait accomplir ce que nous devons accomplir en ce moment si ce n’est " sous l’œil " du Dieu vivant — si ce n’est en vertu de la surabondance de sa grâce.
Toutes les questions que l’Église vous pose — et celles que vous vous posez vous-mêmes — se réduisent en fin de compte à celle-ci, la principale : la question concernant la fidélité à la Grâce, sur la voie dans laquelle vous entrez aujourd’hui, et sur laquelle vous devrez continuer à marcher.
Ai-je été fidèle à la Grâce du Christ, à la voix du Seigneur, à celles de mon cœur et de ma conscience ? Ai-je été et veux-je être toujours fidèle — à tout prix — à la voix de l’Esprit Saint, à sa lumière et à sa puissance ?
" Notre âme est dans l’attente du Seigneur, / c’est Lui notre secours et notre bouclier. " " Que ta grâce, Seigneur, soit sur nous, / comme nous l’espérons de toi " (Ps 33/32, 20.22).
Oui, chers amis ! C’est pour cela que toute l’Église prie avec vous : Que ta grâce, Seigneur, soit sur eux !
Ainsi unis dans la grâce du Seigneur — et seulement ainsi — j’ose vous appeler et donner à chacun de vous le sacrement, c’est-à-dire le signe et le caractère du sacerdoce ministériel dans l’Église du Christ.
Que vous guide l’Esprit de Dieu ! Qu’il vous soutienne de son témoignage dans votre esprit, car vous avez reçu un esprit de fils adoptifs, et vous pouvez ainsi crier : " Abba, Père " et enseigner ce cri aux autres.
Que l’Esprit Saint soutienne donc de sa lumière votre esprit, vous qui êtes " héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ " (Rm 8, 17) : pour que vous renforciez en vous-mêmes et étendiez aux autres cet immense héritage qui a été donné à l’homme en même temps qu’à Lui, " car nous souffrons avec Lui pour être aussi glorifiés avec Lui " (Rm 8, 17).
Toujours avec Lui !
Pour toute la vie, jusqu’au dernier soupir. En ce moment solennel, je recommande également chacun de vous à sa Mère afin que toute votre vie puisse se réaliser et s’accomplir en union avec le Christ, avec Lui.
Pour la gloire de la Très Sainte Trinité. Amen.
48. A Buenos Aires, rencontre avec les prêtres, religieux et religieuses
11 juin 1982
L’EUCHARISTIE, SOURCE SUPRÊME D’UNITÉ ECCLÉSIALE
Saint-Paul nous présente l’extraordinaire richesse qui jaillit de l’Eucharistie pour notre existence : " Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique " (1 Co 10, 17).
Nous avons là, bien tracé, en peu de paroles, le fondement théologico-existentiel, qui, partant du mystère eucharistique nous conduit à la réalité de la foi, de l’unité ecclésiale, de la correspondance à cet amour, qui est à la racine de notre consécration.
Vous, soyez les consacrés au Christ et à l’Église à l’amour désintéressé pour Lui, à un genre de vie fondé sur la foi, les ministres et témoins de la foi, les supports de la foi et l’espérance des autres.
Cela vous identifie comme des personnes qui vivent très proches des hommes et de la société, de ses douleurs et de ses espérances. Cependant cela vous distingue aussi dans la manière de percevoir et de vivre votre propre existence.
Le sacerdoce est, en effet, une consécration à Dieu en Jésus-Christ pour " servir… la multitude " (cf. Mc 10, 45). Cette consécration est, comme nous le savons, un don sacramentel indélébile, conféré par l’Évêque, signe et cause de grâce.
Le secours de la grâce est nécessaire pour comprendre et pour vivre fidèlement cette consécration. Aussi un prêtre ou une personne consacrée doivent trouver le temps pour des moments d’intimité, seuls avec Dieu, écoutant ce qu’Il a à leur dire dans le silence. Pour cela, il faut être des âmes d’oraison, des âmes de l’Eucharistie.
Et étant des âmes spécialement consacrées, vous devez être des hommes et des femmes qui ont un grand sens de l’unité ecclésiale, que représente et réalise l’Eucharistie. En vivant unis à un Évêque dans et pour l’Église, dans et pour une Église concrète, nous ne sommes pas autonomes ou indépendants, nous ne parlons pas en notre nom personnel, et ce n’est pas nous-mêmes que nous présentons, mais nous sommes " porteurs d’un mystère " (1 Th. 3, 9) infiniment Supérieur à nous.
L’authenticité de ce caractère ecclésial de notre vie est notre union avec l’Évêque et avec le Pape. Une telle union, fidèle et toujours renouvelée, peut parfois être difficile et même comporter des renoncements et des sacrifices. Cependant, n’hésitez pas à accepter les uns et les autres lorsqu’ils sont requis. C’est le " prix, la "rançon" (cf. Mc 10, 45) que le Seigneur vous demande, par Lui et avec Lui, pour le bien "d’un grand nombre" (ibid) et de vous-mêmes ".
Car si tout prêtre, aussi bien diocésain que religieux, est rattaché au Corps épiscopal à travers l’ordre et le ministère, et sert pour le bien de toute l’Église selon la vocation et la grâce de chacun (cf. Lumen G. 28), le religieux de son côté est appelé à une insertion dans l’Église locale de par son propre charisme, à l’affection et au respect envers les Pasteurs, à l’engagement ecclésial et à la mission de l’Église (cf. P. Caritatis, 6).
Ces liens communs à l’intérieur de l’Église doivent aboutir à une union très étroite entre vous-mêmes. L’Eucharistie, source suprême d’unité ecclésiale, doit donner ses fruits constants de communion active, la renouvelant et la fortifiant chaque jour davantage dans l’amour du Christ.
Et ainsi, au-delà des différences et des particularités de chaque personne, groupe ou communauté ecclésiale, que le banquet eucharistique soit le centre permanent de notre communion au même " corps " (cf. 1 Co 10, 17), au même amour, à la même vie de Celui qui voulut demeurer et renouveler sa présence salvatrice, afin que nous vivions de sa propre vie (Jn 6, 51).
La manière concrète de réaliser cette union qu’exige l’Eucharistie doit être la création d’une vraie fraternité. Fraternité sacramentelle, comme l’a traitée le Concile (cf. Presbyterorum ordinis, 8), s’adressant aux prêtres et dont parlait déjà Saint Ignace d’Antioche (ad Mag. 6 ; ad Phil. 5).
Une fraternité qui doit être présence de vie et de service envers les frères, à la paroisse, en chaire, à l’école, à l’aumônerie, à l’hôpital, dans la maison religieuse, dans le bidonville et en n’importe quel autre lieu.
Une fraternité traduite en sentiments, attitudes et gestes dans la réalité de chaque jour.
Ainsi vécue, elle constitue une partie de notre témoignage de crédibilité face au monde. Comme la division et les factions placent des obstacles sur les chemins du Seigneur.
Mais pensons bien que cette fraternité, fruit de l’Eucharistie et vie dans le Christ, ne se limite pas aux frontières de son propre groupe, communauté ou nation. Elle s’élargit et doit comprendre toute la réalité universelle de l’Église, qui se rend présente en tout lieu et Pays autour de Jésus-Christ, salut pour ceux qui composent la famille des fils de Dieu...
En tant que prêtres, religieux ou religieuses, il vous revient de travailler en faveur de la paix et de l’édification mutuelle (cf. Rm 14, 19), tâchant de créer l’unanimité de sentiments des uns envers les autres (cf. Rm 12, 16), enseignant à vaincre le mal par le bien (Rm 12, 21), ouvrant les esprits à l’amour divin, source première de compréhension et de transformation des cœurs (cf. Is 41, 8 ; Jn 15, 14 ; Sant 2, 23 ; 2 Pt 1, 4).
C’est à vous qu’il revient d’exercer le " ministère de la réconciliation " (cf. 2 Co 5, 18), de proclamer les " paroles de réconciliation " qui vous ont été confiées (cf. ibid.). Tout ceci ne s’oppose pas au vrai patriotisme et n’entre pas en conflit avec lui. L’amour authentique envers la Patrie, de laquelle vous avez tant reçu, peut conduire jusqu’au sacrifice ; mais il doit en même temps considérer le patriotisme des autres, afin qu’ils puissent échanger dans la sérénité et s’enrichir dans une perspective d’humanisme et de catholicité.
49. Aux évêques français de la région apostolique nord
9 octobre 1982
AIDEZ VOS PRÊTRES A AVOIR FOI DANS LEUR SACERDOCE
Les prêtres ! Finalement, ils sont encore nombreux dans la plupart de vos diocèses, comparativement à beaucoup de régions du monde ; ils sont tout dévoués à leur ministère et très désirés par les populations. Mais ils sont souvent, dites-vous, désemparés, à la pensée que la moyenne d’âge devient très élevée, qu’il y a si peu d’ordinations, malgré un certain progrès des rentrées au Séminaire, alors qu’il y aurait tant à faire et que les résultats sont maigres dans un monde de mal-croyance. Il faut donc aider vos prêtres à surmonter cette inquiétude qui paralyse. Et qu’il soit bien entendu, une fois de plus, qu’on ne peut renoncer au sacerdoce tel que le Christ l’a institué, ni aux exigences expérimentées avec fruit par l’Église dans la ligne de l’Évangile ; il ne serait pas juste non plus de penser que l’apostolat et les ministères institués des laïcs vont compenser ou remplacer le ministère ordonné des prêtres et des diacres. Ce serait une fausse espérance préparant de nouvelles déceptions. Mais il reste qu’on doit fortifier le prêtre dans la conscience de son identité et de sa mission irremplaçable, appeler encore plus vigoureusement au sacerdoce et mieux articuler certaines tâches avec celles des laïcs.
Ainsi, on fortifiera le prêtre en mettant de nouveau en relief le sens du sacrement de l’Ordre, à savoir la relation spécifique par laquelle le ministre ordonné est uni au Christ-Prêtre et peut agir " publiquement pour les hommes au nom du Christ ", c’est-à-dire " au nom du Christ Tête en personne (Décret Presbyterorum ordinis, n. 2). Oui, avec vous, je voudrais souvent redire aux prêtres tout ce que je leur confiais à Notre-Dame de Paris et dans mes Lettres : Ayez foi en votre sacerdoce ! Vous êtes envoyés par Dieu pour une mission apostolique, que vous partagez avec l’évêque, en participant à celle du Christ Prêtre, médiateur et sanctificateur ! Ainsi vous êtes les annonciateurs autorisés du Message évangélique, garants, en communion avec votre évêque, de la fidélité à la foi de l’Église, et en ce sens guides des autres éducateurs de la foi " !
Vous êtes témoins et dispensateurs de la vie divine ! Vous rendez précisément les laïcs conscients de leur sacerdoce de baptisés et leur permettez de l’exercer pleinement, vous êtes éveilleurs d’apôtres ! Vous êtes chargés de faire autour du Christ l’unité du peuple de Dieu, souvent dispersé et cloisonné, d’harmoniser les charismes pour le bien de l’ensemble ! C’est dire qu’il nous appartient, à nous évêques, en demeurant très proches de nos prêtres, de les rendre toujours plus pénétrés de la grandeur de cette mission sacrée, de cette paternité spirituelle, et, en définitive, très heureux d’être prêtres et serviteurs du peuple de Dieu, tout en leur assurant les conditions d’une vie équilibrée et fraternelle, au besoin communautaire.
Ce sont d’abord de tels prêtres qui susciteront des vocations sacerdotales et religieuses, par leur propre vie, par leurs convictions, par le mystère qu’ils portent en eux et qu’ils rayonnent. Et je vous encourage vivement dans les efforts variés que vous faites pour appeler plus hardiment à ce. ministère, au sein des familles et parmi les jeunes, et, tout autant, pour soutenir ces vocations sur leur chemin spécifique.
Dès lors, les prêtres se consacrant à l’essentiel de leur sacerdoce — comme je le développais devant les évêques du Sud-Ouest — et bénéficiant de la collaboration des diacres permanents qui doivent mieux trouver leur place, il est sûrement possible de prévoir une meilleure articulation des tâches avec les laïcs et une certaine complémentarité en beaucoup de services des communautés chrétiennes.
En définitive, soyons réalistes, en intendants avisés qui savent évaluer les ressources à venir, mais qui ne renoncent pas pour autant à l’espérance d’une forte relève et qui en prennent les moyens.
50. De la place Saint-Pierre
17 octobre 1982
" SI LE PRÊTRE EST L’HOMME DE DIEU, IL EST UN AUTRE CHRIST "
Nous désirons, encore aujourd’hui, vénérer le Mystère de l’incarnation du Verbe par les paroles de Saint Maximilien Kolbe : " Dieu voit la créature la plus parfaite, l’Immaculée (pleine de grâces), Il l’aime et ainsi naît Jésus, Homme-Dieu, Fils de Dieu et Fils de l’homme. En Elle, ensuite, naissent les degrés de ressemblance des fils de Dieu et des hommes, des membres de Jésus " (Ecrits III, p. 678 s.).
J’ai voulu m’exprimer par les paroles du Père Kolbe parce que ce dimanche 17 octobre nous reporte en pensée au 17 octobre 1971, jour où se déroula sa solennelle béatification. En cette période avait lieu la Seconde Assemblée Générale du Synode des Évêques, qui avait pour thème : " Le sacerdoce ministériel et la justice dans le monde. " Paul VI, lors d’une Audience en ces jours du Synode, rappelait la grandeur du sacerdoce catholique, et traçait presque le portrait du Père Kolbe qu’il s’apprêtait à déclarer " bienheureux ", quand il observait : " Si le prêtre est l’homme de Dieu, il est un "autre Christ", il est le signe qu’un influx de grâce est passé dans l’histoire de sa vie : il a été un appelé, un élu, un préféré de la miséricorde du Seigneur. Il l’a aimé d’une manière particulière ; Il l’a marqué d’un caractère spécial, il l’a ainsi rendu apte à l’exercice du pouvoir divin ; Il l’a épris de Lui, au point de mûrir en lui l’acte d’amour le plus total, le plus grand dont un cœur humain soit capable : l’oblation totale, perpétuelle, heureuse de soi... Il a eu le courage de faire de sa vie une offrande, propre comme Jésus, pour les autres, pour tous, pour nous " (13 octobre 1971). Paroles grandes, vraies et sublimes, qui sont la synthèse doctrinale et pastorale des actes du Synode, si importantes et toujours valables.
Je me rappelle que le Cardinal Duval, Président du Synode, dans son adresse d’hommage au Pape, faisant mention de la béatification du Père Maximilien Kolbe, disait : " Son témoignage est très vif et lumineux : Je suis un prêtre catholique — dit-il dans ce camp de concentration. Qu’aucun prêtre ne doute de sa propre identité quand il s’agit de se sacrifier pour les frères ! L’exemple du Père Kolbe a enseigné plus que tous nos travaux. " Même le regretté Cardinal Wyszynski, Primat de Pologne, relevait alors que la Providence avait indiqué dans le Père Kolbe le modèle du Prêtre moderne : " Le Prêtre qui offre sa vie dans le "Bunker" de la faim, pour son Frère prisonnier, est ce prêtre-exemple qui choisit la mort pour sauver la vie d’un autre homme. Il est le disciple fidèle du Christ, car le Sacerdoce du Christ, se prolongeant éternellement, s’actualise même aujourd’hui " (Discours au cours de la rencontre des pèlerins polonais avec le Pape, le 18 octobre 1971).
Je veux aujourd’hui manifester mon vif désir que ce lien entre Saint Maximilien et la vocation, la vie et le service des prêtres, mis en évidence par Paul VI et par le Synode des Évêques, se renouvelle et se fortifie encore plus à la suite de sa canonisation.
Prions à cette intention en récitant " l’Angelus ".
51. A la messe pour les séminaristes romains
26 octobre 1982
CONFORMEZ VOTRE VIE A CELLE DU CHRIST
" Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté. "
Ce verset qui a servi de refrain au psaume 39 (v. 8s) et que l’auteur de la Lettre aux Hébreux applique au Christ, grand prêtre éternel de la nouvelle Alliance (cf. Hb 10, 5-10), nous fournit le thème principal de notre réflexion pour cette célébration d’aujourd’hui qui vous réunit, vous, bien chers élèves du Grand Séminaire de Rome, autour de votre évêque, au début de cette nouvelle année scolaire.
Comme les disciples de Jésus, chacun de vous a entendu un jour, au plus profond de son cœur, les paroles du Christ : " La moisson est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux " (Mt 9, 37). En acquérant de la maturité d’esprit à l’aube de votre jeunesse, en vous ouvrant aux différentes expressions culturelles si complexes du monde contemporain, en constatant l’écart qui existe entre les idéaux poursuivis et les échecs de tant de réalisations, surtout dans le domaine social, vous vous êtes aperçus que, bien souvent, la semence de la Parole de Dieu n’arrive pas, faute d’ouvriers et de semeurs, dans bien des secteurs et, en particulier, n’atteint pas nombre d’intelligences et de cœurs. Alors, avec enthousiasme et générosité, vous vous êtes donnés à Dieu dans une totale disponibilité, afin d’être, dans ses mains, des instruments dociles et d’offrir votre apport personnel à son dessein d’amour et de salut sur l’humanité. Vous aussi, en union avec le Fils de Dieu incarné, vous avez dit : " Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté " ; comme Jésus, me voici pour parcourir les routes de ce monde en enseignant et en proclamant l’Évangile du Royaume (cf. Mt 9, 35) ; vous aussi, votre sensibilité vous a fait percevoir les foules d’hommes et de femmes, de jeunes, de pauvres qui sont en quête de vérité, de justice, de paix, de joie ; vous vous êtes rendu compte que ces foules étaient " fatiguées et abattues ", déçues par tant de promesses lancées par des idéologies changeantes. Vous avez alors compris que cela valait vraiment la peine de consacrer totalement toute votre vie, toutes vos énergies, pour suivre Jésus afin de rendre à vos frères, à vos soeurs, le sens profond de la foi et de l’espérance chrétienne
Vous avez donc voulu suivre Jésus pour avoir part à son sacerdoce ministériel.
Mais cette participation est un privilège, un don du Très Haut, qui vous configure mystérieusement au Christ ; de par votre sacerdoce, votre vie tout entière acquerra une bipolarité fondamentale Dieu et les hommes. Appelés par Dieu, vous serez établis " au service des hommes dans leurs relations avec Dieu " (Hb 5, 1).
Chacun de vous médite certainement en ce moment sur " l’histoire de sa propre vocation " : une histoire unique, singulière, dans laquelle s’entrecroisent des événements et des faits absolument personnels, qui ne sont connus que de Dieu et de vous ; une histoire à l’origine de laquelle il y a un geste d’amour infini et personnel de la part de Jésus, le Fils incarné de Dieu. Comme les disciples et les apôtres, vous aussi, vous avez un jour compris, de la façon la plus inattendue et la plus inexplicable qui soit, qu’Il vous adressait son invitation persuasive et péremptoire " Suis-moi ! " (cf. Mt 8, 22 ; Mc 2, 14). Vous avez alors manifesté votre disponibilité à vos Pasteurs et à ceux qui suivent maintenant votre vocation.
Mais suivre le Christ pour avoir part au don de son sacerdoce ministériel exige et requiert de la générosité, de l’abnégation, de la constance ; cela demande aussi une longue formation de caractère spirituel, allant de pair avec la prière et la discipline, ainsi qu’une formation de caractère culturel. Tout cela vous est donné au séminaire qui vous offre un endroit et un climat idéal pour cette formation, car vos supérieurs et leurs collaborateurs travaillent dans un but commun.
En ce moment de votre vie si délicat, il est indispensable que votre cheminement spirituel soit orienté vers la conformité de votre vie à celle du Christ en toutes choses, mais surtout dans son amour et son zèle infatigables pour les âmes. Avec Saint Jérôme, il semble dire à chacun de vous : " Veille à prêcher l’Évangile autant à la campagne qu’à la ville et dans les châteaux, c’est-à-dire parmi les grands comme parmi les petits. Ne regarde pas à la puissance des nobles mais au salut des croyants. Il parcourait les villes avec la tâche que lui avait confiée le Père et le grand désir de sauver les gens par son enseignement. "
Je confie ces souhaits ainsi que votre idéal et vos résolutions à la Très Sainte Vierge, Mère de toute confiance, afin qu’elle vous apprenne à être, comme elle l’a été, toujours disponibles pour le projet de Dieu et prêts à vous mettre au service des âmes.
Amen !
52. Valence : la messe pour les ordinations sacerdotales
8 novembre 1982
CÉLÉBRER L’EUCHARISTIE, C’EST LA RACINE ET LA RAISON D’ÊTRE DE VOTRE SACERDOCE
Chers Confrères dans le sacerdoce,
Chers Frères et Soeurs,
Nous sommes aujourd’hui les témoins d’un grand événement Cent quarante et un diacres venus de toute l’Espagne vont recevoir l’ordination sacerdotale. A cette célébration eucharistique s’associent de nombreux prêtres des divers diocèses de votre patrie. Ils ont été invités en cette ville pour revivre le jour de leur ordination.
Le mystère de l’appel de Dieu
En quoi consiste la grâce du sacerdoce que vont recevoir ces jeunes gens ?
Chers diacres, vous le savez bien, vous qui vous êtes préparés avec soin pour ce moment sacramentel. Vous le savez aussi, chers prêtres, qui portez " le joug aisé et le fardeau léger " (cf. Mt 11, 30) du sacerdoce. Vous le savez également, chrétiens de Valence et d’Espagne qui accompagnez vos prêtres et vivez avec eux la joie de votre sacerdoce commun, distinct mais non séparé du sacerdoce ministériel.
Dans cette célébration, je parlerai d’abord aux diacres qui vont être ordonnés. Mais, en eux, je vois l’ordination, récente ou lointaine, de chacun de vous, prêtres d’Espagne, et je vous invite à raviver le don que Dieu a déposé en vous par l’imposition des mains (cf. 2 Tim 1, 6).
Le sacrement de l’ordre est profondément enraciné dans le mystère de l’appel que Dieu adresse à l’homme. Dans l’élu se réalise le mystère de la vocation divine. Nous le révèle la première lecture tirée du livre du prophète Jérémie.
Dieu manifeste à l’homme sa volonté : " Avant même que je te forme dans le ventre, je te connaissais et avant que tu viennes au jour, je t’avais consacré, je t’avais placé comme prophète pour les nations ! " (Jérémie 1, 5).
L’appel de l’homme est avant tout en Dieu : dans son esprit et dans son élection que Dieu lui-même réalisa et que l’homme doit lire dans son propre cœur. En percevant clairement cette vocation qui vient de Dieu, l’homme se rend compte de sa propre insuffisance. Il cherche à se défendre devant la responsabilité de l’appel. Il dit comme le prophète : " Ah ! Seigneur Yahvé, voilà que je ne sais pas parler, car je suis un enfant ! " (Jérémie 1, 6). Ainsi l’appel se transforme en un dialogue intérieur avec Dieu et parfois il ressemble à une dispute avec Lui.
Devant les réserves et les difficultés que l’homme oppose avec raison, Dieu indique le pouvoir de sa grâce. Et le pouvoir de cette grâce obtient que l’homme réalise l’appel : " Vers tous ceux vers qui je t’enverrai et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras. Ne crains rien de leur part, car je suis avec toi pour te sauver (...). Voici que j’ai mis mes paroles dans ta bouche " (Jérémie 1, 7-10).
Il est nécessaire, mes chers Frères et bien-aimés Fils, de méditer avec le cœur ce dialogue entre l’homme et Dieu pour trouver constamment la structure de votre vocation. Ce dialogue s’est déjà réalisé en vous qui allez recevoir l’ordination sacerdotale. Et il devra continuer, sans fin, durant toute votre vie grâce à la prière, caractère distinctif de votre piété sacerdotale.
L’identité du prêtre
Dans la conscience de votre appel de la part de Dieu, le secret de votre identité sacerdotale est en même temps enraciné. Les paroles du prophète Jérémie suggèrent cette identité du prêtre comme appelé par une élection, consacré par une onction, envoyé pour une mission. Appelé par Dieu en Jésus-Christ, consacré par Lui avec l’onction de son Esprit, envoyé pour réaliser sa mission dans l’Église.
Les enseignements de l’Église au sujet du sacerdoce, inspirés par la Révélation, recueillis, pour ainsi dire, sur les lèvres de Dieu, peuvent dissiper n’importe quel doute sur l’identité sacerdotale.
Avant tout, notre Seigneur Jésus-Christ, éternel et souverain Prêtre, est le point de référence central. Il y a un seul Souverain Prêtre, Jésus-Christ (cf. Lumen Gentium, 28. Heb. 7, 24. 8, 1), oint et envoyé au monde par le Père (cf. Presbyterorum ordinis, 2 ; Jn 10, 36). Participant selon le degré propre de leur ministère à ce sacerdoce unique, les évêques et les prêtres doivent continuer dans le monde la consécration et la mission du Christ. Participants de l’onction sacerdotale du Christ et de sa mission, les prêtres agissent " in persona Christi " (Lumen Gentium, 28).
C’est pourquoi ils reçoivent l’onction de l’Esprit Saint. Oui, vous allez recevoir l’Esprit de Sainteté, comme le dit la formule de l’ordination, afin qu’un caractère sacré spécial vous fasse ressembler au Christ pour pouvoir agir en son nom (cf. Presbyterorum ordinis, 2).
Consacrés par le ministère de l’Église, vous participerez de sa mission salvatrice comme " coopérateurs de l’ordre épiscopal " et vous devrez être unis aux évêques, conformément à la belle formule de Saint Ignace d’Antioche " comme les cordes à la lyre "(Ad Ephesios, 4). Envoyés à une communauté particulière, vous rassemblerez la famille de Dieu, l’instruisant avec la parole, pour la faire " croître dans l’unité " (Presbyterorum ordinis, 2) et " par le Christ la conduire à l’Esprit du Père " (ibid, 4).
Importance du célibat
Appelés, consacrés envoyés. Cette triple dimension explique et détermine votre conduite et le style de votre vie. Vous êtes " mis à part " mais vous n’êtes pas " séparés " (Presbyterorum ordinis, 3). Vous pouvez ainsi vous consacrer totalement à l’œuvre qui va vous être confiée : le service de vos frères.
Comprenez donc que la consécration que vous recevez vous absorbe totalement, vous dédie radicalement, fait de vous des instruments vivants de l’action du Christ dans le monde, prolongement de sa mission pour la gloire du Père.
A cela correspond votre don total au Seigneur. Ce don total est un engagement de sainteté. " Imiter ce dont vous traitez ", comme le dit l’Exhortation du Pontifical Romain...
Dans ce contexte de don total, d’union au Christ et de communion, de consécration exclusive et définitive à l’œuvre du Père, l’obligation du célibat se comprend facilement. Ce n’est ni une limitation ni une frustration. C’est l’expression d’une pleine donation, d’une consécration particulière, d’une disponibilité absolue. Au don que Dieu accorde dans le sacerdoce correspond la donation par l’élu de tout son être, de tout son cœur et de tout son corps, avec, référée à l’amour du Christ et à la donation totale à la communauté de l’Église, la signification nuptiale qu’a le célibat sacerdotal.
L’âme de cette donation est l’amour. Avec le célibat on ne renonce pas à l’amour, à la faculté de vivre l’amour et de le signifier dans la vie : le cœur et les facultés du prêtre sont imprégnés de l’amour du Christ pour être, au milieu des frères, témoin d’une charité pastorale sans frontières.
L’amour pour le Christ et le troupeau qu’il lui confie unifie la vie du prêtre
Le secret de cette charité pastorale se trouve dans le dialogue que le Christ entretient avec chacun de ses élus, comme il le maintient avec Pierre, selon la parole de l’Evangile que nous avons proclamé. C’est la demande concernant l’amour spécial et exclusif pour le Christ faite à qui a reçu une mission particulière et a pu expérimenter la désillusion de sa propre faiblesse humaine.
Le Seigneur ressuscité ne se rend pas près de Pierre pour l’admonester ou le châtier pour sa faiblesse ou pour le péché commis lorsqu’il l’a renié. Il vient lui demander son amour. Et ceci a pour chacun de vous une énorme importance : " M’aimes-tu ? " (Jn 21, 17). M’aimes-tu encore ? M’aimes-tu de plus en plus ? " Oui ! Car l’amour est toujours plus grand que la faiblesse et que le péché. Et lui seul, l’amour, découvre des perspectives toujours nouvelles de renouvellement intérieur et d’union avec Dieu, également par l’expérience de la faiblesse du péché.
Le Christ donc s’informe au sujet de l’amour. Et Pierre répond : " Seigneur tu sais tout ; tu sais que je t’aime " (Jn 21, 17). Il ne répond pas : " Oui, je t’aime " ; il se fie plutôt au cœur du Maître et à sa connaissance ; il répond : " Tu sais que je t’aime. "
Ainsi, à cause de cet amour professé trois fois, Jésus ressuscité confie à Pierre ses brebis. Et il les confie à vous de la même manière. Il est nécessaire que votre ministère sacerdotal enfonce de vigoureuses racines dans l’amour du Christ Jésus.
L’amour sans partage pour le Christ et pour le troupeau qu’il va vous confier unifie la vie du prêtre et les diverses expressions de son ministère (cf. Presbyterorum ordinis, 14).
Avant tout, configurés avec le Seigneur, vous devez célébrer l’Eucharistie qui n’est pas un acte " en plus " de votre ministère c’est la racine et la raison d’être de votre sacerdoce. Vous serez prêtres avant tout pour célébrer et actualiser le sacrifice du Christ " toujours vivant pour intercéder en leur faveur " (Héb. 7, 25). Ce sacrifice unique, non réitérable, se renouvelle et se rend présent dans l’Église de façon sacramentelle par le ministère des prêtres.
L’Eucharistie se transforme ainsi en mystère qui doit façonner intérieurement votre existence. D’une part vous offrez sacramentellement le Corps et le Sang du Christ. D’autre part, unis à Lui, — in persona Christi — vous offrez votre personne et votre vie, afin qu’assumées et comme transformées par la célébration du sacrifice eucharistique, elles soient également transfigurées extérieurement avec Lui, participant des énergies rénovatrices de sa Résurrection.
L’Eucharistie sera le point culminant de votre ministère d’évangélisation (cf. Presbyterorum ordinis, 4), sommet de votre vocation priante, de glorification de Dieu et d’intercession pour le monde. Et de jour en jour, votre sacerdoce se consumera par la communion eucharistique.
Saint Vincent Ferrier, l’Apôtre et thaumaturge de Valence, disait que " la messe est le meilleur acte de contemplation qui puisse être offert ". Oui, voilà la vérité. C’est pourquoi vous êtes tous invités à alimenter et à vivifier votre propre activité par " l’abondance de la contemplation " (Lumen Gentium, 41) qui trouvera une source inépuisable dans la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, dans la liturgie des heures, dans la prière mentale quotidienne, dans la méditation amoureuse des mystères du Christ et de la Vierge par la récitation du chapelet.
Consacrés pour servir
La consécration que vous allez recevoir vous rend aptes au service, au ministère du salut pour être comme le Christ " les consacrés du Père " et les " envoyés au monde " (Jn 10, 30).
Vous devrez vous dédier aux fidèles du Peuple de Dieu pour qu’ils soient, eux aussi " consacrés dans la vérité " (cf. Jn 17, 17). Le service en faveur des hommes n’est pas une dimension différente de votre sacerdoce : il est la conséquence de votre consécration.
Accomplissez vos tâches ministérielles comme tout autre acte de votre consécration, convaincus que toutes ces tâches se résument en une seule : rassembler la communauté qui vous sera confiée à la gloire de Dieu le Père par Jésus-Christ et dans l’Esprit pour que l’Église du Christ soit sacrement de salut. C’est pour cela que vous évangéliserez, que vous vous consacrerez à la catéchèse des enfants et des adultes ; pour cela que vous serez toujours prêts à célébrer le sacrement de la réconciliation et pour cela que vous visiterez les malades et aiderez les pauvres " étant tout à tous pour les gagner tous " (cf. 1 Cor 9, 22).
Ne craignez pas qu’en faisant ceci vous vous sépariez de vos fidèles et de ceux à qui est destinée votre mission. Vous en seriez bien plus séparés si vous oubliez ou négligiez le sentiment de la consécration qui distingue votre sacerdoce. Être un de plus dans la profession, dans le style de vie, dans la manière de se vêtir, dans l’engagement politique, ne vous aiderait pas à réaliser pleinement votre mission, vous tromperiez vos fidèles qui veulent que vous soyez totalement prêtres : liturges, maîtres, pasteurs sans négliger pour autant d’être comme le Christ, des frères et des amis.
C’est pourquoi, de votre totale disponibilité pour Dieu vous ferez une disponibilité pour vos fidèles. Donnez-leur le vrai pain de la parole, en pleine fidélité à la parole de Dieu et aux enseignements de l’Église. Facilitez-leur l’accès aux sacrements et, en premier lieu au sacrement de la pénitence, signe et instrument de la miséricorde de Dieu et de la réconciliation opérée par le Christ (cf. Redemptor hominis, 20), en étant vous aussi assidus à la recevoir. Aimez les malades, les pauvres, les marginaux ; engagez vous en faveur de toutes les causes justes des travailleurs ; consolez les affligés, donnez l’espérance aux jeunes. Montrez-vous en tout " ministres du Christ " (2 Co 6, 8).
Dans la liturgie de la parole ont été proclamées ces expression connues de la première épître de Saint Pierre, adressée aux " Anciens ", aux " presbytres ", à tous les prêtres ici présents.
Vous êtes, précisément vous réunis ici, les " presbytres ", les " anciens ". Et les jeunes qui recevront aujourd’hui cette ordination se convertiront, eux aussi, en " anciens ", responsables de h communauté.
Méditez bien ce que vous demande Pierre, l’ancien, témoin de souffrances du Christ et participant de la gloire qui devait s manifester " (1 Pet 5, 1). Que vous demande-t-il ?
Il vous prie d’accomplir le ministère pastoral qui vous a été confié : " non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide mais avec l’élan du cœur " (1 P. 3). Oui avec généreux dévouement, et comme modèles vivants du trou peau (cf. 1 Pet 5, 3).
Voilà le programme apostolique de la vie sacerdotale et di ministère sacerdotal que Dieu vous a confié un jour. Il n’a rien perdu de son actualité substantielle. C’est un programme vivant un programme pour aujourd’hui. Vous devez l’avoir fréquemment sous les yeux, dans votre âme pour y voir réfléchis, comme par un miroir, votre vie et votre ministère.
Si vous agissez ainsi, comme vous le conseille la multitude de saints prêtres qui, dans votre patrie ont été les témoins du Christ vous recevrez, quand paraîtra le " Pasteur Suprême ", cette " couronne incorruptible de la gloire " (ibid. 4).
Mes chers Frères dans le sacerdoce, le successeur de Pierre que vous parle, vous répète ce message ; et il voudrait que, le jour de cette grande ordination sacerdotale et dans cette célébration de la grâce du sacerdoce dans toute l’Espagne, il s’imprime dans vous âmes, dans le cœur de chaque prêtre. Soyez fidèles à ce message qui vient du Christ !
Puisse cette célébration apporter à toute l’Église d’Espagne un renouvellement de la grâce inépuisable du sacerdoce catholique ; une plus grande unité entre tous ceux qui ont reçu la même grâce du sacerdoce ; un accroissement considérable des vocations sacerdotales parmi la jeunesse, attirée par le joyeux exemple de votre dévouement et de celui des nombreux séminaristes ici présents, que je salue un à un pour les affermir et les encourager dans leur vocation.
Que la Vierge Marie, que Valence vénère sous le doux titre de Mère des Abandonnés, se penche avec amour sur vous et fasse de vous de fideles disciples du Seigneur Accueillez-là comme Mère, comme Jean qui l’accueillit comme telle au pied de la Croix (cf Jn 19, 6-27) Que chacun puisse se dire, lui aussi, dans la grâce du sacerdoce, " Totus tuus " en s’adressant à Marie.
Que le Seigneur ressuscité présent parmi nous vous considère avec amour, mes chers prêtres et futurs prêtres, et qu’il vous répète sa question au sujet de votre amour sincère et loyal :
" M’aimes-tu ? ". Et puisse aussi chacun de vous répondre aujourd’hui et toujours : " Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime " (Jn 21, 17) Ainsi votre ministère sera un fidèle et fécond service d’amour dans l’Église pour le salut des hommes.
Que le souvenir de cette ordination solennelle en présence du Pape augmente votre foi en Jésus-Christ, Prêtre Éternel, qui communique son sacerdoce pour le salut de tous les hommes.
53. Valence : entretien avec les prêtres et les séminaristes
8 novembre 1982
SOYEZ TOUJOURS LES AMIS FIDÈLES DE L’AMI FIDÈLE !
Très chers Prêtres et Séminaristes,
Nous avons vécu aujourd’hui une journée vraiment sacerdotale, avec l’ordination d’un nombreux groupe de jeunes qui ont été marqués du sceau du Christ pour se consacrer au service de l’Église.
Cette nouvelle rencontre ici, dans le cadre du Séminaire de Moncada, prolonge les moments sacerdotaux que nous avons vécus ensemble à la Messe de La Alameda.
Les prêtres nouvellement ordonnés, les prêtres et séminaristes présents m’ont fait penser aux 23 000 prêtres diocésains et aux 1 700 élèves des grands séminaires d’Espagne. Ici, vous les représentez tous. Il faut leur associer également les 10 000 religieux prêtres et les 1500 séminaristes religieux.
Combien grande est votre force — en raison du nombre et de la capacité, si vous savez renouveler chaque jour la grâce qui a été ou qui sera mise en vous par l’imposition des mains ! La force du Christ, qui vous a choisis, qui vous accompagne, qui veut continuer à réjouir votre jeunesse, qui est votre meilleur ami., qui perçoit dans votre âme l’amour d’une consécration à Lui-même.
Vous êtes les favoris, les intimes du Seigneur. Dans la société du XX° siècle vous êtes les premiers amis de Jésus sur le sol espagnol. N’oubliez jamais cette réalité quand la lassitude humaine, la douleur, la solitude ou l’incompréhension d’autrui menacent de refroidir votre enthousiasme ou de semer le doute dans votre esprit.
Je sais parfaitement que la plus grande tentation, le plus grand danger de votre vie peut être le découragement, étant donné qu’il arrive, dans le monde sécularisé d’aujourd’hui, que la figure du prêtre ne soit plus comprise ou qu’on n’en tienne plus justement compte.
Mais ceci, jusqu’à un certain point, ne doit pas vous étonner ; en effet, comment pourrait-on comprendre ce qui tient son fondement de l’éternité sans avoir une vision de foi ? Comment pourrait-on vous apprécier quand on part d’une optique différente ?
Toutefois ceux qui n’apprécient pas ce que vous êtes sont loin de constituer une majorité. Il y a tant de personnes, de familles et de groupes qui attendent de vous tout, ce que vous pouvez leur donner : la parole du salut, les sacrements, l’amour du Christ, l’orientation vers une vie plus morale et plus humaine. Si vous êtes d’authentiques porteurs de ce don, vous verrez combien pleinement votre vie se réalise dans cette mission.
Je vous encourage donc à la poursuivre avec enthousiasme, dans un esprit de foi. Avec une vision pleine d’espérance et d’optimisme. Cette espérance et cet optimisme qui jaillissent de la certitude qu’au milieu des difficultés nous trouvons à nos côtés. Celui qui nous comprend, qui nous aide et donne de la valeur à tout effort fait pour Lui.
En levant les bras pour vous bénir je désire élargir le geste et vous embrasser tous, comme père et comme frère. Pour prier notre Mère commune, la Mère de Jésus et la nôtre pour qu’elle fasse de nous les amis fidèles de l’Ami fidèle.
Ainsi soit-il !
54. Aux évêques de Hollande en visite " ad limina "
22 janvier 1983
QUE LES PRÊTRES SOIENT AU CŒUR DE VOS PRÉOCCUPATIONS
La réflexion sur l’Eucharistie nous conduit tout naturellement à une considération sur le sacerdoce. La distinction théologique, entre le sacerdoce ministériel ou sacramentel et le sacerdoce commun à tous les fidèles trouve une application immédiate à propos de la célébration de l’Eucharistie. L’enseignement absolument continu de l’Église sur le ministre de l’Eucharistie, et de. nouveau rappelé par le Concile Vatican II dans la Constitution dogmatique sur l’Église, est clair : " Celui qui a reçu le sacrement ministériel jouit d’un pouvoir sacré... pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offrir à Dieu au nom du peuple, tout entier " (n. 10). Il n’est point d’Église sans Eucharistie, et il n’y a pas d’Eucharistie sans prêtre. Comment pourrait-il exister une Église sans le sacerdoce ordonné ?
Durant les assemblées du Synode de janvier 1980, comme au cours des trois années qui ont suivi, les prêtres étaient et demeurent, à juste titre, au cœur de vos préoccupations, à savoir leur ministère, leur vie spirituelle, la relève des vocations sacerdotales et la formation des futurs prêtres. Il existe des signes évidents de votre sollicitude en ce domaine, par exemple la lettre sur le sacerdoce ministériel, intitulée " Serviteur dans la communauté de Dieu ", que Monsieur le Cardinal Johannes Willebrands a publiée en tant que Président de votre Conférence ; la lettre pastorale de Carême que le Cardinal a également fait paraître en 1982 sur le problème des " vocations sacerdotales ". Et il y a d’autres efforts concrets que vous êtes en train de faire pour susciter et préparer de futurs prêtres.
Le sacerdoce ministériel est en effet un don de l’Esprit Saint à l’Église et à l’humanité. Lorsque, dans la lettre mentionnée sur le sacerdoce ministériel, il est affirmé que sans l’ordination sacramentelle par l’Évêque, il n’y a pas de véritable ministère sacerdotal, on fait très bon écho à l’authentique doctrine catholique. " C’est cela (le don de l’Esprit) que nous avons reçu du Seigneur à travers les apôtres. Nous n’avons pas ici d’alternative. "
Si le Seigneur a voulu dans l’Église le ministère sacerdotal avec les caractéristiques dont nous avons parlé, Lui-même donnera à la communauté de ses fidèles les prêtres nécessaires pour enseigner la foi et pour administrer les sacrements, spécialement pour célébrer l’Eucharistie et pour être les ministres de son pardon. Au cours du Synode particulier, vous avez exprimé l’espoir de trouver des prêtres en nombre suffisant, et votre confiance dans le Maître de la moisson. Mais il faut beaucoup prier, selon la parole même du Christ " Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Lc 10, 2 ; Mt 9, 38). A ce sujet, permettez-moi de vous adresser un appel ardent, à vous Frères très chers, mais aussi à vos prêtres et à vos fidèles, pour que dans les communautés chrétiennes et dans les familles, la prière qui obtiendra du Seigneur cette multiplication de jeunes désireux de se consacrer totalement au service du Seigneur devienne plus fréquente et plus fervente. En outre, il importe que rien ne soit négligé pour créer et favoriser les conditions psychologiques, spirituelles et ambiantes, dans lesquelles les germes de vocations — que le Christ ne cesse d’accorder à son Église — puissent se développer de manière adéquate et parvenir à leur maturité. La fidélité au Christ nous engage tous Vous avez d’ailleurs exprimé " la volonté d’être secondés par un clergé célibataire et de recruter des aspirants à une telle vocation " (Conclusion 25 et cf. 21).
D’autres Églises locales qui ont connu pareillement une crise des vocations sont en train d’en sortir. L’Église entière et le Pape partagent votre espérance et soutiennent par la prière les efforts que vous accomplissez en ce domaine absolument capital et sont également convaincus, avec vous, que la formation des candidats au sacerdoce doit être non seulement intellectuelle, mais aussi spirituelle et pastorale. Tout cela est précisé dans les documents du Concile Vatican II, y compris la certitude qu’une telle formation ne peut être assurée que dans de véritables séminaires (cf. conclusion 26).
55. Aux prêtres du Salvador
6 mars 1983
CONFIRMER L’IDENTITÉ DE VOTRE SACERDOCE ET L’ENGAGEMENT DE VOTRE MISSION
Suivant le conseil du Maître, je viens à vous, prêtres d’une Église qui a souffert et souffre encore, comme frère (cf. Mt 23, 8) et ami (cf. Jn 15, 14-15) ; et aussi comme témoin des souffrances du Christ (cf. Pr 5, 1).
Je voudrais vous saluer, un à un vous appeler par votre nom, écouter vos expériences, parvenir avec chacun d’entre vous jusqu’à la place où se déroule votre ministère auprès du Peuple de Dieu, dans les villes et dans les villages, parmi les gens de la campagne et les ouvriers. Je voudrais surtout vous redire mon affection la plus profonde, la reconnaissance de toute l’Église pour votre témoignage sacerdotal, l’encouragement à rester fidèles même au milieu des difficultés.
En ce bref moment d’intense communion sacerdotale, je veux vous confier quelques réflexions qui naissent de mon désir de confirmer en vous l’identité de votre sacerdoce et l’engagement de votre mission ici et maintenant.
Dans notre vie sacerdotale nous devons raviver constamment cette grâce qui nous a été donnée par l’imposition des mains (cf. 2 Tm 1, 6), comme on ravive la flamme dans la braise. Le souvenir de la grâce sacerdotale, qui demeure en nous pour toujours en vertu du caractère, nous permet de nous renouveler en cette grâce de configuration au Christ et de consécration dans l’Esprit Saint. C’est la grâce d’une maturité humaine et chrétienne : " Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais de puissance, d’amour et de modération N’aie donc pas honte du témoignage à rendre à Notre Seigneur " (2 Tm 1, 7-8)
Par l’ordination nous sommes des ministres qui agissent " in persona Christi " " in virtute Spiritus Sancti ", avec une plénitude humaine fortifiée par cette grâce. Et cette vérité exprime la richesse d’un service ecclésial qui a pour modèle le Christ, l’envoyé du Père, et compte, pour remplir sa mission, sur la force de l’Esprit. C’est seulement en pensant à cette grâce que notre faiblesse ne doit pas nous effrayer, que nos forces ne doivent pas fléchir. Nous n’avons pas à craindre en présence des difficultés qui, vous le savez par expérience, se présentent dans l’exercice de notre ministère de grâce et de réconciliation.
En effet, parfois la charité pastorale qui doit nous animer et le désir de conserver la paix et la communion exigent de vous le don de la vie, offerte moments par moments en une oblation quotidienne, ou dans l’offrande totale comme certains de vos frères.
Avec le souvenir de la fidélité au Christ, notre unique Maître, et à son Évangile, je veux vous exhorter à maintenir vivante et intègre la doctrine de la foi de l’Église, pour laquelle il vaut la peine de s’engager jusqu’au don de la vie.
La donner pour une idéologie ne vaut pas la peine, ni pour un Évangile mutilé ou pour une option de parti. Le prêtre, à qui est confié l’Évangile et la richesse du dépôt de la foi, doit être le premier à s’identifier à cette intégrité doctrinale, afin d’être à son tour celui qui transmet fidèlement la doctrine de l’Église, en communion avec son magistère. Une transmission de la foi qui ne se limite pas au propre diocèse ou Pays, mais qui doit s’ouvrir à la dimension missionnaire de l’Église.
Dans ce but, pour être éducateur de la foi du peuple, le prêtre doit se nourrir de l’Évangile aux pieds du Maître, dans les heures d’oraison personnelle, de méditation de l’Écriture, de louange au Seigneur par la liturgie des Heures, il doit approfondir et tenir à jour la compréhension ecclésiale du message, par une formation permanente, tellement nécessaire aujourd’hui pour scruter, préciser et actualiser les connaissances de la théologie dans ses différentes dimensions dogme, morale, liturgie, pastorale, spiritualité Tout cela appuyé sur une authentique théologie biblique.
Ne décevez pas les pauvres du Seigneur
Votre peuple, simple et intelligent, attend de vous cette prédication intègre de la foi catholique semée à pleines mains dans le terrain fertile d’une foi traditionnelle et accueillante, d’une piété populaire qui, si elle doit toujours être évangélisée, constitue déjà le champ labouré par l’Esprit Saint pour recevoir cette évangélisation et cette catéchèse.
Les circonstances douloureuses qui traversent vos pays, ne sont-elles pas une exigence pour intensifier ces semailles ? Votre peuple ne demande-t-il pas des raisons de croire et d’espérer, des raisons pour aimer et pour construire, qui ne peuvent venir que du Christ et de son Église ?
Ne décevez donc pas les pauvres du Seigneur qui vous demandent le pain de l’Évangile, l’aliment robuste de la foi catholique sûre et intègre, afin qu’ils sachent discerner et choisir en présence d’autres prédications et idéologies qui ne sont pas le message de Jésus-Christ et de son Église. C’est dans cette tâche ecclésiale que réside votre mission prioritaire. Rappelez-vous, mes chers frères, que — comme je l’ai dit aux prêtres et aux religieux du Mexique — " vous n’êtes pas des dirigeants sociaux, des leaders politiques ou des fonctionnaires d’un pouvoir temporel " (27 janvier 1979).
Votre parole fidèle et autorisée est attendue par une jeunesse généreuse, qui déjà ne croit pas aux faciles promesses d’une société capitaliste ou qui parfois succombe en face du mirage d’un compromis révolutionnaire qui veut changer les choses et les structures, en recourant même à la violence Beaucoup de jeunes n’attendent-ils pas l’annonce d’un Christ qui sauve et libère, qui change le cœur et provoque une pacifique mais décisive révolution, fruit de l’amour chrétien. Et s’ils sont fascinés par d’autres leaders, n’est-ce pas parce qu’on ne leur a pas présenté le Christ d’une manière adéquate et sans déformations ?
Serviteurs de la communion ecclésiale
Vous êtes des prêtres avec une grave responsabilité, à cette heure de l’Église dans vos nations. Dans vos mains repose une tâche nécessaire de communion et de dialogue.
Le prêtre est en effet le serviteur de la communion ecclésiale. Il a le devoir de réunir la communauté chrétienne pour vivre l’Eucharistie de manière qu’elle soit la célébration du mystère de Jésus, la source et l’école de la vie des communautés. Pour cela, sa place est avant tout à l’autel, pour prêcher la parole et célébrer les sacrements, pour offrir le sacrifice et distribuer le pain de la vie
Les fidèles qui ont besoin d’une parole de conseil et de consolation veulent voir le prêtre disponible et facile à identifier, même par la manière de se vêtir ; tous ceux qui ont besoin de la grâce du pardon et de la réconciliation attendent qu’il leur soit facile de rencontrer le prêtre dans l’exercice de cet indispensable mystère de salut, où le contact personnel facilite la croissance et la maturité des chrétiens.
Aujourd’hui plus que jamais, en face du manque de prêtres et des grandes exigences de la communauté ecclésiale, le prêtre est appelé à une intelligente mission de promotion du laïcat, d’animation de la communauté, afin que les fidèles assument les responsabilités de ces ministères qui leur reviennent de par leur baptême.
Quelle joie peut goûter le ministre du Christ qui voit se former autour de lui une communauté adulte, d’où surgissent les divers ministères de catéchèse, de charité, de promotion ! Quelle joie surtout lorsqu’elle est capable de collaborer avec la grâce de Dieu, afin que de nouvelles vocations sacerdotales assurent la relève au sein de la communauté chrétienne ! Permettez-moi d’insister auprès de vous en faveur de ce devoir qui doit angoisser le cœur de tout prêtre : être promoteur des vocations par ses paroles et sa prière, par son exemple, par le témoignage d’une vie totalement consacrée au service du Christ et de ses frères.
Le prêtre se doit à tous
Le prêtre doit être l’homme du dialogue. Dans sa tâche de médiateur, il doit assumer avec courage le risque d’être le pont entre différentes tendances, de susciter la concorde, de chercher des solutions justes en face de situations difficiles
L’option du chrétien, et encore plus du prêtre, est parfois dramatique. Même s’il est ferme contre l’erreur, il ne peut être contre personne, puisque nous sommes tous frères ou, à la limite, ennemis qui doivent aimer selon l’Evangile, il doit les embrasser tous, puisque tous sont fils de Dieu, et, s’il est nécessaire, donner sa vie pour tous ses frères. C’est là que fréquemment prend racine le drame du prêtre, poussé par différentes tendances, harcelé par des options de parti.
Appelé à faire un choix préférentiel en faveur des pauvres, il ne peut ignorer qu’il existe une pauvreté radicale là où Dieu ne vit pas dans le cœur de l’homme, esclave du pouvoir, du plaisir, de l’argent, de la violence. Il doit élargir sa mission même à ces pauvres là.
Pour cela, le prêtre est l’annonciateur de la miséricorde de Dieu et non seulement prédicateur de la justice. Il doit faire résonner le message de la conversion pour tous, annoncer la réconciliation dans le Christ Jésus, qui est notre Paix et démolit tout mur de division entre les hommes (cf. Ép. 2, 14). Ce ministère des prêtres acquiert une importance spéciale sous le signe de l’Année Sainte de la Rédemption, que j’ai voulu proclamer afin qu’elle soit célébrée dans l’Église universelle.
Soyez, vous, chers prêtres, les témoins de cette rédemption universelle. Proclamez avec moi : " Ouvrez toutes grandes les portes au Christ Rédempteur. " C’est comme si le Seigneur voulait nous permettre de rénover des aspects peut-être oubliés de notre ministère sacerdotal : la prédication de la conversion au Christ, nécessaire pour tous, ouverte à tous ; l’appel à la réconciliation, urgente pour l’humanité, à tous les niveaux. Convertis et réconciliés, soyons en face des hommes, témoins et ministres de la rédemption du Christ, disposés à donner la vie, s’il est nécessaire, pour cette réconciliation des frères.
Ne plus vivre pour soi-même
La vie du prêtre, comme celle du Christ, est un service d’amour. Le meilleur témoignage d’une option radicale pour le Christ et pour l’Évangile consiste à pouvoir dire en vérité ces paroles de la prière de l’Église : " Nous ne vivons pas pour nous-mêmes, mais pour Celui qui pour nous est mort et ressuscité " (Prière eucharistique IV). Vivre pour Lui est vivre comme Lui, et sa parole est péremptoire : Celui qui parmi vous veut être le premier, sera votre esclave : de même que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Mt 20, 27-28).
Votre simplicité, votre pauvreté et votre affabilité seront le signe évident de votre consécration à l’Évangile ; par votre disponibilité à écouter, accueillir, aider matériellement et spirituellement vos frères, vous serez les témoins de ce qu’il ne vint pas pour être servi mais pour servir. Dans la pureté d’intention de votre service et dans le détachement des choses matérielles, vous trouverez la liberté pour être les témoins de Celui qui vint à nous comme le Serviteur du Seigneur et qui nous donna tout, puisqu’il donna sa vie pour nous.
Retrouvez la grâce de votre ordination
Mes chers prêtres : Dieu veuille que par cette rencontre se renouvelle en vous l’enthousiasme du jour de votre ordination sacerdotale, enrichie maintenant de l’expérience d’un amour fidèle du Christ et de votre peuple.
Demeurez unis. Pensez que la force de l’Église réside dans l’unité. Maintenez toujours la communion avec vos Pasteurs, d’autant plus nécessaire que sont plus difficiles les circonstances parmi lesquelles vit une Église particulière. Dans la force de l’unité vous trouverez la garantie d’un poids moral face à la société, la possibilité de présenter et de défendre avec efficacité la cause des plus pauvres. Par contre, ceux qui veulent se servir de votre ministère comme d’un instrument, profiteront de vos divisions.
En qualité de Successeur de Pierre, je veux vous confirmer dans l’amour et l’appui de l’Église universelle qui vous regarde avec l’espérance de voir la paix retrouvée dans vos nations, de voir réconciliés dans la Justice tous les fils du peuple du Salvador et de l’Amérique centrale.
Je vous recommande à la Vierge, Reine de la Paix, comme vous l’invoquez en cette région. Elle est la Mère de tous ; exemple d’une engagement dans la volonté de Dieu et dans l’histoire de son peuple Qu’Elle vous assiste dans votre ministère de réconciliation, dans votre mission évangélisatrice, afin que vous soyez, par votre engagement, d’authentiques disciples du Christ Amen
56. Lettre du Saint-Père Jean-Paul II aux prêtres pour le Jeudi Saint
57. A la messe chrismale
Jeudi Saint 31 mars 1983
NOTRE NOUVELLE NAISSANCE DANS LE CHRIST, A TRAVERS LE SACREMENT DE L’ORDRE
Ce soir, à travers la liturgie de la Cène du Seigneur, nous irons avec le Christ au Cénacle.
Tandis que ce matin, l’Évangile selon Luc nous conduit à Nazareth, où Jésus " avait été élevé " (Lc 4, 16). Il rappelle ce jour où, pour la première fois, Jésus se présenta devant des concitoyens réunis dans la Synagogue, et lut le texte messianique du prophète Isaïe.
Nous connaissons bien ce texte.
Après avoir fait la lecture, Jésus s’assit et commença à parler. Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui. Il leur dit : " Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture que vous avez entendu " (Lc 4, 21).
Peut-être est-il nécessaire, chers et vénérés Frères, que chacun de nous retourne aujourd’hui, par la pensée, en ce lieu où, il y a longtemps, s’est accomplie sur nous la parole de l’appel de Dieu.
Peut-être faut-il que nous retournions dans cette Cathédrale ou église, où, à un certain moment, l’Évêque imposa les mains sur nous, nous transmettant la dignité et le pouvoir liés au sacrement du Presbytérat.
Et peut-être est-il nécessaire que nous retournions à notre paroisse natale, où pour la première fois après l’Ordination nous avons célébré solennellement le Saint-Sacrifice.
Ce fut là notre " Nazareth ", où devant les hommes — voisins et concitoyens — se manifesta un nouveau prêtre, choisi parmi les hommes et établi pour les hommes (cf. He 5, 1). Et chacun de nous commença à parler devant ces hommes — voisins et concitoyens — avec un langage qu’auparavant il ne possédait pas : le langage du serviteur et du ministre de l’Eucharistie.
Il est nécessaire, chers et vénérés Frères, que nous retournions par la pensée et par le cœur à ces lieux et à ces jours. Ils s’unissent tous en cet unique " aujourd’hui " liturgique : le Jeudi Saint est le jour de notre nouvelle naissance dans le Christ à travers le sacrement de l’Ordre.
" J’ai trouvé David, mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte ; / pour lui ma main sera ferme, / mon bras aussi le rendra fort " (Ps 88/89, 21, 22).
Il est nécessaire que nous mesurions tous les jours, les mois et les années de notre vie sacerdotale à cet unique, liturgique " Aujourd’hui " du Jeudi Saint !
Il faut que nous criions, avec le Psalmiste : " Je chanterai sans fin les grâces du Seigneur " (Ps. 88/89 2a).
Et pour cela nous désirons donc en ce jour, dans cet " Aujourd’hui " liturgique du Jeudi Saint, renouveler en nous la grâce du sacrement de l’Ordre.
Nous désirons aussi renouveler ces promesses par lesquelles, à travers ce sacrement, nous nous sommes liés au Christ au jour de notre Ordination.
Nous désirons redire à Lui seul, au Christ-Prêtre de la Nouvelle et Éternelle Alliance :
" A Celui qui nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous une Royauté de prêtres pour son Dieu et Père, à lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen " (Ap. 1, 5-6).
58. A des prêtres du clergé de Rome célébrant l’anniversaire de leur ordination
21 avril 1983
PARTICIPER INTIMEMENT A LA FONCTION SACERDOTALE DU CHRIST
Aujourd’hui " journée diocésaine pour les vocations ", je suis vraiment heureux de vous rencontrer, prêtres de mon diocèse qui célébrez respectivement le soixantième, le cinquantième et le vingt-cinquième anniversaire de votre ordination sacerdotale. Je désire m’unir à votre joie pour cette date significative qui tombe durant l’Année Jubilaire de la Rédemption.
Ces jours-ci vous avez certainement médité longuement à propos de votre itinéraire sacerdotal : le mystérieux appel de Dieu ; votre réponse généreuse ; les années de ferveur du Séminaire ; le jour inoubliable de votre ordination ; les premières expériences pastorales ; les consolations et les difficultés de tous les jours. Mais aujourd’hui de votre cœur s’élève certainement vers le Christ un chant d’action de grâce parce qu’il vous a choisis pour participer intimement à sa fonction sacerdotale.
Je vous souhaite sincèrement de pouvoir vivre encore pendant de longues années toutes les richesses de votre sacerdoce, vous rappelant les paroles de l’Apôtre : " Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi qui t’a été conféré... par l’imposition des mains du collège des presbytres " (1 Tim 4, 14) ; " Je t’invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains " (2 Tim 1, 6). Que ce " don de Dieu " spécial soit toujours fécond en bien pour toute l’Église, qui attend de ses prêtres qu’ils rendent un clair et continuel témoignage, par une vie totalement dédiée à la gloire de Dieu et à l’édification des âmes.
Avec ces vœux j’invoque pour vous, pour tous les prêtres du diocèse de Rome et également pour les quatre-vingt-dix religieuses qui célèbrent le jubilé de leur profession religieuse, l’abondance des grâces et consolations célestes dont est le gage ma Bénédiction Apostolique.
59. A des prêtres américains
6 mai 1983
IMPORTANCE DU SACREMENT DE PÉNITENCE
Mes chers Frères dans le sacerdoce de Jésus-Christ,
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue, vous qui avez pris part aux Cours donné par l’Institut pour la formation théologique permanente du Collège nord-américain. Les semaines que vous avez vécues à Rome vous ont donné l’occasion de vous renouveler dans l’étude de la théologie et des disciplines s’y rapportant ; ce qui vous entraînera à servir avec une vigueur croissante le Peuple de Dieu dans vos propres diocèses ou dans des apostolats individuels organisés par vos communautés religieuses.
Il est un aspect important de votre service sacerdotal au sujet duquel je voudrais réfléchir avec vous aujourd’hui. Vous avez eu l’heureuse fortune d’assister à l’inauguration de l’Année Sainte Extraordinaire de la Rédemption. Le thème central de cette Année est la réconciliation avec Dieu et la communauté ecclésiale au moyen de la pénitence et de la conversion. Nous cherchons cette réconciliation de différentes manières, mais le but essentiel de ce processus est d’entraîner les fidèles à estimer toujours plus le Sacrement de Pénitence. C’est de ce sujet que je désire vous entretenir aujourd’hui. C’est sur ce Sacrement que je veux attirer votre attention toute spéciale.
Nous savons que c’est de nombreuses manières que nos fidèles font l’expérience de la miséricorde divine, tant à titre individuel que comme membres de la communauté de salut. Mais notre sensibilité pastorale nous enseigne également que cette expérience de la miséricorde divine atteint sa plus haute intensité — et à sa plus éloquente expression — au moment, où, individuellement, le pénitent s’agenouille devant le ministre du Sacrement de Pénitence et sollicite le pardon du Christ et l’absolution de ses péchés.
Mes Frères, une grande partie de notre identité d’hommes de Dieu est associée dans l’esprit de nos fidèles à notre rôle de réconciliateurs sacramentels. Une grande partie du respect, de la déférence et de l’authentique affection que notre peuple démontre à notre égard est liée à notre pouvoir de pardonner les péchés au nom du Christ. Nous serions moins fidèles à l’essence de notre vocation sacerdotale si nous ne saisissions pas toutes les occasions possibles pour offrir à notre peuple le pouvoir sauveur et réconciliateur de la miséricorde du Christ dans le Sacrement de la Pénitence.
Je vous demande aujourd’hui d’accepter la charge de proclamer la miséricorde et l’amour de Dieu tels qu’on en fait l’expérience dans le Sacrement de Pénitence. Je vous invite à prêcher ceci avec un regain de ferveur, à l’enseigner en exhortant votre peuple à une conversion toujours plus profonde et, par-dessus tout, à leur montrer l’exemple en la mettant vous-mêmes en pratique.
Puissiez-vous être soutenus dans vos efforts par l’intercession de Marie dont les prières maternelles nous rapprochent toujours plus étroitement de son Fils ; et puissiez-vous être renforcés dans la grâce du Christ, le Rédempteur dont l’amour pour les prêtres, ses serviteurs, est l’inépuisable source de notre vie et de notre ministère.
60. A Venegono, aux prêtres, religieux et séminaristes
21 mai 1983
L’EUCHARISTIE EST RÉELLEMENT LE CŒUR ET LE CENTRE DU MONDE CHRÉTIEN
En cette concélébration sacrée, à partir des textes liturgiques qui nous sont proposés, je veux m’entretenir avec vous d’une question fondamentale. Le développement de la communauté chrétienne est fondé sur l’Eucharistie. Par conséquent, le prêtre en sa qualité de ministre par excellence de l’Eucharistie, le religieux par sa consécration, le séminariste par son choix orienté vers le sacerdoce, s’ils veulent collaborer à l’édification du peuple de Dieu, à laquelle ils sont appelés, ne peuvent se passer d’enraciner leur vie dans le mystère eucharistique.
L’Eucharistie, tout d’abord, en tant qu’expression du plus grand et du plus véritable amour porté aux hommes, est la force de renouvellement du monde contemporain.
Aujourd’hui, en effet, le monde, qui, par divers signes et à différents niveaux, a falsifié ou perdu le sens du péché, est marqué par la haine qui porte en elle l’inimitié, la division et la violence. On ne peut vaincre la haine que par la force de l’amour. Et si la haine paraît ancienne, l’amour est toujours nouveau...
Le monde a besoin de Jésus, de son message d’amour, de sa présence eucharistique, qui est facteur de salut et d’unité. Seule la médiation du Christ peut rompre la spirale de la haine, de l’injustice, de la violence, du péché. Le Christ est notre richesse, notre nourriture, notre paix, notre vérité, notre liberté. Avec lui, à travers l’énergie transformatrice de son amour, le cœur de l’homme peut changer, une créature nouvelle peut naître, qui ne suive pas la ligne de la vengeance " œil pour œil, dent pour dent " (Mt 5, 38), mais l’enseignement évangélique selon lequel les autres sont fils du Père commun. C’est seulement de la Parole du Christ que jaillit l’eau capable de rassasier la soif de l’homme.
Par le moyen de l’Eucharistie nous retrouvons l’identité de notre être chrétien. Dieu nous aime, car Il est Amour. Nous aimons parce qu’Il nous a aimés le premier (1 Jn 4, 8). L’amour revêt une importance décisive dans l’enseignement de Jésus. Mais l’amour de l’homme pour Dieu se réalise dans l’amour des autres hommes. " Celui qui aime, connaît Dieu. " Et celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas " (1 Jn 4, 7 et 9).
L’amour du prochain devient ainsi non seulement principe de la connaissance de Dieu, mais aussi règle d’or de l’amour, façonnée à la mesure du Cœur même du Christ. " Ceci est mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12). Comme : cette parole est l’indication d’une mesure. Et Jésus nous a aimés jusqu’au comble du service, jusqu’aux limites suprêmes de l’amour, par le don même de sa propre vie : c’est-à-dire sans mesure.
Il était nécessaire, pour notre salut, que le Christ s’offrit au Père en sacrifice. L’inimitié et la haine ont été dissoutes et anéanties dans sa chair, par son Sang versé sur la croix : car non seulement l’Esprit et l’eau rendent témoignage, mais aussi le sang (1 Jn 5,6). Jésus est ainsi notre sacrifice d’action de grâce (eucharistie). Selon l’affirmation paulinienne, nous avons été choisis et créés pour être dans le Fils et présents devant le Père (Ep 1, 3 à5). Notre foi nous montre Jésus qui nous présente et nous offre. Lui, l’Agneau, reste devant Dieu pour l’éternité, avec ses plaies ouvertes, devenues la demeure des croyants qui lui sont incorporés. Et le Père nous considère dans le Fils offert pour nous en sacrifice.
Ainsi, lorsque nous célébrons le mystère eucharistique, qui est mysterium fidei, nous annonçons la mort du Seigneur. Par le moyen de l’Eucharistie, les fidèles, déjà marqués par le baptême et la confirmation, ne participent pas à une cène quelconque, mais reçoivent ce que Saint Augustin appelle notre " mystère ", ils prennent ce qu’ils sont déjà, s’insérant pleinement dans le Corps du Christ. L’Eucharistie est l’identité propre de l’être chrétien, qui ne réside pas en nous, mais en Dieu.
Le Sacrement de l’Eucharistie est mémorial de l’Amour, lien de charité, il est en même temps le signe qui constitue l’union et la communauté.
Dans l’annonce de la mort du Seigneur, est préfigurée en même temps sa résurrection, car le Corps eucharistique est aussi le Corps glorieux. Le corps du Christ est toujours le corps réel et personnel, qui a vécu, est mort, et maintenant est glorifié. Dans l’Eucharistie se renouvelle le mystère pascal, qui est mystère de douleur, de mort et de résurrection de Jésus et des hommes. Vu de la sorte dans sa globalité, le corps de chair, devenu le corps de gloire, unit les fidèles à lui et entre eux. Ainsi se construit l’Église, organisme vivant en croissance continuelle.
C’est par l’Eucharistie que les membres de la communauté chrétienne s’identifient mystiquement au corps du Christ, qui est l’Église, et deviennent entre eux une seule chose.
Or les sacrements, ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques, sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle. L’Eucharistie est réellement le cœur et le centre du monde chrétien. Elle contient tout le trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même, lui le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l’Esprit Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes (Presb. Ord. 5).
Aucune communauté chrétienne ne peut se construire sans trouver sa racine et son centre dans la célébration de l’Eucharistie : c’est donc par celle-ci que doit commencer toute éducation de l’esprit communautaire (id. 6).
C’est à la lumière de ces réflexions que nous pouvons et devons voir le mystère eucharistique comme le centre et la racine de la vie du Prêtre, du Religieux et du Séminariste, soit sous l’angle de la vie spirituelle personnelle, soit sous celui de la mission pastorale.
C’est dans le secret de la source eucharistique que l’homme, choisi par l’amour de Dieu parmi les autres hommes, doit trouver sa fécondité, s’il veut rester fidèle à son propre ministère et revenir plus riche pour donner au cœur de la communauté de ses frères. Tout fonder sur l’Eucharistie signifie placer au centre de nos pensées et de nos prospectives, non pas nous-mêmes, nos programmes humains, mais Lui, vie de notre vie. Sinon on devient une branche sèche, une cloche qui n’a pas de son.
Chers Frères, afin de nous transformer toujours plus au corps du Christ, le Concile nous recommande inlassablement de suivre le Christ comme l’unique nécessaire, l’assimilation de sa science suréminente, le dialogue quotidien avec Lui, le culte eucharistique personnel et liturgique (Presb. Ord. 18 ; Perf. Car. 6 ; Opt Tot. 11).
C’est l’invitation à parcourir avec décision la voie de la sainteté, car c’est à cette seule condition que nous pouvons remplir notre mission, qui est annoncer le Christ et témoigner de lui ; à cette seule condition nous pouvons donner lumière et consolation aux hommes d’aujourd’hui, puisque leur salut, aujourd’hui comme hier, réside uniquement dans la vérité que nous avons connue par la Révélation divine.
61. A l’Académie ecclésiastique pontificale
28 mai 1983
DANS LA MISSION DU PRÊTRE CATHOLIQUE, LA DIPLOMATIE EST ÉGALEMENT APOSTOLAT
La Diplomatie ecclésiale a pour but, comme tout autre ministère sacerdotal, d’étendre le Royaume du Christ, de servir l’Église et donc le véritable bien surnaturel et terrestre de l’homme.
En pensant précisément à la nature de votre service, je revois la gigantesque figure du Pape Grégoire VII, dont nous avons célébré la fête liturgique il y a quelques jours. Avant son élection à la Chaire de Pierre, il rendit d’importants services aux Papes, ses prédécesseurs, allant en ambassade près des peuples et des souverains, pour seconder l’œuvre de réforme de l’Église et son autonomie à l’égard des pouvoirs extérieurs ; une œuvre qu’ensuite il poursuivit courageusement pendant douze années, une fois devenu Pape.
Quant aux intentions qui présidèrent au dessein apostolique de ce grand Pontife, est significatif à leur égard ce qu’il écrivit à la chrétienté de son exil de Salerne : " Summopere procuravi ut Sancta Ecclesia, sponsa Dei, domina et mater nostra, ad proprium rediens decus, libera et casta et catholica permaneret " (PL 148, 709). Ce sont des paroles bien connues qui ont toute la vigueur d’un testament. Grégoire VII atteste ainsi qu’il n’a jamais eu dans l’exercice de son ministère d’autre but que de servir l’Église, de la rendre toujours plus parfaite dans ses hommes et dans ses structures, d’étendre sa mission au monde entier.
Chers prêtres, j’ai voulu m’inspirer d’un si bel idéal pour stimuler vos forces au service de la mission salvifique de l’Église. Réalisez avant tout en vous-mêmes, qui en êtes des membres privilégiés, une liberté intérieure toujours plus grande, ayez à la fois un ardent désir de perfection personnelle et une très vive inquiétude du salut des hommes.
Il s’agit d’entrer toujours plus profondément dans le mystère de l’Église, dans la richesse de cette vie surnaturelle dont elle est dispensatrice, dans son ministère destiné au salut intégral de l’homme. Chaque homme constitue la route de l’Église, qui veut entreprendre avec tout homme de bonne volonté un dialogue franc et sincère pour le rendre conscient de sa dignité de fils de Dieu, racheté par le Christ, frère parmi ses frères dans son Corps Mystique.
Vous avez pu suivre des cours spécialisés de théologie, de droit canonique et de sociologie ; vous avez exercé le ministère dans les paroisses de vos diocèses et à Rome ; vous avez fréquenté différentes catégories de personnes ; en somme vous êtes bien au courant des aspirations de la société moderne et vous savez ce que le monde actuel exige de l’Église et de la foi chrétienne.
Il est hors de doute que l’homme d’aujourd’hui éprouve une inquiétude religieuse et qu’il a besoin de clarté au sujet des vérités transcendantes et éternelles ; en outre, il se rend de mieux en mieux compte que ni la science avec ses conquêtes, ni le progrès social avec son bien-être ne peuvent satisfaire l’ardent désir de bonheur et de paix qui l’étreint.
Voilà que se définit alors de manière lumineuse la mission du prêtre catholique ; par sa parole, son exemple et son ministère, il doit apporter la réponse à la demande qui tourmente l’homme.
Selon cette sublime perspective, la " diplomatie " est, elle aussi, apostolat.
62. Pour l’ordination de nouveaux prêtres
12 juin 1983
LE CHRIST VOUS CONSTITUE MINISTRES DE L’EUCHARISTIE ET DE LA RÉCONCILIATION
" Je chanterai à jamais les grâces du Seigneur ! " (Psaume 89/88, 2).
Je m’adresse tout spécialement à vous, très chers Frères à qui, dans un moment, grâce à l’imposition des mains, le Christ, Éternel Souverain prêtre, fera prendre part pour l’éternité à son Sacerdoce ministériel ! Jaillit alors spontanément de nos cœurs, du mien comme du vôtre, la joyeuse exclamation du Psalmiste :
" Je chanterai à jamais les grâces du Seigneur ! " Moi, Evêque de Rome, Successeur de Pierre et Pasteur de l’Église Universelle, j’élève mon chant de jubilation parce que j’ai la grâce d’être l’intermédiaire d’un don admirable que Dieu fait à son Église ; vous, vous exultez parce que vous allez recevoir la charisme du " sacerdoce " auquel vous vous êtes longuement préparés après avoir généreusement accueilli l’appel de Jésus à le suivre, confirmé par vos Évêques !
C’est une journée de grâce et de joie pour moi, pour vous, pour les Églises particulières, répandues dans le monde, dont vous provenez ; pour toute l’Église, qui voit en vous, garantie dans l’" l’histoire du salut ", l’œuvre mystérieuse et féconde de son Chef et Époux.
" Par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère qui, de jour en jour, construit ici-bas l’Eglise pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit ", (Presbyterorum Oridinis, n. 1) ; voilà comment le Concile Vatican II a synthétisé l’identité spirituelle des prêtres.
De manière analogue au charisme que.. Dieu a donné à ses prophètes, le sacerdoce est " une mission ". C’est un choix gratuit de la part de Dieu, et l’homme ne saura jamais en être assez digne. Appelé par le Seigneur, le prophète Jérémie proteste de sa propre incapacité, de sa propre immaturité : " Voilà que je ne sais pas parler, car je suis un enfant ! " — et le Seigneur lui dit cependant : " Ne dis pas : je suis un enfant ! car vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras " (Jérémie 1, 6 et sv.).
C’est Dieu qui vous envoie, c’est l’Église qui vous envoie ! C’est pourquoi — aux lieux, dans l’emploi, dans la fonction qui vous seront fixés par la divine Providence par l’intermédiaire de vos Supérieurs légitimes — vous devrez être des annonciateurs, c’est-à-dire des proclamateurs de l’Évangile qui " est une force de Dieu pour le salut de tout croyant " (Rm 1, 16). Vous aurez donc la lourde responsabilité d’annoncer et de proclamer, par la parole et par la vie, non pas vous-mêmes, mais le Christ, et le Christ crucifié et ressuscité (cf. I Cor 1, 23 ; 2, 2 ; 2 Tim 2, 8).
Malgré les dispersions philosophiques et idéologiques de cette époque, l’homme contemporain conserve un poignant besoin de vérité, de justice, de bonté, de paix. De vous, il attend que vous prêchiez le Christ " Voie, Vérité et Vie " (cf. Jn 14, 6).
Et ceci comporte un effort continuel, une vigilance constante, un délicat sens du devoir, une joyeuse fidélité à l’engagement au célibat " pour le Royaume ", une sereine disponibilité à " être avec le Christ ", par le sacrifice, par la souffrance, par le renoncement, par la Croix.
Dans ce contexte prennent leur pleine valeur les affirmations de l’Épître aux Hébreux que nous venons d’entendre. Le prêtre, " pris d’entre les hommes, est établi pour intervenir en faveur du bien des hommes dans leurs relations avec Dieu... " (Héb 5, 1). L’Auteur inspiré souligne le fait que les prêtres sont de la même nature que les autres hommes ; il met en évidence le but communautaire de sa fonction et de sa mission ; il est " un être pour les autres " ; il doit donc se donner complètement pour les frères mais tout ceci dans une essentielle et fondamentale perspective spirituelle et surnaturelle : ceci doit advenir dans le cadre da " religieux ". Aussi, votre vie doit-elle être, non pas une vie de refus et d’évasion du " monde " des hommes, mais une vie d’incarnation sincère et sereine dans leur histoire, pour les faire vivre dans la dimension religieuse et de la dimension religieuse, qui ne saurait être éliminée de l’existence humaine.
Le sacerdoce vous fait ressembler au Christ " grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech " ; Lui, " tout Fils qu’Il était, il apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance ; après avoir été rendu parfait, il est devenu principe de vie éternelle pour tous ceux qui lui obéissent " (Héb 5, 8 et sv.). En partageant avec vous son Sacerdoce éternel, le Christ vous constituera Ministre des sacrements, et en particulier de l’Eucharistie et du sacrement de la Réconciliation. Il vous confiera totalement son Corps et son Sang dans les signes sacramentels afin que, par votre ministère, sa chair soit offerte pour la vie du monde (cf. Jn 6, 51). En outre, il vous confiera son pouvoir divin de pardon, pour que vous fassiez entendre la parole de Réconciliation aux frères et aux sœurs qui ont besoin de miséricorde et de paix intérieure.
" Je chanterai à jamais les grâces du Seigneur. ".
Oui, mes frères, que votre vie sacerdotale — réalisée chaque jour dans la prière, dans le zèle, dans le dévouement aux âmes, aux pauvres, aux petits, aux malades, aux pécheurs — soit toujours un chant de reconnaissance envers Dieu pour sa générosité infinie ! La grâce du Seigneur vous transformera en " amis de Jésus " " Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que fait son maître ; je vous appelle amis car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; c’est moi qui vous ai choisis et vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit " (Jn 15, 15-16).
C’est précisément dans le Cénacle — comme je l’ai écrit dans ma Lettre aux Prêtres pour le Jeudi Saint de l’Année Jubilaire de la Rédemption — que ces paroles ont été prononcées dans le contexte immédiat de l’institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce ministériel. Le Christ a fait connaître à ses Apôtres et à tous ceux qui héritent d’eux la richesse du ministère ordonné : dans cette vocation et pour ce ministère ils doivent devenir ses amis — ils doivent devenir amis de ce mystère qu’Il est venu accomplir " (n. 2).
Très chers ! Durant les années de mon service épiscopal, l’un des moments à la fois de joie très intense et de grande inquiétude était celui où, par l’imposition des mains, j’ordonnais de nouveaux prêtres. J’éprouve aujourd’hui la même joie et la même inquiétude pour cette ordination solennelle qui s’accomplit sur la tombe de Pierre, durant le Jubilé de la Rédemption. Vous serez les prêtres du 1950e anniversaire de la Rédemption ! Si cet événement signifie pour tous les croyants une pressante invitation à réfléchir, à la lumière du mystère de la Rédemption, sur leur propre vie et sur leur propre vocation chrétienne, cette invitation est adressée de manière toute spéciale à tous ceux qui sont — ou seront comme vous dans quelques instants — " ministres du Christ et intendants des mystères de Dieu " (cf. I Cor 4, 1).
Au début de mon ministère de Souverain Pasteur de l’Église universelle, j’ai confié tous les prêtres à la Mère du Christ qui, de manière particulière est notre Mère, la Mère des Prêtres.
Aujourd’hui, jour de votre ordination sacerdotale, je lui confie votre sacerdoce et chacun de vous, votre jeunesse, votre enthousiasme, votre générosité, vos propos
Que la Très Sainte Vierge Marie soit la radieuse étoile de votre chemin sacerdotal !
Amen !
63. Aux jeunes du grand séminaire pontifical romain
8 novembre 1983
LE MONDE A BESOIN DE PRÊTRES A LA HAUTEUR DE LEUR VOCATION
Dans son Évangile, Saint Marc nous raconte qu’à un jeune qui lui demandait " Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en partage la vie éternelle ? " Jésus répondit : " Observe les commandements. " Le jeune ayant répondu de manière affirmative, " Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. " Puis il l’invita à le suivre (cf. Mc 10, 17-22).
Vous aussi, mes chers jeunes, le Christ vous a regardés avec amour, parce que vous n’avez pas étouffé dans votre cœur le désir de perfection, de plénitude, de vérité que l’Esprit Saint y a suscité. Jésus est venu à vous avec le don d’un appel spécial, auquel vous avez répondu ; et la mystérieuse action de Son Esprit dans votre cœur est continue, profonde et efficace en chacun (même quand elle n’apparaît pas, même quand tout semble la démentir) pour vous impliquer dans une tâche, pour vous indiquer une voie. A travers la vocation, Jésus vous a adressé une invitation précise, individuelle, à faire don de votre vie à Lui-même et au monde entier : " Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis, viens et suis-moi ! " (Mc 10, 22).
Pour pouvoir répondre généreusement " oui " à tout tournant de la vie et particulièrement en ce moment de formation au Séminaire, vous devez vous interroger sur la tâche que Jésus vous confie. Parfois les apparences sont trompeuses. On croit voir clairement sa propre voie et avoir tout résolu, et peut-être le Seigneur a-t-il encore quelque chose à nous manifester. " Il ne revient pas à la pierre de fixer sa place mais au Maître de l’œuvre qui l’a choisie " (Paul Claudel, L’annonce faite à Marie, p. 24). La " place " est celle du généreux sacrifice de soi-même, de la volonté d’assumer totalement le drame de l’homme. Sur le fond de toute vocation sacerdotale se détache donc le signe de la Croix. L’engagement vers lequel le Christ vous oriente est l’amour. Mais, dans la condition actuelle de l’Homme, la Croix est la preuve de l’amour.
Le passage évangélique qui vient d’être lu nous a fait entendre des paroles solennelles qui devront constituer tout un programme pour votre vie : " Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour (...). Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis " (Jn 15, 10-13). Accueillir l’autre, l’accepter, prendre part à son sort, peut-être même jusqu’à en mourir, font déborder sur lui la joie pure qui vient de lui avoir fait découvrir la signification de la vie ; notamment cela le libère de l’opaque négativité, du mal, le soustrait à l’absurde d’une douleur dépourvue de signification : cela le rachète. Vous êtes appelés à être les annonciateurs et les ministres de cette Rédemption. Elle reste ouverte à chaque créature humaine qui fait l’expérience du mal sous ses différentes formes. Par sa Croix, le Christ lui offre la possibilité de transformer ce qui est signe et conséquence du péché en instrument de salut et de satisfaction.
Voici la tâche à laquelle est appelé celui qui répond à la vocation sacerdotale : témoigner et rendre en quelque sorte possible l’expérience de la présence salvifique du Christ, rendre évident son amour pour l’homme. C’est cela le mystère de l’Eglise, corps mystique du Christ toujours en marche sur les routes du monde pour le salut de tous. Le Saint-Esprit est l’artisan de cet ensemble mystérieux et agissant que vous voulez servir avec généreux dévouement dans le ministère sacerdotal.
Préparez-vous à ce service par une prière assidue, une étude intense, une obéissance sincère afin de devenir de saints prêtres qui témoignent dans le monde la charité de Dieu qui s’est révélée en Jésus-Christ notre Seigneur. La fécondité de votre ministère pastoral de demain dépend largement de l’intensité des efforts que vous ferez durant ces années si. précieuses pour votre formation spirituelle et culturelle. Le monde d’aujourd’hui a besoin de prêtres qui soient à la hauteur de la tâche sublime à laquelle ils sont appelés.
Que Marie, la Très Sainte Vierge de la Confiance, qui a porté le Fils de Dieu sous son cœur vous aide à le garder dans votre cœur ! Je suis certain que vous ne manquerez pas de l’invoquer chaque jour avec la pieuse pratique du Rosaire et la récitation de l’oraison jaculatoire : " Mater Mia, Fiducia mia ! "
Poursuivant maintenant la célébration de la Sainte Messe où se renouvelle le sacrifice de l’amour rédempteur du Christ et où est menée à sa plénitude l’unité ecclésiale,. demandons au Seigneur que son appel au sacerdoce soit accueilli par un nombre toujours croissant de jeunes, afin que ne manquent jamais les ouvriers disposés à travailler sans réserve dans la vigne de Dieu.
64. Au congrès jubilaire du clergé italien
16 février 1984
UN PRÊTRE VAUT CE QUE VAUT SA VIE EUCHARISTIQUE
On ne peut comprendre le sacerdoce sans l’Eucharistie. L’Eucharistie est la raison d’être de notre sacerdoce. Nous sommes nés prêtres dans la célébration Eucharistique. Notre principal ministère et notre pouvoir sont liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle. Sans nous, elle ne saurait exister, mais nous mêmes nous n’existons pas ou sommes réduits à n’être que larves privées de vie sans l’Eucharistie. Aussi, pour que le prêtre puisse se réaliser pleinement, il faut que l’Eucharistie devienne le centre et la racine de sa vie et que toute son activité ne soit autre que le rayonnement de l’Eucharistie.
Cette vérité, il est important de la rappeler à une époque où l’on perçoit des voix insidieuses qui tendent à méconnaître la primauté de Dieu et des valeurs spirituelles dans la vie et l’action du prêtre. Et ceci, sous prétexte de s’adapter au temps alors que, au contraire, c’est se conformer à l’esprit du monde que de susciter des doutes et des incertitudes au sujet de la véritable nature du sacerdoce, de ses fonctions primordiales, de sa vraie place dans la société.
Très chers frères, ne vous laissez jamais séduire par ces théories. Ne croyez jamais que l’ardent désir du colloque intime avec Jésus, que les heures passées à genoux devant le Tabernacle entravent ou freinent le dynamisme de votre ministère. C’est exactement le contraire qui est vrai. Ce qu’on donne à Dieu n’est jamais perdu pour l’homme. Les profondes exigences de la spiritualité sacerdotale et du ministère restent en substance immuables durant les siècles, et demain comme aujourd’hui elles auront leur centre et leur point de référence dans le mystère eucharistique.
C’est la grâce de l’Ordination qui donne au prêtre le sentiment de sa paternité spirituelle ; en vertu de quoi il se présente aux âmes comme père et les guide sur le chemin. du ciel ; mais c’est la charité eucharistique qui rénove et féconde chaque jour sa paternité, le transforme toujours plus dans le Christ et, comme le Christ, le fait devenir pain des âmes, leur prêtre, oui, mais aussi leur victime parce qu’il se consume intérieurement pour elles, imitant Celui qui a donné sa vie pour le salut du monde.
En un mot, un prêtre vaut ce que vaut sa vie eucharistique, sa Messe surtout. Messe sans amour, prêtre stérile ; Messe fervente, prêtre conquérant d’âmes. Dévotion eucharistique négligée et sans amour, prêtre en danger de se perdre.
Mais la place centrale de l’Eucharistie dans la vie du prêtre va bien au-delà de la sphère de la dévotion personnelle ; elle constitue le critère d’orientation, la dimension permanente de toute son action pastorale, le moyen indispensable du renouvellement authentique du peuple chrétien : comme le Concile Vatican II le rappelle sagement : " Aucune communauté chrétienne ne peut se construire sans trouver sa racine et son centre dans la célébration de l’Eucharistie : " C’est donc par celle-ci que doit commencer toute éducation de l’esprit communautaire " (Presbyterorum ordinis, 6).
Aussi, si l’on veut que l’amour chrétien devienne réalité dans la vie ; si l’on veut que les chrétiens soient une communauté compacte dans l’apostolat et dans une commune attitude de résistance aux forces du mal ; si l’on veut que la communion ecclésiale devienne un authentique lieu de rencontre, d’écoute de la Parole de Dieu, de révision de la vie personnelle, de prise de conscience des problèmes de l’Église, il faut faire tous les efforts possibles pour donner à la célébration eucharistique l’expression la plus forte d’événement de salut de la communauté. Ce qui comporte un programme pastoral qui insère l’Eucharistie dans les dynamismes propres de la vie humaine, de l’existence personnelle et communautaire. Une bonne catéchèse rendrait certainement grand service à la communauté ecclésiale, éclairant et réalisant la circulation vivante entre la Messe célébrée dans l’Église et la Messe vécue dans les engagements quotidiens.
C’est ainsi que la célébration eucharistique sera l’expression de la foi vive d’une communauté qui découvre et revit, l’expérience des pèlerins d’Emmaüs qui reconnurent leur Seigneur et Maître quand Il prit le pain et le rompit. C’est le témoignage que l’Église vous demande aujourd’hui, bien-aimés prêtres. Offrez-le toujours avec promptitude et générosité, dans la sérénité et la joie. Et il est beau que vous réaffirmiez cet engagement ici devant le Pape en réponse aux attentes communes de cette Année Jubilaire, si féconde en grâces.
Je vous encourage à reprendre votre travail dans le ministère sacré avec esprit de foi et de sacrifice. Je prierai pour vous la Très Sainte Vierge Marie, Reine des Apôtres, pour qu’elle vous aide à persévérer dans votre saint propos ; et comme elle, a magnifié le Seigneur pour le don du Sauveur, conservant chacune de ses paroles au fond de son cœur, le servant avec amour et dévotion, vous pouvez vous aussi exprimer votre joie dans l’action de grâces pour l’Eucharistie célébrée, enracinant en elle toujours plus profondément votre vie et votre apostolat. Avec ma Bénédiction Apostolique
65. A la clôture du jubilé des prêtres
23 février 1984
L’ORIGINALITÉ ET LA NÉCESSITÉ DU MINISTÈRE SACERDOTAL
" L’Esprit du Seigneur est sur moi / parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. / Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, / panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération / et aux prisonniers la délivrance, / proclamer une année de grâce accordée par le Seigneur " (Is 61, 1-2).
Frères très chers dans la grâce du sacrement du sacerdoce !
Il y a un an, je vous adressais ma lettre pour le Jeudi Saint 1983, et je vous demandais d’annoncer, avec moi et avec tous les évêques de l’Église, l’Année de la Rédemption, le Jubilé extraordinaire, l’Année de grâce accordée par le Seigneur.
Aujourd’hui, je désire vous remercier de ce que vous avez fait pour que cette Année, qui vous rappelle le 1950e anniversaire de la Rédemption, devienne vraiment " l’année de grâce accordée par le Seigneur ", l’Année sainte. En même temps, puisque nous nous trouvons ensemble en cette célébration qui marque le sommet de votre pèlerinage à Rome à l’occasion du Jubilé, je voudrais renouveler et approfondir avec vous la conscience du mystère de la Rédemption, qui est la source vive et vivifiante du sacerdoce sacramentel auquel chacun de nous participe.
En vous qui êtes réunis ici, venant non seulement d’Italie mais aussi d’autres pays et d’autres continents, je vois tous les prêtres, je vois l’ensemble du presbyterium de l’Église universelle. Et j’adresse à tous les encouragements et l’exhortation de la lettre aux Éphésiens : " Frères,... je vous exhorte à mener une vie digne de l’appel que vous avez reçu " (Ep. 4, 1).
Il faut que nous aussi — qui sommes appelés à servir les autres dans le renouveau spirituel de l’Année de la Rédemption —, nous nous renouvelions, par la grâce de cette Année, dans notre bienheureuse vocation.
" Sans fin, Seigneur, je chanterai ton amour. "
Ce verset du psaume responsorial (88 [891, 2) de la liturgie de ce jour nous rappelle que nous sommes d’une manière particulière " des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1), hommes de l’économie divine du salut, et que nous sommes des " instruments " — des instruments conscients —de la grâce, c’est-à-dire de l’action exercée par l’Esprit Saint dans la puissance de la Croix et de la Résurrection du Christ.
Quelle est cette économie divine, quelle est cette grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, cette grâce qu’il a voulu lier sacramentellement à notre vie sacerdotale et à notre service sacerdotal, même s’il est accompli par des hommes si pauvres, si indignes ?
La grâce, comme le proclame le psaume de la liturgie de ce jour, est le témoignage de la fidélité de Dieu même à l’Amour éternel dont il a aimé la création, et l’homme en particulier, dans son Fils éternel.
Écoutons le psaume : " Tu l’as dit : l’amour est bâti pour toujours ; aux cieux, tu as fondé ta fidélité " (88 [89], 3).
D’autre part, cette fidélité de son Amour — de l’Amour miséricordieux — est la fidélité à l’Alliance que Dieu a conclue dès le commencement avec l’homme et qu’il a renouvelée maintes fois, bien que l’homme lui ait été si souvent infidèle.
La grâce est donc un pur don de l’Amour, et c’est seulement dans l’Amour même, à l’exclusion de toute autre chose, que ce don trouve sa raison d’être et sa motivation.
Le psaume exalte l’Alliance que Dieu a établie avec David, et en même temps, par son contenu messianique, il révèle que cette Alliance historique n’est qu’une étape et une annonce de l’Alliance parfaite en Jésus-Christ : " Il me dira : tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut " (Ps 88 [89], 27).
La grâce, en tant que don, est ce qui fonde l’élévation de l’homme à la dignité de fils adoptif de Dieu dans le Christ, le Fils unique.
" Mon amour et ma fidélité avec lui, / par mon nom grandira sa puissance " (Ps 88 [89], 25).
Cette puissance même qui fait devenir fils de Dieu, celle dont parle le prologue de l’Evangile de Jean — toute la puissance salvatrice —, est conférée à l’humanité dans le Christ, par la Rédemption, par la Croix et par la Résurrection.
Et nous, serviteurs du Christ, nous en sommes les intendants.
Prêtre : homme de l’économie du salut.
Prêtre : homme façonné par la grâce.
Prêtre : ministre de la grâce !
La vocation sacerdotale est enracinée d’une manière spéciale dans la mission du Christ
" Sans fin, Seigneur, je chanterai ton amour. "
Telle est bien notre vocation. Telle est la spécificité, l’originalité de la vocation sacerdotale. Elle est enracinée d’une manière spéciale dans la mission du Christ lui-même, du Christ-Messie.
" L’Esprit du Seigneur est sur moi. Parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. / Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, / panser les cœurs meurtris, / annoncer aux captifs la libération / et aux prisonniers la délivrance... / pour consoler tous les affligés " (Is 61, 1-2).
C’est au plus profond de cette mission messianique du Christ Prêtre qu’est enracinée également notre vocation, notre mission la vocation, la mission des prêtres de l’Alliance nouvelle et éternelle. C’est la vocation et la mission des messagers de la Bonne Nouvelle :
— de ceux qui doivent panser les plaies des cœurs humains ;
— de ceux qui doivent annoncer la libération au sein des multiples afflictions, au milieu du mal qui, de tant de façons, " retient " l’homme prisonnier
— de ceux qui doivent consoler.
Telle est notre vocation, notre mission de serviteurs. Notre vocation, chers Frères, comporte un grand service, un service fondamental, à l’égard de chaque homme. Personne ne peut accomplir ce service à notre place. Personne ne peut nous remplacer. Nous devons atteindre avec le sacrement de l’Alliance nouvelle et éternelle les racines mêmes de l’existence humaine sur la terre.
Nous devons, jour après jour, introduire en elle la dimension de la Rédemption et de l’Eucharistie.
Nous devons renforcer la conscience de la filiation divine par la grâce. Quelle perspective plus élevée, quel destin plus excellent que celui-ci pourraient se présenter à l’homme ?
Enfin, nous devons administrer la réalité sacramentelle de la Réconciliation avec Dieu et de la sainte Communion, qui vient combler l’aspiration la plus profonde du cœur " insatiable " de l’homme.
Vraiment, notre onction sacerdotale est profondément insérée dans l’onction messianique du Christ.
Notre sacerdoce est ministériel. Oui, nous devons servir. Et " servir " veut dire conduire l’homme jusque dans les fondements de son humanité, au cœur même de la dignité.
C’est là précisément que doit résonner, grâce à notre service, le " chant de louange au lieu du désespoir ", pour reprendre encore une fois les expressions du texte d’Isaïe (61, 3).
Constitués pasteurs avec le Christ
Chers Frères, Frères aimés ! Retrouvons, jour après jour, année après année, le contenu et la substance vraiment ineffables de notre sacerdoce dans les profondeurs du mystère de la Rédemption ! Je souhaite qu’à cela serve d’une manière particulière la présente Année du Jubilé extraordinaire.
Ouvrons toujours plus largement nos yeux — le regard de l’âme — pour mieux comprendre ce que veut dire célébrer l’Eucharistie, le Sacrifice du Christ lui-même, confié à nos lèvres et à nos mains de prêtres dans la communauté de l’Église.
Ouvrons toujours plus largement nos yeux — le regard de l’âme — pour mieux comprendre ce que signifie remettre les péchés et réconcilier les consciences humaines avec le Dieu infiniment Saint, avec le Dieu de la Vérité et de l’Amour.
Ouvrons toujours plus largement nos yeux — le regard de notre âme — pour mieux comprendre ce que veut dire agir " in persona Christi ", au nom du Christ : agir avec sa puissance, avec la puissance qui, en définitive, s’enracine dans le terrain sauveur de la Rédemption.
Et puis ouvrons toujours plus largement nos yeux — le regard de l’âme — pour mieux comprendre ce qu’est le mystère de l’Église. Nous sommes des hommes de l’Église !
" Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme ii n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous " (Ep 4, 4-6).
Cherchez donc " à consacrer l’unité de l’Esprit par le lien de la paix " (Ep 4, 3). Oui. C’est précisément cela qui, d’une manière particulière, dépend de vous : " conserver l’unité de l’Esprit ".
En un temps de grandes tensions qui ébranlent le corps terrestre de l’humanité, le service le plus important de l’Église naît de " l’unité de l’Esprit " afin que non seulement elle ne subisse pas elle-même une division du dehors, mais qu’en plus elle réconcilie et unisse les hommes au milieu des contrariétés qui s’accumulent autour d’eux et en eux-mêmes dans le monde d’aujourd’hui.
Mes Frères ! Chacun de nous " a reçu le don de la grâce comme le Christ nous l’a partagée... pour que se construise le Corps du Christ " (Ep 4, 7, 12).
Soyons fidèles à cette grâce ! Soyons héroïquement fidèles à cette grâce !
Mes Frères, le don de Dieu a été grand pour nous, pour chacun de nous ! Si grand, que tout prêtre peut découvrir en lui les signes d’un amour divin de prédilection !
Que chacun conserve totalement son don dans toute la richesse de ses expressions, y compris le don magnifique du célibat volontairement consacré au Seigneur — et reçu de lui — pour notre sanctification et pour l’édification de l’Église.
Jésus-Christ est parmi nous et il nous dit : " Je suis le bon pasteur " (Jn 10, 11, 14). C’est précisément lui qui nous a " constitués " pasteurs nous aussi. Et c’est lui qui parcourt les villes et les villages (cf. Mt 9, 35), partout où nous sommes envoyés pour accomplir notre service sacerdotal et pastoral.
C’est lui, Jésus-Christ, qui enseigne..., prêche l’Évangile du Royaume et soigne toutes les maladies et les infirmités (cf. ibid.) de l’homme, partout où nous sommes envoyés pour le service de l’Evangile et l’administration des sacrements.
C’est précisément lui, Jésus-Christ, qui éprouve continuellement de la compassion pour les foules et pour tout homme fatigué, épuisé, tous ceux qui sont comme des " brebis qui n’ont pas de berger " (cf. Mt 9, 36). Chers Frères, en cette assemblée liturgique, demandons au Christ une seule chose : que chacun de nous sache mieux servir, de façon plus claire et plus efficace, la présence du Christ Pasteur parmi les hommes du monde d’aujourd’hui !
Cela est aussi extrêmement important pour nous afin que nous ne nous laissions pas prendre par la tentation de " l’inutilité ", la tentation de nous sentir superflus. Car ce n’est pas vrai. Nous sommes plus que jamais nécessaires parce que le Christ est plus que jamais nécessaire ! Le Bon Pasteur est plus que jamais nécessaire.
Nous avons en mains — justement dans nos " mains vides " —la puissance des moyens d’action que nous a remis le Seigneur.
Pensez à la Parole de Dieu, plus incisive qu’un glaive à deux tranchants (cf. He 4, 12) ; pensez à la prière liturgique, notamment à celle des Heures, dans laquelle le Christ lui-même prie avec nous et pour nous ; et pensez aux sacrements, en particulier celui de la pénitence, véritable planche de salut pour tant de consciences, point d’abordage auquel aspirent tant d’hommes, même de notre temps. Il faut que les prêtres redonnent une grande importance à ce sacrement, pour leur vie spirituelle et pour celle des fidèles.
Il y a une chose certaine, Frères très chers : en employant comme il faut ces " moyens pauvres " (mais divinement puissants), vous verrez s’épanouir sur votre route les merveilles de la Miséricorde infinie.
Même le don de nouvelles vocations.
Conscients de cela, en cette prière commune, écoutons encore une fois les paroles que le Maître adressait à ses disciples : " La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 37-38).
Elles sont bien d’actualité, ces paroles, même à notre époque Prions donc ! Et que toute l’Église prie avec nous ! Puisse en cette prière se manifester la conscience, renouvelée par le Jubilé, du mystère de la Rédemption !
66. Messe chrismale à Saint-Pierre
Jeudi Saint : 19 avril 1984
PRÊTRES DU CHRIST AU SERVICE DU PEUPLE DE DIEU
Nous prêtres — qui aujourd’hui célébrons cette Eucharistie matinale du Jeudi Saint — nous désirons confesser que chacun de nous a une part spéciale de cette plénitude de l’Esprit Saint qui est dans le Christ, Éternel et Unique Prêtre de la Nouvelle Alliance.
Le Jeudi Saint est le souvenir de l’institution du Sacrifice Eucharistique.
Pour célébrer ce Très Saint Sacrifice nous avons été oints dans le Sacrement du sacerdoce. En tant que dispensateurs de l’Eucharistie, nous sommes devenus les serviteurs particuliers du Christ en face du Peuple de Dieu tout entier. En même temps que l’enseignement de la foi, nous ont été confiés la rémission des péchés et le ministère des autres sacrements.
Aujourd’hui, Jeudi Saint, regardons avec un amour particulier vers Celui que le Père " a consacré par l’onction et... a envoyé au monde " : regardons vers le Christ, qui possède la plénitude totale de l’Esprit Saint, en faveur de l’humanité tout entière, — vers le Christ, de la plénitude duquel nous avons tous reçu, — et chacun de nous a sa " part avec Lui ".
Au moyen de cette " part ", à travers notre participation sacerdotale à l’Onction messianique de Jésus-Christ, nous sommes Ses prêtres en face du Peuple de Dieu, au service de ce Peuple.
Pour notre sacerdoce ministériel, remercions Celui qui l’a enraciné dans nos âmes. Désirons demeurer et persévérer en lui au service du salut humain.
Jurons notre fidélité sacerdotale à Celui qui nous aime et qui par son sang... nous a libérés de nos péchés.
Le jubilé extraordinaire de l’Église pour l’Année de la Rédemption touche à sa fin.
En cette Année Sainte nous avons tâché de renouveler en nous la grâce du Sacrement du Sacerdoce.
Rendons grâce pour ce sacrement qui croît sur le fondement du " sacerdoce universel " de tous les baptisés, comme sacrement du service salvifique.
Gloire éternelle soit au Christ, " qui a fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Pere " (Ap 1,6)
67. Aux séminaristes de Corée
3 mai 1984
PÉNÉTRER TOUJOURS PLUS LE MYSTÈRE DU CHRIST, VOIE VERS LE PÈRE
Au nombre de neuf cents, chers frères dans le Christ, vous êtes une consolation et une grande promesse pour l’Église. L’Église vous considère avec grand espoir, attendant beaucoup de vous ; elle vous demande de croître toujours plus forts dans votre foi dans le Christ, imitant l’exemple du Père Kim et du Père Choe, et de tous les autres qui ont donné leur vie dans le service de l’Évangile.
Le temps de préparation au sacerdoce doit aider chacun de vous à se convaincre toujours plus fermement que Jésus-Christ est " la Voie, la Vérité et la Vie " (Jn 14, 16). Il est la voie vers le Père. Jésus lui-même a vécu pour le Père dans une totale soumission à la volonté du Père en accomplissant l’œuvre de la Rédemption du monde. Et il nous conduit aussi vers le Père.
Au séminaire, en vous préparant au sacerdoce, vous devez vous efforcer de pénétrer le mystère du Christ. Vous devez chercher à comprendre toujours plus profondément l’union que le Christ a avec son Père, précisément parce qu’il est son Fils. Dans l’Évangile de ce jour, il nous dit : " Je suis dans le Père et le Père est en moi " (Jn 14, 10 et 11). C’est en vertu de cette union qu’il peut dire à Philippe : " Qui m’a vu a vu le Père " (Jn 14, 9). Chacun de vous, chers séminaristes, doit comprendre ce mystère de Jésus-Christ. Vous devez saisir ce mystère de telle manière qu’il devienne pour vous une vérité intérieure, une vérité au fond de votre cœur. Vous devez saisir ce mystère de manière qu’il puisse prendre possession de tout votre être.
En méditant le mystère du Christ, vous parvenez à comprendre le sacerdoce et à contracter une attitude sacerdotale. Cherchez à acquérir l’esprit et le cœur de Jésus-Christ. Rappelez-vous que le Sauveur crucifié et ressuscité souhaite qu’un jour vous célébriez l’Eucharistie : le sacrement de son sacrifice pour le salut du monde. Ce sacrifice a son début éternel et incessant dans cette union du Fils avec le Père dont parle l’Evangile d’aujourd’hui. Le sacrifice de la Messe qui est le centre de votre sacerdoce demeure à tout jamais le Sacrifice du Fils de Dieu, qui s’est fait homme pour nous conduire à son Père.
68. A Taegu (Corée), ordination de nouveaux prêtres
5 mai 1984
LE SACERDOCE EST LE DON QUE LE CHRIST VOUS FAIT AINSI QU’A L’ÉGLISE
En devenant prêtres vous recevez une effusion sacramentelle de l’Esprit Saint : le Christ partage avec vous son sacerdoce : il vous associe à lui dans l’œuvre de la rédemption. C’est certainement pour vous un privilège d’avoir été choisis, mais un privilège qui implique un service — un service comme celui de Jésus qui est venu pour servit et non pour être servi (cf. Mt 20, 28), comme celui de Marie, l’humble servante du Seigneur (cf. Lc 1, 48).
Le Christ vous a choisis pour être ses serviteurs et ses intendants. De quelle manière allez-vous le servir ? Voici ses propres paroles : " Si quelqu’un me sert qu’il me suive " (Jn 12, 26). Comme prêtres vous êtes appelés à suivre le divin Maître de manière particulière. Vous êtes appelés à faire pénétrer au niveau le plus profond de votre personne votre qualité de disciples. Vous allez recevoir une configuration sacramentelle au Christ qui touche tous les secteurs de votre vie. Nous parlons en fait de la manière particulière dont le prêtre participe au mystère pascal de la Passion, de la mort et de la résurrection de notre Sauveur.
Écoutons encore une fois les paroles du Christ : " En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit " (Jn 12, 24). L’Église insiste à juste titre pour que votre ordination sacerdotale soit " une mort à soi-même ", car c’est précisément ce don de soi-même " qui ouvre la voie de la fécondité : si le grain meurt, il porte beaucoup de fruit.
Êtes-vous parfois loin de ce que le Christ attend de vous ? Vous savez certainement que votre service sacerdotal exige souvent le courage du sacrifice de soi. C’est alors que vous devez considérer la réaction de Jésus en présence des mêmes inquiétudes celle que nous trouvons dans l’Évangile qui vient d’être lu " Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père sauve-moi de cette heure ? Non, c’est pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn 12, 27).
Votre intention comme prêtres est d’être un avec le Christ dans l’œuvre de la Rédemption : " où je suis, là aussi sera mon serviteur " (Jn 12, 26). Puisse l’exemple des prêtres coréens martyrs parler à vos cœurs, vous révéler la vraie nature de votre vocation, excluant toute vaine espérance. Puissent ces hommes qui ont pris pleinement part au Mystère Pascal du Christ être les modèles d’un généreux service et sacrifice sacerdotal.
Chers Frères, " qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? " (1 Cor 4, 7). Le sacerdoce est un grand don que Dieu vous accorde. Il s’enracinera toujours plus profondément dans vos cœurs et produira des fruits toujours plus abondants dans la mesure où vous vous rendrez mieux compte de la gratuité de ce don. Comme Marie, vous devriez vous réjouir en Dieu vôtre Sauveur parce qu’il a jeté les yeux sur votre humilité (cf. Lc 1, 48). Si vous vous rendez compte de la distance qui existe entre la grandeur surnaturelle du don et votre propre indignité vous serez préservés de tout vain orgueil : comme nous le rappelle la première lecture, cela vous mettra à l’abri de toute " vantardise " comme s’il ne s’agissait pas d’un don (1 Cor 4, 7).
69. A Sampran (Thaïlande) : Messe pour les ordinations sacerdotales
Le prêtre trouve son identité dans la personne et la mission du Christ
11 mai 1984
COMME PRÊTRES, VOUS ÊTES LES HOMMES DU PARDON ET DE LA MISÉRICORDE DE DIEU
En nous décrivant le visage du Messie, le prophète Isaïe nous offre en même temps une image du prêtre qui est un autre Christ : " Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J’ai mis sur lui mon esprit, il présentera aux nations le droit " (Is 42, 1). En apportant la justice, le Christ s’est revêtu des caractéristiques du Serviteur d’Israël et il a dû souffrir et se sacrifier lui-même pour la rédemption de l’humanité.
La Première Lettre de saint Pierre est encore plus explicite au sujet de la dimension sacrificielle de l’œuvre rédemptrice du Christ : le Christ " a porté lui-même nos fautes dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos fautes, nous vivions pour la justice ; c’est par ses blessures que vous avez été guéris " (1 P 2, 24). Nous voyons ici toute la portée du sacrifice du Christ : il a souffert la mort pour nous libérer de nos fautes afin que nous puissions connaître la vie nouvelle en Dieu.
Le prêtre du Nouveau Testament trouve son identité dans la personne et la mission du Christ. Il continue de rendre visible l’action salvifique du Christ. Sa consécration représente l’acte par lequel le Christ se vide totalement de lui-même. Le prêtre est appelé à annoncer la Bonne Nouvelle du salut, à rassembler la communauté des croyants, à la guider, et à la servir en étant le ministre des saints mystères. C’est au nom du Rédempteur que le prêtre réconcilie les pécheurs avec Dieu et avec l’Église dans le Sacrement de Pénitence. En célébrant l’Eucharistie, le prêtre annonce la mort du Seigneur et sa Résurrection ; par cette Eucharistie, Jésus lui-même confirme la nouvelle alliance dans son sang.
Dans tout cela, le Christ se montre, comme le dit Saint Pierre, " le berger et le gardien " de nos âmes (cf. 1 Pt 2, 25). Il est vraiment le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, qui connaît ses brebis et qui est connu d’elles (cf. Jn 10, 11, 14).
Par son ordination sacerdotale, le prêtre partage d’une façon spéciale le souci pastoral du Christ pour son Église. Il le fait dans la ligne de la mission du Serviteur souffrant d’Isaïe : " Il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la flamme vacillante, il ne faiblira ni ce cédera " (cf. Is 42, 3-4). C’est avec patience et humilité qu’il remplit la fonction du Christ Pasteur et Tête du corps, en exerçant un pouvoir spirituel qui lui est donné dans le dessein d’édifier le Corps du Christ. En se mettant humblement au service de ceux qui lui sont confiés, le prêtre se laisse guider en toutes choses par la volonté de celui qui veut qu’aucun ne se perde et que tous soient sauvés (cf. Jn 10, 16).
70. A Viterbe (Italie), aux prêtres
27 mai 1984
PAR SA PAROLE ET SA VIE, LE PRÊTRE A POUR MISSION D’ANNONCER LE CHRIST ET LE CHRIST CRUCIFIÉ
Vous êtes et devez être de façon toute spéciale les ministres de la Parole de Dieu (cf. 2 Co 11, 7). Votre premier devoir est d’annoncer le message du Christ (cf. Gal 2, 5).
Cette tâche prioritaire suppose une étude constante — accompagnée d’une méditation approfondie — de l’Écriture Sainte, des Pères, de la Tradition, du Magistère de l’Église. Cette annonce pourra et devra se faire et s’incarner — selon les circonstances et les personnes — sous des formes différentes : cela pourra être une catéchèse, une étude des problèmes de notre temps à la lumière de la Révélation divine, ou un autre approfondissement selon, les différents besoins, mais en tenant toujours compte du fait qu’un prêtre ne peut pas et ne doit pas prêcher de lui-même, d’après ses conceptions personnelles, sa propre idéologie, mais qu’il doit annoncer, par la parole et par la vie, le Christ et le Christ crucifié (cf. I Co 1, 23 ; 2, 2), en transmettant l’Évangile qui est " force de Dieu pour le salut de tout croyant " (Rm 1, 16)
Vous êtes en outre les ministres des sacrements, et, en particulier, de l’Eucharistie et de la Réconciliation. Je voudrais vous encourager à ouvrir vos yeux de plus en plus grands, pour découvrir plus profondément ce que signifie célébrer l’Eucharistie, le Sacrifice du Christ lui-même, confie à nos lèvres et a nos mains de prêtres au sein de la communauté de l’Église, pour mieux comprendre ce que signifie remettre les péchés et réconcilier les consciences des hommes avec le Dieu infiniment saint, avec le Dieu de la vérité et de l’amour ; ce que veut dire agir " in persona Christi ", au nom du Christ.
Vous êtes les serviteurs d’une cause extraordinaire, sublime, surnaturelle ! Et cela comporte, et exige une claire conscience de la grandeur de la mission que le Christ vous a confiée par les mains de l’Église ; cela comporte et exige une vie intérieure et un témoignage extérieur qui soient en parfaite harmonie et logique avec un but si élevé. Tout cela peut être, au plan humain, dur et difficile. Mais le Christ qui vous a appelés à sa suite, pour faire de vous les instruments qualifiés de sa Rédemption, vous donnera lui-même la grâce et la force pour vous acquitter dignement de votre mission. Il vous faudra prier, prier sans jamais vous lasser (cf. Lc 18, 1) ; demander dans le colloque régulier de l’oraison. et de la méditation la force d’en haut qui vous soutiendra ; être toujours unis au Christ, lui qui est la vie de notre vie (cf. Gal 2, 20).
71. Ordinations sacerdotales à Saint-Pierre de Rome
31 mai 1984
LE SACREMENT DU SACERDOCE EST ÉTROITEMENT LIÉ A L’EUCHARISTIE
Vous, mes très chers, à qui il est donné de recevoir le Sacrement du Sacerdoce lors de la fête de l’Ascension du Seigneur, vous devez l’avoir sans cesse présent sous les yeux. Le Sacrement du Sacerdoce est étroitement lie à l’Eucharistie Le Christ partage avec nous de manière toute particulière ce " pouvoir " qui a été donné, à Lui seulement, " au ciel et sur la terre ".
Suivant le texte des Actes des Apôtres, le Christ ressuscité, avant d’aller à son Père, a adressé ces paroles aux Apôtres " Vous recevrez une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins... " (Actes 1, 8).
Aujourd’hui, au cours de la liturgie des ordinations sacerdotales, nous prions spécialement pour que l’Esprit Saint descende. Nous chantons : " Veni Creator Spiritus ", et nous nous ouvrons de tout cœur à ses dons. C’est de la puissance de l’Esprit Saint que vous devez recevoir et accueillir le Sacrement du Sacerdoce. Il est le créateur de ce Sacerdoce en chacun de vous : Creator Spiritus.
Sa présence est indispensable.
Étant donné que vous devez devenir des témoins, sa descente est indispensable, comme est indispensable l’intervention intérieure de sa puissance.
Les paroles de Jésus de Nazareth, vous ne les avez pas entendues de vos propres oreilles. Vous ne l’avez pas suivi sur les routes de Galilée et de Judée. Vous ne l’avez pas vu Ressuscité après la crucifixion. Vous ne l’avez pas vu monter au ciel.
Et cependant...
Vous devez être témoins du Christ Crucifié et Ressuscité, témoins de Celui qui est " assis à la droite du Père "
Vous devez être témoins de ce " Pouvoir " qui Lui a été donné, à Lui et seulement à Lui, " au ciel et sur la terre ".
Mieux, vous devez être administrateurs de l’Eucharistie et de tous les sacrements dans lesquels ce " pouvoir " est donné en partage à l’Église pour le salut du monde.
72. Aux prêtres de Suisse (Einsiedeln)
15 juin 1984
L’ÉGLISE COMPTE SUR LES PRÊTRES POUR RELEVER LE DÉFI DE LA SÉCULARISATION ET DE L’INDIFFÉRENCE
L’Église compte sur vous pour relever — comme l’un de vous le disait — le défi de la sécularisation et de l’indifférence. Pour y répondre, vous cherchez à mieux présenter le visage de Dieu, la gratuité de son amour et sa miséricorde. Vous approfondissez le respect de l’homme, de sa dignité et de sa liberté. Vous favorisez de petites communautés plus vivantes et plus responsables. Vous voudriez que la joie, la ferveur, l’espérance les habitent, et vous espérez un nouveau printemps, même modeste, à partir de leur témoignage évangélique. Tout cela est important et j’y reviendrai.
Mais je désire auparavant vous dire ce qui me paraît premier :
c’est notre foi elle-même. Nous croyons que le Christ est le Sauveur. Nous croyons qu’il fait de nous ses prêtres pour le salut des hommes. Même si le monde autour de nous doute de la présence d’un Dieu qui l’aime, de la capacité du Christ à le renouveler, de la puissance de l’Esprit Saint qui poursuit son œuvre de sanctification, même si le monde ne ressent pas le besoin de recevoir un tel salut, et semble ne compter que sur ses capacités techniques ou réduire son horizon à une vie matérialiste, l’Église garde la conviction qu’il n’est pas d’autre Nom que celui de Jésus-Christ pour sauver les hommes (cf. Ac 4, 12) : il est le Chemin, la Vérité, la Vie. Et elle l’annonce clairement, à temps et à contretemps. C’est la force même de cette Bonne Nouvelle, avec la grâce de Dieu, qui déclenche dans les cœurs un mouvement vers la foi, au-delà de ce qui semblait prévisible. Il faut que retentisse toujours avec vigueur la parole initiale de Jésus : " Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ! " (Mc 1, 15). Il est normal de rechercher les signes du printemps, mais il ne faut pas attendre de les voir pour affirmer que la Vie est là. Il faut bien sûr mettre en œuvre tous les moyens pastoraux, mais ils sont subordonnés à cette assurance dans la foi.
En un mot, chers amis, avons-nous assez de foi dans notre sacerdoce reçu du Christ ? Croyons-nous fermement que le Christ nous a sanctifiés et envoyés (cf. Jn 17, 18), qu’il agit par notre ministère, si du moins nous faisons son œuvre ? Croyons-nous assez ~que la semence de la Parole, que le témoignage de son Amour ne restent pas sans porter du fruit ? Après nous être engagés librement, acceptons-nous de le suivre, quand son mystère rencontre l’incompréhension des hommes, quand son chemin est celui de la croix et des renoncements (cf. Jn 6, 66-71 ; Lc 9, 23-26) ? Car telle est — telle a toujours été — la condition de l’apôtre, du disciple, du prêtre. Croyons-nous aussi qu’il accordera le même don de la vocation sacerdotale à tous ceux qu’il appelle à participer à son œuvre de Médiateur ? Plus le monde se déchristianise, plus il a besoin de voir, dans la personne des prêtres, cette foi radicale, qui est comme un phare dans la nuit, ou le Roc sur lequel il s’appuie. Et le Christ n’abandonnera pas ceux qui, saisis par lui, lui ont consacré toute leur vie. Voilà, fondamentalement, la source de notre espérance. Voilà ce qui permet de porter un regard neuf sur le monde, comme au matin de la Pentecôte.
Et je dois même ajouter ceci : la constatation du succès éventuel de nos efforts d’évangélisation, accomplis au nom du Christ, ne constitue pas le ressort habituel de notre courage, ni la source ultime de notre joie. Le jour où les soixante-douze disciples, tout joyeux au retour de leur mission, confièrent à Jésus : " Même les démons nous sont soumis en ton Nom ", Jésus leur répondit " Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux " (Lc 10, 17-20). De même, chers frères prêtres, ne vous attristez pas de ce que les démons ne vous sont pas soumis de façon visible, de ce que le monde n’acquiesce pas d’emblée au Message, mais réjouissez-vous d’avoir fait l’œuvre du Christ et de mériter de partager son sort dans le Ciel. Cette œuvre est accomplie, vos noms sont inscrits dans le Ciel, lorsque vous cherchez à vivre, selon la foi, toute la plénitude du sacerdoce sacramentel, de ce don ineffable que le Christ vous a fait et dont vous devez toujours rendre grâce.
Notre foi se manifeste spécialement dans la place que nous accordons à la prière, au cœur de notre ministère. Les disciples de Jésus ont éprouvé un certain découragement devant la résistance du mal malgré leurs efforts de prédication et de guérison. Mais Jésus leur a répondu : " Cette espèce de démons, on ne la fait sortir que par la prière et le jeûne " (cf. Mc 9, 29, et Mt 17, 21). C’est le Christ qui convertira et qui sauvera ce monde sécularisé et il le fera par les actes de notre ministère, mais à condition qu’on ne se contente pas de les accomplir rituellement, formellement : " Imitamini quod tractatis ". Ils doivent être situés dans tout un climat de prière et de sacrifice, par lesquels toute notre personne s’unit intimement à l’action du Christ Médiateur.
L’Eucharistie que nous célébrons chaque jour est évidemment au sommet de notre vie sacerdotale. Je pense aussi à l’oraison quotidienne, à la prière de la liturgie des heures, faite au nom de l’Église, au rythme de nos journées ; à la grâce de la Réconciliation que nous offrons et que nous demandons pour nous-mêmes, à tous les autres sacrements et à leur préparation avec les fidèles Les multiples contacts pastoraux sont encore une occasion merveilleuse d’incarner la sollicitude patiente et confiante du Christ pour tous, et de rejoindre ces hommes et ces femmes au cœur de leurs préoccupations, pour les mettre en face des appels de la foi.
Oui, c’est à travers notre comportement, le soin et la conviction avec lesquels nous accomplissons toutes nos tâches sacerdotales, que les personnes, les familles et les groupes, même éloignés de la pratique religieuse, découvrent la foi qui nous habite et le Mystère dont nous sommes porteurs, même à travers les " vases d’argile " que nous sommes, invités constamment à l’humilité (cf. 2 Go 4, 7).
Le prêtre annonce l’Évangile avant tout par la vérité de sa vie. Comme le Christ disait aux Apôtres : " Avec le Saint-Esprit..., vous me rendrez témoignage " (Ac 1, 8).
Je veux parler aussi de l’espoir que représente le renouveau du tissu communautaire. Le prêtre trouve d’abord son soutien dans l’amitié et la collaboration avec les autres prêtres et avec son évêque, qui s’enracinent dans une fraternité sacramentelle. Je me réjouis des progrès qu’ont pu permettre, à ce niveau, l’institution des conseils presbytéraux et les autres formes de vie d’équipe. De même, j’apprécie la solidarité pratique qui s’est instituée entre les prêtres suisses pour remédier à la pauvreté des ressources en certains cantons, grâce au " fonds de solidarité ". Par rapport aux fidèles, il ne serait pas normal, ni sain, que le prêtre reste isolé dans la communauté dont il a la charge. Il est là pour elle, et il s’appuie sur elle. Sa mission est de mettre les autres en mesure d’exercer leurs divers ministères, vocations, charismes, responsabilités ou apostolats, à commencer par les diacres qui sont aussi des ministres ordonnés, les religieux et religieuses, les laïcs baptisés et confirmés. Et ces responsabilités ne visent pas seulement les services de la communauté chrétienne — catéchèse, liturgie, charité — mais le témoignage chrétien dans le monde, au sein des occupations temporelles. Je me réjouis donc de tout ce qui s’est fait en Suisse — sous l’impulsion des textes conciliaires — pour développer cette coresponsabilité qui trouve son expression, à différents niveaux, dans les conseils pastoraux des diocèses, des cantons et des paroisses, ou même, occasionnellement, dans des formes appropriées de collaboration interdiocésaine. Non seulement le prêtre trouve là un appui, et une aide qui enrichit et élargit l’apostolat, mais les communautés deviennent elles-mêmes signes de l’Église, signes de la communion fraternelle. La concertation permet à tous d’avoir un rôle responsable dans la construction du Corps du Christ ; elle permet l’expression et la prise en compte des minorités ; elle permet à l’évêque et au prêtre de se sentir organiquement en lien avec leur peuple.
Pour mieux garantir le progrès de ce mouvement, qui n’est pas sans tâtonnements ni défauts, j’ajouterai trois observations qui complètent ce que j’ai dit sur l’identité du prêtre.
Le prêtre demeure le pasteur de l’ensemble. Non seulement il est le " permanent ", disponible à tous, mais il préside au rassemblement de tous — notamment à la tête des paroisses — pour que tous trouvent l’accueil qu’ils sont en droit d’attendre dans la communauté et dans l’Eucharistie qui la réunit, quels que soient leur sensibilité religieuse ou leur engagement apostolique. Les petites communautés représentent une chance de dynamisme, de levain dans la pâte, mais, surtout si elles reposent sur l’affinité, elles ne suffisent pas à témoigner de l’Église qui déborde les cloisonnements sociaux, ni à offrir à tous ceux qui désirent faire une démarche religieuse un point de repère, une nourriture, une participation.
Le prêtre agit in persona Christi, au nom de la Tête du Corps, notamment dans les sacrements, mais aussi dans l’annonce de l’Évangile. Il faut se réjouir de voir les laïcs et les religieuses apporter leur contribution précieuse dans les multiples formes de la catéchèse et de la préparation aux sacrements, mais le prêtre y garde sa responsabilité spécifique : c’est de sa bouche qu’on attend tout spécialement la Parole de Dieu (cf. Décret Presbyterorum ordinis, n. 4), et c’est lui qui demeure, avec le diacre en certains cas, le ministre ordinaire des sacrements.
C’est dans ce sens enfin que le prêtre doit jouir de l’autonomie nécessaire à son ministère. Il n’est pas le délégué de la communauté : il lui est envoyé. L’obéissance à son évêque, le témoignage d’une vie simple et pauvre, son célibat contribuent à souligner son rapport particulier au Christ et à la communauté.
73. A Sion (Suisse) : homélie à la messe des ordinations sacerdotales
17 juin 1984
LE PRÊTRE PARTICIPE A LA CHARGE DE L’UNIQUE MÉDIATEUR QU’EST LE CHRIST
Melchisédech offrit au Très-Haut le pain et le vin. Sous le signe du pain et du vin, c’est Jésus-Christ qui s’offre au Père dans son sacrifice unique et définitif, rendu actuel et présent par le ministère des prêtres. Par eux, Jésus accomplit ce qu’il a fait durant le dernier repas. En offrant le pain, il dit : " Ceci est mon corps, livré pour vous.., prenez et mangez. " En offrant le vin, il dit : " Ceci est la coupe de mon sang, versé pour vous et pour la multitude... prenez et buvez " (cf. Lc 22, 19-20 et par.).
C’est ainsi que Jésus-Christ parla aux Apôtres qui prenaient avec lui le dernier repas. Et il ajouta : " Vous ferez cela en mémoire de moi " (cf. ibid.).
Qui est donc Jésus-Christ ? C’est le Fils éternel dans lequel le Père a aimé le monde. Il l’a donné " pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il obtienne la vie éternelle... pour que, par lui, le monde soit sauvé " (Jn 3, 16-17). Oui, il est venu pour le salut du monde. Le sacrifice qu’offrit Jésus-Christ sur la Croix — le sacrifice qu’il institua durant le dernier repas — est pour le salut du monde. Dans ce sacrifice se manifeste l’amour du Père et l’amour du Fils. C’est la coupe de l’Alliance nouvelle et éternelle.
Ceux qui aujourd’hui reçoivent l’ordination sacerdotale deviennent les ministres du sacrifice accompli pour le salut du monde. Ils le rendent présent. Ils sont les ministres de l’Eucharistie : leur vie sacerdotale se développe à partir de ce centre. Tout le reste sera comme une préparation ou un écho de cet acte sacramentel. Jour après jour, présents à l’existence humaine, ils auront à introduire leurs frères dans la Rédemption accomplie par le Christ et célébrée dans l’Eucharistie.
Prêtres, guides des consciences
Les prêtres sont en même temps les guides de leur prochain sur la voie du salut.
Ils se tiennent au milieu du peuple de Dieu et ils disent comme Moïse : " Seigneur, daigne marcher au milieu de nous " (Ex 34, 9). De tout leur être sacerdotal, ils invoquent le Seigneur pour qu’il guide son troupeau comme un Pasteur. Ils sont eux-mêmes les serviteurs de Jésus-Christ, le Bon Pasteur.
Comme Moïse, ils gravissent la montagne pour recevoir de Dieu le témoignage de l’Alliance, et pour prendre dans leurs mains, en signe de cette Alliance, les tables des Commandements de Dieu. Selon ces commandements — selon toute la vérité de l’Évangile, la charte de la nouvelle Alliance —, ils éclairent les consciences et guident ceux parmi lesquels eux-mêmes ont été choisis (cf. He 5, 1).
Ils sont maîtres de Vérité, en annonçant l’Évangile, en suscitant et en fortifiant la foi, en indiquant le chemin à suivre pour demeurer sur la voie du salut. Ils sont les gardiens de la rectitude des consciences. Et ainsi ils sont les serviteurs de ce Dieu qui proclamait devant Moïse : " Yahvé, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité " (Ex 34, 7). Ils sont les serviteurs de Jésus-Christ par lequel Dieu pardonne nos fautes et nos péchés, et fait de nous un peuple qui lui appartienne (cf. ibid. 34, 9).
Et par conséquent, ces prêtres de la nouvelle Alliance sont les ministres du sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation avec Dieu. Avec l’Eucharistie, ce ministère occupera une place capitale dans leur vie.
Mystère et témoignage des prêtres
Autour de ces fonctions centrales se développent les autres aspects de leur vie sacerdotale que je ne fais qu’évoquer. Le prêtre participe à la charge de l’unique Médiateur qu’est le Christ. Mais il connaît sa faiblesse. Il n’opère rien par lui-même : il est fort de la force de Dieu, cela par une disposition permanente qui consacre son être même. Mais il doit chercher à y correspondre. Il doit rechercher la sainteté qui convient au ministre du Christ, avec l’Esprit Saint qui lui a été donné par l’imposition des mains : s’offrir tout entier avec lui, " vivre ce qu’il accomplit " (cf. Prière de l’ordination, en remettant le pain et le vin), transmettre ce qu’il a contemplé. Il doit être un homme de prière, tantôt dans la solitude, comme Moïse sur la montagne, tantôt comme animateur ou président de la prière de ses frères. Dans la plaine, il doit vivre proche des hommes, simplement, pauvrement, à leur service, comme le Christ venu pour servir ; il tient compte de leurs préoccupations et de leur langage pour annoncer l’Évangile de Jésus-Christ — tout l’Évangile — de façon à pouvoir être entendu. Mais il doit en même temps initier au Mystère. Par sa façon de vivre, il doit apparaître comme l’homme lié à Jésus-Christ ; par le célibat notamment, il devient le " signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité " (cf. Décret Presbyterorum ordinis, n. 16). Il est " l’homme pour les autres " ; il doit être témoin, prophète. Courageux, qu’il accepte d’être à son tour signe de contradiction, parfois le serviteur souffrant, mais toujours l’homme de la paix que le Christ est venu apporter sur terre.
Collaborateur de l’Évêque
Tout cela il le fera en tant que collaborateur de l’Évêque, qui est lui-même en communion avec le successeur de Pierre ; obéissant aux deux, le prêtre est en communion avec toute l’Église. Son sacerdoce a pour fondement celui de l’Évêque du lieu, père de tout le presbyterium. C’est ainsi que le prêtre peut contribuer à l’édification de l’Église dans l’unité. Il ne dispose pas arbitrairement des dons de Dieu. Selon les paroles de saint Paul, il est " intendant des mystères de Dieu ". Or, ce qu’en fin de compte on demande à des intendants, c’est que chacun soit trouvé fidèle " (1 Go 4, 1-2). Tout ce qu’est le prêtre a sa source exclusive dans l’Église, par l’Église, pour l’Église. C’est pourquoi il doit aimer l’Église, penser et sentir avec l’Église (" sentire cum Ecclesia ") non seulement l’Église du passé, non pas l’Église qui n’existe pas encore, mais l’actuelle Église concrète, celle dont les rides et les taches doivent encore être effacées. Cet amour dispose le prêtre aux tâches que l’Église attend de lui en vue du salut de tous. Le dialogue pastoral auquel il s’efforce doit permettre de dépasser les conflits et divisions si c’est vraiment Jésus-Christ que l’on cherche, si c’est lui que l’on veut servir.
74. A Fano (Italie), aux prêtres
12 août 1984,
PAR VOTRE SACERDOCE ET VOTRE CONSÉCRATION TÉMOIGNEZ VOTRE FOI POUR RENOUVELER LE MONDE
Le prêtre est un ministre du Christ, choisi par Lui, consacré à Lui, témoin de sa Passion, Mort et Résurrection, envoyé par Lui pour communiquer la vie de la grâce, spécialement par le culte eucharistique et la célébration des sacrements.
Le prêtre a pour mission d’être maître et guide, parce qu’il doit annoncer l’Évangile et donner une réponse aux interrogations éternelles de l’homme, de tout homme, au sujet du sens ultime de la réalité crée.
Puis, du fait qu’il est inséré dans le monde comme signe et témoignage de l’amour salvifique du Christ et député officiellement à la prière publique de l’Église, le prêtre offre continuellement à Dieu un sacrifice de louange (cf. Héb. 13-15) qui interprète l’aspiration de toute la création à la libération des fils de Dieu (cf. Rm 8, 19) : et, de cette manière, il en devient le médiateur et la voix
Comme prêtres, nous avons donc le devoir de témoigner la foi en exerçant le " munus regale ". Comme l’a souligné le Concile Vatican II, la mission royale de Jésus-Christ est transmise de manière particulière à l’Église sous forme de pouvoir pastoral exercé par les Évêques en communion avec le Successeur de Pierre et par les prêtres et diacres sous la direction des Évêques (cf. Lumen Gentium, 18 et sq.). Ce pouvoir pastoral a sa source, sa raison continue, son exemple et son idéal dans le Christ, le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 15), et qui, lorsqu’il retrouve la brebis égarée, la prend avec joie sur les épaules (cf. Lc 15, 5).
Témoigner la foi en tant que prêtre, c’est donc se sanctifier soi-même et servir le Christ dans le prochain, avec cette charité pastorale qui, vécue dans la communion, rend les prêtres parfaits dans l’unité (cf. Jn 17, 23), et annonciateurs du Fils de Dieu Sauveur : " Père, qu’ils soient une seule chose afin que le monde croie " (Jn 17, 21).
Témoigner la foi comme prêtres, c’est se livrer généreusement au " ministerium verbi ", cherchant les moyens les plus efficaces pour que l’Évangile soit vraiment annoncé " à toute créature " (Mc 16, 15), veillant avec soin à ce qu’une catéchèse appropriée, réalisée de manière organique, synthétique et profonde, atteigne toutes les catégories de personnes, spécialement la jeunesse parfois livrée à elle-même.
Témoigner la foi comme prêtres, c’est être un canal de grâce pour communiquer la vie divine par la digne célébration des Mystères divins, l’administration des sacrements et, en particulier, du sacrement de la Réconciliation, pour guider les fidèles vers l’amour du bien, source ultime, des vrais jugements de la conscience morale.
Témoigner la foi comme prêtres, c’est se mettre totalement à la disposition de Dieu afin qu’" il fasse de nous un éternel sacrifice qui Lui soit agréable " (cf. 3 Prière eucharistique) : c’est ce que nous disons au Seigneur, à notre Créateur et Père au nom et dans la personne du Christ et, en même temps, au nom de toutes les créatures, de manière à être toujours vraiment des hommes-pour : pour Dieu et pour les frères, sans réserve, dans la joie totale du don de soi-même.
Témoigner la foi comme prêtres, c’est, enfin, être des hommes de prière en tant que participant de manière spéciale de la prière de Jésus : hommes de Dieu, consacrés, nous prêtons, au moment le plus élevé de chaque jour, notre voix au Christ lui-même qui loue le Père et intercède constamment pour nous (cf. Héb 7, 25).
C’est pourquoi je désire vous encourager à persévérer avec confiance et avec ferveur dans votre mission sacerdotale et pastorale, dans la charité mutuelle et dans l’unité des intentions. Le monde actuel a tout spécialement besoin de guides éclairés et sûrs. Je vous répète, à vous également, ce que j’ai dit aux prêtres suisses : " Plus le monde se déchristianise et plus il a besoin de voir dans la personne des prêtres cette foi radicale qui est comme un phare dans la nuit, ou le rocher sur lequel s’appuyer. " Nous devons vivre avec les hommes de notre temps comme avec des frères, tout en restant toujours " les témoins et les dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre " (Presbyterorum ordinis n. 3).
75. A Montréal : aux prêtres et aux séminaristes
11 septembre 1984
LE DÉFI DE LA SÉCULARISATION APPELLE UN SURCROÎT DE FOI, D’ABORD CHEZ LES PRÊTRES
Vous observez une mutation profonde qui ouvre la voie à une nouvelle culture, à une nouvelle société, mais qui comporte aussi bien des interrogations sur le sens de la vie, et une crise des valeurs : valeurs de foi, de prière, de pratique religieuse, valeurs morales, au plan de la famille, ou encore façon plus matérialiste, plus égoïste de vivre. L’Église n’est plus seule à inspirer les réponses ou les comportements ; parfois elle se sent en marge, certains vont jusqu’à dire " en exil ".
Devant cette situation nouvelle, la plupart des pasteurs canadiens semblent ne pas se décourager. Ils veulent voir là une épreuve, c’est-à-dire une occasion de dépouillement, de purification, de reconstruction nouvelle, dans l’humilité et l’espérance.
Le successeur de Pierre vous dit lui aussi : il vous appartient de relever ce défi, de ne pas vous laisser paralyser, de retrouver votre liberté et le dynamisme de la foi
En aucune façon, le réalisme et l’humilité spirituelle ne doivent se traduire par une démission Vous ne pouvez pas vous résigner à ce que le christianisme soit relégué, même pour un temps, en dehors des convictions ou des mœurs de vos compatriotes Certes la nouveauté de la situation culturelle présente, en un sens, des aspects positifs, si l’on veut dire par là que la foi peut s’exprimer aujourd’hui plus librement, qu’elle dépend moins de la pression sociale et davantage des convictions personnelles de chacun, qu’elle surmonte plus facilement le formalisme ou l’hypocrisie, qu’elle prend mieux en compte les nouvelles questions scientifiques, les possibilités de progrès technique ou de communication sociale, qu’elle favorise une participation plus active, plus responsable, dans des communautés plus souples, qu’elle sait mieux entrer en dialogue avec les autres en respectant leur conscience, ou la compétence des responsables de la société civile.
Mais, lorsqu’il s’agit de l’essentiel — le sens du Dieu vivant, l’accueil de l’Evangile de Jésus-Christ, le salut par la foi, les gestes primordiaux de pratique religieuse qui expriment et nourrissent cette foi, comme les sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation, le sens de l’amour humain dans le mariage, la théologie du corps, le respect de la vie, le partage avec les déshérités, et en général les béatitudes — le chrétien, et moins encore le prêtre, ne peut accepter de se taire, de se résigner à l’effacement, sous prétexte que la place est livrée au pluralisme des courants d’idées, dont plusieurs sont imprégnés de scientisme, de matérialisme, voire d’athéisme. L’Évangile parle bien du grain de blé qui accepte de mourir pour fructifier dans une nouvelle vie (cf. Jn 12, 24-25), mais cette mort n’est pas celle de la crainte et de la démission, elle est celle d’une vie totalement offerte en témoignage au sein même de la persécution.
Autrement dit, il faut travailler plus que jamais à ce que le christianisme ait droit de cité dans votre pays, qu’il y soit accueilli librement dans les mentalités, que son témoignage y soit offert à tous les échelons de façon persuasive, pour que la culture qui s’élabore se sente pour le moins interpellée par les valeurs chrétiennes et en tienne compte. Le Christ s’est incarné, a offert sa vie et est ressuscité pour que sa lumière brille aux yeux des hommes, pour que son levain soulève toute la pâte : il faut que, mêlé à la pâte, il la renouvelle sans cesse, à condition de garder sa qualité de levain.
Chers amis prêtres, le défi de la sécularisation appelle un surcroît de foi chez les chrétiens, et d’abord chez les prêtres. A ce monde-là, le nôtre, le Christ offre le salut, la vérité, une authentique libération ; l’Esprit Saint poursuit son œuvre de sanctification ; la Bonne Nouvelle garde sa force ; la conversion est possible, elle est nécessaire. Oui, comme je le disais récemment à vos confrères suisses, dans un contexte autre mais qui a des points communs avec le vôtre comme société d’abondance, plus le monde se déchristianise, plus il est atteint par l’incertitude ou l’indifférence, plus il a besoin de voir dans la personne des prêtres cette foi radicale qui est comme un phare dans la nuit, ou le roc sur lequel il s’appuie (cf. Discours aux prêtres, Einsiedeln, 15 juin 1984, n. 7).
Cette foi, je sais bien qu’elle vous habite. Mais elle doit entraîner un zèle pastoral nouveau, dans tous les domaines, comme elle animait les prêtres fondateurs et ceux qui, avec beaucoup de religieuses et de laïcs convaincus, ont travaillé à ce que le Canada français s’inspire des convictions chrétiennes, catholiques. Oui, il faut parler de la lucidité et du courage surnaturels de la foi qui permettent de résister aux vents contraires à l’Évangile, aux courants destructeurs de ce qu’il y a de grand dans l’homme. Il faut l’audace d’entreprendre à frais nouveaux une formation des consciences.
Avec zèle, confiants dans l’Esprit Saint pour un sain discernement, encouragez ceux qui ont su renouveler leur foi et leur prière et qui font preuve d’une ardeur généreuse pour prendre des initiatives apostoliques dans l’Église et dans la société. Vous aurez à cœur également de ne pas laisser le peuple chrétien dans le vide spirituel, ou une ignorance religieuse fatale. Si vous percevez chez lui un certain désarroi devant les nouveautés, rappelez-vous que ce peuple a besoin, plus que jamais dans les temps de mutation, de " signes visibles de l’Église, d’appuis, de moyens, de points de repère ", et de soutien communautaire, comme je le disais à vos évêques. Quand il voit des fidèles désemparés, le pasteur humble doit toujours se soucier de les accueillir, de les écouter, de les comprendre ; il acceptera parfois une réaction saine devant des pratiques effectivement contestables en liturgie, catéchèse ou éducation ; en tout cas, il s’efforcera de les conduire vers une attitude positive et un approfondissement.
Parmi tous les actes du ministère qui se rattachent à la triple fonction sacerdotale, j’en souligne quelques-uns, en pensant aux besoins spirituels de vos compatriotes aujourd’hui.
Un certain nombre de jeunes ont redécouvert la prière. Mais beaucoup d’autres ne savent plus ou n’osent plus prier. Or ce monde sécularisé ne s’ouvrira à la foi et à la conversion que s’il prie en même temps qu’il entend l’Évangile. " Cette espèce de démons, on ne la fait sortir que par la prière et le jeûne " (cf. Mc 9, 29 et Mt 17, 21). Ce monde a besoin de maîtres à prier, et il se tourne spontanément vers le prêtre qu’il voit prier au nom de l’Église. Mais on n’apprend à prier aux autres que si la prière est l’âme de notre propre vie, si elle accompagne tous nos efforts pastoraux.
76. Rencontre avec le clergé (Toronto)
14 septembre 1984
NOTRE MINISTÈRE SACERDOTAL EST UN ACTE D’ÉTROITE COLLABORATION AVEC LE SAUVEUR DU MONDE
De même que la signification du sacerdoce du Christ réside dans le mystère de la Croix, la vie du prêtre trouve son sens et son but dans le même mystère. Puisque nous participons au sacerdoce de Jésus crucifié, nous devons prendre conscience chaque jour davantage que notre service est marqué du sceau de la Croix.
La Croix nous rappelle, à nous prêtres, le grand amour de Dieu pour l’humanité et l’amour personnel qu’il nous porte. L’immensité de cet amour nous est communiquée tout d’abord dans le don de la vie nouvelle que chaque chrétien reçoit par le signe de l’eau au Baptême. Cette merveilleuse expression de l’amour divin remplit sans cesse le croyant de gratitude et de joie.
Combien est merveilleux ce don que Jésus offre à certains hommes, pour le bénéfice de tous, d’avoir part à son sacerdoce ministériel. Qui d’entre nous, prêtres, ne voit pas dans cet appel une expression de l’amour profond et personnel de Dieu pour chacun de nous, et pour l’Eglise tout entière qu’il est appelé à construire par le ministère spécifique de la Parole et des Sacrements ?
Sachant que nous sommes appelés à nous donner à la mission rédemptrice de Jésus, chacune d’entre nous a conscience de son indignité à être ordonné " homme de Dieu " pour les autres. Ce sentiment nous amène à prendre davantage appui sur Dieu dans la prière. En union avec le Christ en prière, nous trouvons la force d’accepter la volonté du Père, de répondre joyeusement à l’amour du Christ pour, ainsi, grandir en sainteté. Pendant tout ce temps, l’ombre de la croix se projette sur notre existence de prêtre, nous exhortant à imiter le Christ Lui-même avec toujours plus de générosité. Durant toute cette lutte, les mots de saint Paul résonnent constamment dans nos cœurs : " Pour moi, certes, la vie c’est le Christ " (Ph 1, 21).
Comme prêtres, nous voyons également dans la Croix un symbole de notre service pastoral aux autres. Comme le Grand Prêtre au nom duquel nous agissons, nous sommes appelés " non pas à être servis, mais à servir " (Mt 20, 28). Nous sommes chargés de conduire le troupeau du Christ, de le guider " par le juste chemin pour l’amour de son Nom " (Ps 23, 3).
Notre principal service, comme prêtres, est de proclamer la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ. Toutefois, nous ne communiquons pas ce message " en termes de sagesse dans laquelle la crucifixion du Christ peut être exprimée ", mais par " le langage de la Croix ", qui est " la puissance de Dieu de sauver " (1 Go 1, 17-18). Pour bien prêcher, il faut être pénétré du mystère de la Croix, grâce à l’étude et à la réflexion quotidienne sur la Parole de Dieu.
Notre service sacerdotal trouve son expression la plus sublime dans l’offrande du sacrifice eucharistique, qui est en effet la proclamation sacramentelle du mystère du salut. Dans cette action sacrée, nous rendons présent, pour la gloire de la très Sainte Trinité et la sanctification des hommes, le sacrifice de Jésus-Christ sur la Croix. L’Eucharistie apporte le pouvoir de la mort du Christ sur la Croix dans la vie des fidèles : " Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne " (1 Co 11, 26).
L’Eucharistie est la raison d’être même du sacerdoce. Le prêtre existe pour célébrer l’Eucharistie. Nous y trouvons la signification de tout ce que nous faisons d’autre. Nous devons donc être attentifs à ce don merveilleux qui nous a été confié pour le bien de nos frères et sœurs. Nous devons réfléchir profondément à ce que nous faisons lorsque nous célébrons l’Eucharistie et à la façon dont cet acte affecte notre vie tout entière.
Le Jeudi Saint 1980, j’ai partagé cette pensée avec les évêques de l’Église dans une lettre que je leur adressais : " Le prêtre remplit sa mission principale et se manifeste dans toute sa plénitude en célébrant l’Eucharistie, et cette manifestation est plus complète lorsqu’il permet lui-même à ce mystère de devenir visible, afin que lui seul brille dans le cœur et dans l’esprit des croyants, à travers son ministère " (No 2).
Par son amour de l’Eucharistie, le prêtre conduit les laïcs à exercer le rôle important qui leur est propre dans la célébration liturgique. Il y contribue également en actualisant le charisme de sa propre ordination. Dans sa lettre pastorale sur le sacerdoce, le Cardinal Carter décrit cet aspect du rôle du prêtre : " Sa fonction est de convoquer le peuple de Dieu à exercer sa propre responsabilité... à offrir le sacrifice de louange qui doit éclairer leurs vies et, à travers eux, le monde. Cela, le prêtre doit le faire in persona Christi " (Lettre pastorale, V, 7).
En un mot, le prêtre élève le Christ au milieu de l’assemblée afin que, sous le signe de la Croix, l’assemblée se soude dans l’unité et dans l’amour, et témoigne à la face du monde de l’amour rédempteur du Christ.
Nous savons que certains sacrifices nous seront demandés sous le signe de la Croix. Cela ne nous surprend pas car la Croix est le mode d’exercice du service pastoral du Christ. Il nous arrive de sombrer dans le découragement et la solitude, et même de nous sentir rejetés. Il arrive que nous ayons tant à donner de nous-mêmes que nous nous sentons complètement vidés de notre énergie. On nous demande régulièrement d’être compréhensifs, patients et compatissants à l’égard de ceux avec qui nous sommes en désaccord, et avec tous ceux et celles que nous rencontrons. Nous acceptons pourtant ces exigences, avec tous les sacrifices qu’elles impliquent, de façon à " être tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns " (1 Go 9, 23). Et nous acceptons ce que l’on nous demande, non pas à contrecœur, mais volontiers, oui, joyeusement.
Notre engagement sacerdotal à mener une vie de célibat " en vue du Royaume des cieux " est lui aussi au bénéfice des autres. Permettez-moi de répéter ce que j’ai écrit aux prêtres du monde dans ma lettre du Jeudi Saint 1979 : " Par son célibat, le prêtre devient "l’homme pour les autres", d’une manière différente de celui qui, en se liant à la femme dans l’union conjugale, devient lui aussi, comme époux et père, un "homme pour les autres"... Le prêtre, en renonçant à cette paternité propre aux époux, recherche une autre paternité, et même presque une autre maternité quand on pense aux paroles de l’apôtre au sujet des enfants qu’il engendre dans la douleur. Ce sont là des enfants de son esprit, des hommes confiés par le Bon Pasteur à sa sollicitude... La vocation pastorale des prêtres est grande... pour être disponible à un tel service, s’il veut être disponible pour ce service, le cœur du prêtre doit être libre. Le célibat est le signe d’une liberté en vue du service " (No 8).
Et nous prêtres, nous reconnaissons aussi dans le mystère de la Croix la puissance de réconciliation que le Christ exerce sur toute la création. Nous croyons que la Croix du Christ présente à la société contemporaine — avec ses découvertes scientifiques et son progrès technologique, avec son aliénation et son désespoir — un message de réconciliation et d’espérance. Quand nous présidons l’assemblée eucharistique, qui est la source de la réconciliation et de l’espérance pour l’Église, nous portons la responsabilité d’aider les chrétiens à humaniser le, monde grâce à la puissance du Seigneur crucifié et ressuscité.
Chers Frères dans le sacerdoce, le Christ nous appelle à proclamer son message de réconciliation et d’espérance d’une manière toute particulière, d’une manière que la Providence de Dieu nous a réservée, à nous seuls. Proclamer la réconciliation et l’espérance, cela veut dire non seulement insister sur la grandeur du pardon de Dieu et de son amour bienveillant au regard du péché, mais, aussi permettre aux fidèles de bénéficier de l’action du Christ, qui pardonne par le Sacrement de Pénitence.
A mainte reprise j’ai demandé à mes frères dans le sacerdoce et aux évêques de donner une priorité particulière à ce Sacrement, afin que le Christ puisse rejoindre ses frères et ses sœurs dans cette rencontre personnelle d’amour. Notre ministère sacramentel, qui inscrit au cœur de la vie des fidèles le don de la Rédemption, est un acte d’étroite collaboration avec le Sauveur du monde. C’est par la conversion personnelle réalisée et scellée par le Sang de Jésus que le renouveau et la réconciliation pénétreront finalement toute la création.
77. Aux prêtres de Calabre
6 octobre 1984
De tout temps, les prêtres qui se sont posé avec le plus de netteté le problème de leur identité à la lumière de l’Évangile sont ceux qui ont réussi à mettre un nouveau levain dans la masse et à faire progresser dans son cheminement de foi la communauté qui leur était confiée. Quand le prêtre est vraiment un témoin vivant de la foi, il est un missionnaire de l’Évangile, un prophète de l’espérance qui ne déçoit pas, il devient par là même un constructeur de l’Église du Christ, un artisan de paix et de promotion humaine, un protecteur des orphelins et des petits, un consolateur de ceux qui souffrent, en un mot, un père.
La Calabre a besoin de prêtres de ce type, elle a besoin de vous ! Le renouveau religieux, moral et civil de cette région dépend en très grande partie de votre action de pasteurs, il dépend des valeurs humaines et chrétiennes que vous saurez faire vivre dans la société calabraise.
78. A la concélébration avec les prêtres du Renouveau
9 octobre 1984
LA VOCATION SACERDOTALE EST UN APPEL PARTICULIER A LA SAINTETÉ
Le rôle de l’Esprit Saint
Pendant la retraite vous avez longuement médité sur la vocation sacerdotale comme un appel spécial à la sainteté. Ce thème est très important et actuel. Le monde d’aujourd’hui, en effet, a besoin de prêtres, de beaucoup de prêtres, mais surtout de saints prêtres.
La vocation sacerdotale est essentiellement un appel à la sainteté, dans la forme qui jaillit du sacrement de l’Ordre. La sainteté est intimité avec Dieu, elle est imitation du Christ, pauvre, chaste et humble ; elle est amour sans réserve envers les âmes et donation en vue de leur véritable bien ; elle est amour pour l’Église qui est sainte et nous veut saints, car telle est la mission que le Christ lui a confiée. Chacun de vous doit être saint afin d’aider ses frères à réaliser leur vocation a la sainteté.
Comment ne pas réfléchir, dans le contexte de cette rencontre, sur le rôle essentiel que l’Esprit Saint joue dans l’appel spécifique à la sainteté, qui est propre au ministère sacerdotal ? Rappelons-nous les paroles du rite de l’Ordination sacerdotale : " Père tout puissant, donne à tes fils la dignité du sacerdoce. Renouvelle en eux l’effusion de ton Esprit de sainteté ; qu’ils exercent fidèlement, ô Seigneur, le ministère du second degré sacerdotal reçu de toi et que par leur exemple ils conduisent tous les hommes à une vie intègre. "
Par l’ordination, très chers, vous avez reçu l’Esprit même du Christ, qui vous rend semblables à Lui, afin que vous puissiez agir en son nom et vivre en vous-mêmes ses propres sentiments. Tandis que cette intime communion avec l’Esprit du Christ assure l’efficacité de l’action sacramentelle que vous accomplissez " in persona Christi ", elle requiert également de s’exprimer dans la ferveur de la prière, dans la cohérence de la vie, dans la charité pastorale d’un ministère inlassablement orienté vers le salut des frères. En un mot, elle requiert votre sanctification personnelle. C’est ce qu’a confirmé le Concile Vatican II en étudiant ce thème d’un point de vue qui est en même temps christologique, pneumatologique et ecclésial " C’est en exerçant le ministère d’Esprit et de justice qu’ils s’enracinent dans la vie spirituelle, pourvu qu’ils soient accueillants à l’Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’Évêque et entre eux (Presbyterorum ordinis, 12).
La vocation du prêtre
Voilà donc, chers frères dans le sacerdoce : votre vocation spécifique à la sainteté se traduit en un programme de docilité à l’Esprit, lequel, s’il est favorisé, réalise en vous la progressive identification avec le Christ, à son exemple, son enseignement, sa personne, et vous élève au rang de coopérateurs du plan divin du salut. En face d’une perspective si sublime, comment ne pas éprouver la nécessité de dire avec saint Paul " Je vous exhorte, moi le prisonnier du Seigneur, à mener une vie digne de la vocation que vous avez reçue, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres par amour, vous efforçant de garder l’unité de l’esprit par le bien de la paix " (Ép 4, 1-3).
L’exhortation de saint Paul devient encore plus insistante et angoissée à la pensée de la tâche fondamentale qui vous revient dans l’édification de l’Église, corps du Christ et temple vivant de l’Esprit ; vous êtes appelés à réunir, en communion avec les évêques et sous leur dépendance, la famille de Dieu, comme une fraternité animée par l’Esprit d’unité (cf. Lumen Gentium, 28).
Au cœur de la Communauté chrétienne, comme aussi au cœur de différents groupes du Renouveau dans l’Esprit, le prêtre est appelé à être pasteur et guide des fidèles, garant de la véritable doctrine de l’Église, responsable, en communion avec l’évêque, de l’authentique célébration de l’Eucharistie et des sacrements, témoin et promoteur de la communion ecclésiale.
Il doit donc former les fidèles à ce " sens de l’Église " qui se traduit en amour pour la doctrine de l’Église, en vénération pour ses Pasteurs, en docilité et obéissance à leurs directives, en ouverture d’esprit et de cœur envers tous les membres de l’Eglise, y compris les autres mouvements ou associations ecclésiales, en esprit missionnaire et œcuménique. Il faut, en effet, éviter le danger de considérer comme absolue sa propre expérience, comme si elle était l’unique ou la plus belle, et s’ouvrir dans l’amour, qui est don de l’Esprit, à la collaboration avec toutes les composantes ecclésiales, voyant en elles autant de manifestations de l’unique Esprit, qui " a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes ou encore évangélistes, ou encore pasteurs et docteurs, organisant les saints pour l’œuvre du service, pour la construction du corps du Christ " (Ep. 4, 11-12).
C’est une tâche que le prêtre ne peut abdiquer ni confier à d’autres, car elle jaillit de la nature même de son ministère pastoral, et trouve un soutien quotidien dans la grâce que l’Esprit répand en lui, en tant que représentant du Christ au cœur de la Communauté chrétienne. Il peut certainement s’enrichir de tout don authentique que l’Esprit répand en abondance parmi le Peuple de Dieu. Mais il ne peut oublier qu’il est appelé à accomplir une tâche de discernement, de guide et de pédagogie spirituelle dans l’exercice de ce ministère d’enseignement autorisé, de sanctification sacramentelle, de gouvernement ecclésial, qui lui est propre du fait qu’il est investi du triple " munus " du Christ Prêtre.
Être attentif à chaque personne
C’est Lui, en effet, le modèle vers lequel il faut regarder ; Lui, Jésus, que le texte évangélique entendu nous présente parcourant " les villes et les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume, et guérissant toute maladie et infirmité " (Mt 9, 35). Le prêtre doit avoir constamment sous les yeux le Maître divin pour faire siens ses sentiments profonds et parvenir à éprouver, avec Lui, " compassion " pour les personnes " fatiguées et prostrées " qui vaguent souvent sur les chemins de la vie " comme des brebis sans pasteur " (cf. Mt 9, 36).
Chaque personne doit être importante pour Lui. Le soin de la Communauté ne le dispense pas de l’attention prévenante pour chacun, selon ses besoins spirituels et selon la vocation spécifique personnelle. Aujourd’hui plus que jamais, en particulier à travers le dévouement au ministère de la Pénitence et à la direction spirituelle, le prêtre est appelé à être éducateur de la foi pour chacun de ses fidèles, évitant toute possible " massification " des consciences. Si chacun en particulier est aimé de Dieu, si l’Esprit répandu dans le cœur de chaque fidèle (cf. Rm 5, 5) en assure la personnalité unique et la spécifique vocation à la sainteté, le prêtre doit favoriser l’œuvre de l’Esprit, afin que grâce à la libre réponse de chacun la communion ecclésiale soit enrichie, sur un chemin qui, tout convergeant qu’il soit dans l’unité du plan de Dieu, exige toutefois l’engagement personnel de chacun.
Guide éclairé de ses frères laïcs
Il faut de plus rappeler qu’un guide éclairé des fidèles sur le cheminement de la sainteté suppose une pédagogie de la vie spirituelle harmonieuse et intégrale, qui conduise de la contemplation et de la prière à l’engagement concret dans la pratique des vertus évangéliques et en particulier à l’engagement qui porte à l’accomplissement des exigences qui jaillissent de la justice et de la charité. N’est-ce pas là la recommandation précise que l’apôtre Jacques faisait déjà à ses premiers chrétiens ? " Que sert-il à quelqu’un, mes frères, de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas d’œuvres ? la foi peut-elle le sauver ? " (Jc 2, 14) demandait-il. Et la réponse péremptoire est bien connue " Comme le corps sans l’esprit est mort, ainsi la foi sans œuvres est morte " (2, 26).
La foi doit être témoignée par la vie non seulement dans la vie privée, mais aussi dans la vie sociale. C’est-à-dire que le chrétien devra tâcher d’être présent et actif même dans les diverses structures sociales et politiques du monde contemporain, afin de promouvoir dans tous les secteurs les conditions de la " civilisation de l’amour ". Aujourd’hui, en effet, les œuvres de miséricorde, rappelées par Jésus dans le discours du jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46), doivent être réalisées non seulement par les initiatives de chacun, mais aussi à travers d’opportunes initiatives à niveau social et politique (cf. Gaudium et Spes, nn. 26.30.31). Comme il est écrit dans la récente Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur quelques aspects de la Théologie de la Libération, " plus que jamais, il convient que des chrétiens nombreux, dont la foi soit éclairée et qui soient résolus à vivre la vie chrétienne dans son intégralité, s’engagent, par amour pour leurs frères déshérités, opprimés ou persécutés, dans la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine "(Avant-propos).
Au service de la maturité chrétienne
Une sage pédagogie spirituelle devra, de plus, tenir compte du fait que le cheminement de la sainteté est un processus de croissance vers la maturité ou, comme dit l’apôtre Paul, vers " l’état d’homme parfait, à la mesure de la taille du Christ en sa plénitude " (Ep. 4, 13). Certaines expériences d’enthousiasme religieux, que le Seigneur accorde parfois, ne sont que des grâces initiales et transitoires, qui ont pour but de stimuler vers l’engagement décidé de la conversion, cheminant généreusement dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour.
A ce sujet, il sera très utile d’approfondir la doctrine des grands maîtres de la vie spirituelle, de Saint Augustin à Saint Bernard, d’Ignace de Loyola à Thérèse de Jésus et Jean de la Croix :
ils présentent la vie chrétienne comme un long cheminement, dans lequel le progrès est soutenu et guidé par l’Esprit, qui met à l’épreuve chaque chrétien, et le conduit à travers des nuits obscures et des journées lumineuses vers cette nouveauté de vie qu’est la sainteté. En elle brillent en même temps la maturité humaine, la fidélité évangélique et la fécondité apostolique, dans l’adhésion humble et généreuse à la volonté de Dieu, reçue et accomplie dans la normalité du quotidien.
Dans la mesure où le chrétien devient transparent à cette action douce et puissante de l’Esprit, il éprouve en soi l’expérience de la manifestation progressive de ces " fruits de l’Esprit " qui sont " amour, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, fidélité, douceur, maîtrise de soi " (Ga 5, 22), et sa vie, même privée de singularités extérieures, devient rayonnement de lumière et de chaleur pour ceux qui ont la faveur de l’approcher.
Très chers frères dans la grâce du sacerdoce ! Rappelez-vous que vous êtes appelés à porter dans le monde, à tous les hommes et dans tous les milieux, la consolation de l’amour et de la miséricorde de Dieu.
Convaincus que votre vocation vous destine à un service irremplaçable de l’homme, cherchez à comprendre et à aimer les hommes d’aujourd’hui en leur annonçant la certitude que Dieu les aime.
Que vous soutienne et vous accompagne la Sainte Vierge, Mère du Christ Souverain Prêtre, à laquelle, pendant cette retraite, vous avez confié votre sacerdoce. En tant que Mère, qu’Elle daigne vous enseigner, comme à ses fils de prédilection, à dire toujours fiat à la volonté du Christ, son Fils, qui vous a choisis pour être ses ministres. Qu’Elle daigne vous inciter à chanter souvent le Magnificat pour les merveilles que Dieu réalise dans votre vie sacerdotale et à travers votre service pastoral. Que la Sainte Vierge daigne vous convaincre à imiter son stabat près de la Croix, lorsque sur votre chemin ardu vers la sainteté parfaite surgiront : difficultés, incompréhensions et souffrances. Vous pourrez ainsi, avec Elle et comme Elle, goûter la joie de la résurrection du Christ et témoigner en face du monde entier que Jésus est le Seigneur. Amen.
79. Aux prêtres de Porto Rico
12 octobre 1984
DES AMIS ET DES MAÎTRES DE LA FOI
L’amour pour le Christ doit inspirer efficacement votre amour envers l’homme, surtout envers ceux qui en ont le plus besoin. Cependant que tous voient d’abord en vous des amis et des maîtres de la foi, les disciples du Christ, les constructeurs de l’Église, les prédicateurs de fraternité et de dialogue, que dans cet esprit vous vous donniez aussi généreusement à l’action du progrès et de la promotion de l’homme.
Dans votre ministère concret, demeurez toujours unis à vos Évêques, centres de la vie ecclésiale diocésaine. L’unité, qui naît du cœur même de notre foi chrétienne et qui appartient à l’essence intime de l’Église, se fait encore plus nécessaire lorsque surgissent les difficultés. Dans ce but ne cédez jamais à la tentation — au nom d’une prétendue majeure efficacité pastorale — de ne pas tenir compte ou d’agir contre les directives de vos Pasteurs.
Et lorsque dans l’exercice de votre ministère se présentent des questions qui touchent des options concrètes de caractère politique ne cessez pas de proclamer les principes moraux qui régissent tous les champs de l’activité humaine. Cependant laissez aux laïcs, bien formés dans leur conscience morale, l’organisation des choses temporelles selon le plan de Dieu. Vous, vous devez être des créateurs de communion et de fraternité, jamais de division au nom d’options que le peuple fidèle peut choisir légitimement dans ses diverses expressions. Cette considération que je vous adresse à vous, prêtres diocésains et religieux, vaut également pour tous les autres membres des familles religieuses.
80. Aux séminaristes du collège pontifical portugais de Rome
12 janvier 1985
PAR VOTRE FORMATION ET VOTRE PRIÈRE, SOYEZ CE PRÊTRE QUE L’ON ATTEND DE VOUS
Je vous offre quelques brèves idées pour votre réflexion personnelle, au sujet du genre de prêtre qu’on espère et qu’on s’attend en toute confiance à voir toujours en vous :
— Des prêtres pénétrés des sentiments du Christ, persuadés que, plus qu’une profession " être prêtre " est une vocation divine à vivre à la suite du Christ lui-même et en harmonie avec sa Parole, méditée et assimilée dans l’intimité de la prière. Rien ne peut remplacer la prière personnelle, l’habitude de la prière en commun ne s’improvise pas et ne peut créer la communion ecclésiale sans la prière liturgique. Vous vous trouvez à un moment et dans une situation favorables pour vous préparer et vous former profondément pour devenir ce qu’on attend de vous et vous spécialiser : être des maîtres de prière et des guides pour mener les âmes par les voies qui conduisent à l’union avec Dieu.
— Des prêtres de vie sainte, parce que saint est Celui que vous représentez : avec la grâce divine toujours resplendissante ; " évangélisés " pour pouvoir évangéliser, ce qui est bien plus qu’annoncer simplement les contenus de l’Évangile : évangéliser c’est conduire les hommes à se rencontrer avec le Christ et à se laisser rencontrer par Lui.
— Des prêtres personnellement convaincus, joyeux de leur mission et heureux de leur choix, jamais découragés malgré les difficultés de la voie évangélique. Dans un pays de tradition chrétienne comme le vôtre, ce qui est un bien, existe plus qu’ailleurs, comme défi constant, le désir de voir se refléter en vous la raison pour laquelle vous vénérez le Christ dans votre cœur, ainsi que " la raison de votre espérance " (1 P 3, 15).
— Des prêtres ayant une solide doctrine : le privilège d’étudier à Rome doit créer en vous l’habitude du sérieux travail intellectuel, comme moyen de réalisation, faculté de compréhension ; celle du dialogue respectueux et du discernement ; en d’autres mots, créer en vous l’assurance d’être " toujours avec le Christ "et de ne jamais vous disperser (cf. Lc 11, 23) dans l’annonce de la Parole et dans l’orientation de la réflexion du laïcat catholique, toujours plus avide de sécurité et de certitudes dans le dédale des courants de pensée et des idéologies.
S’harmoniser avec l’Eglise et vivre de manière sincère et cohérente sa catholicité et promesse de pérennité (cf. Mt 28, 19 et sv.), tout cela trouve à Rome un ensemble unique de stimulants que nous avons l’habitude d’appeler GRÂCE : la Grâce d’être en contact avec les éloquents souvenirs et vestiges du passé, et avec la vie qui s’exprime en service autour du Successeur de Pierre, au Siège Apostolique qui préside à la charité universelle.
— Des prêtres capables de vivre et de créer la communion dans la vie ecclésiale et ouverts à la réconciliation avec les dispersés et les éloignés, et de pousser de l’avant, avec tous les hommes de bonne volonté, " le dialogue du salut ". Comme vous le savez, ceci suppose l’aptitude à accueillir les différences des personnes et des légitimes options personnelles, et à former des équipes au service de la mission de l’Église située dans le temps et dans l’espace ; cela suppose également la vigueur de la fidélité, vécue intérieurement et extérieurement : fidélité à sa propre conscience bien éclairée, au Magistère et aux normes disciplinaires de l’Église. L’authenticité du zèle apostolique se mesure toujours à cette fidélité à la communion avec l’Église, Mère et Docteur, avec vos Évêques et avec le clergé diocésain. Je sais d’ailleurs que vous serez de bons éducateurs à la foi des autres chrétiens.
— Des prêtres proches de tous par leur simplicité et leur bonté, toujours prudents et guidant avec grande lucidité d’esprit, sachant distinguer les exigences authentiques de la justice et proposer les impératifs de la charité, sans jamais se laisser séduire par ce qui pourrait nuire à l’intégrité du message évangélique. Des prêtres enfin qui soient " Padres e so padres ", comme on le dit dans votre pays : " des Pères et uniquement pères ". Puissent toujours les hommes le constater en vous : c’est ce que je vous souhaite, à chacun de vous, ce que je souhaite au cher peuple fidèle du Portugal.
Ayez confiance : " Tout ce que le Seigneur veut, Il le fait " (Ps 135/134, 6), comme nous venons de le dire avec le Psalmiste, certains que " nous prolongerons " le Christ " qui passa en faisant le bien, parce que Dieu était avec Lui " (Ac 10, 38). Et que vous protège toujours la Mère de notre Confiance, Marie
Je remercie le Seigneur, avec vous, et je vous remercie pour cette expérience spirituelle de communion ; et je prie Dieu pour que ce Collège qui porte le titre de Pontifical et peut compter sur l’affection de l’actuel Successeur de Pierre soit toujours fidèle à ses origines et à ses objectifs, pépinière d’authentiques disciples du Christ qui croient et savent en quoi ils croient, prêts à démontrer leur propre confiance en l’amour du Père, en la grâce du Christ et en la communion de l’Esprit Saint.
Amen !
81. A Quito : rencontre avec les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes
29 janvier 1985
ÊTRE SIGNE DE SANCTIFICATION ET D’ÉVANGÉLISATION EN SUIVANT LE BON PASTEUR ET EN CONSTRUISANT LE PRESBYTERIUM COMME FAMILLE ET FRATERNITÉ
Je m’adresse maintenant à vous, chers prêtres ici présents, et à tous les prêtres de l’Équateur représentés par des délégations de leurs diocèses ou communautés respectifs. Je vous exhorte à méditer sur votre identité sacerdotale et sur la mission que vous avez dans l’Église, à la lumière du sacerdoce du Christ. Ainsi vous assumerez avec joie, avec enthousiasme et optimisme votre être et votre agir spécifique.
Tout prêtre trouve sa physionomie propre dans la suite et l’imitation du Bon Pasteur. Son option fondamentale pour le Christ a été confirmée par une consécration permanente, le " caractère ". Celui-ci a été reçu dans le sacrement de l’Ordre, comme don ou charisme de l’Esprit Saint, et le fait participer à l’onction et à la mission sacerdotale du Christ. En tant que nécessaire collaborateur de l’Évêque, il a été placé au service qualifié de la communauté ecclésiale, afin " d’agir au nom du Christ Tête " (Presbyterorum ordinis, 2).
La physionomie et la spiritualité sacerdotales sont constituées principalement par la charité pastorale ou par l’ascèse personnelle du pasteur d’âmes, qui puise sa propre sainteté dans l’exercice de son ministère dans l’Esprit du Christ. Cette charité pastorale signifie qu’il faut suivre radicalement le Bon Pasteur, par les vertus d’humilité, d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, qui sont comme le signe et le stimulant de la charité et la preuve d’une amitié profonde avec le Prêtre Suprême.
Pour atteindre équilibre ou unité de vie, et éviter les extrêmes entre un spiritualisme désincarné et une attitude matérialiste, il faut s’habituer à un dialogue intime avec le Christ, afin d’apprendre de Lui l’harmonie avec les objectifs salvifiques de Dieu et la proximité de l’homme dans son existence concrète. La célébration eucharistique, préparée, savourée et vécue, particulièrement dans la célébration communautaire, sera toujours le véritable point d’équilibre, étant donné que " dans la sainte Eucharistie réside tout le bien spirituel de l’Église " et qu’elle " apparaît comme la source et le sommet de la prédication évangélique " (Presbyterorum ordinis, 5).
Mes chers prêtres, je veux vous rappeler que vous ne pouvez vivre, agir isolés. Avec l’appui de tous, diocésains et religieux, vous devez construire le Presbyterium comme famille et comme fraternité sacramentelle, comme lieu où le prêtre rencontre tous les moyens spécifiques de sanctification et d’évangélisation. Votre Presbyterium parviendra à être un signe efficace de sanctification et d’évangélisation lorsque seront constatées en lui les caractéristiques du Cénacle, c’est-à-dire la prière et la fraternité apostolique avec Marie, la Mère de Jésus (cf. Ac 1, 14). Cette cathédrale même où nous nous rencontrons, consacrée à l’Assomption de la Vierge Marie, est un symbole — par ses merveilleuses expressions artistiques — de votre réalité sacerdotale fraternelle, qui attend avec ardeur une nouvelle venue de l’Esprit Saint.
82. A Lima : rencontre avec les prêtres, religieux, religieuses et mouvements apostoliques
1er février 1985
CHACUN SELON L’APPEL REÇU DE DIEU DOIT IMITER LE CHRIST, L’HOMME NOUVEAU, POUR CONSTRUIRE UN MONDE NOUVEAU
Chers prêtres diocésains et chers religieux, qui vous êtes donné rendez-vous, de toutes les parties de ce pays, pour entourer le Pape aujourd’hui, le Christ vous redit, avec un accent d’infinie confiance et d’amour : " Vous êtes mes amis... parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître " (Jn 15, 14-16). Combien ces mots doivent-ils vous encourager dans la solitude des pays isolés où vous vous trouvez et où il vous est difficile de rencontrer une consolation fraternelle ! Combien doivent-ils vous encourager dans vos angoisses devant la " tragédie de l’homme concret de vos campagnes et de vos villes, menacé chaque jour dans son existence même pour survivre, écrasé par la misère, par la faim, par la maladie, par le chômage ! " (Discours aux évêques du Pérou en visite ad limina, 4 octobre 1984). Combien ces mots doivent-ils réconforter votre cœur de prêtre devant toutes les formes d’injustice, d’abus des puissants, de violence attaquant les faibles et les petits, de perte (en certains secteurs) des valeurs morales
Je sais la répugnance qui trouble vos cœurs lorsque vous voyez le monde exalter un désir démesuré de l’avoir, du pouvoir et du plaisir. Mais le Christ est avec vous, comme un ami ; Il sait ce que vous êtes pour l’Église et il connaît les sacrifices de votre mission de témoins de la foi et de serviteurs de vos frères. C’est pourquoi le Pape vous dit : Réveillez votre optimisme. Votre espérance ne sera pas déçue. Le Christ vous accompagne et Il a vaincu le monde
Vous êtes les amis de Jésus, destinés à donner un fruit qui demeure (cf. Jn 15, 16). Grand est votre engagement sacerdotal. Ne vous découragez pas. N’ayez pas peur d’annoncer le message de foi, de justice et d’amour. Soyez toujours unis à vos évêques soyez unis entre vous par l’amitié et l’aide réciproque. Mais pardessus tout, conservez une union constante avec le Christ par la prière et les sacrements, " pour que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne " (J 15, 16). En ce sens, rappelez-vous que l’Eucharistie est la raison d’être de votre sacerdoce, à tel point qu’un prêtre ne peut se réaliser vraiment que si l’Eucharistie devient le centre et la source de sa vie.
Vous êtes les amis de Jésus et vous lui avez consacré votre vie. Renouvelez donc sans cesse et avec joie votre donation dans le célibat par lequel " les prêtres se consacrent au Christ d’une manière nouvelle et privilégiée, s’attachent à Lui plus facilement, sans que leur cœur soit partagé, sont plus libres pour se consacrer, en Lui et par Lui, au service de Dieu et des hommes "(Presbyterorum ordinis, 16). Méditez chaque jour sur l’amour infini du Christ qui s’est adressé à chacun de vous pour vous dire : " Suis-moi ! " Cet appel a sa source ultime dans l’amour par lequel le Père aime le Fils : " comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés " (Jn 15, 9). C’est là la véritable vocation divine qu’il vous faut cultiver dans toute son authentique grandeur.
C’est à tous, mais d’une façon spéciale aux prêtres, que s’adressent les paroles du Seigneur : " Je vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit " (Jn 15, 16).
A travers votre prédication, l’administration des sacrements, les œuvres de charité, c’est le Christ qui poursuit la Rédemption. C’est à travers vous qu’il montre sa miséricorde qui pardonne dans le sacrement de la Pénitence. Exercez donc avec générosité votre ministère, et la grâce du Christ le rendra fécond.
Dans ma récente Exhortation Apostolique Reconciliatio et Pænitentia, j’ai signalé que l’administration du sacrement du pardon est " sans doute (le ministère) le plus difficile et le plus délicat, le plus fatigant et le plus exigeant, mais également l’un des ministères les plus beaux et les plus consolants du prêtre " (n. 29). Soyez donc, vous qui m’écoutez — prêtres, religieux, laïcs — les premiers à recevoir fréquemment ce sacrement, avec une foi et une ferveur authentiques (cf. ibid. 31, VI) ; et dans votre action apostolique, n’oubliez pas la catéchèse sur tout ce qui est lié à ce sacrement.
Prêtres amis de Jésus, ministres de sa Rédemption, vous êtes appelés à susciter des fruits de sainteté et aussi, à partir de l’Évangile, des fruits de justice, dans la ligne de l’enseignement social de l’Église. Pour cela, comme je l’ai dit il y a peu de temps à vos évêques, " il est nécessaire que tous... travaillent sérieusement — et là où la situation le requiert avec plus de sérieux encore — à la cause de la justice et de la défense du pauvre " (Discours de la visite ad limina, 4 octobre 1984). Mais rappelez-vous que la mission propre de l’Église consiste à " révéler le Christ au monde, à aider tout homme à se trouver en Lui " (Redemptor hominis, 11).
Je vous invite donc tous, vous qui êtes les forces vives de l’Église du Pérou, à renouveler le don de vous-mêmes au Christ et à travailler en Lui inlassablement au service de la promotion de l’homme et de sa libération du péché et de l’injustice. Pour cela, suivez les excellentes lignes d’orientation indiquées par vos évêques dans leur document récent sur la théologie de la Libération.
Rappelez-vous toujours que le Christ est l’Homme nouveau :
ce n’est qu’en l’imitant que peuvent naître des hommes nouveaux. Il est la première pierre de fondement de la construction d’un monde nouveau. Ce n’est qu’en Lui que nous trouverons la pleine vérité sur l’homme, cette vérité qui rendra cet homme libre intérieurement et qui formera à l’extérieur une communauté libre. Lui seul est la vigne et nous devons être les sarments vivants et féconds de cette vigne.
83. Lettre du pape Jean-Paul II à tous les prêtres de l’Eglise à l’occasion du Jeudi Saint
84. Messe chrismale à Saint-Pierre
Jeudi Saint 4 avril 1985
" LE JEUDI SAINT : JOUR DE LA NAISSANCE DE NOTRE SACERDOCE DANS LE CHRIST "
" L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé porter d’heureuses nouvelles aux humbles " (Is 61, 1). Ce sont des paroles du prophète Isaïe qui concernent Moise.
" L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres... " (Lc 4, 18). Ces paroles qui se trouvent dans le livre du prophète Isaïe furent lues par Jésus le jour où il inaugura sa mission messianique à Nazareth.
L’Église retourne aujourd’hui à ce jour — aujourd’hui Jeudi Saint — pour souligner que la mission messianique de Jésus y atteint exactement son zénith. " Aujourd’hui " : c’est précisément aujourd’hui que doivent se réaliser pleinement les paroles du prophète Isaïe.
La liturgie matinale du Jeudi Saint s’appelle " Missa chrismatis " (Messe du Saint-Chrême) ; elle est liée, en effet, à la consécration des huiles sacrées : huile du Saint-Chrême, des catéchumènes et des malades.
De cette manière l’Église nous rappelle cette " onction " par l’Esprit Saint qui nous a été donnée en partage par Jésus de Nazareth, c’est-à-dire par le Messie. Le Saint-Chrême, l’huile, l’onction nous parlent de la pénétration dans l’homme de cette puissance Divine qui est accordée par l’Esprit Saint. Cette puissance, dans son abondante plénitude, a été donnée au Christ pour l’humanité ; pour l’Église. Pour l’humanité par l’intermédiaire de l’Église.
Cette puissance est liée en définitive au trépas du Christ sur la Croix ; à travers son Sacrifice. Et précisément ce jour qui nous rappelle son discours d’Adieu au Cénacle, nous entendons ses paroles : " Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais quand je serai parti, je vous l’enverrai " (Jn 16, 7).
Ce jour-ci est effectivement le jour de ce départ du Christ. Son " départ " signifie la " venue " du Paraclet, du Consolateur, de l’Esprit de Vérité et de l’Amour. Par son " départ " Jésus de Nazareth confère à ses apôtres cette éternelle " onction ", moyennant l’Esprit Saint, avec laquelle il a été envoyé au monde comme Messie : comme Christ. " Quand je serai parti, je vous l’enverrai. "
En célébrant la Liturgie matinale du Jeudi Saint, l’Église se prépare à accueillir cette " Onction " moyennant le Saint Esprit ; elle se prépare à accueillir cette puissance qui lui a été donnée dans le départ du Christ : dans le mystère de la Pâque salvifique.
Comme l’enseigne la Constitution Lumen Gentium, tout le Peuple de Dieu participe avantageusement à cette " onction ", à cette puissance messianique. Nous y lisons en effet : " Par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, les baptisés sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir par toute l’activité de l’homme chrétien des sacrifices spirituels et pour annoncer la puissance de celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière (cf. 1 P 2, 4-10) ", (n. 10).
A cette " onction ", à cette puissance messianique nous participons aussi de manière avantageuse et singulière, nous tous qui, par l’imposition des mains apostoliques, sommes devenus prêtres de l’Église : serviteurs du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu. Nous tous, chers Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce.
Nous participons aussi de manière particulière à la Liturgie du Saint-Chrême. En concélébrant, nous confessons notre foi en ce sacerdoce qui a sa plénitude uniquement en Jésus-Christ. En concélébrant nous démontrons que Lui, il est l’Unique, qu’il est, Lui, le seul Prêtre Éternel : Prêtre de la Nouvelle et Éternelle Alliance et chacun de nous prend humblement part à son Sacerdoce.
Le Jeudi Saint est le jour de la naissance de notre sacerdoce dans le Christ. De même que le jour où nous avons reçu le sacrement du Baptême est celui de la nouvelle naissance de notre humanité dans le Christ, le jour de naissance de notre sacerdoce dans le Christ est celui de la naissance du Sacrement qui, durant la Dernière Cène, a été institué en même temps que l’Eucharistie.
Renouvelons souvent les promesses de notre Baptême. Aujourd’hui nous désirons renouveler les engagements que nous avons pris en liaison avec le Sacrement du Sacerdoce que chacun de nous a reçu par grâce de Dieu.
Nous désirons que le Christ, qui " s’en est allé " lors de la Pâque salvifique, " vienne " toujours à nous dans l’Esprit Saint :
" qu’il vienne " dans sa puissance messianique et nous trouve toujours vigilants.
Que s’accomplissent pour nous les paroles d’Isaïe : " Je leur donnerai fidèlement leur récompense, / et je conclurai avec eux une alliance éternelle... / Ceux qui les verront les prendront en estime, / reconnaissant qu’ils sont une race que Dieu a bénie "
(Is 61, 8-9).
C’est ce que nous souhaitons les uns aux autres à l’occasion du Jeudi Saint.
85. A Utrecht rencontre avec les prêtres et les collaborateurs pastoraux
12 mai 1985
LA PAROISSE COMME COMMUNAUTÉ DE FOI, D’ESPÉRANCE ET D’AMOUR
C’est autour de la table eucharistique, avant tout, que la Communauté chrétienne se reconnaît pour ce qu’elle est " une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis à Dieu, en vue d’annoncer les puissances de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa lumière merveilleuse " (1 P 2, 9). En participant à l’Eucharistie chaque fidèle exprime de la manière la plus claire cette dimension sacerdotale qui est le propre de son être nouveau, né une nouvelle fois dans le Christ grâce au baptême
Et c’est encore autour de la table eucharistique qu’est rendu évident le fait qu’il y ait une participation différenciée à l’unique sacerdoce du Christ et à l’intérieur d’un seul peuple sacerdotal c’est en effet celui qui préside la célébration qui, comme l’a souligné Vatican II, " accomplit, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offre à Dieu au nom du peuple tout entier "tandis que " les fidèles, eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’Eucharistie " (Lumen Gentium, 10).
Le Christ Lui-même voulut une telle différenciation " essentielle et non simplement de degré " (ibid.) ; et Il la voulut en fonction du sacerdoce commun des fidèles, afin que le Peuple de Dieu soit une présence toujours plus vive de foi, une annonce toujours plus crédible d’espérance, un ferment toujours plus efficace d’amour dans le monde Pas de privilège donc, mais notre service, chers Frères dans le sacerdoce ! Le Christ attend de nous cette disponibilité pleine du don de nous-mêmes, qui fit de Lui l’homme pour les autres. " ii s’agit de l’humble promptitude à accepter les dons de l’Esprit Saint et à élargir aux autres les fruits de l’amour et de la paix, à leur donner cette certitude de la foi, de laquelle dérivent la profonde compréhension du sens de l’existence humaine et la capacité d’introduire l’ordre moral dans la vie des individus et dans les milieux humains " (Lettre aux prêtres à l’occasion du Jeudi Saint 1979, n. 4).
Le prêtre qui vit dans cet esprit sa mission, loin de l’étouffer, suscite et stimule l’engagement des laïcs dans la paroisse, en se conjuguant joyeusement avec l’action de l’Esprit Saint, lequel " dispense parmi les fidèles de tous ordres les grâces spéciales qui rendent apte et disponible pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Église, suivant ce qu’il est dit : "C’est toujours pour le bien commun que le don de l’Esprit se manifeste dans un homme" " (1 Con 12, 7) (Lumen Gentium, 12).
86. A Salerne, à l’occasion du 9e centenaire de la mort du pape, Saint Grégoire VII
26 mai 1985
Que votre ministère et toute l’activité pastorale que vous exercez avec abnégation et souvent dans l’ombre aient toujours comme points de repère le zèle et l’amour pour l’Église. Ne suivez jamais ceux qui, doutant eux-mêmes, dénigrent l’Église et l’action de la hiérarchie sous de vains prétextes ; que votre amour pour l’Église soit la mesure de l’apostolat et de la croissance du peuple de Dieu. Que votre amour pour l’Église soit total : plus on l’aime et plus elle fait resplendir son rôle, rendant plus facile à chacun le témoignage sacerdotal et religieux. Sincèrement amoureux de l’Église — pour laquelle il a donné sa vie ! — Saint Grégoire VII nous demande à tous aujourd’hui de croître dans l’Église et de la servir joyeusement parce qu’elle est notre Mère,, l’aidant dans sa confrontation avec le monde et la rendant crédible par notre propre vie Le prêtre et le religieux, témoins de l’Amour, doivent incarner, dans les contacts quotidiens avec les frères, l’amour de l’Église pour tous ceux qui souffrent, qui sont abandonnes, refoulés, pauvres, faibles, petits, qui vivent dans le doute. Ceux-ci interpellent l’Église et attendent une réponse claire à leurs demandes et à leurs problèmes. Comme Saint Grégoire VII et ensemble avec vos Évêques, sachez être de crédibles intermédiaires au milieu d’un peuple assoiffé de Dieu et plein de confiance en vous. N’écartez jamais personne, mais prenez à cœur leurs problèmes comme s’ils étaient les vôtres : c’est l’Église, toujours aux côtés des faibles, qui vous invite à ce choix. De cette manière sera plus lumineuse pour vous la route que le grand Pape a parcourue en faveur et au service de l’Église.
Un élément qui qualifie d’une manière vivante le magistère de Saint Grégoire VII est la réforme du clergé, à l’époque caractérisé par un certain relâchement. Le grand mérite de cet insigne réformateur, assisté par de valables collaborateurs — comme Saint Pierre Damien — est d’avoir proposé avec force l’idéal ascétique et le renouvellement intérieur. Pour réaliser cette réforme, il insista sur la vie liturgique, sur la prière, sur la conversion et sur la pauvreté, réanimant ainsi les idéaux monastiques, propres aux mouvements religieux.
J’estime que ces valeurs ont conservé toute leur force et qu’elles favorisent le retour à Dieu. Le prêtre, le religieux ou la personne consacrée éprouvent la nécessité de la prière, de la vie liturgique, source de leur propre apostolat. Sachez développer en vous l’estime de ces valeurs et vivre avec elles votre consécration à Dieu et à l’Église. Le peuple attend de vous cohérence et témoignage, et il se trouve édifié par votre attitude d’hommes de prière qui tirent force et joie de la vie intérieure. Aujourd’hui que croît partout, et surtout dans le monde des jeunes, la demande de participer activement à la vie ecclésiale et liturgique, sachez être, pour vos frères, des guides sûrs dans la vie de l’esprit, leur communiquant votre expérience de Dieu et favorisant en eux le retour à la grâce et au pardon. Que la primauté de Dieu resplendisse dans toutes vos actions : soyez conscients de la grande responsabilité que l’Église vous a confiée. Libérés des soucis terrestres, cherchez à enrichir vos frères du don de Dieu dans cette osmose réciproque qui ne nous prive pas de ce que nous leur donnons joyeusement.
87. A Saint-Pierre de Rome, ordination de soixante-dix nouveaux prêtres
2 juin 1985
Ce jour est pour chacun de vous, chers Fils et Frères, un jour décisif. En lui doit se réaliser sur chacun de vous, ce qu’a dit le Christ : " Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre "(Mt 28, 18).
En vertu de ce pouvoir, le Christ — prêtre éternel comme aussi victime très sainte — désire rendre, chacun de vous en particulier, participant de son sacerdoce : ministre de l’Eucharistie, de son Sacrifice sacramentel. Il fait de chacun de vous un héritier spécial de l’institution de la Dernière Cène, lorsqu’Il dit : " faites ceci en mémoire de moi " (Lc 22, 19) ; un héritier particulier du soir de sa résurrection, lorsqu’Il dit : " Recevez l’Esprit Saint ; à qui vous remettrez les péchés, ils seront remis " (Jn 20, 22-23)
En vertu de ce pouvoir, qui vous est donné au ciel et sur la terre, le Christ, à travers le service de l’Église, à travers l’imposition des mains de l’évêque, veut greffer en vous un nouveau signe indestructible un nouveau caractère
Ce signe inclut une spéciale ressemblance avec Lui : le Christ qui s’offre en Sacrifice ; le Christ qui, en vertu de ce Sacrifice, remet les péchés ; le Christ qui, à l’exemple du bon pasteur, offre sa propre vie pour ses brebis ; le Christ qui enseigne ; le Christ qui sauve.
Le sacerdoce provient de Dieu-même. Par lui vous devenez d’une manière spéciale " héritiers de Dieu " et " cohéritiers du Christ " (Rm 8, 17) pour le service de tout le Peuple messianique, racheté par le Sang de la Croix du Christ.
En même temps que ce sacrement, la Sainte Trinité résidera en vous d’une manière nouvelle. En chacun de vous résident et agissent le Père — le Fils — l’Esprit Saint.
L’Esprit Saint — le Consolateur, que nous allons prier — fera participer chacun de vous à la puissance du Fils : à la puissance du sacerdoce du Christ, afin que vous puissiez, en Lui, vous donner vous-mêmes au Père et tout ce qui existe L’Église entière prie :
" Que ta grâce, Seigneur, enveloppe nos fils et nos frères. " Qu’en chacun d’eux naisse un prêtre pour toujours : prêtre — homme marqué d’une façon spéciale par la vie de Dieu, par le mystère de la Sainte Trinité !
88. Vittorio Veneto : avec le clergé, les religieux et religieuses
15 juin 1985
" QU’AI-JE FAIT DE MA VOCATION ?
QUE FAIS-JE POUR RÉPONDRE AU DON DE L’APPEL DIVIN ? "
" Sentir que leur prêtre est habituellement uni à Dieu est, aujourd’hui, le désir de nombreux fidèles " (Insegnamenti p 56). C’est ce qu’a dit Jean-Paul Ier dans un discours adressé au clergé de Rome au cours d’un entretien où il a commenté l’intention, précédemment annoncée, de " garder intacte la grande discipline de l’Église dans la vie des prêtres et des fidèles " (Insegnamenti, p. 15).
La grande discipline — ce sont ses paroles — " existe seulement si l’observance externe est fruit de convictions profondes et projection libre et joyeuse d’une vie vécue intimement avec Dieu " (ibid. p. 56).
Le clergé diocésain doit être un cénacle dont la caractéristique est une authentique spiritualité cherchée dans la prière individuelle et collective, soutenue par celle-ci, rendue plus intense par des initiatives spécifiques de recueillement et de réflexion, expérimentée dans le domaine de l’action. L’action pastorale, privée de cette base, deviendrait du stérile activisme.
Il faut ensuite mettre vivement en relief le fait que plus la culture tend à se détacher du sacré et à mettre en discussion la conception chrétienne de la vie, d’autant plus urgente se fait la nécessité de vivre à fond la spiritualité au niveau soit individuel, Soit communautaire. Sans cela resterait sans succès la formule la mieux mise à jour, fut-elle élaborée à l’aide des sciences humaines les plus avancées. Pour ne pas parler du danger d’un progressif éloignement de la vérité de l’Évangile. En outre, les objectifs de la spiritualité sacerdotale typique — mais l’observation a la même valeur pour toutes les formes de consécration particulière — constituent un lien de premier ordre pour la croissance de la communion fraternelle, comprise en soi et considérée au point de vue de la collaboration pastorale et de son efficacité.
La source de la concorde, de l’unité dans l’organisation et dans l’orientation, on ne pourra la trouver ailleurs, même en tenant compte de la variété des méthodes que l’on demande à la catéchèse et à l’évangélisation.
C’est également à cette source qu’il faut puiser pour apporter une contribution spécifiquement ecclésiale à la solution des problèmes qui angoissent la société et l’orientent insensiblement vers des mesures d’empreinte matérialiste au nom d’une illusoire libération qui, tôt ou tard, se traduit en esclavage.
Parmi les priorités pastorales de notre temps, je voudrais signaler l’apostolat de la jeunesse.
Je sais que chez vous l’apostolat des jeunes se distingue par une tradition digne d’égards. En témoignent, par leur nombre et leur qualification, les associations et mouvements catholiques avec leurs institutions et leurs activités ; et de même les organisations d’inspiration catholique qui opèrent sur le plan social, et dans le champ de la charité et de l’assistance.
Je sais que le Conseil Pastoral diocésain a déterminé, après une étude attentive, quelques points concrets de travail afin d’intensifier la pastorale des jeunes sur des bases organiques. Tout en vous exprimant ma vive satisfaction, je souligne particulière. ment une des exigences qui ont émergé : penser à une pastorale non pour les jeunes mais des jeunes, dans laquelle ils s’insèrent comme membres actifs et participants, de manière qu’ils puissent apporter leur contribution de pensée et de co-responsabilité, de vivacité et d’enthousiasme.
Un plan de ce genre suppose une conscience accentuée des différents rôles. On ne saurait prétendre des jeunes ce qu’ils ne sont pas en mesure de donner pour n’avoir pas encore acquis cette expérience qui est le fruit des années. Et les jeunes ne sauraient prétendre à se substituer aux pasteurs et à ceux qui ont des responsabilités particulières.
La présence du prêtre aux côtés du jeune, qu’il s’agisse du jeune en particulier ou des groupes de jeunesse, est d’une importance fondamentale. Notamment parce qu’elle constitue une valorisation du sacerdoce, à l’exemple de Jésus qui a consacré du temps et des attentions privilégiées aux nouvelles générations. Cette présence est aussi particulièrement importante comme mission de la jeunesse elle-même, qui a besoin de solidarité, de compréhension et, surtout, d’amour désintéressé.
Ceci est une tâche particulièrement absorbante. J’ai attiré tout spécialement l’attention des prêtres à ce sujet par la Lettre que je leur ai adressée à l’occasion du Jeudi Saint ; je leur ai demandé de méditer sur l’ineffable entretien du Seigneur avec le jeune inconnu dont parlent les trois Évangiles synoptiques. Permettez-moi de vous reproposer aujourd’hui ces considérations, les synthétisant en une proposition sculpturale, empruntée à l’Évangile : " Il fixa sur lui son regard et l’aima " (Mc 10, 21). Les temps changent et avec eux changent beaucoup de choses. Mais le cœur de l’homme est toujours le même. Il a toujours besoin d’amour Les méthodes pastorales, si parfaitement adaptées aux besoins nouveaux qu’elles puissent être, et ayant recours aux instruments les plus perfectionnés, auront toujours besoin de trouver leur inspiration dans l’amour qui seul peut, en toutes circonstances, indiquer les voies les plus sûres.
89. A Riese rencontre avec le clergé diocésain
15 juin 1985
AUTHENTICITÉ, LIMPIDITÉ, TRANSPARENCE DE LA FOI : L’EXEMPLE DE PIE X
La lignée sacerdotale à laquelle vous appartenez a donne l’abbé Joseph Sarto, grand et saint Pontife de l’Église du Christ. De cette grandeur et de cette sainteté je suis venu rendre témoignage à Riese, Trévise et Venise. Il n’est lecture partielle ni analyse critique de la période historique où il a vécu, ou même de son service pontifical, qui puisse entamer ce qui a été et demeure le jugement de l’Église sur cet homme qui, comme on l’a justement dit, fut grand parce qu’il fut saint.
Au cours de son long témoignage ecclésial — comme Curé, Evêque et Pape — Saint Pie X s’est prodigué de toutes les façons pour vivre et réaliser dans sa propre existence ce " apostolica vivendi forma ", c’est-à-dire l’authentique identité de son propre sacerdoce et pour exhorter les prêtres à une vie exemplaire, selon les exigences de leur très haute mission. Est un témoignage insigne et extraordinaire de cette hantise et de cet amour pour le sacerdoce et pour les prêtres, l’Exhortation qu’il adresse le 4 août 1908 à tout le Clergé du monde à l’occasion du 50e anniversaire de sa propre ordination sacerdotale : il s’agit d’un Document qui est comme le miroir de sa grande richesse spirituelle, de son expérience sacerdotale personnelle, de son itinéraire intérieur sur la voie de la sainteté. On ne peut lire sans émotion les paroles que, vers la conclusion, il a adressées à ses confrères dans le sacerdoce : " Vous tous, où que vous soyez, voyez quel moment l’Église traverse par mystérieux dessein de Dieu. Rendez-vous donc compte que vous avez le devoir sacré de lui prêter aide et assistance dans ses besoins, alors qu’elle vous a honorés d’une si insigne dignité. Plus que jamais il importe d’urgence que le clergé resplendisse de vertu jamais médiocre, exemplairement pure, vive, active ; prêt plus que jamais à agir et à souffrir sans faiblesse pour le Christ. Voilà notre prière la plus ardente et le vœu le plus vif de notre âme pour tous et pour chacun " (Haerent animo : Pie X Pont. Max. Acta, IV, 259).
Cette pressante " invitation à la sainteté sacerdotale " que nous adresse le grand Saint Pape, accueillons-la avec pleine disponibilité aujourd’hui, en ce lieu qu’il édifia spirituellement par sa vie exemplaire, consacrée entièrement à la gloire de Dieu et au bien des âmes.
90. A Venise : rencontre avec le clergé
16 juin 1985
POUR UNE TRIPLE PASTORALE DE LA JEUNESSE, DE LA VOCATION, DE LA FAMILLE
Comme les besoins pastoraux sont si nombreux, notre premier devoir est de prier le Père " pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson " qui est " nombreuse " (Mt 9, 37). Ayez confiance en cette prière et si elle est vraiment une invocation profonde, elle deviendra transparente dans les gestes et les paroles de votre vie. Vous en serez la traduction concrète : " Qui vous écoute, m’écoute " (Lc 10, 16) ; qui vous écoutera entendra, dans votre vie donnée, la voix qui appelle, comme vous avez vous-mêmes été appelés.
Puis, la prière doit être suivie de la recherche. Appelez les jeunes et faites leur comprendre la beauté vigoureuse et pleine de sens de cette consécration. Vivez-la de telle manière qu’en vous regardant ils désirent la vivre comme vous. Si chacun de nous pouvait dire comme l’apôtre Paul : " Apprenez de moi comme j’ai appris moi-même du Christ " (1 Cor 11, 1), s’ouvrirait cette
" Voie " qui est le Christ lui-même et qui se révèle aussi à nous tous, mais en premier lieu aux jeunes, comme " Vérité et Vie " (Jn 14, 6).
Le second devoir est d’avoir un vif sentiment de communion :
il importe de se rappeler que le clergé n’est pas seul, mais qu’il vit de la plénitude sacerdotale de son Évêque et en communion avec lui (cf. Décret Christus Dominus, 28). C’est dans le presbyterium qu’il rencontre tous les autres prêtres, non pas comme une simple relation de naturelle amitié, de sympathie, d’efficience ; la raison essentielle, étant l’identité de la vocation, l’association dans un seul et unique ministère. C’est là et non ailleurs que le prêtre pourra mûrir dans sa conscience et ses responsabilités pastorales.
La rencontre des prêtres avec leur Évêque est en soi une image vivante de l’Église. Elle est nourriture et échange, connaissance et reconnaissance, aide et soutien, identité dans la diversité confrontée et vécue en commun. Elle est expérience en acte et génie ecclésial : expérience, dis-je, d’authentique communion, dans laquelle chacun apporte la charge particulière de son ministère, confronte les épreuves et les difficultés avec ses confrères et partage avec eux les succès et les joies. Cette communion est également échange assidu de projets et de solutions ; elle est exercice appliqué de fraternité.
Chers prêtres, il est très important que vous vous présentiez à vos Communautés étroitement unis dans cette communion vitale et alors vous verrez mieux comment les guider, parce qu’elles croissent dans la mesure même où croît le clergé. Soyez donc unis, honorez-vous l’un l’autre, aidez-vous constamment, toujours disposés à vous servir réciproquement, au-delà de tout particularisme. C’est uniquement ainsi que la diversité des dons et des charismes sera vraiment bénie et féconde, parce qu’ils entreront dans la circulation ecclésiale, comme confrontation et enrichissement réciproques.
Permettez que pour conclure, le Pape vous laisse trois indications en souvenir de la rencontre d’aujourd’hui :
— La première est une invitation à prendre tout spécialement soin des jeunes : ils sont, il importe de le répéter — l’avenir de l’Église et de la société. Ils sont la frontière du Royaume de Dieu qui vient toujours. Au milieu des contradictions ou incertitudes de leur âge, ils sont en quête d’espérance et de raisons de vivre. Parlez-leur le langage de l’Évangile et faites-leur rencontrer le Christ. Sans tomber dans le vague et sans sentimentalisme superficiel. Dites-leur avec simplicité et clarté : la rencontre avec le Christ passe par la conversion. Par l’effet de cette clarté, vous créerez également les conditions de développement de vocations spécifiques.
— La deuxième indication est une invitation à aimer le séminaire comme lieu où le presbyterium prépare avec son Évêque l’avenir certain du ministère pastoral. Aimez donc et faites aimer le Séminaire de sorte que la Communauté ecclésiale tout entière le soutienne et l’accompagne, avec l’espérance que, de chaque zone du Patriarcat, Dieu appelle les jeunes à le chercher et que ceux-ci trouvent dans le Séminaire l’occasion de répondre à leur vocation. Presbyterium et Séminaire doivent procéder ensemble : ce sera le signe que cette très noble Église est vivante et a un avenir.
— La troisième indication est une invitation à vous prodiguer dans le ministère en faveur des époux et des familles. L’amour conjugal n’est pas une réalité quelconque : il est le " signe " que Dieu élève sacramentellement pour que les époux se sentent réellement les ministres du mariage dont le premier accomplissement est la famille. La famille est l’espace privilégié où les époux communiquent, par vocation propre et non par délégation, la foi aux enfants et les accompagnent, comme directement responsables, au long de l’itinéraire de l’initiation chrétienne. Faites donc se développer des Communautés conjugales — familiales évangéliquement préparées, où les époux — parents, conscients de leur ministère, témoigneront dans leur existence concrète que le mariage est une grande réalité humaine et chrétienne et que la famille à laquelle il donne naissance est le lieu d’une vie bénie. C’est dans cette première communauté sociale que se brise dès l’origine l’idolâtrie de l’avoir, du pouvoir, de la réussite, parce qu’on y apprend donner, à aimer, à servir.
Je voudrais que ces indications soient trois réponses d’espérance qui alimentent votre confiance et la confiance de l’Église dé ; Venise. Pour vous qui serez certainement d’accord, qui ferez tous les efforts pour les mettre en pratique, c’est-à-dire selon les formes et les modes de la triple pastorale : de la jeunesse, de la vocation, de la famille, j’invoque avec confiance l’assistance toute spéciale de Jésus, Maître et Seigneur, qui est la réalisation absolue de notre sacerdoce. Et à titre de réconfort et d’encouragement, je vous rappelle encore une fois le noble enseignement des inoubliables Pasteurs Vénitiens et Romains que j’ai évoqués au début.
Avec eux tous, spirituellement proches, je vous bénis au nom de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.
91. Au Togo : homélie à la messe pour les ordinations sacerdotales
9 août 1985
QU’EST-CE DONC QU’UN PRÊTRE ET L’ESSENTIEL DE SA MISSION ?
Chers amis prêtres ou futurs prêtres, quand vous remplissez votre charge au nom du Christ, vous avez l’autorité d’un envoyé du Christ, et vous devez être accueillis et respectés comme tels par les croyants qui comprennent votre sacerdoce. Mais cette autorité bannit tout autoritarisme : " Sans commander en maîtres " ; elle bannit la recherche de richesses personnelles : " Non par cupidité, mais par dévouement " ; elle bannit toute dureté : " Non par contrainte, mais de bon cœur. " Oui, soyez toujours les pasteurs courageux et fermes dont je parlais, mais bons, humbles, accueillants, dévoués, désintéressés. Voilà ce qu’attend le Seigneur, le Bon Pasteur. Voilà ce qu’attentent les fidèles de votre troupeau. Et cela vous permet d’être spécialement proches et soucieux des pauvres, des malades, de ceux qui souffrent. Vous partagerez le plus possible leurs préoccupations et leur vie. Au fond, votre autorité
viendra naturellement de ce que vous serez les modèles du troupeau.
Vous serez ces modèles, si la sanctification de votre sacerdoce atteint non seulement les actes de votre ministère ou votre comportement pastoral, mais toute votre vie, votre vie spirituelle, intérieure : " Vivez ce que vous accomplissez. "
Initiant les autres à la prière, demeurez vous-mêmes des hommes de prière, en public et dans l’intimité de votre oraison, de votre adoration. La Vierge Marie aura une place toute spéciale dans votre prière et votre vie, elle qui méditait dans son cœur tous les mystères de Jésus, et demeurait sans cesse " la servante du Seigneur ".
Offrant le Sacrifice et invitant les autres à offrir les sacrifices que leur demande la vie chrétienne, " conformez-vous au mystère de la croix du Christ ", comme je le dirai en remettant le pain et le vin du Sacrifice aux nouveaux prêtres.
Vous formez vos fidèles à la foi : vous aurez à cœur de continuer à approfondir la théologie enseignée au séminaire par une formation permanente, personnelle ou communautaire, par une sage mise à jour, en poursuivant l’étude de la Sainte Écriture, de l’ensemble du dogme et de la spiritualité, la réflexion pastorale.
Vous exhortez le peuple chrétien à vivre les béatitudes, notamment l’esprit de pauvreté : vous-mêmes aurez à cœur de vivre simplement, au milieu des pauvres. Le Christ disait à ses disciples " N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales " (Lc 10, 4).
Votre prédication est centrée sur la charité vous montrerez l’exemple de la vie fraternelle entre prêtres du nord et du sud, Togolais et expatries Le Seigneur envoyait ses disciples deux par deux
Vous aidez les époux à vivre un amour conjugal exigeant, fidèle et pur puissent-ils être toujours stimules par l’exemple du don total de votre puissance d’aimer au Christ et à vos frères ; dans la chasteté qui est oblation et disponibilité.
Vous demandez aux fidèles d’obéir à l’Église : vous aurez à cœur de collaborer avec vos évêques en tout ce que désire l’Église.
La prière consécratoire pour les ordinands demande à Dieu :
" Qu’ils reçoivent de toi la charge de seconder l’ordre épiscopal qu’ils incitent à la pureté des mœurs par l’exemple de leur conduite. "
Oui, soyez les modèles du troupeau.
92.A Yaoundé, aux prêtres du Cameroun
10 août 1985
SOYEZ TOTALEMENT DONNÉS A VOTRE MINISTÈRE
Chers amis prêtres du Cameroun, vous êtes pris d’entre les hommes de ce pays, vous connaissez bien leurs préoccupations, leurs espoirs, leurs faiblesses ; vous êtes solidaires de leur culture et de leur ethnie. C’est en leur nom que vous rendez grâce à Dieu et que vous le suppliez. Mais, par l’ordination sacerdotale, vous êtes devenus les ministres du Christ ; vous le représentez, Lui, la Tête de l’Église qui est son Corps, Lui, Auteur du salut et la source de toute grâce. Vous annoncez sa Parole, vous agissez en son nom pour offrir son Sacrifice, pour donner son Pain de Vie, pour transmettre son Pardon ; tous ces dons de Dieu que le peuple chrétien ne peut produire par lui-même, car il les reçoit d’en haut. Votre mission est sublime et elle est indispensable. Vous devez sans cesse, en toute humilité, rendre grâce à Dieu pour la confiance qu’il vous a faite. Votre ministère mérite également que vous lui consacriez tout votre temps et toutes vos forces, car le Christ, qui vous a regardés avec amour, comme le jeune homme riche, et vous a dit " suis-moi ", ne vous a pas appelés pour que vous retourniez à des activités profanes sans rapport avec l’évangélisation. C’est dans ce dessein qu’il vous faut organiser et régler ensemble et avec vos fidèles les questions importantes de la subsistance matérielle des prêtres, car le Royaume de Dieu demande des moissonneurs à plein temps, il demande des pêcheurs d’hommes voués à leur tâche corps et âme, c’est-à-dire sans cœur partagé.
Vous êtes devenus Pasteurs dans l’Église à la suite du Bon Pasteur, c’est-à-dire chargés de rassembler le peuple qui vous est confié, en l’aimant et en le servant sans faire de distinction préférentielle entre riches et pauvres, adultes et enfants, bien portants et handicapés, hommes d’une autre race ou d’un autre milieu. Vous représentez parmi eux non seulement l’autorité du Chef, qui les guide de façon sûre, mais l’amour du Christ, attentif à chacun et serviteur de tous. Vous êtes aussi les Pasteurs préoccupés par les brebis perdues, éloignées, par celles qui sont loin, ou qui ne font pas encore partie de ce bercail parce qu’elles n’ont pas découvert vraiment l’Évangile. Vous êtes tous en état de mission, comme l’Église entière.
De tout cela nous reparlerons demain, au moment d’ordonner vos jeunes frères. Mais déjà, je prie le Seigneur de vous rendre toujours plus disponibles à son œuvre, dans un amour plénier et exclusif à son égard, et de vous maintenir en tout solidaires de son Église : je lui demande de vous rendre saints et de vous conserver dans sa paix et dans sa joie. Et je le demande aussi pour les diacres permanents, qui commencent à apporter à cette Église un service très appréciable
93. A Yaoundé, ordinations sacerdotales
11 août 1985
HUMBLEMENT ASSOCIÉS A L’ŒUVRE DU RÉDEMPTEUR
Chers amis, que je vais ordonner prêtres, vous recevez du Seigneur la mission de servir le peuple de Dieu, autour de vos évêques, avec le pouvoir qui appartient au seul Christ Prêtre, le pouvoir d’enseigner, de sanctifier, de guider comme un bon pasteur. Dans votre action sacerdotale, ayez toujours pour but de permettre que vos frères et sœurs deviennent des membres vivants du Corps du Christ, participants de sa Vie divine, inspirés par son amour du Père et des hommes, unis à son Sacrifice. L’Eucharistie sera toujours le sommet de ce ministère.
Mais il vous faudra d’abord former les fidèles dans la foi, qu’ils soient adultes, jeunes ou enfants ; vous annoncerez avec fidélité et sans crainte la Parole de Dieu, le mystère du Christ, tout l’Évangile, qui est à la fois la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu et l’appel à la conversion. Vous l’annoncerez à ceux qui ne sont pas encore initiés à la foi, dans un esprit missionnaire, et à ceux qui sont plus ou moins familiarisés avec elle pour qu’ils l’approfondissent. Vous le ferez selon l’enseignement de l’Église, à laquelle le Christ a confié son Message pour l’expliciter et l’approfondir avec l’Esprit Saint au cours des siècles. Vous-mêmes, vous ne cesserez de méditer la Parole de Dieu pour enseigner ce que vous croyez et vivre ce que vous enseignez. Vous êtes associés à la prédication de Jésus notre Maître.
Le Seigneur vous associe en même temps à toute son œuvre de sanctification, par les sacrements qu’il a donnés à son Église. Vous êtes appelés à faire entrer les hommes dans le peuple de Dieu par le baptême, et, dans cette étape intense d’évangélisation au Cameroun, il y a beaucoup de catéchumènes. Le Seigneur vous confie également le soin de veiller à la réconciliation des pécheurs baptises en les appelant à la conversion et en leur offrant le sacrement de pénitence ; le soin de visiter et de fortifier les malades par le sacrement de l’huile sainte ; de préparer et de bénir l’alliance sacramentelle des époux. Par-dessus tout, il vous est donné de renouveler la Cène du Seigneur pour offrir aux communiants le Pain de Vie.
Vous accomplirez, dans la communion obéissante à vos évêques, la tâche de chefs et de pasteurs. Au peuple qui vous sera confié, vous indiquerez le chemin vers Dieu et les règles de vie permettant à chaque membre d’exercer toute la responsabilité qui lui revient, dans l’Église et dans la société. Vous veillerez à l’unité et à la charité entre tous vos chrétiens, pierre de touche des disciples du Christ.
Tout ce ministère, chers amis, vous l’accomplirez par la grâce du Christ, en toute humilité ; " Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis... pour que vous portiez du fruit " (cf. Jn 15, 16). Mais, pour que votre témoignage soit crédible, pour que la grâce que vous portez comme, dans des vases d’argile (cf. 1 Lo R, 7) atteigne profondément, les âmes, il est nécessaire que vous conformiez votre vie à ce que vous accomplissez. En célébrant le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, prenez soin de faire mourir en vous tout penchant mauvais. Vous vous êtes préparés au sacerdoce par des études théologiques sérieuses ; il vous faudra approfondir cette imprégnation évangélique par une formation doctrinale permanente. Vous serez des maîtres à prier : il vous faudra d’abord, comme les Apôtres sur la montagne, entretenir avec le Seigneur la prière d’intimité, qui vous permettra de vivre sous le regard du Christ tous les actes et toutes les rencontres de votre ministère. Bien plus, vous êtes chargés d’exprimer, au nom du peuple de Dieu et du monde, l’action de grâces et la supplication. Vous êtes au service des hommes dans leur relation avec Dieu : apprenez aux laïcs à gérer les, affaires temporelles selon Dieu, mais vous, ne vous laissez pas accaparer par des activités profanes, quand il y a tant à faire pour le Royaume de Dieu auquel vous avez donné votre vie Honorez l’appel du Christ Puissent les fidèles comprendre, par le témoignage de votre vie, que vous lui consacrez non seulement votre temps, mais les puissances de l’amour qui sont en vous, pour le servir dans la chasteté, dans une vie pauvre et toute disponible à Dieu et aux autres !
94. A Kinshasa : rencontre avec le clergé
15 août 1985
QUE LA MESSE SOIT AU CENTRE DE VOS JOURNÉES
Je voudrais dire aux prêtres, qui participent au sacerdoce plénier de leur évêque, combien j’estime leur désintéressement personnel dans leur ministère. Les prêtres diocésains nés ici, les prêtres qui font partie des Instituts missionnaires internationaux et ceux qui sont venus au titre de " fidei donum " assurent ensemble un service primordial. Il leur est beaucoup demandé, car le talent qui leur est confié, c’est le sacerdoce institué par le Christ la veille de sa Passion. Par eux, le Seigneur rassemble les siens, car il les envoie pour être les pasteurs de son troupeau. Par eux, la grâce de la présence réelle du Sauveur est offerte à tous. Par leur sacerdoce, l’Église enracinée en tel lieu particulier est unie à celle du diocèse et à l’Église universelle qui est le grand Corps du Christ, inique dans le monde. Par leur participation au sacerdoce du Christ, ils manifestent que la communauté ne tire pas d’elle-même ce qui la fait vivre, mais qu’elle le reçoit comme un don.
Prêtres, mes frères, comme successeur de Pierre, je viens vous encourager. Vous avez une charge exigeante qui demande la disponibilité de toute votre vie, de tout votre cœur. Je prie pour que le Seigneur vous rende heureux dans ce ministère sacerdotal o vous êtes les serviteurs des serviteurs de Dieu, à la suite du Christ Jésus qui, en nous aimant jusqu’au bout, a pris au milieu de nous la place de celui qui sert (Jn 13, 1 ; Lc 22, 27).
95. Aux prêtres de Gênes
21 septembre 1985
Mes bien chers frères, il me plaît de terminer cette rencontre fraternelle par une réflexion prononcée par votre archevêque, au cours d’une retraite. Elle concerne la Sainte Messe. Parlant de l’importance et du caractère central du Sacrifice de la Messe, il faisait remarquer : " Voyez, l’Église a tout placé autour de la Messe... Tous les sacrements sont plus ou moins liés à la Sainte Messe et l’entourent ;... Jésus-Christ a voulu que la Messe soit dans l’espace, dans le temps, dans les événements... Pour qu’il fût évident qu’il est, parmi toutes les raisons qui s’agitent dans l’arrière-fond de l’histoire et du monde, qu’il est en tout " (Retraite, Assise 1962, p. 298 s.).
En exhortant à s’efforcer de retrouver chaque jour le sens du caractère extraordinaire du mystère eucharistique, il dit que la célébration d’une Messe suffirait, à elle seule, à justifier une vie entière (cf. ibid., p. 454).
Je fais miennes ces réflexions et je vous exhorte, avec votre archevêque, à mettre la célébration de l’Eucharistie au centre de votre journée et de votre vie. Souvenez-vous-en ! Vous n’êtes jamais aussi forts que lorsque vous levez vos mains vers le ciel dans la célébration eucharistique. A ce moment-là, vous avez à votre disposition la toute-puissance même de Dieu.
Ayez aussi confiance en la Vierge Très Sainte, notre Mère du ciel, qui n’abandonne personne. Une vraie dévotion à Marie vous aidera et rendra fécond votre ministère pastoral.
Et que vous accompagne toujours aussi ma bénédiction que je vous donne maintenant avec grande affection et que j’étends à tous vos frères et sœurs religieux et religieuses.
96. A la messe pour les élèves du grand séminaire pontifical de Rome
22 octobre 1985
LE PRÊTRE DOIT SE NOURRIR DE CONTEMPLATION ET DE DON DE SOI
Soyez prêts à répondre généreusement à l’appel : " Voici que je viens ! ... Je viens, mon Dieu, faire ton bon plaisir et ta Loi est au fond de mon cœur " (Ps 40-39, 8-9). Que ces années d’étude et de prière soient donc une période de nouvelle confirmation de votre vocation et, d’abord, d’une authentique formation intérieure. En effet, la vocation au sacerdoce ne change pas la nature humaine et n’élimine pas l’attrait du monde. Il est donc nécessaire de se former à la maîtrise de soi, aux mortifications, au sentiment d’humilité et à l’obéissance, dans la conviction que les âmes se sauvent uniquement par la Croix. Ces vertus vous seront indispensables dans votre vie pastorale en contact direct et responsable avec les personnes que vous devrez instruire, aimer et sauver
Mais d’abord et avant tout, vous devez être prêts à vous consacrer généreusement à votre propre sanctification, parce que vous attend la célébration de l’Eucharistie et l’administration du pardon des péchés " in persona Christi ". Alexandre Manzoni, le grand auteur italien dont on célèbre cette année — comme vous le savez — le deuxième centenaire de la naissance a écrit, dans son livre " Observations sur la morale catholique ", une page vibrante de profond éloge pour la sublime mission du prêtre " ministre revêtu d’une autorité divine ", " dispensateur du Sang de l’Alliance, étonné chaque fois de proférer les paroles qui donnent la vie " ; et il ajoute qu’il doit être un homme " nourri de prière ", et que " habitué à la contemplation des choses du ciel et au sacrifice de lui-même, il doit savoir tout particulièrement estimer les choses au poids du sanctuaire " (chap. XVIII). Paroles toujours valides d’un génie qui, en se convertissant à la foi chrétienne, a su totalement l’apprécier et s’efforcer de la vivre radicalement.
97. Aux prêtres des communautés néo-catéchuménales
9 décembre 1985
L’ÉGLISE VOUS VEUT PRÊTRES, LES LAÏCS AUSSI, ET RIEN D’AUTRE QUE PRÊTRES
La première exigence qui s’impose est que vous sachiez rester fidèles, au sein des Communautés, à votre identité sacerdotale. En vertu de l’Ordination, vous êtes marqués d’un caractère spécial qui vous configure au Christ-Prêtre, vous donnant la faculté d’agir en son nom (cf. Presbyterorum ordinis, 2). Le ministre sacré devra donc être accueilli non seulement comme un frère qui parcourut le même chemin que la Communauté elle-même, mais aussi et surtout comme celui qui, agissant " in persona Christi ", assume l’irremplaçable responsabilité de Maître, Sanctificateur et guide des hommes, une responsabilité à laquelle il ne saurait en aucun cas se soustraire. Il faut que les laïcs puissent se rendre compte de ces réalités d’après le comportement responsable que vous maintenez. Il serait illusoire de penser que vous servez l’Évangile en diluant votre charisme dans un faux sentiment d’humilité ou dans une manifestation de fraternité malentendue. Je veux vous répéter ce que j’ai eu l’occasion de dire aux Aumôniers des Organisations Internationales Catholiques : " Ne vous laissez pas abuser ! l’Église veut que vous soyez prêtres et les laïcs que vous rencontrez veulent que vous soyez prêtres et rien d’autre que prêtres. La confusion des charismes, loin d’enrichir l’Église, l’appauvrit " (Discours du 13 décembre 1979, n. 4).
Autre tâche délicate et inéluctable qui vous attend : vous devez réaliser la communion non seulement entre vous, à l’intérieur de vos groupes, mais aussi avec tous les membres de la communauté paroissiale et de la communauté diocésaine. Quel que soit le service confié à vos soins, n’oubliez jamais que vous êtes les représentants de l’Évêque, ses " prévoyants coopérateurs " et que vous devez vous sentir particulièrement liés à son autorité. En effet, dans l’Église, l’Evêque a le droit et le devoir de donner des directives en vue de l’activité pastorale (cf. Canons 381 et sq) et chacun est obligé de s’y conformer. Faites en sorte que, sans rien perdre de leur originalité et de leurs richesses, vos Communautés s’insèrent harmonieusement et fructueusement dans la famille paroissiale et dans la famille diocésaine.
98. Message de Jean-Paul II pour la XXIIIe Journée mondiale pour les Vocations
6 janvier 1986
L’ÉGLISE A UN IMMENSE BESOIN DE PRÊTRES
Vénérés Frères dans l’Épiscopat, Très chers Frères et Soeurs du monde entier
C’est pour moi un motif de joie profonde et de grande espérance que d’adresser à tout le Peuple de Dieu un Message spécial pour la XXIIe Journée mondiale de prière pour les Vocations, laquelle sera célébrée, comme de coutume, le Quatrième Dimanche de Pâques, dédié au Bon Pasteur.
Voilà une occasion privilégiée pour prendre conscience de notre responsabilité de collaborer, par la prière persévérante et l’accord des volontés sur le plan de l’action, à la promotion des vocations sacerdotales, diaconales, religieuses masculines et féminines, consacrées dans les instituts séculiers, missionnaires.
Vingt ans après le Concile
Sur le thème des vocations, le Concile Vatican II nous a offert un très riche patrimoine doctrinal, spirituel, pastoral. En syntonie avec sa vision approfondie de l’Église, il a affirmé solennellement que le devoir de susciter les vocations " incombe à toute la communauté chrétienne " (Optatam totius, 2). Vingt ans après, l’Église se sent appelée à vérifier la fidélité à cette grande idée-mère du Concile, en vue d’un engagement ultérieur.
A ce propos on relève sans aucun doute un accroissement général du sens de responsabilité à l’intérieur des diverses communautés. En dépit des problèmes, des défis, des difficultés des vingt dernières années, le nombre de jeunes qui écoutent les appels du Seigneur va en augmentant et, dans toutes les parties du monde, se rendent plus tangibles les signes d’une reprise, qui préannoncent un nouveau printemps des vocations.
Tout cela nous remplit tous d’un grand réconfort et nous ne cessons de remercier Dieu pour sa réponse à la prière de l’Église. Cependant, les fruits voulus par le Concile, même s’ils sont abondants, ne sont pas encore arrivés à parfaite maturité. Beaucoup a été fait, mais beaucoup plus reste à faire.
Pour cette circonstance, j’ai le désir de faire converger l’attention du Peuple de Dieu en particulier sur les tâches spécifiques des communautés paroissiales, de la part desquelles le Concile s’attend à obtenir, avec l’aide fournie par la famille, " l’aide la plus précieuse " en faveur de l’accroissement des vocations (cf. Optatam totius, 2).
La communauté paroissiale révèle la continuelle présence du Christ qui appelle
C’est pourquoi ma pensée affectueuse s’adresse à toutes et à chacune des communautés paroissiales du monde : petites OU grandes, situées à l’intérieur de grands centres urbains ou dispersées dans les lieux plus difficiles, elles " représentent, d’une certaine manière, l’Église visible établie dans l’univers " (Sacrosanctum Concilium, 42).
On sait que le Concile a confirmé la formule paroissiale comme expression normale et primaire, bien que non exclusive, du soin pastoral des âmes (cf. Apostolicam Actuositatem, 10). Aussi bien, le soin des vocations ne peut pas être considéré comme une activité marginale, mais il doit s’insérer pleinement dans la vie et dans les activités de la communauté. Un tel engagement est rendu encore plus pressant en raison des nécessités croissantes du temps présent.
On pense immédiatement aux si nombreuses communautés paroissiales que les Évêques sont contraints de laisser saris pasteurs, au point qu’est toujours d’actualité la plainte du Seigneur :
" La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ! " (Mt 9, 37).
L’Église a un immense besoin de prêtres. C’est là une des plus graves urgences qui interpellent les communautés chrétiennes. Jésus n’a pas voulu une Église sans prêtres. Si manquent les prêtres, manque Jésus dans le monde, manque son Eucharistie, manque son pardon. Pour accomplir sa mission propre, l’Église a également un immense besoin de la multiplicité des autres vocations consacrées.
Le peuple chrétien ne peut pas accepter avec passivité et indifférence le déclin des vocations. Les vocations sont l’avenir de l’Église. Une communauté pauvre en vocations appauvrit toute l’Église ; au contraire, une communauté riche en vocations est une richesse pour toute l’Église.
" Selon la grâce reçue " (1 P 4, 10)
responsabilités particulières des pasteurs
La communauté paroissiale n’est pas une réalité abstraite, mais elle est constituée par tous les membres qui la composent : laïcs, personnes consacrées, diacres, prêtres ; elle est le lieu naturel des familles, des authentiques communautés de base, des divers mouvements, groupes et associations. Personne ne peut se tenir à l’écart d’une tâche aussi importante. Il faut encourager toutes les initiatives, promues en divers pays, dans le dessein d’impliquer dans le problème les paroisses, telles les commissions ou centres paroissiaux pour les vocations, telles des activités catéchistiques spécifiques, des groupes vocationnels et autres initiatives semblables.
Toutefois, si le Peuple de Dieu est appelé à collaborer à la croissance des vocations, cela ne diminue pas la responsabilité spécifique de ceux qui exercent des ministères particuliers : les curés et leurs collaborateurs. dans la pastorale, unis à l’Évêque, sont les continuateurs authentiques de la mission de Jésus, Bon Pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis, qui les connaît et " les appelle chacune par son nom " (Jn 10, 4). Tous nous devons éprouver de la reconnaissance pour ces ouvriers infatigables de l’Évangile, qui rendent témoignage de la Paternité de Dieu à l’égard de chaque homme.
Le Concile reconnaît la valeur irremplaçable du service des prêtres et il affirme expressément que le soin des vocations est un " devoir qui découle de la mission sacerdotale elle-même " (Presbyterorum ordinis, 11).
C’est grâce à l’exemple et à la parole de tant et tant de ses ministres que le Christ a frappé au coeur de beaucoup de jeunes et moins jeunes, obtenant au cours de l’histoire des réponses généreuses d’apôtres et de saints. Les prêtres ont toujours eu un rôle important pour les vocations.
Faites donc rayonner votre sacerdoce, très chers Confrères dans le presbytérat, afin que jamais ne manquent les continuateurs du ministère qui vous a été confié. Soyez des maîtres de prière et ne négligez pas le précieux service de la direction spirituelle pour aider les appelés à discerner la volonté de Dieu à leur égard.
Je compte beaucoup sur vous pour une croissante floraison de vocations ! N’oubliez pas que le meilleur fruit de votre apostolat et la plus grande joie de votre vie seront les vocations consacrées, que Dieu suscitera par le moyen de votre fervente action pastorale.
Les conditions d’une véritable fécondité
Je m’adresse maintenant à vous, très chers Frères et Soeurs, pour vous présenter certaines finalités essentielles et certains points fondamentaux grâce auxquels votre communauté pourra devenir un instrument valable des appels de Dieu.
— Soyez une communauté vivante ! Le Concile revient sur ce point avec vigueur : une communauté suscite les vocations " d’abord par une vie pleinement chrétienne " (Optatam totius, 2). Je ne me lasserai pas de répéter, comme je l’ai fait en diverses occasions, que les vocations sont le signe irréfutable de la vitalité d’une communauté ecclésiale.
Qui en effet peut nier que la fécondité soit l’une des caractéristiques les plus manifestes de l’être vivant ?
Une communauté sans vocations est comme une famille sans enfants. Dans ce cas, est-ce que nous ne devrions pas craindre que notre communauté n’ait que peu d’amour pour le Seigneur et pour l’Église ?
— Soyez une communauté priante ! Il faut se convaincre que les vocations sont le don inestimable de Dieu à une communauté en prière. Le Seigneur Jésus nous a donné l’exemple lorsqu’il a appelé les Apôtres (cf. Lc 6, 12) et qu’il a commandé expressément de prier " le Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson " (Mt 9, 38 ; Lc 10, 2).
Dans ce but nous devons tous prier, nous devons toujours prier, et à la prière nous devons joindre la collaboration agissante. L’Eucharistie, source, centre et sommet de la vie chrétienne, doit être le centre vital de la communauté qui priç pour les vocations.
Les malades et tous ceux qui souffrent dans le corps et dans l’esprit doivent savoir que leur prière, unie à la croix du Christ, est la force la plus puissante d’apostolat vocationnel.
— Soyez une communauté qui appelle ! Souvent et dans toutes les parties du monde, les jeunes m’adressent des demandes sur la vocation, sur le sacerdoce, sur la vie consacrée. Cela est un indice de grand intérêt pour le problème, mais cela dénote aussi le besoin d’évangélisation et de catéchèse spécifique. Que personne n’ignore par notre faute ce qu’il doit savoir pour réaliser le plan de Dieu.
N’est pas suffisante cependant une annonce générique de la vocation pour que surgissent des vocations consacrées. Étant donné leur originalité, ces vocations exigent un appel explicite et personnel.
C’est la méthode suivie par Jésus lui-même. Dans ma Lettre Apostolique " A tous les jeunes du monde ", à l’occasion de l’Année internationale de la Jeunesse, j’ai tâché de mettre ce point en relief. La conversation du Christ avec les jeunes se conclut par l’invitation explicite à Le suivre : passage d’une vie de fidélité aux commandements à l’aspiration à " quelque chose de plus ", moyennant le service sacerdotal ou la vie consacrée (cf. n. 8).
Je vous exhorte donc à rendre actuels pour le monde d’aujourd’hui les appels du Sauveur, en passant d’une pastorale d’attente à une pastorale de proposition. Cela vaut non seulement pour les prêtres qui ont charge d’âmes, pour les personnes consacrées et pour les responsables des vocations à tous les niveaux mais cela a valeur aussi pour les parents, les catéchistes et les autres éducateurs de la foi.
Toute communauté possède cette certitude : le Seigneur ne cesse pas d’appeler ! Mais elle a aussi une autre certitude : Il veut avoir besoin de nous pour relayer ses appels.
— Soyez une communauté missionnaire ! Dans une Église qui est tout entière missionnaire, chaque communauté engage ses forces pour annoncer le Christ en premier lieu dans le milieu de sa propre réalité locale, sans pour autant se renfermer sur soi, dans ses propres limites.
L’amour de Dieu ne s’arrête pas aux frontières d’un territoire donné, il passe au contraire celles-ci pour rejoindre les frères d’autres communautés plus éloignées. L’Évangile de Jésus doit conquérir le monde
En face des graves nécessités de l’homme d’aujourd’hui et des demandes pressantes de pouvoir disposer d’autres missionnaires, beaucoup de jeunes percevront l’appel de Dieu à laisser leurs pays pour se rendre là où les nécessités sont plus urgentes. Il ne manquera pas de jeunes qui répondent généreusement comme le prophète Isaïe : " Me voici, Seigneur, envoie-moi ! " (Is 6, 8).
Prière
En conclusion de ces réflexions, confiant que la prochaine Journée Mondiale constitue une occasion favorable pour que chaque communauté grandisse dans la foi et dans l’engagement à promouvoir les vocations, je vous invite tous à vous unir à cette prière.
O Jésus, Bon Pasteur, suscite dans toutes les communautés paroissiales des prêtres et des diacres, des religieux et des religieuses, des laïcs consacrés et des missionnaires, selon les nécessités du monde entier, que tu aimes et veux sauver.
Nous te confions en particulier notre communauté ; crée en nous le climat spirituel des premiers chrétiens, afin que nous puissions être un cénacle de prière, accueillant avec amour l’Esprit Saint et ses dons.
Assiste nos pasteurs et toutes les personnes consacrées. Guide les pas de ceux qui ont accueilli généreusement ton appel et qui se préparent aux ordres sacrés ou à la profession des conseils évangéliques.
Tourne ton regard d’amour vers tant de jeunes bien disposés et appelle-les à ta suite. Aide-les à comprendre que ce n’est qu’en toi seul qu’ils peuvent se réaliser pleinement.
En confiant ces grandes intentions de ton Coeur à la puissante intercession de Marie, mère et modèle de toutes les vocations, nous te supplions de soutenir notre foi dans la certitude que le Père exaucera ce que toi-même as commandé de demander. Amen.
Avec ces voeux, je vous donne bien volontiers la Bénédiction Apostolique’ en gage de faveurs divines.
Du Vatican, le 6 janvier 1986.
99. A Goa (Inde), aux prêtres
6 février 1986
LE PRÊTRE, HOMME DE LA PAROLE
Le Concile de Vatican II nous rappelle que " le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant qu’il convient d’attendre tout spécialement de la bouche des prêtres. En effet, nul ne peut être sauvé sans avoir d’abord cru ; les prêtres, comme coopérateurs des évêques, ont donc pour première fonction d’annoncer l’Évangile de Dieu à tous les hommes " (Presbyterorum ordinis, 4). Ces paroles du Concile soulignent que le cœur de notre vocation sacerdotale est la proclamation de la parole de Dieu. Ces paroles devraient nous aider à établir des priorités de temps et d’engagements, et à conserver clairement devant nos yeux le rôle primordial que nous devons remplir dans l’Église.
En tant que prêtres et vis-à-vis de notre peuple, nous devons être des hommes entièrement imprégnés de la parole de Dieu, cherchant constamment à pénétrer son mystère et sa signification, toujours avides de partager la vérité de l’Évangile avec d’autres.
Je sais que les Écritures Sacrées de l’Église, de même que les textes respectés d’autres religions, sont vénérés et honorés en Inde. Et ceux qui sont considérés comme les sages de l’Inde sont les gens qui méditent et se nourrissent de ces textes. Comme prêtres, dans ce pays, vous aussi vous devez être des sages. La parole écrite de Dieu et la Tradition de l’Église interprétées et présentées par le Magistère devraient être un objet constant d’étude, de réflexion et de prière. Vous devez donc être capables de prêcher la parole de Dieu à votre peuple avec une conviction et une persuasion toujours plus grandes, parce qu’elle aura d’abord pris racine dans vos propres vies. Et soyez certains que la fidélité au Magistère de l’Église sera une garantie de l’efficacité réelle de votre ministère sacerdotal.
Les Gurus de l’Inde sont connus comme des maîtres spirituels jouant un rôle éminent dans la transmission et le développement des vérités religieuses. L’importance du guru comme médiateur de la vérité divine est reconnue en Inde. La nécessité de détenir la vérité salvatrice venant de Celui qui est la manifestation de Dieu est de nouveau bien connue dans la tradition religieuse de l’Inde. Combien encore plus zélés doivent se montrer les prêtres dans l’accomplissement de leur mission comme guides spirituels du peuple confié à leurs soins, en lui transmettant l’Évangile de manière encore plus fidèle ! Encore plus sérieusement sont-ils appelés à être des médiateurs entre Dieu et les hommes dans la parole du salut et les sacrements ! Avec quelle ferveur le peuple n’attend-il pas de nos prêtres la substance qui donne la vie et qui se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ
C’est en tant que serviteurs du Verbe que je vous encourage dans vos efforts pour former et consolider vos communautés chrétiennes dans la doctrine de base, leur transmettant le contenu complet de la foi. N’épargnez aucun effort pour accomplir cette tâche en adoptant toutes les méthodes modernes disponibles. Accordez une attention particulière aux enfants et aux jeunes, tout en ne négligeant pas la catéchèse des adultes, adaptée aux besoins des différents groupes.
C’est par une formation chrétienne soigneusement élaborée du peuple qui vous est confié que vous réussirez à former des laïcs vraiment éclairés et zélés, capables d’assumer avec vigueur leur responsabilité dans l’Église et dans le monde. Tout en aidant à constituer des communautés chrétiennes à la foi profonde, à l’espérance optimiste et à la charité active, les laïcs seront alors capables d’assumer les responsabilités qui leur sont réservées dans l’Église.
100. Lettre du pape Jean-Paul II à tous les prêtres de l’Église à l’occasion du Jeudi Saint 1986
101. A la messe chrismale à Saint-Pierre
27 mars 1986
LE PRÊTRE REÇOIT LE SCEAU SPIRITUEL DE L’ESPRIT, CARACTÈRE INEFFAÇABLE
L’Église, dans la liturgie matinale du Jeudi Saint bénit les Saintes Huiles, en particulier le chrême. Les huiles sont le signe de la puissance sacramentelle, dont la source réside dans le Sacrifice du Christ. Elles sont la puissance de l’Esprit de Vérité, de l’Esprit Consolateur : le Paraclet.
C’est la liturgie de l’anticipation : tout ce qui deviendra le fruit du Sacrifice salvifique du Christ y trouve son expression et son signe.
" A Celui qui nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang... à lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Il a fait de nous une Royauté de Prêtres pour son Dieu et Père "(Ap 1, 5-6).
Il a fait, de nous, des prêtres.
Il existe des signes extérieurs qui composent l’ordre sacramentel de l’Église : ils servent sa mission salvifique sur la terre. Il existe également des signes intérieurs.
Un signe intérieur spécial est imprimé dans l’âme de chacun nous, mes chers Frères dans le sacerdoce. Ce signe est un sceau spirituel. C’est un caractère ineffaçable, par lequel l’Esprit Saint affermit pour les siècles notre participation au sacerdoce du Christ. Une participation spéciale : ministérielle et en même temps hiérarchique, afin que demeure en nous la ressemblance avec Celui qui seul est " prêtre pour l’éternité, selon l’ordre Melchisédech " (Hb 5, 6 ; 7, 17 ; Ps 110 [109], 4).
C’est précisément nous qui attendons d’une manière spécial l’heure de la Dernière Cène, où, avec l’Eucharistie, a été institué le Sacrement du sacerdoce.
Pour nous, cette liturgie matinale du Jeudi Saint est aussi, particulièrement, la liturgie de la Sainte attente, la liturgie de grande anticipation. Nous désirons donc avec tous nos frères da le sacerdoce du monde entier, renouveler en ce jour les vœux les promesses du jour de notre ordination. Nous désirons rénover la grâce du sacrement qui nous a été conférée : qui est devenue notre vie, notre vocation, notre charisme et notre ministère dans l’Église.