La paroisse au vent de l’histoire
Gérard Cholvy
Article paru dans Esprit et Vie, n° 16, août 2000, p. 3-9
Lors de l’assemblée plénière de l’épiscopat tenue en 1989, l’archevêque de Rouen, Mgr Duval, introduisait ainsi le pré-rapport destiné à présenter le thème de la paroisse au programme de l’assemblée de l’année suivante : " Depuis plusieurs années des évêques posent la question : " Comment se fait-il que nous ne disions rien au sujet de la paroisse ? " À travers tous les changements de la société et de l’Église, la paroisse demeure envers et contre tout l’expression la plus visible de la vie de l’Église. " Dans l’Occident européen, à partir du xiiie siècle, les réformateurs, qu’ils soient protestants ou catholiques, ont misé sur elle pour raviver la vie religieuse. Mais le type idéal de la paroisse n’est pas sans présenter très tôt des dysfonctionnements. Ceux-ci vont rendre nécessaires des réponses nouvelles face à l’expansion urbaine du xixe siècle, réponses elles-mêmes contestées au milieu du xxe siècle. Si la paroisse revient dans les deux dernières décennies de notre siècle, ce n’est pas sans transformations internes et problèmes débattus de réaménagements pastoraux.
I. Un type idéal mais des dysfonctionnements précoces
Le type idéal de la paroisse, c’est la paroisse rurale c’est-à-dire une communauté naturelle – Gemeinschaft – où se vit un fort sentiment d’appartenance sinon même d’autarcie économique, sociale et culturelle. Comme tout le monde se connaît, " l’étranger " c’est celui qui n’est pas de la paroisse. En Bas-Languedoc, au xixe siècle, on le distingue de " l’étranger du dehors ", c’est-à-dire de celui qui n’entend ni ne parle le patois. On sait que le conjoint qui vient d’ailleurs est astreint par la jeunesse organisée à un " droit de barrière ". Cette autarcie est possible parce que la société est suffisamment nombreuse et différenciée avec ses familles de cultivateurs, d’artisans mais aussi de notables. Parmi ces derniers, M. le Curé, qui, lui aussi, connaît tout le monde dans le cadre d’une communauté ne dépassant pas les mille cinq cents âmes.
Le centre de ralliement de la paroisse est le clocher et l’on sait l’importance des cloches et l’attachement qu’on leur porte. Périodiquement, lors des processions des Rogations sont reconnues les limites du finage. Le baptistère et le cimetière jouent un rôle essentiel dans la vie de la communauté paroissiale. Quand sonne un baptême, il est d’usage, en certains villages, de déléguer un membre de chaque famille à l’église. La tenue des registres – les B.M.S. – par le curé donne à celui qui a la cura animarum un prestige supplémentaire. Lorsque l’alliance existe entre les milieux culturels (famille, métiers avec leurs confréries, quartiers ou paroisse) et les pouvoirs culturels (l’Église, l’école, l’État), centrale est la place de la religion, cela à condition de respecter l’écart qui existe toujours entre la religion vécue et la religion prescrite. Mais cette alliance est loin d’être toujours la règle. Il ne faut pas imaginer par ailleurs le curé tout-puissant, comme quelques souvenirs isolés de leur contexte le montrent parfois. Le pasteur doit composer avec les milieux culturels, respecter les traditions locales et jusqu’aux parcours , au nombre et aux dates des processions annuelles. Ce sont les fabriciens ou marguilliers qui gèrent les biens et les revenus de la paroisse. Ils sont élus.
Le maillage paroissial, malgré l’intermède de la Révolution, a subsisté pour l’essentiel au xixe siècle dans la France rurale. Les limites de la commune ont coïncidé d’une façon générale avec celles de la paroisse. Au xixe siècle dans les diocèses où le clergé diocésain se recrutait facilement, les évêques, en accord avec les municipalités, ont obtenu l’érection de succursales que les premières délimitations concordataires n’avaient pas retenues : en 1896, pour l’ensemble de la France (sans l’Alsace-Lorraine) il existe trois mille quatre cent cinquante cures – elles correspondent aux chefs-lieux de canton mais sont plus nombreuses dans les villes – et trente et un mille et une succursales.
Très tôt cependant, dans les villes, des brèches se sont produites dans l’isolat paroissial. Le développement des ordres mendiants, puis des congrégations vouées à l’enseignement a multiplié les couvents, leurs chapelles, leurs associations, tels les Tiers ordres. Les hommes ayant toujours souhaité constituer de petites sociétés dans la grande, le modèle des confréries de métiers ou de dévotion, a répondu à cette aspiration. Cependant, le clergé s’est efforcé d’assujettir ces confréries à la paroisse. Quand certaines d’entre elles ont pu édifier des chapelles à part, on pense par exemple aux confréries de pénitents, les litiges et les conflits ont été fréquents qui opposent l’ecclesiola à l’Ecclesia.
Par ailleurs, dans les villes, la rigidité du maillage paroissial s’est révélée un frein plus ou moins considérable à l’action pastorale. Si les paroisses étaient très nombreuses au centre des cités – ainsi, en 1770, à Paris, la paroisse Sainte-Opportune ne rassemblait qu’une trentaine de familles – en revanche, la desserte des quartiers plus récents et des faubourgs se traduit parfois par de grandes inégalités. À Paris, à la fin du xviiie siècle, Saint-Eustache avec soixante-quinze mille âmes et Saint-Sulpice avec quatre-vingt-dix mille âmes ont une population supérieure à celle de bien des petits diocèses de la France méridionale. Mais la même inégalité existe alors à Lyon où Saint-Irénée n’a pas un millier d’âmes alors que Saint-Nizier en compte plus de quarante-quatre mille. Les ordres religieux palliaient, dans une certaine mesure, ces inégalités et cela, bien que leur implantation ait été parfois plus centrale que périphérique. On sait que les jésuites à partir de leurs collèges avaient fait naître de petites congrégations (sodalités ou associations) parmi leurs élèves et anciens élèves. Ces congrégations mariales s’étaient étendues, les jésuites étant les précurseurs d’une action pastorale spécialisée : congrégations de jeunes gens, de messieurs, d’artisans ; congrégations de demoiselles, de dames, de servantes, d’ouvrières… Aussi la suppression de la Compagnie et la disparition de la plupart de ces congrégations ont-elles créé " un vide profond dans la piété laïque " : c’est cette disparition qui rendrait compte de la " diminution de moitié " du nombre de pascalisants, à Paris, entre 1762 et 1780.
Mais on voit bien que le clergé paroissial s’est insurgé contre cette forme de concurrence : en 1630, à Lyon, le curé de Saint-Nizier publie les Devoirs des chrétiens à leur paroisse, dénonçant ceux qui les en détournent. On pourrait multiplier sans peine ce genre d’avertissement.
II. Face à l’expansion urbaine, la paroisse nébuleuse d’œuvres multiples
Après le Concordat, dans un premier temps la reconstitution du maillage paroissial fut globalement réussie en milieu rural, cela compte tenu des évidentes disparités d’attachement vis-à-vis de l’Église dans les diocèses : reconstitution très précoce à Vannes et beaucoup plus tardive à Orléans ou La Rochelle. Les progrès relativement lents du réseau des voies de communication contribuèrent au maintien de l’isolat : si les curés se plaignent de leurs paroissiens, ce sont souvent les migrations saisonnières qui sont rendues responsables des déviances. Néanmoins, la promotion du chef-lieu de canton – avec le doyenné comme correspondant pour l’administration diocésaine : c’est à la cure décanale que se tiendront les conférences ecclésiastiques – encourage une certaine mobilité avec l’existence d’un juge de paix par canton, d’une brigade de gendarmerie, la tenue du conseil de révision, des foires et… l’élection du Conseiller général ; ultérieurement parfois de la gare. Par ailleurs, le siècle avançant, bien des villages voient partir les pauvres et les plus riches, avec la chute de la rente foncière et le recul, plus précoce dans la France du Nord, de l’artisanat. Une perte d’indépendance résulte de l’ensemble de ces facteurs sans que cependant la conscience de former une entité distincte soit fortement ébranlée.
En revanche, les débuts de l’industrialisation et la révolution des transports amplifient les difficultés antérieures du maillage religieux urbain, difficultés que cependant la délimitation des paroisses après le Concordat avait cherché à réduire : ainsi, à Lyon, en 1824, l’écart entre la paroisse la plus peuplée, Saint-Nizier (vingt et un mille trois cent trente-quatre habitants) et la moins peuplée, Saint-Just (trois mille deux cent quatre habitants) a-t-il été nettement réduit.
Ces difficultés expliquent l’inquiétude d’apôtres et de pasteurs soucieux d’atteindre ces " hors normes " que sont les gyrovagues, les migrants, les étudiants venant de province, les militaires, les prolétaires, les jeunes en révolte… autant de catégories qu’il est difficile de faire entrer dans le cadre paroissial traditionnel. Les premières œuvres de jeunesse et patronages qui ont été établis sont, le plus souvent, non paroissiaux et il est rare que l’un de leurs premiers objectifs, une fois les premières fondations assurées, ne soit pas d’ouvrir une chapelle.
L’accueil de migrants a donné naissance à diverses œuvres, cercles, missions flamande, italienne, " paroisse " bretonne à Paris… Les premières conférences de Saint-Vincent-de-Paul ne sont pas paroissiales, de même que la formule des Cercles catholiques d’ouvriers et les cercles d’étudiants. L’implantation des troupes scoutes peut répondre à d’autres critères, en particulier celui des établissements scolaires. Les lieux clos ont leur chapelle et leur service d’aumônerie. L’étonnante expansion congréganiste que connaît la France entre 1830 et 1880, se traduit par la multiplication des chapelles de couvents ouvertes au public. En 1861, le sous-préfet de Pamiers (Ariège) écrit que les confessionnaux des Carmes sont assiégés à l’approche de Pâques et que les offices de la chapelle de ces religieux sont très suivis, " ce dont, assez haut, se plaignent les prêtres des trois paroisses ", une doléance que, sans risque d’erreur, il est possible de transposer à la généralité des villes, particulièrement les moyennes et les petites.
Au demeurant, si l’on en croit l’abbé Bougaud, qui publie, en 1878, Le Grand péril de l’Église de France " Il ne faut pas se le dissimuler, l’ancien monde de la paroisse urbaine est, dans une foule de villes, de plus en plus stérile… Si on veut reconquérir la France, il faut le reprendre, classes par classes. Il faut des exercices spéciaux pour les hommes, d’autres pour les ouvriers ". Ce point de vue est partagé par le chanoine Timon-David qui, dans la nouvelle édition de sa célèbre Méthode de direction des Œuvres de jeunesse, en 1892, écrit qu’" il y a toujours eu, des Tiers ordres, des congrégations d’hommes, de femmes et d’enfants " et que " l’exagération de l’idée paroissiale est une exagération janséniste, un fruit de la haine des ordres religieux et des associations pieuses. En ville, la paroisse ne suffit plus aux besoins des jeunes ouvriers. Il faut laisser faire des œuvres spéciales en dehors de la paroisse ".
Toutefois, une réponse aux besoins nouveaux a été aussi recherchée dans la transformation de la paroisse. Si la constitution de paroisses ethniques est plutôt le fait des États-Unis et si le développement du type congrégationaliste est protestant, en revanche, le catholicisme européen, à partir du modèle lotharingien qui court des Pays-Bas au Tyrol, en passant par la Belgique, l’Allemagne rhénane, l’Alsace, la Lombardie, la Vénitie et le Frioul, a multiplié les petites communautés au sein de la vaste paroisse urbaine à partir du modèle du patronage. Cet essor des " œuvres " s’est fait non sans résistance, le clergé paroissial a longtemps hésité à adopter une formule que la laïcisation de l’école primaire publique, en France, en 1882, a fini par imposer. En 1890 encore, Paris ne comptait que cinq patronages paroissiaux. Mais les prêtres " de la génération Léon XIII " considèrent le patronage comme le vivier d’où se dégagera une élite chrétienne devenant le fer de lance du mouvement catholique. Un consensus existe sur ce point au sein du catholicisme social, que celui-ci soit hiérarchique, comme l’Œuvre des Cercles, ou démocratique, comme le Sillon.
Celui qui, curé de Saint-Paterne d’Orléans (1888-1906) avait été présenté comme " le premier curé de France ", Mgr Gibier, devenu évêque de Versailles, voit la " renaissance de la religion en France " dans la fondation d’un " patronage pour la jeunesse dans toutes nos paroisses ". Saint-Paterne, Saint-Ferdinand à Bordeaux, Saint-Joseph à Mulhouse, Saint-Bruno à Grenoble, autant de " paroisses modèles " où un réseau étendu d’œuvres diverses constitue l’Église " en société à la fois parfaitement organisée sur elle-même et ouverte à tous ceux qui voulaient y entrer ". Ce sont ces petites communautés qui ont souvent permis de recréer une communauté paroissiale que les seuls offices dominicaux ne seraient pas parvenus à faire naître.
On sait aussi que les mouvements nationaux ont adopté ou privilégié la base paroissiale : cela est en partie vrai pour le scoutisme, pour l’Action catholique générale, voire même pour les sections paroissiales de l’Action catholique spécialisée.
III. La paroisse sur la défensive
Si de grandes espérances avaient reposé sur la paroisse, comme en témoignent les enquêtes du P. Lhande en banlieue parisienne, une critique va poindre qui, en s’amplifiant, va dénoncer la " paroisse-ghetto ", cette institution qui fait écran entre la masse qui reste au-dehors et le noyau des fidèles qui y gravitent à l’abri. S’oppose l’esprit de " conquête " dont est créditée l’Action catholique spécialisée en expansion, à l’esprit de " défense religieuse " qui caractériserait les œuvres antérieures. Dans La France pays de mission ? des abbés Godin et Daniel (1943), on peut lire la critique des œuvres paroissiales et même d’une JOC trop " emparoissialisée ". Ce débat interne à l’Église de France fait rage dans les années qui suivent la Libération. En 1943, un fils de la Charité, l’abbé Georges Michonneau, publie dans la collection " Rencontres ", Paroisse, communauté missionnaire. C’est en quelque sorte pour sauver l’institution que se tient, l’année suivante, à Besançon, le congrès de l’Union des Œuvres sur " La paroisse chrétienté communautaire et missionnaire ". " Les œuvres, y déclare Michonneau, coûtent très cher, d’argent, de temps et de forces " et pour quel résultat ? Une lecture maximaliste – elle a été souvent faite — conduit à supprimer les œuvres. Une lecture minimaliste est toutefois possible : d’une part " en apostolat… on ne doit rien détruire que l’on ne soit certain de remplacer ". D’autre part, " des œuvres du genre sociétés sportives pourraient être organisées par des laïcs chrétiens ". Michonneau est de ceux qui n’échappent pas à la fascination qu’exercent alors les militants cégétistes et communistes : " Ces vrais païens, bien dans la vie, avec une puissance de rayonnement bien supérieure à la nôtre. " La paroisse doit donc se transformer, passer de la " préservation " à la " conquête ". Il n’est pas question de souhaiter sa mort comme le déclare le supérieur du Séminaire de la Mission de France, le chanoine Augros, car " pour l’Église la disparition de toutes les paroisses équivaudrait à une régression formidable. Ce serait le retour au temps des catacombes ". Pour le P. Jacques Loew, qui fait alors partie de l’Équipe sacerdotale de Saint-Louis de Marseille, " la paroisse reste aux yeux de tous le symbole de l’Église ". Quant à l’abbé Michonneau, il donne en exemple les communautés de quartier qu’il a créées au Sacré-Cœur du Petit-Colombes. Au début des années 1960 encore, le courant favorable à la paroisse est illustré par le P. Connan, curé de Saint-Séverin et la revue Paroisse et Missions. Pourtant " le crépuscule de la paroisse d’œuvres " (Luc Perrin) s’annonce en ces mêmes années et la paroisse communautaire elle-même n’inspire plus les mêmes engouements. L’opposition militants/pratiquants, ou, comme souvent alors on le dit " chrétiens sociologiques ", entraîne une relative marginalisation sinon une disqualification de la paroisse. L’Action catholique spécialisée a donné naissance à un clergé parallèle, alors privilégié au détriment du clergé paroissial. " À la veille de Mai 68, l’avenir de la paroisse se cherche dans la confusion ".
La disparition accélérée des œuvres, impliquée par une " pastorale de délestage " (Luc Perrin) contribue, entre autres causes, à dévitaliser la paroisse territoriale. Quant à la paroisse rurale, elle subit durement le choc de l’exode rural qui s’est accéléré durant les Trente Glorieuses, les militants jacistes ayant conduit la " Révolution tranquille des paysans " (Michel Debatisse) au cours de laquelle la généralisation du tracteur entraîne une inévitable diminution du nombre des exploitations et des besoins de main-d’œuvre.
La révolution culturelle des Sixties, avec l’essor de la consommation et la généralisation de la télévision qui, survenue en 1965, coïncide avec la réception du Concile, provoque une érosion considérable de la pratique dominicale : 32 % en 1946, 17 % en 1972. La paroisse tend à devenir, ce qu’on l’accusait d’être, à savoir une agence de sacralisation des différentes saisons de la vie, et cela au moment où la désacralisation bat son plein et où la religion populaire et les signes auxquels elle est attachée sont vivement contestés de l’intérieur. L’attrait qu’exerce alors la pastorale de l’enfouissement conduit à susciter des communautés de base, la base étant affinitaire. Ainsi, de retour d’Afrique, Christian Terras fonde-t-il, en 1974, à Saint-Vallier, une communauté chrétienne dans une chapelle désaffectée. C’est l’époque où sont récusés les signes du " triomphalisme ", les cloches et les clochers, puis le bâtiment " église " lui-même : Faut-il encore construire des églises ?.
Quoi qu’il en soit des débats et combats internes, il faut retenir la fin de la paroisse-isolat, son existence communautaire étant exténuée par les trois " boîtes " que sont la voiture, le téléviseur et l’ascenseur. La première a facilité le nomadisme, et les secondes l’individualisme. De multiples dissociations sont survenues dans la scolarisation, le travail, l’habitat ou les loisirs.
IV. Un " retour en grâce " dans le cadre d’une définition renouvelée
Au terme d’une " décennie d’interdestruction soupçonneuse " (1965-1974) selon les termes du pasteur André Dumas " la paroisse revient " (Jean Gelamur, La Vie, 1978). De fait, elle a souvent mieux résisté que les groupes informels et bien des mouvements spécialisés. Dès 1974, l’évêque de Strasbourg, Mgr Elchinger, se demandait s’il fallait " continuer à favoriser une pastorale de milieux au point de négliger une pastorale des communautés où se rencontrent des chrétiens de milieux différents ". Question que reprit sur un ton volontairement polémique le P. Gérard Defois, secrétaire général de l’épiscopat, dans un document présenté à l’Assemblée plénière des évêques français de 1981 : " La militance… marquée par le marxisme-léninisme… sous-entend que l’on fait de cette analyse la vérité déterminante. "
La vie locale a repris une pertinence. L’insuccès de la loi Marcellin sur les fusions de communes (1971) atteste de la résistance de cette entité française. Si la coopération intercommunale se développe, des Communautés de communes ayant été instituées, en 1992, l’Église est aussi en recherche d’une " unité pastorale réelle ". La montée d’une grande classe moyenne au détriment du monde paysan d’une part et de la classe ouvrière traditionnelle d’autre part, restitue à l’espace des dimensions que les contrastes sociaux avaient atténuées. Il est clair toutefois que les lieux de culte paroissiaux ne rassemblent plus guère, de moins en moins en tout cas, aux communautés de jadis. Nombre des pratiquants qui fréquentent régulièrement une église n’habitent plus sur son territoire. Le phénomène d’élection est très répandu, que cela résulte de l’emplacement, de la personne du desservant, de l’animation liturgique dominicale, de l’école fréquentée par les enfants, voire encore de l’attrait exercé par l’architecture de l’édifice.
Il est important par ailleurs de souligner l’évolution qui résulte de la comparaison entre les énoncés du Code de droit canonique de 1917 et de 1983. Dans le premier, la paroisse est constituée d’un territoire, d’un édifice, de fidèles et d’un recteur. Dans le second, c’est la communauté qui définit la paroisse et non plus ses limites spatiales. C’est sur les communautés paroissiales existantes ou à créer que reposent les recompositions spatiales des paroisses et non pas l’inverse.
Mais, en ce qui concerne ces recompositions, la question est de savoir si l’ensemble humain de fidèles est assez nombreux et suffisamment cohérent et si cette communauté est représentative de son lieu de vie ? Autant de questions qui échappent très largement au domaine de l’historien. Celui-ci peut constater en revanche le renouveau d’intérêt porté à la construction d’une église paroissiale et à son ornementation. Il note que des clochers apparaissent dans des églises qui n’en avaient pas, que s’estompe la séparation entre le culte et la mission si souvent reçue naguère. Il relève que des associations nouvelles de fidèles ou des congrégations et instituts récents se donnent pour ambition d’enrayer la crise de la paroisse et non de se substituer à elle. Ainsi du Chemin néo-catéchuménal dont les communautés sont créées dans les paroisses sous la direction du curé ; ainsi de la Communauté de l’Emmanuel en charge de plusieurs paroisses dans des diocèses principalement urbains, ou du Chemin Neuf. Ainsi encore des cellules d’évangélisation de Don Pigi. La communauté sacerdotale Saint-Martin, les Fraternités monastiques de Jérusalem, les Frères de Saint-Jean, entendent greffer la vitalité des vocations qu’ils suscitent sur la réalité paroissiale et sont appelés peu à peu dans les diocèses pauvres en prêtres. Au sein de communautés nées du Renouveau charismatique, la présence en paroisse peut être l’un des engagements, ou prendre la forme de missions d’évangélisation en paroisse comme aux Béatitudes ou aux Fondations pour un monde nouveau. Ainsi s’affirme à nouveau une volonté de renouveler le tissu paroissial à partir de petites communautés de foi.
Une question reste toutefois en débat : la recomposition actuelle du maillage paroissial conduisant à la naissance de paroisses nouvelles plus grandes. La " communion des communautés " qui est envisagée, permettra-t-elle l’insertion dans les structures nouvelles de ces nouvelles associations, communautés de foi parmi d’autres ou bien ira-t-on vers la constitution de paroisses nouvelles au profil si typé qu’il exclurait d’emblée telles ou telles des communautés de foi récentes ou plus anciennes, territoriales ou issues de mouvements ou aumôneries ?
Gérard Cholvy