NOTRE SACERDOCE
Tome 2 – 2° partie
DISCOURS AUX MEMBRES DU CONGRÈS CATECHISTIQUE
INTERNATIONAL
ALLOCUTION « ANNUS SACER » AU CONGRÈS
INTERNATIONAL DES RELIGIEUX
DISCOURS AUX CURÉS ET AUX PRÉDICATEURS DE CARÊME DE LA
VILLE DE ROME
DISCOURS POUR LA BEATIFICATION DU PERE JULIEN MAUNOIR
ENCYCLIQUE « EVANGELII PRÆCONES » SUR LE
PROGRES DES MISSIONS
DISCOURS AU PREMIER CONGRES MONDIAL DE L’APOSTOLAT DES
LAIQUES
EXHORTATION AU CLERGÉ ET AUX FIDÈLES DE ROME
NOTE SUR LA PERFECTION DU CLERGÉ SÉCULIER, A PROPOS DE
L’ALLOCUTION « ANNUS SACER » (1)
DISCOURS A UNE PAROISSE DE ROME
DISCOURS AUX CURES ET AUX PRÉDICATEURS DE CARÊME DE LA
VILLE DE ROME
DISCOURS POUR LE
CENTENAIRE DU SÉMINAIRE FRANÇAIS DE ROME
ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE NORD-AMÉRICAIN
DISCOURS POUR LE QUATRIÈME CENTENAIRE DE L’UNIVERSITÉ
GRÉGORIENNE
EXHORTATION AUX CURÉS ET AUX PRÉDICATEURS DE CARÊME DE
LA VILLE DE ROME
ENCYCLIQUE « SACRA VIRGINITAS » SUR LA VIRGINITÉ
CHRÉTIENNE
Dans notre esprit retentit sans
cesse la voix du divin Rédempteur disant à Pierre : Simon, fils de Jean,
M'aimes-tu plus que ceux-ci ?… Pais mes agneaux, pais mes brebis (2), et
celle du Prince des Apôtres lui-même, exhortant les évêques et les prêtres de
son temps : Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié... en devenant
les modèles du troupeau (3).
Réfléchissant attentivement à de telles paroles, Nous jugeons qu'une des principales obligations de Notre magistère suprême est de veiller de Notre mieux à ce que soient toujours plus efficaces les efforts des vénérables pasteurs et des prêtres, chargés d'apprendre au peuple chrétien à éviter le mal, à triompher des dangers qui le menacent, et à parvenir à la sainteté.
Et ceci est d'autant plus nécessaire en notre temps que, par suite des horreurs de la dernière guerre, les peuples sont non seulement en butte à de graves difficultés matérielles, mais encore fortement troublés dans leur âme ; au surplus, les ennemis du nom chrétien, enhardis par les conjonctures inhérentes à la situation actuelle de la société, s'efforcent, avec une haine satanique et par de subtils artifices, d'éloigner les hommes de Dieu et de Jésus-Christ.
La nécessité — que tous les gens de bien reconnaissent — d'une restauration chrétienne Nous pousse à tourner spécialement Notre pensée et Notre Cœur vers les prêtres du monde entier, sachant bien que c'est surtout l'action humble, vigilante et ardente de ceux qui vivent au milieu de leur peuple et en connaissent la gêne, les peines, les afflictions spirituelles et matérielles, qui peut, avec le secours des préceptes évangéliques, transformer les consciences et établir sur la terre le règne de Jésus-Christ : « règne de justice, d'amour et de paix (4) ».
Mais il est absolument impossible que le ministère sacerdotal atteigne pleinement les résultats qui répondraient d'une façon adéquate aux besoins de notre temps, si les prêtres ne brillent pas au milieu du peuple par une insigne sainteté et s'ils ne sont pas de dignes ministres du Christ, de fidèles dispensateurs des mystères divins (5), d'efficaces collaborateurs de Dieu (6), prêts à toute œuvre bonne (7).
C'est pourquoi Nous ne pensons pas pouvoir mieux manifester Notre gratitude aux prêtres du monde entier — qui, à l'occasion du cinquantième anniversaire de Notre sacerdoce, Nous ont donné le témoignage de leur affection en priant pour Nous — qu'en adressant à tous une paternelle exhortation à la sainteté sans laquelle le ministère qui leur est confié ne saurait être fécond (8).
Puisse l'Année Sainte que Nous avons prescrite, avec l'espérance d'une restauration des mœurs conforme à l'idéal évangélique, donner comme premier fruit celui de voir les pasteurs des fidèles tendre avec un plus grand zèle vers les sommets de la vertu, et ainsi entraînés et armés, mieux travailler à rénover selon l'esprit de Jésus-Christ le troupeau qui leur est confié.
II faut cependant rappeler que si, de nos jours, les besoins accrus de la société chrétienne exigent de plus en plus la perfection intérieure des prêtres, ceux-ci sont déjà tenus, en vertu même de la nature du sublime ministère que Dieu leur a confié, à travailler inlassablement, toujours et partout, à l'œuvre de leur propre sanctification.
Ainsi que l'ont enseigné Nos Prédécesseurs, et particulièrement Pie X (9) et Pie XI (10), et comme Nous-même l'avons dit dans les Encycliques Mystici Corporis (11) et Mediator Dei (12), le sacerdoce est vraiment le grand don du divin Rédempteur qui, pour perpétuer jusqu'à la fin des siècles l'œuvre de salut du genre humain consommée sur la croix, a transmis ses pouvoirs à l'Église, voulant ainsi la faire participer à son unique et éternel sacerdoce.
Le prêtre est comme un « autre Christ », parce qu'il est marqué du caractère indélébile qui fait de lui une image vivante du Sauveur; le prêtre représente le Christ qui disait : Comme le Père M'a envoyé, Moi aussi, Je vous envoie (13), Qui vous écoute, M'écoute (14).
Préparé par l'appel divin à ce très saint ministère, il est établi pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d'offrir des ablations et des sacrifices pour les péchés (15). C'est à lui donc que doit aller quiconque veut vivre de la vie du divin Rédempteur, et recevoir force, soulagement et aliment de l'âme ; et c'est encore à lui que doit demander les remèdes opportuns celui qui s'efforce de se dégager d'une vie de péché pour faire retour à une vie fructueuse. En conséquence, tous les prêtres peuvent s'appliquer à eux-mêmes les paroles de l'Apôtre : Nous sommes ouvriers avec Dieu (16).
Cette haute dignité exige des prêtres qu'ils correspondent avec la plus grande fidélité à leur très lourde charge. Destinés à procurer la gloire de Dieu sur la terre, à alimenter et à accroître le Corps Mystique du Christ, il est absolument nécessaire qu'ils s'élèvent à une telle sainteté que par eux se répande partout la bonne odeur du Christ (17).
Chers fils, le jour même où vous fûtes élevés à la dignité sacerdotale, l'évêque, au Nom de Dieu, vous a solennellement indiqué quelle était votre obligation fondamentale : « Comprenez ce que vous accomplissez ; retracez dans votre vie ce que vous faites à l'autel : puisque vous célébrez le mystère de la mort du Seigneur, mortifiez vos membres en les soustrayant aux vices et aux convoitises. Que votre doctrine soit un remède spirituel pour le peuple de Dieu, que le parfum de votre vie réjouisse l'Église du Christ, afin que, par votre prédication et par votre exemple, vous édifiiez la maison, qui est la famille de Dieu (18) ». Totalement exempte de péchés, que votre vie, plus encore que celle des simples fidèles, soit cachée avec le Christ en Dieu (19).
Ainsi ornés de cette éminente vertu exigée par votre dignité, travaillez à l'achèvement de l'œuvre de la Rédemption ; c'est la mission à laquelle vous destine l'ordination sacerdotale.
Tel est le programme que vous avez librement et spontanément accepté ; soyez saints, parce que, vous le savez, votre ministère est saint !
Selon l'enseignement du divin Maître, la perfection de la vie chrétienne consiste avant tout dans la charité envers Dieu et le prochain (20), charité qui doit être ardente, empressée, active. Une telle charité renferme, peut-on dire, toutes les vertus (21) et est, à juste titre, le lien de la perfection (22).
Ainsi, tout homme, quel que soit son état de vie, doit diriger vers cette fin ses intentions et ses actes.
Toutefois, à cette obligation le prêtre est tenu d'une façon spéciale. Toute son activité sacerdotale, de par sa nature même, doit y tendre : c'est pour cela que le prêtre a été choisi par Dieu comme dispensateur des mystères sacrés, et marqué du sceau divin pour une œuvre divine. Il doit donner sa collaboration au Christ, Prêtre unique et éternel. D'où nécessité pour lui de suivre et d'imiter Celui qui, pendant sa vie terrestre, n'eut d'autre but que de montrer son ardent amour pour le Père et de livrer aux hommes les trésors infinis de son Cœur.
Avant tout, l'âme du prêtre doit être animée du désir de s'unir intimement au divin Rédempteur pour accepter docilement et dans toute leur intégrité les préceptes de la doctrine chrétienne, et les appliquer généreusement dans toutes les circonstances de sa vie : que la foi catholique éclaire toujours sa conduite, et que celle-ci reflète pour ainsi dire l'éclat de sa foi.
A la lumière de cette vertu, il gardera son regard fixé sur le Christ ; il suivra de très près ses enseignements, ses actions et ses exemples ; il sera profondément convaincu qu'il ne doit pas se contenter d'accomplir les devoirs auxquels sont astreints les simples fidèles, mais qu'il doit tendre chaque jour plus intensément à cette perfection de vie exigée par la haute dignité sacerdotale, selon l'avertissement de l'Église : « Les clercs doivent mener une vie intérieure et extérieure plus sainte que les laïques, et servir à ceux-ci d'exempte par leur vertu et leur bonne conduite (23) ».
Parce qu'elle dérive du Christ, la vie sacerdotale doit totalement et toujours être dirigée vers Lui. Le Christ est le Verbe de Dieu, qui ne dédaigna pas de prendre la nature humaine, qui vécut notre vie sur terre pour accomplir la volonté du Père éternel, qui répandit autour de Lui le parfum du lis, qui vécut dans la pauvreté, passa en faisant le bien et en guérissant toutes sortes d'infirmités (24), et enfin S'offrit en victime pour le salut de ses frères.
Vous avez ainsi devant les yeux, chers fils, la synthèse de cette admirable vie ; efforcez-vous de la reproduire en vous, vous souvenant de cette exhortation : Je vous ai donné l'exemple afin que, comme J'ai fait ; vous fassiez vous aussi (25).
L'édifice de la perfection chrétienne commence par l'humilité : Devenez mes disciples, car Je suis doux et humble de cœur (26).
Considérant la sublime dignité à laquelle nous avons été appelés par le Baptême et l'Ordre, et gardant conscience de notre misère spirituelle, ne cessons pas de méditer la divine sentence de Jésus-Christ : Sans Moi, vous ne pouvez rien faire (27).
Que le prêtre ne se fie pas à ses propres forces, et ne se complaise pas sans mesure dans ses talents ; qu'il ne recherche pas l'estime et la louange des hommes, et n'ambitionne pas de postes élevés ; mais qu'il imite le Christ venu sur terre non pour être servi, mais pour servir (28). Il doit aussi se renoncer lui-même, selon l'enseignement de l'Évangile (29), et ne pas trop s'attacher aux choses terrestres, afin de suivre plus facilement et plus promptement le divin Maître. Tout ce qu'il a, tout ce qu'il est provient de la bonté et de la puissance divines. S'il veut donc se glorifier, qu'il se rappelle les paroles de l'Apôtre : Quant à moi, je ne me glorifierai de rien, sinon de mes faiblesses (30).
Cet esprit d'humilité, illuminé par la foi, dispose l'âme à l'immolation de la volonté par la pratique de l'obéissance. Le Christ Lui-même, dans la société qu'Il a fondée, a établi une autorité légitime qui continue et perpétue la sienne. Partant, obéir aux Supérieurs ecclésiastiques, c'est obéir au divin Rédempteur Lui-même.
A une époque comme la nôtre, où le principe d'autorité est imprudemment ébranlé, il est absolument nécessaire que le prêtre, restant fermement attaché aux préceptes de la foi, considère et accepte l'autorité non seulement comme le rempart de la religion et de la société, mais encore comme le fondement de sa sanctification personnelle. Tandis que les ennemis de Dieu s'efforcent avec une criminelle habileté de flatter et d'exciter les désirs déréglés de certains pour les amener à se dresser contre les ordres de notre Mère la sainte Église, Nous tenons à adresser Nos éloges et Nos encouragements paternels à cette nombreuse phalange de ministres de Dieu qui, pour témoigner ouvertement leur chrétienne obéissance et conserver intacte leur propre fidélité au Christ et à l'autorité légitime établie par Lui, ont été jugés dignes de Souffrir des opprobres pour le Nom de Jésus (31), et non seulement des opprobres, niais les persécutions, les cachots et même la mort.
Le prêtre a comme champ d'activité propre tout ce qui se rapporte à la vie surnaturelle, puisqu'il pourvoit à l'accroissement de cette même vie et qu'il la communique à tout le Corps Mystique du Christ. C'est pourquoi il doit renoncer aux « affaires de ce monde » pour vaquer seulement aux « affaires du Seigneur (32) ». Et c'est précisément parce qu'il doit jette libéré de tous Soucis profanes et consacré totalement au service de Dieu, que l'Église a établi la loi du célibat, afin de rendre toujours plus manifeste à tous que le prêtre est ministre de Dieu et père des âmes (33).
Par cette obligation du célibat, bien loin de perdre entièrement le privilège de la paternité, le prêtre l'accroît à l'infini, car la postérité qu'il ne suscite pas à cette vie terrestre et passagère, il l'engendre à la vie céleste et éternelle (34).
Plus resplendit la chasteté du prêtre, plus celui-ci devient par son union avec le Christ, « hostie pure, hostie sainte, hostie immaculée (35) ».
Pour garder dans toute son intégrité, comme un trésor inestimable, la pureté sacerdotale, il est nécessaire de s'en tenir fidèlement à cette exhortation du Prince des apôtres que nous récitons chaque jour à l'Office divin : Soyez sobres et veillez (36).
Oui, veillez, chers fils, puisque votre chasteté est exposée à de nombreux dangers, tant à cause dé la corruption des mœurs que des sollicitations si fréquentes et si perfides du vice, et de cette excessive liberté qui s'introduit toujours plus dans les rapports entre les deux sexes et essaie parfois d'envahir l'exercice même du saint ministère. Veillez et priez (37), en vous souvenant que vos mains touchent les choses les plus saintes, que vous êtes consacrés à Dieu, et que vous devez Le servir Lui seul. L'habit même que vous portez vous avertit que vous ne devez pas vivre pour le monde, mais pour Dieu. Efforcez-vous donc avec générosité, confiants dans la protection de la Vierge Mère de Dieu, de rester chaque jour « sans souillure et sans tache, purs et chastes, comme il convient aux ministres du Christ et aux dispensateurs des mystères de Dieu (38) ».
A ce propos, Nous croyons bon de vous engager spécialement à vous conduire comme il sied à des prêtres dans la direction des associations et des confréries féminines ; évitez toute familiarité ; s'il est nécessaire que vous apportiez votre collaboration, faites-le comme des ministres sacrés. Et dans la direction de ces associations, que votre participation se limite à ce qui est requis par votre ministère sacerdotal (39).
Mais ce n'est pas assez de renoncer aux voluptés charnelles par la chasteté, et de soumettre spontanément, votre volonté aux Supérieurs par l'obéissance ; vous devez encore tenir votre cœur chaque jour plus éloigné des richesses et des biens de ce monde. Nous vous exhortons vivement, chers fils, à ne pas vous prendre d'affection immodérée pour les choses de cette terre, essentiellement transitoires et périssables. Suivez l'exemple admirable des grands saints d'hier et d'aujourd'hui, qui, unissant un juste détachement des biens matériels et une très, grande confiance dans la Providence à un zèle sacerdotal dévorant, ont accompli des œuvres merveilleuses, n'ayant compté que sur Dieu qui ne refuse jamais les secours nécessaires.
Même les prêtres qui ne font pas profession de pauvreté par un vœu spécial doivent se laisser guider par l'amour de cette vertu, amour qu'ils doivent prouver par la simplicité et la modestie de leur style de vie, l'absence de luxe dans leur demeure, et leur générosité envers les pauvres.
Qu'ils s'abstiennent surtout de se lancer dans des entreprises économiques susceptibles de les éloigner de leur saint ministère et de diminuer l'estime que les fidèles leur doivent (40). Ayant l'obligation de se consacrer de toutes ses forces au salut des âmes, le prêtre doit pouvoir toujours s'appliquer la parole de saint Paul : Ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous-mêmes (41).
Nous aurions encore bien des choses à dire, qui Nous viennent à l'esprit, s'il fallait détailler toutes les vertus par lesquelles le prêtre doit reproduire en lui-même, le plus fidèlement possible, le Modèle qui est Jésus-Christ. Mais Nous avons préféré ne souligner à votre attention que les vertus qui Nous semblent les plus nécessaires à notre époque.Pour ce qui est des autres, qu'il suffise de vous rappeler les paroles de ce livre d'or qu'est l'Imitation de Jésus-Christ : « Le prêtre doit être orné de toutes les vertus, et donner aux autres l'exemple d'une vie pure. Ses mœurs ne doivent pas ressembler à celles du monde : il ne doit pas marcher dans les voies communes, mais il doit vivre comme les anges dans le ciel, ou comme les hommes parfaits sur la terre (42) ».
Personne n'ignore, chers fils, qu'il est impossible à un chrétien, et particulièrement à un prêtre, d'imiter dans la vie de chaque jour les admirables exemples du divin Maître sans le secours de la grâce et sans l'utilisation de ces instruments de la grâce qu'il a mis Lui-même à notre disposition ; cette utilisation est d'autant plus indispensable qu'est plus élevé le degré de perfection que nous devons atteindre, et que plus grandes sont les difficultés provenant de notre nature encline au mal.
Aussi jugeons-Nous opportun d'en venir à la considération d'autres vérités très hautes et très réconfortantes, qui font apparaître plus nettement encore toute la perfection que doit avoir la sainteté sacerdotale et toute l'efficacité des secours accordés par Jésus-Christ pour que nous puissions accomplir en nous les desseins de la divine miséricorde.
De même que toute la vie du Sauveur fut ordonnée à son propre sacrifice, ainsi toute la vie du prêtre, qui doit reproduire en fui l'image du Christ, doit être avec Lui, par Lui et en Lui un sacrifice agréable à Dieu.
En effet, le sacrifice que le divin Rédempteur offrit sur la croix, au Calvaire, ne fut pas seulement l'immolation de son Corps ; Chef de l'humanité, Il S'offrit Lui-même comme Victime d'expiation ; et « en remettant son esprit entre les mains du Père, Il se remet Lui-même à Dieu comme homme pour Lui confier tous les hommes (43) »
La même chose se produit dans le Sacrifice eucharistique qui est le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix : le Christ S'offre Lui-même au Père éternel pour sa gloire et pour notre salut. Lorsque, Prêtre et Hostie, Il agit comme Chef de l'Église, II offre et immole non seulement Lui-même, mais aussi tous les fidèles et, en un certain sens, tous les hommes (44).
Si c'est vrai de tous les fidèles, cela vaut a fortiori pour les prêtres qui sont les ministres du divin Rédempteur, surtout pour célébrer le Sacrifice eucharistique. Lorsque, tenant la place du Christ dans le Sacrifice eucharistique, les prêtres consacrent le pain et le vin, qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, ils peuvent puiser à la source même de la vie surnaturelle les inépuisables trésors du salut et toutes les grâces dont ils ont besoin pour eux-mêmes et pour l'accomplissement de leur mission.
Uni si étroitement aux divins mystères, le prêtre ne peut pas ne pas avoir faim et soif de justice (45) ; devant s'offrir et s'immoler lui-même avec le Christ, il ne peut pas ne pas sentir le besoin de conformer sa vie à sa haute dignité et d'orienter toute sa conduite vers le sacrifice. Aussi bien ne se bornera-t-il pas à célébrer la sainte messe, mais il la vivra intimement. Ainsi pourra-t-il y puiser la force surnaturelle qui le transformera complètement et le fera participer à la vie de sacrifice du divin Rédempteur (46).
Saint Paul pose comme principe fondamental de la perfection chrétienne le précepte : Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ (47). S'il s'applique à tous les chrétiens, ce précepte vaut tout particulièrement pour les prêtres. Se revêtir du Christ, c'est non seulement régler sa pensée sur sa doctrine, mais aussi commencer une vie nouvelle qui, pour connaître les splendeurs du Thabor, devra se conformer d'abord aux souffrances et aux angoisses de notre Rédempteur au Calvaire. Cette exigence comporte un travail lent et pénible, qui transforme notre âme en l'état de victime pour qu'elle participe intimement au sacrifice du Christ. Ce travail ardu et assidu ne consiste pas en velléités, il ne se limite pas à des désirs et à des promesses ; il doit être, au contraire, un exercice de zèle continu qui porte à un renouvellement fructueux de l'esprit ; il doit être un exercice de religion qui rapporte tout à la gloire de Dieu ; il doit être un exercice de pénitence qui refrène et dirige les mouvements de l'âme ; il doit être un acte de charité qui enflamme le cœur d'amour pour Dieu et le prochain, et engage aux œuvres de miséricorde ; il doit être enfin une volonté d'effort et de lutte qui exploite toutes nos possibilités d'arriver à la perfection (48).
Le prêtre s'efforcera donc de reproduire dans son âme ce qui se produit sur l'autel du sacrifice. Comme Jésus-Christ S'immole Lui-même, ainsi son ministre doit s'immoler avec Lui ; comme Jésus expie les péchés des hommes, ainsi le prêtre, parcourant les voies ardues de l'ascèse chrétienne, doit arriver à sa propre purification et à celle des autres. C'est l'avertissement de saint Pierre Chrysologue : « Soyez le sacrifice et le prêtre de Dieu ; ne perdez pas ce que vous a donné l'autorité de Dieu. Revêtez la robe de la sainteté ; ceignez la ceinture de la chasteté ; que le Christ soit le voile de votre tête ; que la croix soit la défense de votre front ; mettez sur votre poitrine le sacrement de la science divine ; brûlez continuellement le parfum de la prière ; saisissez le glaive de l'Esprit ; faites de votre cœur un autel, et offrez ainsi avec confiance votre corps en victime à Dieu... Offrez votre foi pour le châtiment de la perfidie ; immolez votre jeûne pour que cesse la voracité ; offrez en sacrifice la chasteté pour que meure la luxure ; élevez la piété sur l'autel pour que soit brisée l'impiété ; conviez la miséricorde pour que soit détruite l'avarice ; et pour que disparaisse la folie, il faut toujours immoler la sainteté : ainsi, libre de toute atteinte du péché, ton corps sera ton hostie (49) ».
Nous voulons ici rappeler particulièrement aux prêtres ce que Nous avons proposé à la méditation de tous les fidèles dans l'Encyclique Mediator Dei (50) : « Assurément le Christ, est Prêtre, mais il est Prêtre pour nous, non pour Lui car Il présente au Père éternel des prières en esprit de religion au nom du genre humain tout entier ; de même Il est Victime, mais pour nous, puisqu'il Se met Lui-même à la place de l'homme coupable. Le mot de l'Apôtre : Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus (51), demande donc de tous les chrétiens qu'ils reproduisent, autant qu'il est humainement possible, les sentiments dont était animé le divin Rédempteur lorsqu'il offrait, le sacrifice de Lui-même, c'est-à-dire qu'ils reproduisent son humble soumission d'esprit, qu'ils adorent, honorent, louent et remercient la souveraine majesté de Dieu. Il demande encore des chrétiens qu'ils prennent en quelque sorte la condition de victime, qu'ils se soumettent complètement aux préceptes de l'Évangile, qu'ils s'adonnent spontanément et volontiers à la pénitence, et que chacun déteste et expie ses fautes. Il demande enfin que tous, avec le Christ, nous mourions mystiquement sur la croix, de manière à pouvoir faire nôtre la pensée de saint Paul : Je suis crucifié avec le Christ (52) ».
Prêtres et fils bien-aimés, nous avons dans nos mains un grand trésor, la perle la plus précieuse, à savoir les richesses inépuisables du Sang de Jésus-Christ ; puisons le plus largement possible dans ce trésor pour être, par le sacrifice total de nous-mêmes au Père avec Jésus-Christ, les vrais médiateurs de la justice en ce qui regarde le culte de Dieu (53), et pour mériter que nos prières soient agréées et obtiennent des grâces surabondantes pour toute l'Église et pour toutes les âmes. Lorsque nous serons intimement unis au Christ par son sacrifice et par le nôtre, et que nous unirons nos voix au chœur des habitants de la Jérusalem céleste, illi canentes jungimur almae Sionis aemuli (54) alors seulement, revêtus de la force du Sauveur, nous pourrons descendre avec confiance des sommets de la sainteté où nous serons parvenus pour porter à tous les hommes la vie et la lumière surnaturelles de Dieu par le ministère sacerdotal.
La sainteté parfaite exige au surplus une continuelle communication avec Dieu. Afin que ce contact intime que l'âme sacerdotale doit établir avec Dieu ne soit jamais interrompu dans la succession des jours et des heures, l'Église à imposé aux prêtres l'obligation de réciter les Heures canoniales ou Office divin. De cette façon, elle a fidèlement observé le précepte du divin Rédempteur disant : Il faut toujours prier sans jamais se lasser (55). De fait, l'Église, de même qu'elle ne cesse jamais de prier, désire ardemment aussi que ses enfants n'arrêtent jamais leurs supplications ; elle leur répète l'exhortation de saint Paul : Par Lui (Jésus), offrons incessamment à Dieu un sacrifice de louange, c'est-à-dire le fruit de lèvres qui célèbrent son Nom (56). Aux prêtres, l'Église a confié cette charge particulière de consacrer à Dieu d'une certaine manière le cours du temps et tous les événements, en priant également au nom du peuple (57).
En s'acquittant de cette obligation de réciter l'Office, le prêtre continue à faire, au cours des siècles, ce que le Christ a fait, Lui qui, durant sa vie mortelle, offrait prières et supplications… avec force cris et larmes, et fut exaucé pour sa piété (58). Cette prière de l'Office a, sans aucun doute, une efficacité particulière, car elle est faite au Nom du Christ, c'est-à-dire « par Notre Seigneur Jésus-Christ », notre Médiateur auprès du Père, qui Lui offre perpétuellement sa satisfaction, ses mérites, le prix souverain de son Sang. Cette prière est, à un titre particulier, la « voix du Christ », qui « prie pour nous comme notre Prêtre, qui prie en nous comme notre Chef (59) ». Pareillement, l'Office divin est toujours la « voix de l'Église », qui exprime les vœux et les désirs de tous les fidèles ; ceux-ci, associés à la prière et à la foi du prêtre, louent Jésus-Christ et, par Lui, rendent grâces au Père éternel et obtiennent de Celui-ci chaque jour et à chaque heure les secours nécessaires. C'est pourquoi se renouvelle chaque jour par les prêtres, d'une certaine manière, ce que Moïse fit autrefois quand, au sommet de la montagne, les bras levés au ciel, il s'entretenait avec le Seigneur, Lui demandant avec instance sa miséricorde en faveur de son peuple qui, au-dessous de lui, peinait douloureusement dans la vallée.
L'Office canonial est aussi un moyen souverainement efficace pour faire acquérir la sainteté. De fait, dans l'Office, il ne s'agit pas seulement de réciter des formules ou des cantiques composés d'après les normes de l'art ; il ne s'agit pas uniquement d'observer les rubriques ou les seules cérémonies extérieures du culte divin ; mais il s'agit principalement de l'élévation de notre esprit et de notre âme vers Dieu, afin de nous unir aux esprits bienheureux louant éternellement le Seigneur.
C'est pourquoi les Heures canoniales doivent être récitées digne, attente ac devote, comme cela est indiqué au début de l'Office. Il est nécessaire que le prêtre récite ces prières avec les intentions mêmes du Christ. C'est donc comme la voix propre du Christ qui, par son ministre, implore de son Père très clément les bienfaits de la Rédemption ; c'est là voix de Celui auquel les phalanges angéliques, tous les saints du ciel, tous les chrétiens de la terre sont unis pour rendre à Dieu la gloire qui Lui est due ; c'est la voix même de Jésus-Christ, notre avocat, cette voix qui nous fait obtenir les trésors immenses de ses mérites.
Méditez attentivement et régulièrement ces vérités fécondes que l'Esprit-Saint révèle dans les Saintes Écritures, et que les écrits des Pères et des docteurs commentent. Tandis que vos lèvres répètent les paroles divines, communiquées par l'Esprit-Saint qui les inspirait, efforcez-vous de ne rien perdre d'un tel trésor. Et pour que votre âme fasse fidèlement écho à la voix de Dieu, éloignez avec soin et assidûment tout ce qui peut distraire votre esprit ; rassemblez vos pensées dans le recueillement, en sorte de pouvoir vous appliquer avec plus de facilité et de fruit à la contemplation, des choses éternelles (60).
Dans Notre Encyclique Mediator Dei (61), Nous avons abondamment et suffisamment expliqué pourquoi l'Église, pendant le cours de l'année liturgique, rappelle à notre souvenir et présente devant nos yeux, dans un ordre déterminé, tous les mystères de Jésus-Christ, et nous fait célébrer les jours de fêtes de la Vierge Marie et des saints du ciel. Ces enseignements doctrinaux que Nous avons donnés à tous les chrétiens, parce que très utiles à tous, doivent être médités spécialement par vous, prêtres, qui, par le Sacrifice eucharistique et par l'Office divin, comme on l'appelle, jouez le rôle principal dans le cours du cycle liturgique.
Pour nous inciter chaque jour avec plus d'ardeur à atteindre la sainteté, l'Église nous recommande avec instance, outre la célébration de la messe et la récitation de l'Office divin, d'autres exercices de piété. Il Nous plaît d'en parler ici et de proposer quelques pensées à votre réflexion.
L'Église nous exhorte par-dessus tout à la méditation, qui porte l'esprit vers les réalités surnaturelles, l'invite à penser aux choses célestes, dirige vers Dieu notre âme qui y aspire ardemment. Cette méditation des choses saintes nous prépare de la meilleure façon à célébrer le Sacrifice eucharistique et à faire notre action de grâces après la messe ; en outre, elle nous dispose à comprendre et à goûter les beautés de la liturgie. La méditation nous porte à contempler les vérités éternelles ainsi que les admirables exemples et préceptes de l'Évangile (62).
Or, il est tout à fait nécessaire que les prêtres imitent personnellement et avec le plus grand soin ces exemples évangéliques et les vertus du divin Rédempteur. Mais de même que la nourriture corporelle n'alimente pas la vie du corps, ne la soutient pas, ne la développe pas, si elle n'est pas assimilée, transformée et convertie en notre propre substance, ainsi le prêtre ne peut-il acquérir la maîtrise de soi et de ses sens, purifier son âme, tendre, comme il le faut, à la vertu, remplir fidèlement, activement et avec fruit les devoirs du ministère sacré, s'il ne médite les mystères et ne participe à la vie du divin Rédempteur, Modèle suprême et absolu de la perfection et Source intarissable de sainteté.
A cet égard, Nous pensons que c'est pour Nous une grave obligation de vous exhorter d'une façon particulière à la pratique de la méditation quotidienne, également recommandée d'ailleurs à tous les clercs par le Code de Droit canonique (63). Tandis que le souci et la recherche de la perfection sacerdotale sont entretenus et renforcés par la méditation quotidienne, inversement la négligence à faire cette méditation produit un dégoût des choses spirituelles qui refroidit et affaiblit la piété, arrête ou paralyse l'élan de chacun à la sainteté, et cause de graves préjudices au ministère sacerdotal. C'est pourquoi on doit affirmer très justement qu'aucun autre moyen de sanctification ne possède l'efficacité particulière de la méditation, et que sa pratique quotidienne est absolument irremplaçable.
Qu'on ne sépare pas de la méditation et de l'oraison les prières vocales ; que l'on n'interdise pas des prières privées qui, selon la condition particulière de chacun, aideront efficacement à réaliser l'union de l'âme avec Dieu. On doit cependant faire attention à ceci : la piété et un véritable et ardent esprit de prière valent davantage que des prières multipliées. Cet ardent esprit de prière est, plus que jamais, nécessaire de nos jours où le « naturalisme », comme on l'appelle, a envahi les esprits et les cœurs des hommes (64) et où la vertu est exposée à des dangers de tout genre, qui n'épargnent pas ceux qui exercent le ministère sacré. Qu'est-ce qui pourra mieux vous aider à vous prémunir contre ces embûches, qu'est-ce qui pourra mieux élever votre âme vers les choses célestes, vous imposer de vivre dans l'union avec Dieu, sinon la prière assidue et le cri d'appel vers Dieu ?
Mais comme les prêtres peuvent être appelés à un titre tout particulier les enfants de la Vierge Marie, ils ne pourront faire moins que de nourrir à son égard une très ardente dévotion, de l'invoquer avec confiance, d'implorer fréquemment sa protection tutélaire et puissante. Donc, chaque jour, comme l'Église le recommande (65), les prêtres s'appliqueront à réciter le rosaire de Marie ; cette récitation nous fait d'ailleurs méditer les mystères du divin Rédempteur et nous conduit ainsi « à Jésus par Marie ».
Avant de terminer sa journée de travail, le prêtre se rendra au pied du tabernacle, et il demeurera là au moins pendant quelque temps pour adorer Jésus dans le sacrement de son amour, pour réparer l'ingratitude de tant d'hommes envers ce sacrement, pour s'enflammer chaque jour davantage d'amour envers Dieu, et pour demeurer, d'une certaine manière, durant les heures de repos de la nuit — la nuit fait penser au silence de la mort — présent dans le Sacré Cœur de Jésus (66).
Que le prêtre n'omette pas de faire chaque jour son examen de conscience, vraie censure de son âme et de sa conduite. Cet exercice est, sans aucun doute, très efficace pour faire l'examen de sa vie spirituelle durant la journée, pour écarter les obstacles qui empêchent ou retardent les progrès dans la vertu, pour poursuivre avec plus d'ardeur tout ce qui favorise les travaux du ministère sacerdotal, et pour implorer du Père céleste la miséricorde, pour tant d'actes accomplis d'une façon répréhensible.
Cette miséricorde et le pardon des péchés nous sont accordés d'une manière spéciale par le sacrement de Pénitence, chef-d'œuvre de la bonté de Dieu pour donner force à notre fragilité. Qu'il n'arrive jamais, chers fils, que le ministre de cette salutaire réconciliation s'abstienne lui-même de ce sacrement. L'Église a établi, comme vous le savez, sur ce sujet, la prescription suivante : « Les Ordinaires veilleront à ce que tous les clercs lavent fréquemment dans le sacrement de Pénitence les souillures de leur conscience (67) ». Bien que ministres de Jésus-Christ, nous sommes cependant misérables : comment pourrons-nous donc monter à l'autel et célébrer les saints mystères si nous ne nous préoccupons pas souvent d'expier et de nous purifier ? La confession fréquente « augmente la vraie connaissance de soi, favorise l'humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat la négligence spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à la direction spirituelle, et, par l’effet propre du sacrement, augmente la grâce (68) ».
A ce sujet, il Nous semble opportun de vous faire, chers fils, une autre recommandation : en entrant dans la vie spirituelle et en y progressant, n'ayez pas une trop grande confiance en vous-mêmes ; mais, avec humilité et simplicité, recevez le conseil et demandez l'aide de ceux qui, avec une sage discrétion, peuvent vous guider, vous annoncer à l'avance les dangers qui vous menacent, vous indiquer de même les remèdes appropriés, vous conduire avec droiture, dans toutes les difficultés intérieures et extérieures, et vous diriger vers une perfection chaque jour plus accomplie, à laquelle vous invitent les exemples des saints et les enseignements autorisés des maîtres de l'ascèse chrétienne. En effet, sans ces prudents directeurs de conscience, il est très difficile de répondre comme on le doit aux impulsions de l'Esprit-Saint et de la grâce divine.
- Les exercices de la retraite
Enfin, Nous désirons recommander à tous la pratique des exercices spirituels ou retraites. Quand durant quelques jours nous nous séparons de l'entourage familier, de nos occupations coutumières, de notre façon habituelle de vivre, et que nous rentrons dans la solitude et le silence, il nous est alors certainement plus facile de prêter attentivement l'oreille aux enseignements divins qui pénètrent plus profondément nos âmes. Ces exercices spirituels, en nous appelant à remplir les devoirs de notre ministère avec plus de perfection, et à contempler les mystères si émouvants de Jésus-Christ, affermissent notre volonté de telle manière que nous puissions servir le Christ dans la sainteté et la justice, durant toute notre vie (69).
Au Calvaire a été transpercé le côté du divin Rédempteur, d'où son Sang sacré s'est répandu comme un torrent débordant à travers les siècles pour purifier les consciences des hommes, expier leurs péchés et leur distribuer les trésors du salut.
A la réalisation d'une si haute fonction sont destinés les prêtres. Ils ont, en effet, la charge, non seulement de communiquer la vie et la grâce du Christ aux membres de son Corps Mystique, mais aussi de veiller au développement de ce Corps ; car ils doivent sans cesse donner à l'Église de nouveaux enfants, les éduquer, les instruire, les guider.
Dispensateurs des mystères de Dieu (70), il leur faut, à ce titre, servir Jésus-Christ avec une parfaite charité, et consacrer toutes leurs forces au salut de leurs frères. Apôtres de la lumière, ils doivent éclairer le monde de la doctrine de l'Évangile ; qu'ils soient eux-mêmes bien affermis dans la foi chrétienne, pour pouvoir la communiquer aux autres, et qu'ils suivent les exemples et les enseignements du divin Maître, afin de pouvoir ramener à Lui toutes les âmes. Apôtres de la grâce et du pardon, ils doivent se consacrer entièrement à procurer le salut des hommes, et les attirer à l'autel de Dieu pour qu'ils puissent s'y nourrir du Pain de la vie céleste. Apôtres de la charité, ils doivent enfin promouvoir les œuvres et les institutions charitables, d'autant plus urgentes aujourd'hui que les besoins des pauvres ont grandi démesurément (71).
Le prêtre devra en outre s'employer à faire comprendre aux fidèles la vraie doctrine de la « communion des saints » ; à la leur faire saisir et expérimenter ; qu'ils la développent intensément par ces organisations qui s'appellent « l'Apostolat liturgique » (72) et « l'Apostolat de la prière » (73). Pareillement, on favorisera toutes les formes et méthodes d'apostolat qui, aujourd'hui, du fait des besoins particuliers du peuple chrétien, prennent tant d'importance et une telle valeur. Il faudra donc veiller avec le plus de zèle possible à ce que l'enseignement du catéchisme soit donné à tous, à ce que « l'Action Catholique (74) » et l'action en faveur des Missions soient largement propagées et encouragées ; faire en sorte également que, grâce à la collaboration de laïques bien instruits et bien formés, se développent chaque jour, selon les expériences de notre temps, toutes les initiatives qui se rapportent au règlement des questions sociales.
Que le prêtre se souvienne cependant que son ministère, si important, sera d'autant plus fécond qu'il sera lui-même plus étroitement uni au Christ et qu'il sera guidé dans l'action par l'esprit du Christ. Alors son action sacerdotale ne se réduira pas à une activité purement naturelle qui fatigue le corps et l'esprit, et l'expose, lui, prêtre, à des déviations du droit chemin, nuisibles tant à lui qu'à l'Église. Alors son travail et ses constants efforts seront soutenus par la grâce que Dieu refuse aux orgueilleux, mais qu'il accorde volontiers et largement à ceux qui, travaillant humblement dans « la vigne du Seigneur », ne recherchent ni eux-mêmes, ni leur propre bénéfice (75), mais uniquement la gloire de Dieu et le salut des âmes. Fidèle aux leçons de l'Évangile, que le prêtre ne mette donc pas sa confiance, comme Nous l'avons déjà dit, en lui-même et dans ses propres forces, mais qu'il la place dans l'aide du Seigneur, selon ces paroles : Celui qui plante n'est rien, ni celui qui arrose, mais Celui qui fait croître, Dieu (76).
Quand l'apostolat est ainsi ordonné et inspiré, il est impossible que le prêtre n'attire pas vivement à lui, par une force divine, toutes les âmes. S'il reproduit pour ainsi dire en lui et dans ses mœurs la vivante image du Christ, tous ceux qui se tournent vers lui comme vers un maître auront l'intime conviction que les paroles qu'il dit ne sont pas les siennes, mais celles de Dieu, et qu'il agit non par sa propre force, mais par la force de Dieu. Que celui qui parle dise les paroles de Dieu ; que celui qui exerce un ministère l'exerce par la force reçue de Dieu (77). Bien plus, dans son effort vers la sainteté et dans l'exercice scrupuleux de son ministère, le prêtre doit s'efforcer de tenir la place et de représenter la Personne du Christ si parfaitement, qu'il puisse, en toute modestie, reprendre les paroles de l'Apôtre des nations : Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ (78).
Pour ces raisons, tout en adressant Nos félicitations à ceux qui, dans les années qui ont suivi cette longue et terrible guerre ; sous l'impulsion de l'amour de Dieu et du prochain, sous la direction et à l'exemple de leurs évêques, ont consacré toutes leurs forces au soulagement de tant de misères matérielles et morales, Nous ne pouvons omettre d'exprimer Notre préoccupation et Notre anxiété à d'autres qui, à cause des circonstances particulières du moment, se sont trop souvent plongés dans le tourbillon de l'activité extérieure jusqu'à négliger le premier devoir du prêtre qui est le devoir de sa propre sanctification. Nous avons déjà dit, en un document public, qu'il faut ramener dans une voie plus droite ceux qui présument que l'on peut sauver le monde par ce que l'on a justement appelé « l'hérésie de l'action (79) » : une action qui n'a pas son fondement dans l'aide de la grâce, et qui ne se sert pas constamment des moyens nécessaires à l'acquisition de la sainteté qui nous ont été donnés par le Christ. Mais de la même façon, Nous avons également jugé utile de pousser aux œuvres du ministère ceux qui, trop désintéressés des affaires extérieures et doutant presque de l'efficacité du secours divin, ne s'emploient pas selon leurs possibilités à faire pénétrer l'esprit chrétien dans la vie quotidienne, en employant toutes les forces d'action qui conviennent à notre époque (80).
Nous vous engageons tous vivement à vous consacrer avec empressement, selon vos forces, en union étroite avec le Rédempteur par qui nous pouvons tout (81), au salut de ceux que la Providence a confiés à vos soins. Avec quelle ardeur Nous désirons, chers fils, que vous rivalisiez avec ces saints qui, au temps passé, ont démontré magnifiquement par leurs grandes œuvres la puissance en ce monde de la grâce divine ! Que chacun de vous, en toute humilité et vérité, puisse toujours s'attribuer — vos fidèles en seront témoins — la parole de l'Apôtre des nations : Pour moi, je dépenserai très volontiers et me dépenserai moi-même tout entier pour vos âmes (82). Éclairez les esprits, dirigez les consciences, réconfortez et soutenez les âmes qui se débattent dans le doute ou gémissent dans la souffrance ! A ces formes principales d'apostolat, joignez toutes les autres qu'exigent les besoins de notre temps. Mais qu'il apparaisse toujours à tous que le prêtre, en toutes ses activités, ne cherche rien d'autre que le bien des âmes et n'a pas autre chose en vue que le Christ à qui il doit consacrer ses forces et tout lui-même (83).
De même que, pour vous stimuler à
réaliser votre sanctification personnelle, Nous vous avons exhortés à
reproduire dans votre conduite la vivante image du Christ, ainsi maintenant,
pour procurer et développer l'efficacité sanctifiante de votre ministère, Nous
vous engageons encore instamment à suivre les traces du Rédempteur. Rempli du
Saint-Esprit, Il passa faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient
asservis par le diable, car Dieu était avec Lui (84). Fortifiés par le même
Esprit, et sous son impulsion, vous pourrez exercer un ministère qui, nourri et
enflammé par la charité chrétienne, sera riche de force divine et s'efforcera
de communiquer cette force aux autres (85).
Que votre zèle apostolique soit vivifié par cet amour divin qui supporte tout d'un cœur serein, qui ne se laisse pas vaincre par les obstacles et qui s'étend à tous : pauvres et riches, amis et ennemis, croyants et incroyants. Ce labeur quotidien et ces quotidiennes souffrances, vous les devez aux âmes ; c'est pour leur salut que notre Sauveur a enduré patiemment jusqu'à la mort la plus cruelle, par laquelle Il nous remit dans l'amitié de Dieu. Cette amitié, vous le savez, est le premier et le plus grand des biens. Ne vous laissez donc pas prendre d'un désir immodéré du succès, ne vous laissez pas abattre si, après un travail consciencieux, vous ne recueillez pas les fruits désirés, car autre est le semeur, autre le moissonneur (86).
Que votre zèle apostolique brille en outre d'une immense bonté. S'il est parfois tout à fait nécessaire — et c'est un devoir pour tous — de combattre l'erreur et de repousser le vice, le cœur du prêtre doit cependant rester toujours ouvert à la compassion. Il faut combattre l'erreur de toutes ses forces, mais aimer le frère qui erre et le conduire avec une charité inlassable au salut. Quel bien n'ont pas fait, quelles œuvres admirables n'ont pas accomplies les saints avec leur douceur, même en des circonstances et dans des milieux faussés par le mensonge et dégradés par le vice !
Certainement, il trahirait son ministère celui qui, pour plaire aux hommes, flatterait leurs mauvaises inclinations ou favoriserait leur manière erronée de penser et d'agir, au préjudice de la doctrine chrétienne et de l'intégrité des mœurs. Cependant, une fois sauvegardés et défendus les enseignements de l'Évangile, lorsque les hommes qui sont tombés misérablement sont animés du désir sincère de revenir sur la bonne voie, le prêtre doit se souvenir de la réponse du Seigneur au Prince des Apôtres qui Lui demandait combien de fois il devait pardonner à son frère : Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois (87).
L'objet de votre zèle, ce ne sont pas les biens terrestres et passagers, mais les biens éternels. Le but principal des prêtres, qui aspirent, comme ils le doivent, à la sainteté, doit être celui-ci : travailler uniquement pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Combien de prêtres, même dans les graves difficultés actuelles, ont gardé devant les yeux les exemples et les avis de l'Apôtre des nations qui, se contentant de peu et ne cherchant que l'absolu nécessaire, affirmait : Ayant de quoi manger et de quoi nous couvrir, contentons-nous de cela (88).
Grâce à ce désintéressement et à ce détachement des choses terrestres, unis à la confiance en la divine Providence, et dignes, Nous semble-t-il, des plus grands éloges, le ministère sacerdotal a donné des fruits abondants pour le bien spirituel et même social de l'Église.
Enfin ce zèle, actif doit être éclairé par les lumières de la sagesse et de la science et enflammé par l'ardeur de la charité. Quiconque se fixe comme but sa propre sanctification et celle des autres doit être muni d'une solide doctrine où entrent non seulement la théologie, mais aussi les sciences et les découvertes modernes ; ainsi, doué de toutes ces qualités de l'esprit, il sera capable, en bon père de famille, de tirer de son trésor du neuf et du vieux (89) et de rendre son ministère toujours plus apprécié par tous et plus fécond. Avant tout, que votre activité s'inspire toujours fidèlement des prescriptions du Siège apostolique et des règles fixées par les évêques. Qu'il n'arrive jamais, chers fils, que demeurent inefficaces ou inadaptées aux besoins des fidèles, faute d'une bonne orientation, toutes ces formes nouvelles d'apostolat qui sont aujourd'hui si opportunes, spécialement dans les pays où le clergé n'est pas suffisamment nombreux.
Que chaque jour donc s'accroisse votre zèle laborieux : il soutiendra l'Église de Dieu, il servira d'exemple aux fidèles, et il dressera de puissants remparts contre lesquels se briseront les assauts des ennemis de Dieu.
Nous voulons aussi que Notre exhortation paternelle, s'adresse d'une façon particulière aux prêtres qui, avec humilité et ardente charité, veillent à la sanctification de leurs confrères au titre de conseillers, de confesseurs ou de directeurs spirituels. Le bien incalculable qu'ils font à l'Eglise demeure le plus souvent caché, mais il éclatera au grand jour dans la gloire du Royaume de Dieu.
Il y a peu d'années, et à Notre grande joie, Nous avons accordé les honneurs suprêmes des autels au prêtre de Turin, Joseph Cafasso ; en des temps très difficiles, il fut le guide spirituel, sage et saint à la fois, d'un grand nombre de prêtres qu'il fit progresser dans la vertu, et dont il rendit merveilleusement fécond le saint ministère ; Nous avons pleine confiance que, par son puissant patronage, notre divin Rédempteur suscitera de nombreux prêtres d'une égale sainteté, qui sauront se conduire eux-mêmes et diriger leurs confrères à une telle perfection de vie que les fidèles, admirant leurs exemples, seront spontanément portés d'eux-mêmes à les imiter volontiers (90).
Nous avons jusqu'ici exposé les vérités et les règles principales sur lesquelles reposent le sacerdoce catholique et les charges du ministère. Les prêtres saints s'y conforment certainement avec soin dans leur vie quotidienne ; au contraire, certains déserteurs et transfuges ont hélas ! abandonné misérablement les devoirs contractés au jour de leur ordination.
Cependant, pour que Notre paternelle exhortation soit plus efficace, Nous estimons opportun de développer plutôt certains détails ayant trait à la vie actuelle. Ceci est d'autant plus nécessaire que dans la vie moderne certaines situations et discussions se présentent d'une nouvelle manière, qui requiert de Nous des remarques plus précises et un soin plus attentif. Nous voulons donc engager paternellement tous les prêtres, et en premier lieu les évêques, à promouvoir généreusement et avec grand zèle tout ce qui paraît nécessaire à notre époque, à redresser au contraire et à corriger tout ce qui se corrompt et s'écarte du droit chemin de la vérité, de l'honnêteté et de la vertu.
Après les vicissitudes longues et variées de la dernière guerre, le nombre des prêtres, vous le savez bien, dans les pays catholiques comme dans les Missions, s'est avéré bien souvent sans proportion avec des besoins toujours croissants. Nous engageons donc tous les prêtres, qu'ils soient membres du clergé diocésain ou des Ordres et Congrégations religieuses, à rester unis paf les liens de la charité fraternelle, et à tendre courageusement, dans l'union de leurs forces et de leurs volontés, vers le but commun qui est le bien de l'Église, leur propre sanctification et celle du prochain. Tous, même les religieux qui vivent dans la retraite et le silence, peuvent contribuer à l'efficacité de l'apostolat sacerdotal par la prière et le sacrifice, et, pour ceux qui le peuvent, par l'action. Qu'ils s'y donnent généreusement et avec ardeur.
Mais il est nécessaire aussi de recruter, avec l'aide de la grâce de Dieu, de nouveaux compagnons de travail. Nous attirons spécialement l'attention des Ordinaires et de tous ceux qui ont charge du troupeau chrétien à un titre quelconque sur leur devoir de plaider et favoriser cette cause très importante intéressant directement l'avenir de l'Église. Sans nul doute, la société fondée par le Christ ne manquera jamais des prêtres nécessaires à sa mission ; il importe à chacun cependant de veiller et de travailler et, — se rappelant la parole du Seigneur : La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux (91), — d'utiliser tous les moyens pour procurer à l'Église des ministres aussi nombreux et aussi saints que possible.
Le divin Rédempteur Lui-même nous indique le chemin le plus sûr pour susciter de nombreuses vocations sacerdotales : Priez le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson (92). Nous devons en effet le demander par une prière humble et confiante.
Il n'en est pas moins nécessaire que les âmes de ceux qui sont appelés par Dieu à entrer dans le sacerdoce soient préparées à recevoir l'impulsion et l'action invisible de l'Esprit-Saint. A cet effet, une aide précieuse peut assurément être apportée par les parents chrétiens, les curés, les confesseurs, les supérieurs de Séminaire, les prêtres et tous les fidèles qui ont souci de travailler à l'accroissement de l'Église et de venir au secours de ses besoins. Que les ministres de Dieu aient soin non seulement en chaire et au catéchisme, mais aussi dans les conversations privées bien conduites, de dissiper les préjugés, les opinions fausses, si répandus actuellement contre l'état sacerdotal ; qu'ils en montrent la haute dignité, la beauté, l'utilité et le grand mérite.
Tous les parents chrétiens, à quelque classe qu'ils appartiennent, doivent demander au ciel la grâce qu'au moins un de leurs fils soit appelé à son service.
Que tous les chrétiens aient conscience de leur obligation de favoriser et d'aider de tout leur pouvoir ceux qui se sentent appelés au sacerdoce (93).
Le choix des candidats au sacerdoce, que le Code de Droit canonique (94) confie et recommande instamment aux pasteurs d'âmes, doit être le souci particulier de tous les prêtres. Ils doivent, non seulement rendre humblement et généreusement grâces à Dieu pour l'inestimable don reçu, mais encore n'avoir rien de plus à cœur, rien de plus cher, que de se trouver un successeur parmi les jeunes qu'ils savent doués des qualités requises pour une pareille tâche, et de l'aider de tout leur pouvoir. Pour atteindre efficacement ce but, tout prêtre doit s'efforcer d'être et de se montrer un exemple de vie sacerdotale qui puisse devenir, pour les jeunes qu'il approche et en qui il aura découvert les signes de l'appel divin, un idéal à imiter.
Ce discernement éclairé et prudent des candidats doit se faire toujours et partout ; non seulement parmi les jeunes qui sont déjà au Séminaire, mais encore parmi les enfants des écoles et collèges, et tout particulièrement aussi parmi les jeunes gens qui collaborent aux diverses branches et activités de l'apostolat catholique. Même si ces derniers n'arrivent que tardivement au sacerdoce, ils sont souvent armés de vertus plus grandes et plus assurées, car ils ont déjà subi l'épreuve, raffermi leur cœur au contact des difficultés de la vie, et collaboré à des œuvres étroitement unies au ministère sacerdotal.
Il est cependant toujours nécessaire d'examiner attentivement chaque candidat au sacerdoce, et de s'enquérir surtout avec quel esprit et pour quelles raisons il a formé ce projet. En particulier, quand il s'agit d'enfants, il importe d'examiner avec soin s'ils sont doués des qualités physiques et morales nécessaires, et s'ils aspirent au sacerdoce uniquement pour la dignité de cet état et pour leur propre bien spirituel et celui du prochain.
Vous connaissez bien, Vénérables Frères, les aptitudes intellectuelles et morales que l'Église exige, en cette matière, des jeunes qui aspirent au sacerdoce, et il est superflu de Nous attarder à exposer ces questions et leurs arguments. Nous croyons plus utile en revanche d'attirer votre attention sur la nécessité d'examiner avec prudence et avec soin les aptitudes physiques de ceux qui aspirent aux saints Ordres. Cela, parce que la dernière guerre a laissé des traces et des troubles nombreux dans la génération montante. Qu'on examine donc sur ce point, et avec un soin particulier, les candidats, en recourant, si besoin est, au jugement d'un médecin estimé.
Si ce choix des vocations est fait avec intelligence et prudence, Nous sommes sûrs que se lèveront partout des rangs serrés de séminaristes d'élite.
Si beaucoup de pasteurs sont gravement préoccupés de la diminution croissante des vocations sacerdotales, ils ne le sont pas moins au sujet de l'éducation des jeunes gens qui sont déjà entrés au Séminaire. Nous n'ignorons pas, Vénérables Frères, combien ardue est cette œuvre et combien grandes et nombreuses sont les difficultés que comporte sa réalisation ; mais vous retirerez une grande consolation de l'avoir menée à bien. Comme le rappelle Notre Prédécesseur Léon XIII, « de l'application et du zèle que vous aurez mis à former des prêtres, vous retirerez les fruits les plus désirables, et vous expérimenterez que votre charge épiscopale en deviendra à la fois plus facile et plus féconde en résultats (95) ».
C'est pourquoi Nous jugeons, opportun de vous fixer quelques directives, imposées par la nécessité plus grande que jamais de former de saints prêtres
Remarquons tout d'abord que les petits séminaristes ne sont que des enfants séparés du milieu naturel de leur famille. Il est donc nécessaire que la vie menée au Séminaire par ces enfants se rapproche, autant que possible, de la vie normale des enfants. On donnera une grande importance à leur formation religieuse, mais en tenant compte de leurs capacités et de leur degré de développement. Et que cette éducation soit donnée dans des locaux assez amples et spacieux pour assurer leur santé physique et morale. Toutefois, même en cela, qu'on observe « la juste mesure et la modération », de façon que ceux qui doivent être formés au renoncement et aux vertus évangéliques ne vivent pas « dans des maisons somptueuses, dans les douceurs et les raffinements du confort (96) ».
On doit généralement veiller surtout à la bonne éducation du caractère de chaque enfant, en développant en lui la conscience de la responsabilité de ses actes, la formation du jugement qu'il doit porter sur les hommes et les événements, l'esprit d'initiative. Les directeurs de Séminaire recourront donc prudemment aux réprimandes, et allégeront progressivement, selon l'âge des élèves, les rigueurs de la surveillance et de la discipline, de façon à acheminer lentement les jeunes à se conduire eux-mêmes et à prendre la responsabilité de leurs actes. En certaines choses, qu'ils accordent même aux élèves une juste liberté d'action ; et de plus qu'ils les habituent à la réflexion pour leur faciliter l'assimilation des principes théoriques ou pratiques. Que les directeurs ne craignent pas non plus de tenir les jeunes au courant des événements actuels ; outre qu'ils leur donnent ainsi les éléments nécessaires pour se former un jugement sûr, qu'ils ne refusent pas non plus des discussions sur ces-sujets, afin d'entraîner les jeunes à peser questions et arguments.
Si ces directives sont soigneusement observées, les jeunes seront formés à l'honnêteté et à la loyauté, et ils auront pour eux-mêmes et pour les autres l'estime de la droiture et de la fermeté, en même temps que l'horreur de la duplicité et de toute sorte de mensonge. Cette droiture et cette loyauté seront une base sur laquelle s'appuyer pour mieux diriger ces jeunes et pour juger s'ils sont vraiment appelés par Dieu à recevoir les saints Ordres.
Si les jeunes — surtout ceux qui sont entrés au Séminaire à un âge encore tendre — étaient élevés dans un milieu trop séparé du monde, ils rencontreraient certainement, à la sortie du Séminaire, des difficultés dans leurs relations, soit avec le peuple, soit avec les classes cultivées, et il s'ensuivrait souvent des attitudes imprudentes devant les fidèles ou un mépris pour l'éducation reçue. Il faut veiller à ce que les séminaristes prennent graduellement et prudemment contact avec les façons de penser et de sentir du peuple, de peur que, jeunes prêtres entrant dans le ministère, ils ne soient désorientés : ce qui serait non seulement cause de trouble pour eux, mais source de dommage pour leur activité sacerdotale.
Outre cela, les directeurs de Séminaire doivent consacrer leurs plus grands soins à la formation intellectuelle des élèves.
Vous n'ignorez pas, Vénérables Frères, les règlements et les instructions donnés à ce sujet par le Siège apostolique, et que Nous-même avons rappelés à tous lors de la première audience que Nous avons accordée aux élèves des Séminaires et des Collèges de Rome, au début de Notre Pontificat (97).
A ce sujet, Nous voulons avant tout que la culture littéraire et scientifique des futurs prêtres ne le cède en rien à celle des laïques qui suivent les mêmes études. Si l'on y veille, on aura par le fait même pourvu sérieusement à la formation des esprits, et facilité en temps voulu le choix des sujets. De cette façon, les séminaristes se sentiront plus libres, lorsqu'il s'agira de choisir leur état de vie, et ils éviteront facilement le danger d'être contraints, faute d'avoir la formation et la culture intellectuelle pour trouver une situation dans le monde, de rester dans une voie qui n'est pas faite pour eux ; c'était le raisonnement de l'économe infidèle : Je ne puis travailler la terre, j’ai bonté de mendier (98).
Et s'il arrivait qu'un élève, dont on pouvait espérer un service utile pour l'Église, se retire du Séminaire, il n'y aurait pas à tant le regretter ; car un jeune qui a trouvé sa voie ne pourra pas ne pas se souvenir dans la suite des bienfaits reçus au Séminaire, et ne pas joindre son action généreuse à l'action du laïcat catholique.
Parmi les sciences nombreuses, exigées pour la Formation intellectuelle des jeunes séminaristes — et l'étude des questions sociales a aujourd'hui une grande portée — il faut accorder la plus grande valeur aux études philosophiques et théologiques « selon la doctrine du Docteur angélique (99) », jointes à la connaissance des besoins et des erreurs de notre temps. Ces études sont d'une extrême importance, tant pour le prêtre que pour le peuple chrétien. Les maîtres de la vie spirituelle affirment, en effet, que ces études, à condition qu'elles soient menées avec une bonne méthode, sont d'une grande efficacité pour conserver et entretenir l'esprit de foi, pour refréner les passions, pour conduire l'âme à l'union avec Dieu.
Pour le prêtre, il faut ajouter que, devant être comme le sel de la terre et la lumière du monde (100), il doit se dépenser avec énergie pour la défense de la foi, prêchant l'Évangile du Christ, et réfutant les erreurs qui se répandent de tous côtés dans le peuple. Or, il ne pourra combattre efficacement ces fausses doctrines s'il ne possède pas à fond les plus solides principes de la philosophie et de la théologie catholiques.
A ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que la méthode d'enseignement en usage dans les écoles catholiques possède une efficacité particulière pour donner à l'esprit des notions claires des choses et pour montrer la cohésion organique et parfaite des vérités confiées, comme un dépôt sacré, à l'Église, maîtresse des chrétiens. Hélas ! il ne manque pas aujourd'hui d'esprits qui, s'éloignant des récents enseignements de l'Église et minimisant la clarté et la précision des concepts, non seulement se sont éloignés de la bonne méthode de nos écoles, mais encore, l'expérience le prouve, ont ouvert la voie à des erreurs et à des opinions confuses.
Nous vous engageons donc tous vivement, Vénérables Frères, à veiller avec soin — pour éviter que les études du clergé ne se perdent lamentablement dans la confusion et le doute — à ce que les directives données dans ce but par le Siège apostolique soient loyalement reçues et observées.
Si, dans l'exercice de Notre charge apostolique, Nous venons encore de recommander avec tant de sollicitude une culture intellectuelle supérieure du clergé, il n'est pas difficile cependant de voir pourquoi Nous n'avons rien de plus à cœur que la sérieuse formation spirituelle et morale de ces jeunes clercs ; car s'il en était autrement, même une science éminente, viciée par l'orgueil ou la présomption qui s'insinuent facilement dans les âmes, pourrait provoquer les pires dommages. Aussi l'Église, notre Mère, veut-elle, par-dessus tout, que les jeunes gens, dans les Séminaires, posent les fondements de cette sainteté que par la suite, et durant toute leur vie, ils devront manifester et développer.
Comme Nous l'avons déjà écrit pour les prêtres, Nous insistons également ici pour que les jeunes clercs aient la plus intime conviction qu'il leur faut s'efforcer de tout leur pouvoir d'acquérir ces ornements de l'âme que sont, les vertus et, quand ils y sont parvenus, de les garder fermement avec le désir de les accroître.
Lorsque chaque jour, presque toujours aux mêmes heures, les jeunes gens remplissent les mêmes devoirs de piété, il est à craindre que les sentiments intérieurs de l'âme ne concordent pas avec la pratique extérieure de la religion. Et cela, chez eux, peut tourner facilement à la routine, ou même devenir plus grave, lorsqu'après le Séminaire ils se trouvent emportés par l'accomplissement nécessaire de leurs devoirs.
II ne faut donc rien négliger, et il faut même apporter tous ses soins, pour que, durant leur formation, les futurs clercs vivent pieusement cette vie qui est leur but, qu'ils la nourrissent d'esprit surnaturel, et que cet esprit surnaturel en soutienne les actes. Qu'ils agissent en tout à la lumière de la foi divine, en union avec le Christ Jésus. Qu'ils soient convaincus qu'ils ne peuvent s'abstenir de cette pratique d'une vie sainte, eux qui doivent un jour devenir prêtres, et représenter le divin Maître dans l'Église. Rien, en effet, ne pousse plus les jeunes clercs à acquérir des vertus clignes du sacerdoce, à triompher des difficultés, et à suivre les conseils qui les sauvegardent, que ce sentiment profond de piété.
Il faut que ceux qui se chargent de la formation morale des clercs aient en vue principalement de les faire s'attacher aux vertus que l'Église demande à ses prêtres. Nous en avons déjà parlé dans cette Exhortation ; il n'y a pas lieu d'y revenir. Cependant, Nous ne pouvons Nous empêcher de recommander de tout Notre pouvoir qu'on forme particulièrement les aspirants au sacerdoce à toutes ces vertus qui sont comme le fondement où s'appuie toute la sainteté des prêtres.
Il faut à tout prix que les jeunes gens arrivent à avoir le goût de l'obéissance, qu'ils s'habituent à soumettre franchement leur volonté à la volonté de Dieu, dont les directeurs du Séminaire doivent être regardés comme les interprètes. Qu'il n'y ait donc rien dans leur manière d'agir qui soit à l'encontre de la volonté divine. D'une telle obéissance, les séminaristes chercheront l'exemple auprès du divin Rédempteur, qui n'eut ici-bas qu'un seul but : O Dieu (Je viens) faire votre volonté (101).
Que les jeunes gens, dans les Séminaires, apprennent dès le plus jeune âge à obéir volontiers et filialement à leurs directeurs, pour se soumettre sans effort plus tard à la volonté de leur évêque, comme Ignace d'Antioche, cet athlète invincible du Christ, en donnait le précepte : « Obéissez tous à l'évêque, comme Jésus-Christ à son Père (102) »; « Qui honore l'évêque est honoré par Dieu ; qui fait quelque chose à l'insu de l'évêque sert le diable (103) » ; « Ne faites rien sans l'évêque, gardez votre corps comme le temple de Dieu, aimez l'union, fuyez la discorde, soyez les imitateurs de Jésus-Christ comme Lui-même l'est de son Père (104) ».
II faut apporter une vigilance particulière à ce que les séminaristes fassent grand cas de la chasteté, l'aiment et la défendent dans leur cœur ; car celle-ci caractérise, pour une grande part, le genre de vie qu'ils embrassent pour y persévérer. Cette vertu, qui se trouve exposée à tant de dangers dans les contacts de la vie, doit donc être depuis longtemps et fermement enracinée dans l'âme des aspirants à la dignité sacerdotale. Il ne suffit pas d'éclairer les clercs sur la nature du célibat des prêtres et la chasteté qu'ils doivent observer (105) ; il faut aussi les instruire des périls qu'ils peuvent rencontrer. Il faut également exhorter les élèves des Séminaires à se garder, dès leur jeune âge, de ces dangers en recourant aux méthodes de mortification des passions que proposent les maîtres de la vie spirituelle : plus sera ferme et constant l'empire sur les passions, et plus aisément l'âme progressera dans les autres vertus, plus abondants aussi seront les fruits du ministère sacerdotal. Et, si quelque clerc se montre sur ce point enclin au mal et qu'après une expérience de durée convenable, il ne se corrige pas de sa faiblesse, il faut, quoi qu'il en coûte, l'écarter du Séminaire avant sa promotion aux Ordres sacrés.
Ces Vertus dont Nous avons parlé, et toutes les autres qui doivent à juste titre orner l'âme des prêtres, les jeunes gens qui vivent au Séminaire les acquerront facilement si, dès l'enfance, ils ont été élevés dans une tendre et sincère piété à l'égard du Christ Jésus, « vraiment, réellement et substantiellement (106) » présent parmi nous sur cette terre, sous les espèces du Très Saint Sacrement, et si ces jeunes élèves acceptent conseils et travaux dès qu'ils viennent du Christ ou ont le Christ pour objet.
L'Église sera comblée de joie si, à cette piété à l'égard du Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, ces jeunes gens joignent une piété singulière envers la Bienheureuse Vierge Marie ; une piété, disons-Nous, qui pousse l'âme à se confier entièrement à la Mère de Dieu, et l'engage à suivre les exemples de ses vertus ; jamais, en effet, l'action d'un prêtre dont la jeunesse aura été nourrie d'un amour exceptionnel envers, Jésus et Marie ne laissera d'être intelligente, et adroite.
Nous ne pouvons ici Nous empêcher, Vénérables Frères, de vous exhorter à prendre un soin tout particulier des nouveaux prêtres.
Au moment où ils quittent le Séminaire pour se consacrer au saint ministère, un danger peut guetter les prêtres qui se lancent dans le libre champ de l'apostolat sans avoir été instruits avec prudence des conditions nouvelles de leur vie. C'est pourquoi il est utile que vous considériez que les espérances conçues au sujet des nouveaux prêtres peuvent être déçues si on ne les introduit pas progressivement dans l'action, et que nul ne soit là pour veiller avec sagesse sur leurs débuts et pour les guider comme un père.
Aussi jugeons-Nous très utile que ces nouveaux prêtres, partout où cela peut se faire, soient placés dans des institutions où, sous la direction d'hommes de grande expérience, ils se cultiveront dans la piété et les sciences sacrées en même temps qu'ils seront initiés à leurs charges sacerdotales, chacun suivant ses dispositions naturelles. Dans ce but, Nous souhaitons que de telles institutions soient établies, à raison d'une par diocèse, ou, si les circonstances l'imposent, d'une pour plusieurs diocèses.
En ce qui concerne Notre Ville, c'est ce que, pour Notre cinquantième anniversaire de sacerdoce, Nous avons réalisé bien volontiers lorsque Nous avons décidé l'érection de l'Institut Saint-Eugène pour les jeunes prêtres (107).
Nous vous exhortons, Vénérables Frères, dans la mesure du possible, à ne pas envoyer des prêtres encore sans expérience dans les œuvres du ministère, et à ne pas les désigner pour des lieux éloignés de la ville principale du diocèse ou, des grosses agglomérations. Car s'ils se trouvaient ainsi isolés, sans expérience, privés de maîtres prudents, leur zèle et leur vie sacerdotale en seraient, sans aucun doute, gravement compromis.
Il Nous semble très bon également, Vénérables Frères, que ces nouveaux prêtres vivent avec le plus important curé du lieu et ses vicaires, car ainsi il est, plus facile, par l'exemple de leurs aînés, de les former au saint ministère et de leur donner un goût plus vif de la piété. Et Nous rappelons à tous les pasteurs d'âmes qu'entre leurs mains, pour une grande part, se trouve placé l'avenir de ces jeunes prêtres. Car le courage et l'ardeur avec lesquels ceux-ci se donnent à leur premier ministère pourront parfois s'éteindre ou du moins diminuer, au contact de certains de leurs aînés qui ne brillent pas par l'éclat des vertus ou préfèrent un genre de vie de tout repos, sous prétexte de ne pas changer de vieilles routines dont ils ont pris l'habitude.
Nous approuvons et Nous recommandons vivement ce qui était déjà un souhait de l'Église (108), qu'on introduise la coutume de la vie en commun pour le clergé d'une même cure ou de plusieurs cures voisines.
Si l'usage de la vie en commun peut apporter quelques incommodités, personne ne doute cependant qu'elle ne procure de grands avantages. Tout d'abord, elle favorise un esprit de charité et de zèle de jour en jour plus grand chez les prêtres ; elle est ensuite, pour le peuple chrétien, un exemple de leur détachement volontaire de leurs intérêts et de leurs proches, et elle rend manifeste le soin religieux que prennent les prêtres de leur chasteté.
Mais encore les prêtres doivent-ils s'appliquer à l'étude, comme le précise le Code de Droit canonique : « Que les clercs n'interrompent pas, après la réception du sacerdoce, leurs études, surtout des sciences sacrées (109) ». Le même Code prescrit aux nouveaux prêtres, non seulement de subir un examen « annuel pendant au moins trois ans complets (110) », mais encore de tenir des réunions fréquentes durant l'année « pour promouvoir... la science et la piété (111) ».
Mais pour favoriser ces études que souvent les prêtres ne peuvent poursuivre à cause de la modicité de leurs ressources, il importe que les Ordinaires, suivant les excellentes coutumes anciennes de l'Église, rétablissent dans leur prestige d'autrefois les bibliothèques de l’évêché, des collèges de chanoines ou des cures elles-mêmes.
Ces bibliothèques, bien qu'elles aient été pour la plupart pillées et ruinées, se trouvent encore plus d'une fois dotées et enrichies, à l'occasion d'un legs important, de parchemins et d'ouvrages, manuscrits ou imprimés, « qui sont un témoignage insigne des travaux entrepris par l'Église et de l'autorité dont elle a joui, comme aussi de la foi et de la piété qui animaient nos ancêtres, de leurs études et de la sûreté de leur goût (112) ».
Que ces bibliothèques ne soient pas le refuge dédaigné des livres, mais bien plutôt une construction vivante où l'on a aménagé une salle commode pour la lecture des ouvrages. Mais avant tout, que ces bibliothèques soient disposées pour l'usage des lecteurs d'aujourd'hui, fournies d'écrits de tous genres, principalement en matière religieuse et sociale, de sorte que les professeurs, les curés et surtout les plus jeunes prêtres puissent y puiser un savoir satisfaisant pour répandre les vérités de l'Évangile ou réfuter les erreurs.
Enfin, Nous pensons, Vénérables Frères, que c'est de Notre devoir de vous adresser quelques avertissements au sujet des dangers ou des difficultés propres à notre époque.
Nous sommes certain que vous avez déjà noté parmi les prêtres, spécialement parmi ceux qui ont moins de science doctrinale ou une moins grande austérité de vie que leurs confrères, une certaine avidité de nouveautés qui va se répandant d'une façon toujours plus grave et plus inquiétante. La nouveauté n'est jamais par elle-même un critère de vérité ; elle ne peut être louable que lorsqu'elle confirme la vérité et porte à la droiture et à la vertu.
L'époque où nous vivons souffre de grands désordres. On doit déplorer que des systèmes philosophiques naissent et disparaissent, sans nullement amender la conduite des hommes ; on voit des œuvres qui déforment étonnamment l'art et qui cependant ont la prétention de s'appeler chrétiennes ; en beaucoup de pays, les méthodes de gouvernement ou d'administration aboutissent plus à favoriser les intérêts personnels qu'à procurer la prospérité commune ; les organisations de la vie économique et sociale offrent plus de danger pour les honnêtes gens que pour les citoyens habiles en affaires. Il s'ensuit naturellement qu'il ne manque pas, de nos jours, de prêtres qui subissent de quelque façon l'influence de ce mal contagieux ; ils se pénètrent d'opinions et adoptent un genre de vie, même en ce qui concerne le vêtement et le soin du corps, également étrangers à leur dignité et à leurs devoirs de prêtre ; ils se laissent guider par cet engouement pour les nouveautés, dans la prédication au peuple chrétien comme dans la réfutation des erreurs des adversaires ; en agissant ainsi, non seulement ils affaiblissent leur esprit de foi, mais ils compromettent leur bonne réputation et restreignent l'efficacité du ministère sacré.
Nous attirons très spécialement votre vigilance, Vénérables Frères, sur ces choses. Nous ne doutons nullement qu'en face de cet attachement excessif à l'égard du passé ou de ce goût immodéré des nouveautés, qui se manifestent chez plusieurs, vous saurez user de cette prudence qui sait être sage et vigilante pour s'engager dans des voies nouvelles, cherchant ce qui convient en fait d'élan ou de retenue pour que finalement triomphe la seule vérité.
Nous sommes loin de prétendre que les travaux apostoliques ne doivent pas être en rapport avec la vie de notre époque et que les œuvres nouvelles ne doivent pas répondre aux besoins de notre temps. Mais comme il est nécessaire que l'activité sacerdotale, bien qu'entreprise dans l'Église, soit organisée par la hiérarchie légitime, on ne doit pas inaugurer de nouvelles formes d'apostolat, si ce n'est avec l'agrément de l'évêque. Que les Ordinaires d'une même région ou d'une même nation se consultent opportunément et s'entendent sur ces questions, dans le dessein de pourvoir aux besoins particuliers de leurs contrées et d'étudier les méthodes les plus aptes et les plus appropriées à l'apostolat religieux. Si toutes choses sont établies dans l'ordre voulu, il est impossible que l'action sacerdotale soit sans efficacité.
Que tous les prêtres se persuadent bien de Ceci : il faut obéir à la volonté de Dieu plutôt qu'à celle des hommes ; il faut régler et exercer l'apostolat non selon ses opinions personnelles, mais d'après les lois ou les normes de la hiérarchie. Il se trompe totalement le prêtre qui croit pouvoir, par l'emploi d'activités insolites et extravagantes, cacher la pauvreté de son esprit et coopérer efficacement à la diffusion du règne du Christ.
Nous pensons que les prêtres doivent avoir une conduite semblable à celle que Nous venons de définir, quand il s'agit des doctrines sociales telles qu'elles sont proposées de nos jours.
II y a aujourd'hui des prêtres qui se montrent non seulement timides, mais aussi inquiets et incertains en face des manœuvres des communistes, dont le but principal est d'arracher la foi chrétienne à ceux-là mêmes auxquels ils promettent le bonheur temporel. Mais le Siège Apostolique, par de récents documents relatifs à ce sujet, a indiqué clairement la voie à suivre par tous ; personne ne doit la quitter s'il ne veut pas manquer à son devoir (113).
D'autre part, ne sont pas rares les prêtres qui se montrent timides et incertains en ce qui concerne ce système économique qui a tiré son nom de l'accumulation excessive des biens privés. Plus d'une fois, l'Église en a dénoncé les conséquences gravement pernicieuses. En effet, elle a non seulement indiqué les abus des grandes richesses et même du droit de propriété qu'un pareil régime économique engendre et protège, mais elle a aussi enseigné que la richesse et la possession doivent être instruments de la production des biens au bénéfice de la société tout entière, et aussi pour la sauvegarde et le développement de la liberté et de la dignité de la personne humaine.
Les dommages causés par ces deux systèmes économiques doivent convaincre tout le monde, mais spécialement les prêtres, de l'obligation d'adhérer et de rester fidèles à la doctrine sociale que l'Église enseigne de la faire connaître aux autres et de la leur faire mettre en pratique selon leurs moyens. Seule, en effet, cette doctrine peut porter remède aux maux qui se sont si largement répandus et accrus ; cette doctrine unit et met en parfait accord les exigences de la justice et les devoirs de la charité : elle commande d'établir un ordre social qui, loin d'opprimer les individus et de les isoler les uns des autres par la préoccupation excessive des intérêts particuliers, réunit tous les hommes dans des relations réciproques de bonne harmonie et par les liens d'une amitié fraternelle.
Que les prêtres, marchant sur les traces du divin Maître viennent, selon leur pouvoir, au secours des pauvres, des travailleurs et de tous ceux qui se trouvent dans la gêne et la misère. Parmi ces derniers, tout le monde le sait, il faut aussi compter beaucoup de gens des classes moyennes et de membres du clergé. Néanmoins, que les prêtres ne négligent pas ceux qui, tout en possédant les biens de la fortune en suffisance, sont des indigents quant à leur âme. Aussi doit-on les appeler à renouveler complètement leur vie, en se souvenant de l'exemple de Zachée qui a dit : Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait quelque tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple (114).
Quand il s'agit de discussions sur une matière sociale, les prêtres ne doivent jamais oublier que le but vers lequel doit tendre leur mission est d'exposer avec zèle, sans hésitation, les vrais principes doctrinaux qui concernent le droit de propriété, la richesse, la justice, la charité ; leur exemple montrera comment ces mêmes principes doivent être appliqués de la façon la plus convenable.
Que les laïques se préoccupent de l'application effective de ces principes doctrinaux à la vie sociale. S'il ne s'en trouve pas de capables pour cela, le prêtre les instruira et les formera aussi parfaitement que possible (115).
Nous estimons opportun de parler ici de la misérable situation matérielle dans laquelle vivent, en cet après-guerre, un nombre considérable de prêtres, spécialement dans les pays qui ont eu à subir les plus graves dommages du fait de la guerre elle-même ou en raison de la situation politique. Cet état de choses Nous cause une angoisse profonde, et Nous mettons tout en œuvre, selon Nos moyens, pour soulager les malheurs, les peines et l'extrême indigence de beaucoup de ces prêtres.
Vous savez très bien, Vénérables Frères, comment — dans les pays où les besoins paraissent être plus grands — Nous avons accordé, par l'entremise de la S. Congrégation du Concile, des pouvoirs extraordinaires aux évêques, et édicté des lois particulières, en vue d'éliminer équitablement les inégalités les plus graves, dans la situation économique des prêtres d'un même diocèse. Nous savons qu'en certains endroits de nombreux prêtres, vraiment dignes d'éloges, ont répondu à l'appel de leurs pasteurs ; ailleurs, des difficultés ont surgi qui ont empêché les directives ou les règles données d'avoir toute leur efficacité. Nous vous exhortons cependant à persévérer, guidés par votre amour paternel, dans la voie où vous êtes engagés, car il est inadmissible que le pain quotidien manque aux ouvriers envoyés dans la vigne du Seigneur. En cette matière, ne soyez pas gênés, pour Nous communiquer de temps en temps les résultats qu'auront obtenus vos efforts.
Nous louons vivement, Vénérables Frères, toutes les décisions que vous prendrez d'un commun accord pour assurer aux prêtres le nécessaire pour la vie de chaque jour, non seulement pour le présent, mais aussi pour l'avenir, moyennant certaines organisations opportunes de prévoyance — elles existent déjà dans la société civile et Nous les approuvons — qui pourvoient aux besoins des prêtres, principalement dans le cas de maladie, quand la santé décline ou que survient la vieillesse. Par là vous libérerez les prêtres du souci de leur subsistance et de leur situation matérielle dans l'avenir.
A ce propos, il Nous plaît d'exprimer Notre gratitude aux prêtres qui, sans s'arrêter aux inconvénients que cela pouvait leur causer, sont venus et viennent en aide à leurs confrères dans le besoin, spécialement aux malades ou aux vieillards. En agissant ainsi, ces prêtres donnent une preuve éclatante de cette charité mutuelle que le Christ a présentée à ses disciples comme le signe caractéristique auquel le monde les reconnaîtrait : C'est à ceci que tous vous reconnaîtront pour mes disciples, à l'amour que vous aurez les uns pour les autres (116). Nous souhaitons aussi que ces liens de charité fraternelle se resserrent chaque jour davantage entre les prêtres de toutes les nations, afin qu'il soit toujours plus manifeste que les prêtres, ministres d'un même Dieu, Père de tous, sont animés dans leurs rapports mutuels d'un même esprit de charité, quel que soit le pays où ils demeurent.
Mais vous comprenez sans aucun doute qu'il vous est impossible de remédier parfaitement aux difficultés de cette situation, si les fidèles ne sont pas intimement convaincus qu'ils ont l'obligation de venir en aide au clergé, chacun pour sa part, et si l'on ne prend pas tous les moyens opportuns pour arriver à cette fin.
En conséquence, faites comprendre aux fidèles confiés à vos soins l'obligation qui leur incombe de secourir leurs prêtres qui se trouveraient dans le besoin. Elle garde toujours sa valeur, la parole du divin Rédempteur : L’ouvrier a droit à son salaire (117). Comment peut-on demander d'accomplir avec zèle les devoirs de leur ministère à des prêtres qui n'ont pas le nécessaire pour vivre ? Du reste, les fidèles qui négligent leur devoir sur ce point frayent la voie, même s'ils ne le veulent pas, aux ennemis de l'Eglise ; en plusieurs pays, ceux-ci peuvent ainsi plus facilement réduire le clergé à la misère, dans le dessein de le détacher de l'autorité légitime.
Les pouvoirs publics, selon les conditions des divers pays, sont également dans l'obligation de pourvoir aux besoins du clergé : la société civile ne tire-t-elle pas d'incalculables bienfaits spirituels et moraux du ministère sacerdotal ?
Enfin, avant de terminer cette Exhortation, Nous ne pouvons Nous abstenir de renouveler brièvement ici les recommandations que, chaque jour, vous devez avoir devant les yeux, comme les normes principales de votre vie et de votre activité. Puisque nous sommes prêtres du Christ, il faut que nous travaillions de toutes nos forces à ce que la Rédemption opérée par le Christ obtienne la plus efficace application dans toutes les âmes. Considérez attentivement les besoins si graves :de notre époque. Multipliez vos efforts pour ramener aux préceptes du christianisme vos frères égarés par l'erreur ou aveuglés par la passion ; pour éclairer les peuples de la lumière de la doctrine chrétienne ; pour les guider selon les lois établies par le Christ; pour leur donner la vive conscience de leurs obligations chrétiennes ; enfin, pour les stimuler tous à lutter avec courage pour le triomphe de la vérité et de la justice.
Nous n'aurons atteint le but proposé que quand nous serons parvenus à un degré de sainteté tel que nous fassions passer dans les autres la vie et les vertus que nous aurons fait dériver du Christ en nous.
Nous adressons à chaque prêtre l'exhortation même de l’apôtre saint Paul : Garde-toi de négliger la grâce qui est en toi, que les anciens t'ont conférée par l'imposition des mains (118). Donne-leur toi-même en tout l'exemple des bonnes œuvres, enseignant avec pureté dignité, langage sain, irrépréhensible, en sorte que l'adversaire ait la confusion de ne rien trouver à redire contre nous (119).
Chers fils, faites le plus grand cas de la grâce du ministère que vous avez reçu ; vivez en sorte que cette grâce prospère en vous et produise les fruits les plus abondants, qui contribueront grandement au bien de l'Église et à la conversion de ses ennemis.
Pour que Notre exhortation paternelle atteigne heureusement son but, Nous vous adressons à nouveau ces paroles qui, particulièrement au cours de cette Année Sainte, paraissent si opportunes : Renouvelez-vous au plus intime de votre esprit et revêtez-vous de l'homme nouveau créé à l'image de Dieu dans la justice et la sainteté véritables (120). — Soyez les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez dans la charité à l'exemple du Christ qui nous a aimés et S'est livré Lui-même à Dieu pour nous comme une ablation et un sacrifice d'agréable odeur (121). — Remplissez-vous de l'Esprit-Saint. Entretenez-vous les uns les autres de psaumes, d'hymnes et de cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du fond du cœur en l'honneur du Seigneur (122) ; — veillant avec une persévérance continuelle et priant pour tous les saints (123).
Méditant ces pressantes invitations de l'Apôtre des nations, Nous jugeons opportun de vous suggérer de vous adonner, durant cette Année Sainte, en plus de ce qui est régulièrement établi, aux exercices spirituels d'une retraite extraordinaire ; stimulés par la ferveur de la piété que vous y aurez puisée, vous serez plus aptes pour appeler les autres âmes à bénéficier des trésors de l'indulgence divine.
Mais vous avez vous-mêmes expérimenté à un titre spécial combien il est difficile de marcher sur le chemin ardu de la sainteté, et de bien s'acquitter des charges qui vous sont confiées ; élevez donc avec confiance vos regards, vos pensées et vos sentiments vers Celle qui, étant la Mère du Prêtre éternel, est, à cause de cela, la Mère très aimante du clergé catholique. Vous connaissez parfaitement la bonté de cette Mère à votre égard, et même très souvent, en maintes occasions, prêchant sur ta miséricorde du Cœur immaculé de Marie, vous avez réveillé d'une façon merveilleuse la foi et la piété du peuple chrétien.
Si la Vierge, Mère de Dieu, aime toutes les âmes d'un amour ardent, elle a cependant une prédilection toute particulière pour les prêtres qui sont l'image vivante de Jésus-Christ. Lorsque vous considérerez, pour le plus grand réconfort de votre âme, cet amour spécial de Marie et sa particulière protection en votre faveur à tous, alors vous sentirez que vos efforts pour acquérir la sainteté et accomplir les charges de votre ministère sacerdotal se font plus facilement. De tout Notre pouvoir Nous voulons confier tous les prêtres du monde entier à la bienheureuse Mère de Dieu, médiatrice des grâces célestes, afin que, par son intercession, Dieu fasse descendre sur ces prêtres une abondante effusion de son Esprit-Saint, qui les stimule tous à la sainteté et renouvelle en ses mœurs le genre humain (124).
Espérant la réalisation de ces vœux salutaires, par l'entremise du patronage de Marie, la Vierge immaculée, Nous implorons de Dieu qu'il donne des grâces divines abondantes à tous, mais spécialement aux évêques et aux prêtres qui sont persécutés, emprisonnés, exilés, parce qu'ils défendent courageusement les droits et la liberté de l'Église. Nous leur exprimons Notre affection spéciale, et Nous les exhortons paternellement à continuer encore cet exemple éminent de courage sacerdotal et de vertu.
Comme gage des dons célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous accordons de grand cœur à tous et à chacun de vous, Vénérables Frères, ainsi qu'à tous vos prêtres, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 23 septembre de l'Année du grand Jubilé 1950, la douzième de Notre Pontificat.
1. AAS 42 (1950), p. 657-702. Trad. Bonne Presse.
2.
Jean, 21, 16-17.
3.
1 Pierre, 5, 2-3.
4.
Préface de la messe de la fête du Christ-Roi.
5. 1 Corinthiens, 4, 1.
6. 1 Corinthiens, 3, 9.
7. 2 Timothée, 3, 17.
8.
Dans le Discours qu'il adressa aux évêques réunis pour la Proclamation du Dogme
de l'Assomption, le Pape citait la présente Exhortation comme l’un des points
qui, avec l'Encyclique Humani Generis, lui tenaient extrêmement à cœur.
(Discours du 2 novembre 1950, AAS 42 (1950), p. 784).
Dès
les premières années de son Pontificat, Pie XII, rappelant les enseignements de
ses Prédécesseurs et sa propre Exhortation aux séminaristes de Rome, du 24 juin
1939 (Cf. ci-dessus, n° 48), écrivait : « Nous désirons vivement et Nous
demandons à Dieu que les candidats aux saints Ordres méditent souvent et
fortement la doctrine de l'Église sur la dignité du sacerdoce, sur ses
prérogatives et ses devoirs, pour qu'ils se sentent portés à entreprendre les
efforts nécessaires et à surmonter les difficultés, en vue de devenir moins
indignes de la vocation divine. (Lettre Apostolique Haud Mediocrem à
l'épiscopat de Bolivie, du 23 novembre 1941, AAS 39 (1942), p. 234. Trad. du
latin dans Actes Pie XII, BP., T. 4, p. 12).
9.
Exhortation Haerent anima, au clergé catholique, du 4 août 1908. (ASS 41, p.
555-577). Cf. T. 1, n° 118 et
suivants.
10.
Encyclique Ad catholici sacerdotii, du 20 décembre 1935. (AAS 28 (1936), p. 1-53).
Cf. T. 1, n° 437 et suivants.
11.
Encyclique Mystici Corporis, du 29 juin 1943. (AAS 35 (1943), p. 194-248).
12.
Encyclique Mediator Dei, du 20 novembre 1947. (AAS 39 (1947), p. 521-595). Cf. ci-dessus n° 205 et suivants.
13.
Jean, 20, 21.
14.
Luc, 10, 16.
15.
Hébreux, 5, 1.
16.
1 Corinthiens, 3, 9.
17.
2 Corinthiens, 2, 15,
18.
Pontifical Romain, De l'ordination des prêtres.
19.
Cf. Colossiens, 3, 3.
20.
Cf. Matthieu, 22, 37-39.
21.
Cf. 1 Corinthiens, 13, 4-7.
22.
Colossiens, 3, 14.
23.
CIC, can. 124 : « L'éminente dignité du prêtre, qui est dit un «
autre Christ », l'ineffable et mystérieux pouvoir qu'il possède sur le Corps
Véritable et Mystique du divin Rédempteur, la mission très haute qui lui est
confiée de susciter la sainteté dans le peuple chrétien, tout l'oblige à
surpasser par la vertu et la science les autres hommes, parmi lesquels il fut
choisi, et à éclairer comme une lampe placée sur le chandelier, tous ceux
qui sont dans la maison. (Matthieu, 5, 15.) Lettre Apostolique Haud
Mediocrem à l'épiscopat de Bolivie, du 23 novembre 1941, (AAS 34, 1942, p.
234). Trad. du latin dans Actes Pie XII, BP., T. 4, p. 11).
24.
Actes, 10, 38.
25.
Jean, 13, 15.
26.
Matthieu, 11, 29.
27.
Jean, 15, 5.
28.
Matthieu, 20, 28.
29.
Cf. Matthieu, 16, 24.
30.
2 Corinthiens, 12, 5.
31.
Actes, 5, 41.
32.
Cf. 1 Corinthiens, 7, 32.
33.
A la suite de l'annonce de l'ordination sacerdotale d'un ancien pasteur
protestant marié : le Révérend Rudolf Goethe, récemment converti au
catholicisme, l’Osservatore Romano a fait paraître, le 19 décembre 1951, la
note officieuse suivante : « Beaucoup se demandent ce qu'il y a de vrai dans la
nouvelle répandue par la presse. Cette nouvelle correspond a la vérité ; il s'agit
cependant d'un cas exceptionnel, et, par conséquent, il doit y avoir des motifs
exceptionnels pour que ce privilège soit accordé. Par ailleurs, le caractère
exceptionnel même de la concession confirme que rien n'est changé de la
discipline générale de l'Église dans la matière en question ».
34.
Cf. Discours à de jeunes époux sur le sacerdoce et le mariage, du 15 janvier
1941. Cf. ci-dessus n° 114.
35.
Missel romain, Canon.
36. 1 Pierre, 5, 8.
37.
Marc, 14, 38.
38.
Pontifical romain, Ordination des diacres.
39.
Dans son Discours du 3 mai 1951 à l'Action Catholique italienne, le Pape
insistera de nouveau sur ce point : « Afin que l'assistance à vos associations
féminines soit vraiment sainte et fructueuse, les prêtres, avec une délicate
réserve, laisseront complètement aux dirigeantes, et en tout cas aux soins de
femmes pieuses et instruites, ce que celles-ci peuvent faire par elles-mêmes,
parfois mieux d'ailleurs, bornant d'eux-mêmes leur action au ministère
sacerdotal ». (AAS 43 (1951),p. 376).
40.
Cf. CIC can. 142 : « II est interdit aux clercs d'exercer, par eux-mêmes ou par
d'autres, le négoce ou le commerce, tant à leur propre profit, qu'à celui
d'autrui ». Un Décret de la S.C. du Concile, du 22 mars 1950, a récemment
renouvelé cette interdiction, en précisant : « commerce ou négoce de quelque
genre que ce soit, même des devises ». (AAS 42 (1950), p. 330).
41.
2 Corinthiens, 12, 14.
42.
Livre IV, ch. 5, v. 13-14.
43.
S. Athanase, De incarnatione, n 12 ; Migne, PG. 26, 1003 sq.
44. Cf. S. Augustin, De Civitate Dei, 10,
6. Migne, PL. 41, 284.
45.
Cf. Matthieu, 5, 6.
46.
« S'il est vrai qu'à tout moment il faut rendre grâce à Dieu, et qu'il ne faut
jamais cesser de Le louer, qui oserait blâmer l'Église de conseiller à ses
prêtres (CIC, can. 810) de s'entretenir au moins quelque temps avec le divin
Rédempteur après la sainte communion, et d'avoir introduit dans les livres
liturgiques des prières, enrichies d'indulgences, par lesquelles les ministres
sacrés, avant d'accomplir les fonctions liturgiques et de se nourrir de
l'Eucharistie, s'y préparent convenablement, et, après avoir achevé la sainte
messe, expriment à Dieu leur reconnaissance ? » (Encyclique Mediator Dei,
AAS 39 (1947), p. 567).
47.
Romains, 13, 14.
48.
Cf. l'Exhortation à la pénitence que le Pape, en la solennelle circonstance de
la Définition du Dogme de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie,
adressait, quelques semaines plus tard, aux évêques accourus du monde
entier : « Nous exhortons vivement tous les fidèles à s'enrôler sous le signe
du renoncement chrétien et du don de soi, qui va au delà de ce qui est prescrit
et fait mener le combat généreusement, à chacun selon ses forces, selon l'appel
de la grâce et sa propre condition.
II
y a donc plusieurs buts à atteindre. Chacun doit d'abord par la pénitence
expier ses fautes, purifier son âme des souillures du péché, s'affermir et se
sanctifier. Il faut ensuite être un exemple et un stimulant pour ses frères
dans la foi et pour ceux du dehors ; ce qu'on retranchera à la vanité, on le donnera
à la charité, on le donnera miséricordieusement à l'Église et aux pauvres. Les
fidèles de la primitive Église se conduisaient ainsi ; par le jeûne et
l'abstinence, ils accroissaient les ressources de leur charité. L'imitation de
leur exemple est digne d'éloges et convient à notre situation et à notre
époque, non seulement dans telle ou telle région qui se fait remarquer par sa
libéralité à secourir l'Église, mais dans toutes les régions de la terre sans
exception.
Nous
avons vivement à cœur que Notre conseil se réalise pleinement.. N'est-ce pas
expressément pour les prêtres que retentit cette parole menaçante : Je
châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu'ayant prêché aux
autres, je ne sois moi-même réprouvé. (1 Corinthiens, 9, 27.) (Discours du 2 novembre 1950 AAS 42, p 784. Trad. du
latin dans DP. 1950, p. 512).
49.
S. Pierre Chrysologue, Sermo 108. Migne, PL. 52, 500-501.
50.
Cf. ci-dessus n° 228.
51.
Philippiens, 2, 5.
52.
Galates, 2, 19.
53.
Hébreux, 5, 1.
54.
Bréviaire romain, Hymne pour la dédicace des églises.,
55.
Luc, 18,
1.
56.
Hébreux, 13, 15.
57.
Le Saint Père reprend ici, en les appliquant à la vie sacerdotale, les
enseignements de l'Encyclique Mediator Dei. Cf. ci-dessus n° 241 et
suivants.
58.
Hébreux, 5, 7.
59.
S. Augustin, Enarr. in Ps. 85, n 1. Migne, PL. 37, 1081.
60.
Dans le Motu Proprio In Cotidianis precibus, du 24 mars 1945, sur
l'utilisation d'une nouvelle traduction des psaumes dans la récitation de
l'Office divin, le Pape déplore les insuffisances des traductions en usage, et
poursuit : « Nous espérons que, dorénavant, tous puiseront dans la récitation
de l'Office divin des lumières, des grâces et des réconforts toujours plus
grands, qui les éclaireront et, dans les temps si difficiles que traverse
l'Église, les pousseront à imiter ces exemples de sainteté que les psaumes nous
proposent avec tant d'éclat ». (AAS 37 (1945),
p. 66).
61.
Cf. ci-dessus n° 249 et suivants.
62.
« Pour de graves motifs, l'Église prescrit aux ministres de l'autel et aux
religieux, destinés d'une manière particulière à remplir les fonctions
liturgiques de la messe et à la louange divine, de s'adonner, en temps voulu, à
la méditation, à l'examen de conscience et aux autres exercices spirituels
(CIC, can. 125, 126, 565, 571, 595, 1367). Sans doute la prière liturgique, du
fait qu'elle est la prière publique de l'Épouse de Jésus-Christ, a une dignité
supérieure à celle des prières privées ; mais cette supériorité ne veut
nullement dire qu'il y ait, entre ces deux sortes de prière, contradiction ou
opposition. Inspirées par un seul et même Esprit, elles tendent ensemble au
même but, jusqu'à ce que le Christ soit formé en nous (Cf. Galates, 4, 19), et devienne tout en tous » (Colossiens, 3, 2). (Encyclique Mediator Dei, AAS 39 (1947), p. 537).
63.
Cf. can. 125, § 2. Cf. T. 1, n° 224.
64.
Voir ci-dessous n° 391 a.
65.
Cf. CIC, can. 125, § 2.
66.
« Ce culte d'adoration repose sur une raison solide et ferme. L'Eucharistie, en
effet, est à la fois sacrifice et sacrement ; ce sacrement diffère des autres en
ce que non seulement il engendre la grâce, mais encore il contient d'une
manière permanente l'Auteur même de la grâce. Quand donc l'Église nous ordonne
d'adorer le Christ caché sous les voiles eucharistiques et de Lui demander les
biens surnaturels et terrestres dont nous avons continuellement besoin, elle
manifeste la foi vive avec laquelle elle croit son divin Époux présent sous ces
voiles, elle Lui manifeste sa reconnaissance et jouit de son intime
familiarité. Au cours des siècles, l'Église a introduit divers modes de ce
culte... elle les a fait siens en quelque sorte, et les a confirmés de son
autorité (Cf. Concile de Trente, sess. 13, ch. 5, can. 6). Ils sortent de l'inspiration de la
sainte liturgie ; aussi, exécutés avec la dignité, la foi et la piété
convenables, requises par les prescriptions rituelles de l'Eglise,
contribuent-ils sans aucun doute d'une manière très importante à la vie
liturgique ». (Encyclique Mediator Dei, AAS 39 (1947), p. 569-570).
67.
CIC, can. 125, § 1.
68.
Encyclique Mystici Corporis, (AAS 35 (1943), p. 255). Dans cette Encyclique, le Pape a, en
effet, condamné « la doctrine erronée d'après laquelle il ne faut pas faire
tant de cas de la confession fréquente des fautes vénielles, puisqu'elle le
cède en valeur à cette confession générale que l'Épouse du Christ, avec ceux de
ses enfants qui lui sont unis dans le Seigneur, fait tous les jours avec ses
prêtres avant de monter à l'autel ». « Il est vrai, poursuit-il, qu'il est
plusieurs façons, toutes très louables, comme vous le savez, Vénérables Frères,
d'effacer ces fautes ; mais pour avancer avec une ardeur croissante dans le
chemin de la vertu, Nous tenons à recommander vivement ce pieux usage de la
confession fréquente, introduit par l'Église sous l'impulsion du Saint-Esprit...
Que ceux donc qui diminuent l'estime de la confession fréquente parmi le jeune
clergé sachent qu'ils font là une œuvre contraire à l'Esprit du Christ et très
funeste au Corps Mystique de notre Sauveur ». (Ibid).
Cet
enseignement, donné en 1943, fut repris en 1947 dans l'Encyclique Mediator
Dei : « Comme les opinions que professent certains, au sujet de la
fréquente confession des péchés, ne sont pas du tout conformes à l'esprit du
Christ et de son Épouse immaculée, mais véritablement funestes à la vie spirituelle.
Nous rappelons ce que Nous avons écrit avec douleur, sur ce sujet, dans
l'Encyclique Mystici Corporis ; et Nous insistons de nouveau pour que
vous rappeliez à la sérieuse méditation et à la docile observation de vos
fidèles, et spécialement des candidats au sacerdoce et du jeune clergé, les
très graves paroles dont Nous Nous sommes servis en cet endroit ». (AAS 39 (1947), p. 586) .
C'est
donc ici la troisième fois que le Pape insiste sur ce point dans des documents
officiels de l'Église.
69.
Luc, 1,
74-75.
70.
1 Corinthiens, 4, 1.
71.
On se souvient du Radio-Message de Noël 1952 et, en particulier, de cette page
sur l'imitation de la charité de Jésus-Christ : « Comment Jésus s'est-Il
comporté durant son séjour terrestre envers la pauvreté et les misères ?
Assurément sa mission de Rédempteur fut de libérer les hommes de l'esclavage du
péché, misère suprême. Toutefois, la magnanimité de son Cœur extrêmement
sensible ne pouvait Le laisser aveugle aux douleurs des affligés parmi lesquels
Il avait choisi de vivre. Fils de Dieu et héraut de son Royaume céleste, Il
s'est plu à se pencher avec émotion sur les plaies de la chair humaine et sur
les haillons de la pauvreté. Il ne s'est contenté ni de proclamer la loi de
justice et de charité, ni de condamner par de brûlants anathèmes les durs, les
sans-cœur, les égoïstes, ni d'avertir que la sentence définitive du Juge
suprême se basera sur l'exercice de la charité pour juger de l'amour de Dieu ;
Il s'est aussi prodigué en personne pour aider, guérir et nourrir.
Certes
Il n'a pas demandé si et jusqu'à quel point la misère qu'il avait sous les yeux
provenait des défauts ou de la carence de l'organisation politique et
économique de son temps. Non pas bien sûr que cela Lui fût indiffèrent ; au
contraire, Il est le Seigneur du monde et de son ordre. Mais comme son action
de Sauveur fut personnelle, ainsi voulut-Il aller au devant des autres misères
avec son amour agissant de personne à personne. Imiter Jésus est aujourd'hui,
comme toujours, un strict devoir pour tous ». (AAS 45 (1953), p. 45. Traduction
de l'Office de Presse du Vatican).
72.
Cf. ci-dessus Encyclique Mediator Dei, n° 258 et suivants.
73.
Les Papes ont fréquemment recommandé l'Apostolat de la prière. De Pie XII, on peut citer en particulier les trois Lettres à la
Compagnie de Jésus, des 16 juin 1944, 19 septembre 1948 et 28 octobre 1951.
(AAS 36
(1944), p. 238, 40 (1948), p. 500, et 44
(1952), p. 365).
Dans
ce dernier document, le Pape recommande l'Apostolat de la prière comme un «
instrument très efficace pour le ministère apostolique d'aujourd'hui » : « Par
le fait même qu'il propose une forme très parfaite de vie .chrétienne,
l'Apostolat de la prière contient aussi une « somme » et comme uni directoire
abrégé de la charge pastorale, « somme » qui, au milieu de la grande variété
des œuvres apostoliques, peut être fort utile aux pasteurs d'âmes. Si ceux-ci
amènent les brebis qui leur sont confiées à faire régulièrement et
soigneusement les actes proposés par l'Apostolat de la prière, ils auront sans
nul doute rempli une part importante de leur propre devoir ». (loc. cit. p.
565. Trad. du latin dans DC 49 (1952). c. 393-395).
74.
Parmi les documents pontificaux récents, le texte le plus explicite sur la
nature de l'Action Catholique est sans doute ce passage du Discours à l'Action
Catholique italienne, du 3 mai 1951 : « Le sens spécifique de l'Action
Catholique consiste... dans le fait qu'elle est comme le point de rencontre de
ces catholiques, actifs, toujours prêts à collaborer à l'apostolat de l'Église,
apostolat hiérarchique par institution divine, qui trouve parmi les baptisés et
les confirmés ses collaborateurs qu'un lien surnaturel unit à l'Église ». (AAS
43 (1951), p. 378. Cf. DC 48 (1951), c. 577-581).
75.
Cf. 1 Corinthiens, 10, 33.
76.
1 Corinthiens, 3, 7.
77.
1 Pierre, 4, 2.
78.
1 Corinthiens, 11, 1.
79.
Cf. Lettre Apostolique Cum Proxime exeat, du 16 juin 1944, au Vicaire
Général de la Compagnie de Jésus, directeur de l'Apostolat, de la prière, à
l'occasion du centenaire de cette Association. « De nos jours, où cette théorie
si fallacieuse qu'on appelle le « naturalisme » tente de tout envahir, quand,
par le moyen de ce qu'on nomme « l'hérésie de l'action », elle s'efforce
de se glisser au cœur même de la vie spirituelle et de l'activité apostolique,
votre œuvre rappelle très opportunément et très utilement à tous les chrétiens
ce principe doctrinal que ce n'est pas celui qui plante qui est quelque chose,
ni celui qui arrose, mais que Dieu seul donne la croissance, (1 Corinthiens, 3, 7) ».
(A.AS 36
(1944), p. 239).
Quatre
ans plus tard, le Saint Père renouvelait cet avertissement dans une Lettre au
T. R. P. Janssens, Préposé Général de la Compagnie de Jésus, en date du 19
septembre 1948 : « Longtemps avant que les formations laïques pour le règne du Christ
aient connu ces heureux accroissements dont aujourd'hui Nous Nous félicitons,
les fondateurs de l'Apostolat de la prière avaient préparé un solide corps de
doctrine, qui serait, pour les apôtres, l'aliment de leur vie intérieure et
l'appui de leur action ; ils avaient, semble-t-il, pressenti les périls
inhérents à la vie active, que Nous-même avons signalés quand Nous paillons de
« l'hérésie de l'action ». Certes, ils louaient et encourageaient le zèle pour
l'extension du règne du Christ, mais ils revendiquaient la première place pour
la vie intérieure, sentant bien que, pour la conquête des âmes, elle remporte
sur toutes les tactiques humaines ». (AAS 40 (1948), p. 501. Cf. DC 46 (1949),
c. 231-234).
80.
Cf. Allocution du 7 septembre 1947, aux hommes de l'Action Catholique italienne
(AAS 39
(1947), p. 426).
81.
Cf. Philippiens, 4, 13.
82.
2 Corinthiens, 12, 15.
83.
Le Motu Proprio Primo Feliciter, du 12 mars 1948, sur les Instituts
Séculiers (AAS 40 (1948), p. 285-286), ne concerne pas proprement la vie
sacerdotale ; mais l'idéal de sanctification par l'apostolat qui s'y trouve
proposé peut être médité avec fruit par les prêtres qui, eux aussi, vivent dans
le monde sans être du monde :
«
La vie tout entière des membres des Instituts séculiers, consacrée à Dieu par
la pratique de la perfection, doit être convertie en apostolat ; apostolat qui
doit être exercé et constamment et saintement par la pureté d'intention,
l'union intime avec Dieu, une forte abnégation, un généreux oubli de soi-même,
l'amour des âmes, de telle sorte qu'il révèle l'esprit intérieur qui l'anime,
autant qu'il le nourrisse et le renouvelle sans cesse... Cet apostolat des
Instituts séculiers doit être fidèlement exercé non seulement dans le siècle,
mais aussi, pour ainsi dire, par le moyen du siècle, et par conséquent par des
professions, des activités, des formes, dans des lieux, des circonstances
répondant à cette condition séculière ». (loc. cit. p. 285, Trad. dans SVS, p.
933).
84.
Actes, 10,
38.
85.
Dès sa première Encyclique Summi Pontificatus, du 20 octobre 1939, le
Pape soulignait cette alliance nécessaire de la sanctification personnelle et
de l'activité apostolique :
«
C'est avec un intime réconfort, avec une joie surnaturelle, que Nous remarquons
dans toutes les parties du monde catholique les signes évidents d'un esprit qui
affronte courageusement les tâches gigantesques du temps, présent et qui, avec
générosité et décision, s'emploie à unir en une féconde harmonie le premier et
essentiel devoir de la sanctification personnelle et l'activité apostolique
pour l'accroissement du règne de Dieu ». (AAS 31 (1939), p. 501).
86.
Jean, 4,
37.
87.
Matthieu, 18, 22.
88.
1 Timothée, 6, 8.
89.
Matthieu, 13, 52.
90.
Cf. ci-dessus n° 196.
91.
Luc, 10,
2.
92.
Ibid.
93.
Dès les premières années de son Pontificat,
Pie XII, par le Motu Proprio Cum
Nobis, du 4 novembre 1941, établissait, près de la S. C des Séminaires et
Universités, l'Œuvre Pontificale des vocations sacerdotales. Son but, y est-il
dit, est « de développer chez les fidèles du Christ la volonté de protéger,
d'aider les vocations sacerdotales, de propager sur la dignité et la nécessité
du sacerdoce catholique des idées justes, de provoquer les fidèles dans toutes
les parties du monde à mettre en commun leurs prières et leurs pieux exercices
». (AAS 33
(1941), p. 479).
A
la suite de ce Motu Proprio, la même S. Congrégation a publié, le 8 septembre
1943, les Statuts de l'Œuvre Pontificale des vocations sacerdotales. (AAS 35 (1943), p. 369).
94.
CIC, can. 1353. Cf. T. 1., n° 257.
95.
Lettre Encyclique Quod multum, aux évêques hongrois, du 22 août 1886.
(ASS 19,
p. 104).
96.
Allocution aux religieux capucins, du 25 novembre 1948. (AAS 40 (1948), p.
552). Cf. ci-dessus, n° 285.
97.
Discours du 24 juin 1959, (AAS 31 (1939), p. 245-251). Cf. ci-dessus, n° 48 et suivants.
98.
Luc, 16,
3.
99.
CIC, can. 1366, § 2. Cf. ci-dessus, n° 51.
100.
Matthieu, 5, 13-14.
101.
Hébreux, 10, 7.
102.
S. Ignace d'Antioche, Ad Smyrnaeos, 8, 1. Migne, PG. 8, 714.
103.
Ibid., 9, 1. Migne, PG. 8, 715.
104.
Ibid., Ad Philadelphienses, 7, 2.
Migne, PG. 5, 700.
105.
Cf. CIC, can. 132. Cf. T. 1., n° 229.
106.
Cf. Concile de Trente, sess. 13, c. 8.
107.
Motu Proprio Quandoquidem, du 2 avril 1949. (AAS 41 (1949), p. 165-167).
Le Pape y explique en ces termes les raisons de la fondation nouvelle : «
Lorsque de nouveaux prêtres quittent les maisons d'études pour exercer le
ministère qui leur a été confié, même si à la connaissance des sciences sacrées
ils joignent la ferveur de la piété, ils s'aperçoivent souvent, dès qu'ils
respirent l'air du monde, et qu'on les jette au milieu des périls et des
difficultés de notre époque, qu'ils ne sont pas assez équipés pour parer aux
besoins croissants des populations ; et
parfois, même, ils tombent dans le découragement quand ils se voient, non sans
grand risque pour eux-mêmes, violemment combattus par les ennemis de la
religion et de la vertu chrétienne. . .
...
Tout le monde sait que les premières années du sacerdoce surtout, lorsque les
ministres du sanctuaire se précipitent du Séminaire dans le champ où librement
ils vont réaliser ce qu'on leur a enseigné, revêtent une importance grave ;
parfois même, elles ne sont pas sans danger sérieux. A la vérité, de ces années
dépend bien souvent le cours de leur avenir, et par suite leurs progrès dans la
vertu et le ministère sacerdotal. On voit facilement par là combien il est
opportun et tout à fait nécessaire qu'ils aient au début de leur sainte
carrière, les meilleurs maîtres et guides qui les éclairent non pas tant par
leurs préceptes doctrinaux, que par la pratique du ministère sacerdotal ».
(Trad. du latin dans DC 46 (1949), c. 515).
108.
CIC, can. 134. Cf. T. 1, n° 231.
109.
Ibid., can. 129.
110.
Ibid., can. 130, § 1.
111.
CIC., can. 131, § 1. Le Pape a maintes fois rappelé cette exigence de l'étude
dans la vie du prêtre. Dès le début de son Pontificat, il écrivait à
l'épiscopat américain : « Nous exhortons instamment les prêtres à développer
leur science des choses divines et humaines ; qu'ils ne se contentent pas des
connaissances intellectuelles acquises dans leur jeunesse ; qu'ils méditent
avec attention la loi du Seigneur..., la Sainte Écriture..., l'histoire de
l'Église, ses dogmes, ses sacrements, ses droits, ses prescriptions, sa
liturgie, sa langue ; de manière que, chez eux, le progrès intellectuel aille
de pair avec le progrès moral. Qu'ils s'adonnent aussi à l'étude des lettres et
des sciences profanes, surtout de celles qui sont spécialement en connexion
avec la religion, afin de pouvoir exposer avec éloquence et clarté les vérités
du salut, et imposer aux esprits cultivés le joug et le léger fardeau du Christ
». (Lettre Encyclique Sertum laetitiae, du 1er novembre 1939, AAS 31 (1939). P. 641. Trad. du latin dans Actes Pie XII, BP, T. 1, p. 277-278).
112.
Lettre du cardinal Gaspard, Secrétaire d'État, à l'épiscopat d'Italie, du 15
avril 1923 (EC, n° 1160).
113.
Cf. en particulier le Décret du Saint-Office du 1er juillet 1949. (AAS 41 (1949), p. 334).
114.
Luc, 19,
8.
115.
On peut relire sur ce point la Lettre que la Secrétairerie d'État adressait, le
25 juin 1946, à S. E. le cardinal Suhard, Archevêque de Paris : « Il faut
souhaiter aussi que des prêtres de plus en plus nombreux, comprenant cette
mission, puissent se consacrer sans réserve à l'important ministère d'assistant
ecclésiastique de l'Action Catholique ouvrière. Cela exige de leur part, comme
de la part de leurs supérieurs, un effort d'adaptation, de compréhension, de
coordination qui, tout en respectant foncièrement les règles traditionnelles du
droit public de l'Eglise, sache aussi trouver les formules et les méthodes
correspondant aux besoins nouveaux et aux nécessités nouvelles ». (DC 43
(1946), c. 744-745).
116.
Jean, 13,
55.
117.
Luc, 10,
7.
118.
1 Timothée, 4, 14.
119.
Tite, 2,
7-8.
120.
Éphésiens, 4, 23-24.
121.
Éphésiens, 5, 1-2.
122.
Éphésiens, 5, 18-19.
123.
Éphésiens, 6, 18.
124.
Cf. Lettre Pontificale du 2 juillet 1953 au R. P. Louis Paulussen, S. J.,
Président du Secrétariat central des Congrégations mariales (AAS 45 (1955), p.
494). Dans cette Lettre, par laquelle le Pape approuve les statuts de la
Fédération mondiale des Congrégations mariales, on relève ce passage : « Un
autre motif de grand réconfort et de joie est pour Nous la floraison,
aujourd'hui encore, des Congrégations de prêtres et de séminaristes qui ont
tant mérité de l'Église par leurs travaux, ainsi que l'atteste une tradition
plusieurs fois séculaire. C'est pourquoi Nous les recommandons vivement comme
particulièrement aptes à former d'excellents prêtres et à préparer
opportunément les futurs directeurs des Congrégations elles-mêmes ». (Loc.
cit., p. 497. Trad. du latin dans DC 50 (1953), c. 1237-1242).
EXTRAITS
Ce Congrès international se
tint à Rame, sous les auspices de la S. Congrégation du Concile ; un délégué
par diocèse y avait été invité ; le thème majeur en était l’enseignement de la
religion à la jeunesse. Le Pape saisit l’occasion de cet important auditoire
international pour souligner, une fois de plus, les obstacles nombreux qui
s’opposent à la sanctification des sociétés, et la nécessité de combattre
d’abord le grave péril de l’ignorance religieuse (1).
Nous saisissons avec joie cette occasion pour vous donner — à tous qui êtes présents, et à tous ceux qui se consacrent à l’instruction religieuse — Notre paternelle approbation, et pour vous féliciter de l’immense travail accompli dans le monde entier, en vue d’enrichir et de combler la jeunesse des richesses de la foi chrétienne, et d’en affermir la possession chez les aînés, non sans profit pour le développement de la Sainte Eglise de Dieu. C’est à tort que certains tiennent votre ministère pour humble il est grand, et est justement mis au nombre des oeuvres apostoliques les plus importantes et vraiment de premier plan (2).
Que si le nombre insuffisant des prêtres exige et réclame que de nombreux laïques des deux sexes soient chaque année choisis, formés et désignés pour donner cette instruction, il est cependant très souhaitable que les prêtres eux-mêmes se consacrent à ce saint ministère, car l’expérience prouve que l’instruction religieuse donnée par un prêtre profondément pénétré de sa foi, et au cœur plein d’amour, est ce qui contribue le plus à attacher les enfants aux prêtres et à l’Eglise (3).
Comme Nous vous l’avons rappelé, l’instruction religieuse doit s’étendre à tout ce qui est la doctrine de l’Eglise dogme, morale, liturgie. Tout particulièrement, dans l’instruction religieuse des aînés, il importe grandement de mettre au premier plan Dieu, le Christ et sa divinité, l’Eglise fondée par Lui. Si ces trois points de la doctrine chrétienne sont profondément enracinés dans les esprits, à l’école et dans la vie courante, les autres points de la doctrine offriront des difficultés beaucoup moindres.
Si difficiles qu’ils soient, ces points n en doivent pas moins être exposés, selon l’âge, l’intelligence et la science des auditeurs. Avec les adolescents, et surtout dans les cours supérieurs, on peut et on doit parfois traiter de questions, peut-être secondaires mais utiles dans la vie, de problèmes de philosophie chrétienne, comme aussi de questions qui se posent à propos de l’écriture Sainte, des sciences naturelles et de l’histoire.
Quant à la méthode d’enseignement, la clarté de l’exposé, l’autorité dans les explications sont sans aucun doute importantes ; la parole sera attachante si elle est vivante, aimable, riche en images, illustrée par des exemples et des comparaisons (4). Mais, en ce domaine, deux écueils sont à éviter premièrement, sous prétexte de distraire et de reposer les esprits, on risquerait de manquer de respect à ce qui est sacré, de blesser la piété, les convictions intimes, et de ne fixer l’esprit et la mémoire que sur l’allégorie ou les histoires, alors que l’essentiel resterait malheureusement dans l’ombre ; en second lieu, il faut éviter que la matière enseignée ne soit choisie en fonction de la seule volonté, des désirs, du jugement changeant des élèves, renouvelant aujourd’hui ce qu’Isaïe reprochait à ses contemporains : Parlez-nous de ce qui nous plaît (5).
De ce que Nous venons de dire, il est facile de déduire les qualités que doit avoir le maître. En accomplissant sa mission, qui est surnaturelle à tous points de vue, qu’il soit rempli d’une foi solide et d’une grande piété (Nous vous ferions injure en insistant davantage) ; qu’il agisse avec audace ; qu’avec esprit chrétien, il prenne tout en bonne part ; qu’il ne méprise pas l’esprit des enfants et des illettrés ; qu’il ne sous-estime pas la générosité de leur esprit, vu le don gratuit de la foi que Dieu accorde à tous, c’est-à-dire la lumière de la vérité surnaturelle et l’inclination des âmes vers la religion.
Autre point digne de relief, le catéchiste se tromperait tout à fait et s’égarerait lamentablement s’il pensait que suffisent, pour l’esprit simple de certains auditeurs, des connaissances insuffisantes et bornées. C’est tout le contraire. Il est tenu en effet, par son ministère, d’exposer tout ce qui est l’essentiel de la foi, mais aussi de l’adapter aux ignorants et aux esprits incultes. Il doit donc être très psychologue pour apprécier exactement leur degré d’intelligence ; il lui faut aussi travailler beaucoup pour se mettre au niveau de leurs besoins.
Et ce que Nous disons enfin n’est pas de moindre importance. Il est absolument nécessaire que celui qui enseigne apprenne, apprenne sans jamais cesser. Se gardant de l’oisiveté, de l’indifférence et de la négligence, qu’il prépare avec soin ses instructions, quant au fond et quant à la forme, profitant. de ses expériences heureuses ou malheureuses, pour acquérir l’art de faire le catéchisme. Tout ce qu’il réalise sera rehaussé par la charité, soutenu par son zèle de la religion, fécondé par la prière.
Tous ces points et bien d’autres encore ont été mis en lumière par des hommes de doctrine, versés et exercés dans la science catéchistique. Qu’il Nous soit permis d’insister Nous exhortons tous les prêtres, et en premier lieu ceux qui enseignent la religion dans les classes supérieures, à penser souvent qu’ils auront à répondre devant Dieu de leurs élèves. Notre âme souffre, lorsque dans des enquêtes publiques comme on en fait aujourd’hui, d’après l’âge, le sexe et le niveau scolaire, on constate que la plupart de ceux qui ont perdu la foi en sont arrivés là par l’insuffisance coupable de prêtres (6). Au contraire, si certains, qui occupèrent et tiennent le premier rang dans la vie publique, ont persévéré fermement dans la foi catholique et lui sont favorables, cela est dû très souvent à la science et au zèle d’un prêtre, à sa vie exemplaire.
1.
AAS 42 (1950), p. 816. Trad. du latin dans DP, 1950, p. 457.
2.
« L’enseignement du catéchisme a été, en tout temps, la condition
indispensable pour créer dans la conscience une ferme adhésion à la foi
chrétienne et une forte volonté d’en inspirer les lois et les mœurs... On ne
saurait trouver aujourd’hui un autre moyen qui puisse, avec autant
d’efficacité, ouvrir les âmes à la vérité, et engager les individus et les
peuples à respecter comme il convient les commandements divins et partant à
collaborer sagement dans la justice et dans la charité ». (Lettre citée du
2 juillet 1949).
3.
« Pour le prêtre (comme pour ceux qui l’assistent), aucune heure ne
pourrait être plus précieuse que celle qui est consacrée à enseigner le
catéchisme ; enseignement pour lequel le Concile de Trente a employé la
singulière expression de primum et maximum officium, la première et la
plus importante fonction ». (Lettre citée du 2 juillet 1949).
4.
« Enseignez vous-même personnellement le catéchisme, au moins pour les
cours supérieurs, et faites en sorte que votre parole soit solide, claire,
intéressante, vivante, chaude, proportionnée à l’intelligence et aux besoins
spirituels de vos auditeurs. Elle ne sera telle que si vous connaissez à fond
les conditions de leur vie personnelle, familiale et professionnelle, leurs
aspirations, afin de répondre à leur attente, de les guider, de gagner leur
pleine confiance ». (Discours cité du 10 mars 1948).
« L’enseignement
devra avoir un ensemble de qualités — précision, simplicité, vigueur, beauté —
telles qu’elles fassent resplendir dans leur éclat primitif les vérités de la
foi ; il devra aussi trouver des accents de pastorale bonté qui gravent
vraiment cet enseignement dans l’histoire intérieure de toute âme.
Un
enseignement substantiel et sûr ne servirait à rien s’il n’était pas exposé
avec la clarté nécessaire et dans des termes expressifs, en employant les
méthodes didactiques qui aujourd’hui sont de plus en plus suggestives... C’est
donc pour les prêtres un devoir délicat, mais attrayant et fondamental, non
seulement d’approfondir la vérité, mais encore de chercher à l’exprimer de la
manière la plus incisive et la plus concrète ». (Lettre citée du 2 juillet
1949).
5.
Isaïe, 30, 10.
6.
« On frémit à la pensée qu’une notable partie de la jeunesse romaine de
quinze à vingt ans s’éloigne de l’Église par suite de purs préjugés et
malentendus, nés principalement de l’insuffisance d’un aliment spirituel adapté
à leur état, à leurs besoins, et, dans certaines limites, à leur goût. Comme il
s’agit strictement de votre charge, chers fils, Nous avons jugé opportun de
parler à nouveau d’une si grave question. Avant tout, appliquez-vous à bien
organiser l’œuvre du catéchisme. Cherchez des collaborateurs bons et instruits
; veillez, même par leur intermédiaire, à être informés de la condition de la
jeunesse et de l’enfance dans votre paroisse ; de sorte que pas une seule rue,
pas une maison, pas une famille n’échappe à vos soins ». (Discours cité du
in mars 1948).
EXTRAITS
Prononcée par le Pape à l’occasion du premier Congrès international des religieux, tenu à Rome sous le patronage de la S. Congrégation des Religieux, cette Allocution a pour thème la vie religieuse. Le Saint Père estime opportun de donner quelques précisions sur e le concept de la vie religieuse (1).
D’abord, voyons brièvement quelle est la place des Congrégations et des Ordres dans l’Eglise. Vous savez parfaitement que notre Rédempteur a fondé une Eglise hiérarchisée. En effet, entre d’une part les apôtres et leurs successeurs — auxquels il faut ajouter les auxiliaires de leur charge — et de l’autre les simples fidèles, Il a mis une nette distinction, et c’est de la liaison de ces deux corps que se forme le Royaume de Dieu ici-bas. A ce sujet, il a été établi de droit divin que les clercs sont distincts des laïques (2). Entre ces deux degrés de la hiérarchie s’intercale l’état de vie religieuse, qui, tirant son qui est de mener tous les hommes à l’acquisition de la sainteté (3). Si tout chrétien, en effet, doit, sous la direction de l’Église, se proposer l’ascension de ce sommet sacré, le religieux, lui, y tend par un chemin qui lui est propre et par des moyens d’une nature plus haute.
De plus, l’état religieux n’est nullement le privilège exclusif de l’un ou l’autre de ces deux corps qui de droit existent dans l’Église, puisque les clercs, comme les laïques, peuvent également être religieux et que, par ailleurs, tant les religieux que ceux qui ne le sont pas, peuvent accéder à la dignité cléricale. C’est donc une erreur, dans l’appréciation des bases sur lesquelles le Christ a fondé son Église, de croire que la condition particulière du clergé séculier, en tant que séculier, a été établie et consacrée par notre divin Rédempteur, et que la condition du clergé régulier, toute bonne et légitime qu’elle soit, étant donné qu’elle découle du clergé séculier, devrait être considérée comme secondaire et auxiliaire. En conséquence, si l’on a devant les yeux l’ordre établi par le Christ, aucune forme du double clergé ne jouit de la prérogative du droit divin, puisque ce droit ne donne pas la préférence à l’un plutôt qu’à l’autre, et qu’il n’exclut ni l’un ni l’autre. Quant à déterminer la différence entre les deux, leurs rapports respectifs, la part à confier à chacun dans la mission de travailler au salut du monde, le Christ a laissé ce soin à la diversité des circonstances et des besoins de chaque époque, ou plutôt, pour préciser plus clairement Notre pensée, Il l’a remis à la décision de l’Église.
Sans aucune hésitation, selon le précepte du droit divins le prêtre, séculier ou régulier, doit exercer son ministère comme collaborateur de l’évêque, et sous la direction de l’évêque. C’est d’ailleurs ce que, conformément aux coutumes de l’Église, les prescriptions du Code de Droit canonique, au sujet des curés et des Ordinaires, définissent clairement (4). Et il arrive souvent que, dans les territoires de Mission, tout le clergé, y compris l’évêque, appartienne à un Ordre régulier. Il ne faudrait pas s’imaginer qu’il y a là une chose extraordinaire et anormale, et penser que c’est une situation purement provisoire et que, dès que ce sera possible, on devra confier cette administration sacrée au clergé séculier.
Même l’exemption des Ordres religieux n’est pas en opposition avec les principes de la constitution donnée par Dieu à l’Église ; et elle ne s’oppose nullement à la loi en vertu de laquelle le prêtre doit obéissance à l’évêque. En effet, d’après le Droit canonique, les religieux exempts sont sous la dépendance de l’évêque du lieu autant que le réclament l’accomplissement de la charge épiscopale et la bonne organisation du soin spirituel des âmes. Sans parler de cela, dans les discussions qui ont eu lieu ces dix dernières années au sujet de l’exemption, on n’a peut-être pas fait suffisamment ressortir que les religieux exempts, en vertu même des prescriptions du Droit canonique, sont soumis partout et toujours au pouvoir du Pontife romain comme à leur suprême Supérieur, et « sont tenus de lui obéir au nom même du vœu d’obéissance (5) ». Or, le Souverain Pontife exerce sa juridiction ordinaire et immédiate non seulement sur toute l’Église, mais sur chaque diocèse et sur chacun des fidèles.
Il est donc évident que cette loi fondamentale portée par Dieu, selon laquelle clercs et laïques sont soumis à l’évêque, doit être parfaitement suivie, même par les religieux exempts ; et qu’enfin la volonté et les ordres du Christ doivent être exécutés par l’un et l’autre clergé avec un égal empressement.
A ce que Nous venons de dire se rattache une autre question que Nous avons à cœur d’expliquer et de mettre au point c’est celle qui regarde la raison en vertu de laquelle clerc et religieux sont tenus de tendre à la perfection.
Il n’est pas conforme à la vérité d’affirmer que l’état clérical, en tant que tel et parce qu’il procède du droit divin, par sa nature ou du moins en vertu d’un postulat de cette même nature, exige que ses membres professent les conseils évangéliques et, pour cette raison, doivent ou puissent suivre les conseils évangéliques. Donc le clerc n’est pas astreint en vertu du droit divin aux conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, et surtout n’y est pas astreint de la même façon et pour la même raison que celui qui prononce publiquement des vœux en embrassant l’état religieux. Cela n’empêche pas d’ailleurs le clerc de prendre ces engagements privément et librement. Et le fait de l’obligation pour les prêtres latins de garder le célibat n’enlève ni ne diminue pour autant la différence qui existe entre l’état clérical et l’état religieux. En effet, ce n’est pas parce qu’il est clerc, mais parce qu’il est religieux, que le clerc régulier professe la condition et l’état de perfection (6).
1.
AAS 43 p. 26-36. Trad. du latin dans
SVS, p. 877-891.
2.
CIC, can. 107.
3.
Cf. Constitution Apostolique Provida Mater Ecclesia, du 2 février 1947
(AAS 39 (1947), p. 116.
4.
Cf. CIC, can. 630, 631 et 454, § 5, relatifs aux religieux qui sont curés ou
vicaires de paroisses.
5.
CIC, can. 499, § 1.
6.
Ce dernier enseignement de l’Allocution pontificale a fait l’objet d’une Note
explicative importante. transmise à Mgr Charue, évêque de Namur, le 13 juillet
1952. par la S. C. des Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires. Cf. ci-dessous
n° 529-536.
EXTRAITS
Le Pape remercie Dieu des
heureux résultats de l’Année Sainte. Et pourtant l’état présent de la société
justifie encore bien des inquiétudes (1).
Quand Nous pensons à l’état de choses présent dans les grandes villes — et malheureusement ce que Nous voulons dire peut bien souvent s’étendre plus loin encore, jusqu’au fond des campagnes — Nous ne pouvons écarter de Nous une grave appréhension ce monde agité, suspendu entre le souvenir affreux d’une guerre cruelle à peine terminée et la crainte d’un nouveau conflit, qui serait incomparablement plus atroce, appelle avec des cris d’angoisse la sécurité de son existence.
Pour ce qui est des devoirs de la charge pastorale, Nous avons récemment, dans Notre dernier Message de Noël (2), rendu évidente la nécessité urgente qui s’impose actuellement à l’apostolat catholique de reconquérir spirituellement les âmes affaiblies, attiédies ou vacillantes à l’égard de la foi. Appliquez cette pensée à la ville de Rome. Pourriez-vous contempler avec une froide tranquillité le triste état des âmes ? Chacun de vous doit nourrir les intentions et remplir la mission du Bon Pasteur envers tous ceux qui demeurent sur le territoire de sa paroisse.
Nous voudrions enfin vous inviter à prendre en considération une pensée qui devrait guider et illuminer toute votre action pastorale. Consacrez-vous à elle de toute votre âme, et donnez à toute votre activité la marque personnelle de votre esprit et de votre cœur. En parlant ainsi, Nous entendons vous mettre en garde contre l’excès de bureaucratie dans la charge des âmes. Sans doute, la bonne marche du bureau paroissial s’impose comme une tâche rigoureuse. Toutefois, il est nécessaire que vos paroissiens sentent toujours et partout la bonté, l’affection paternelle qui fait battre le cœur du pasteur. Chacun de vos fidèles doit l’éprouver, il doit pouvoir vous approcher facilement, et trouver chez vous l’aide et l’appui auxquels répondra sa confiance.
Mais ceci suppose évidemment une connaissance exacte de votre paroisse, rue par rue, maison par maison, une vision sûre des conditions religieuses, comme des nouveaux problèmes et besoins de la population qui demeure sur votre territoire ; et cette connaissance exige elle-même, pour être complète et profonde, une préparation, voire technique, à laquelle le fichier paroissial offre un instrument très utile. Il permet, en effet, de trouver à l’instant toutes les informations concernant chacune des familles et chacun des fidèles.
Devra-t-on pour autant donner toute l’importance ou même une importance principale à cette documentation ? Elle ne doit être qu’une aide — certes très précieuse — pour vos rapports personnels, vivants, avec vos paroissiens. Montrez d’une manière effective l’intérêt et l’affection que vous nourrissez pour eux. Occupez-vous directement de l’instruction religieuse des enfants, au moins dans sa partie principale. Il est bien facile — vous en avez l’expérience — de gagner par l’intermédiaire des enfants le cœur des parents, afin de les ramener ainsi, quand cela est nécessaire, à la foi et aux pratiques religieuses.
Mais l’un de vos plus chers devoirs, dans la formation chrétienne des adolescents, doit être de veiller aux vocations sacerdotales, et Nous Nous ferions reproche de laisser passer cette occasion sans vous en parler. C’est là un devoir qui s’impose de lui-même et auquel tout prêtre zélé se consacre spontanément avec amour. Toutefois, il est d’une telle gravité que l’Eglise l’a prescrit d’une façon positive, et Nous n’avons pas besoin de vous rappeler le canon 1353 du Code de Droit canonique, qui oblige particulièrement les curés, mais aussi les prêtres en général, à prendre un soin spécial des enfants qui donnent des signes de vocation pour les conserver dans la vertu, les former à la piété, pourvoir à leurs premières études, et cultiver le germe précieux déposé par Dieu dans leurs cœurs (3).
Qui pourrait jamais penser que cette loi, promulguée déjà depuis plus de trente ans, ait perdu quelque chose de sa force et de sa nécessité ? Les événements qui se sont succédé, la guerre avec ses conséquences, et toutes les conditions présentes n’ont fait qu’accroître son urgence en aggravant les dommages résultant de la pénurie de prêtres, surtout dans certaines régions.
Aussi, récemment encore, dans l’Exhortation Menti Nostrae, avons-Nous attiré de nouveau sur cette question l’attention et le zèle de tout le clergé (4). Ici, dans l’intimité de cette audience, Nous Nous adressons avec une insistance redoublée aux prêtres de Rome, c’est-à-dire au clergé et plus spécialement aux curés de Notre cher diocèse (5). Ce n’est pas le lieu ni le moment de vous présenter les statistiques, qui confirment les plaintes douloureuses, parvenant souvent à Nos oreilles, sur le trop petit nombre de prêtres romains. Ces statistiques, Nous les avons eues sous les yeux, et elles pourraient causer une grave inquiétude si le mal était sans remède. Mais il n’en est pas ainsi. L’expérience des prêtres qui se consacrent au soin spirituel de la jeunesse dans les maisons de première Communion, dans les Congrégations Mariales, dans les Cercles d’Action Catholique, chez les « Petits Clercs », Nous assure que les vocations ne manqueraient pas à Rome ; mais, pour que les bonnes semences parviennent à maturité, il faut qu’elles soient convenablement cultivées dans la paroisse et dans la famille.
Le clergé paroissial est souvent surchargé de travail, absorbé par le ministère ordinaire, par les exigences de l’administration, par les organisations catholiques. Il serait cependant préférable de réduire quelque peu certaines activités plus voyantes mais moins nécessaires pour se donner plus intensément à la formation de la jeunesse.
1.
AAS 43 (1951), p. 112. Trad. de l’italien dans DC 48 (1951), p. 257-264.
2.
AAS 43 (1951), p. 49.
3.
Cf. T. 1., n° 257.
4.
Cf. ci-dessus, n° 407.
5.
L’année suivante, en la même circonstance, le Pape insistera à nouveau sur ce
grave problème du recrutement sacerdotal. « Le rôle principal ne
revient-il pas aux curés, par droit et par devoir? il est donc juste, dès lors
que leur a été confiée une paroisse, qu’ils examinent devant Dieu, au fond de
leur conscience, s’ils ont fait et font tout leur possible, s’ils ne pourraient
pas faire encore davantage, pour découvrir chez les enfants le germe de la
vocation, pour en préparer et en assurer le développement, pour convaincre les
familles de leur devoir en ce domaine, pour obtenir des paroissiens tous les
meilleurs concours, y compris l’aide économique nécessaire ». (Discours de
Carême du 8 mars 1952. AAS 44, (1952), p. 223. Trad. de l’italien dans DC 49
(1952), c. 385-390).
6.
Le Saint Père a insisté à maintes reprises sur le rôle éducateur du prêtre. Cf.
en particulier l’Allocution aux membres du Congrès catéchistique international,
du 14 octobre 1950 (ci-dessus, n° 461 et suivants), et, plus récemment,
l’Allocution aux aumôniers diocésains de la jeunesse italienne d’Action
Catholique, du 9 septembre 1953 (OR. du 9 septembre 1953. Trad. de l’italien
dans DC 50 (1953), c. 1227-1230), et l’Allocution aux prêtres du Centre
national italien d’activités catéchistiques, du 30 septembre 1953 : « Si
Nous devions, disait-il à ces derniers, vous laisser un bref mot d’ordre pour
vos élèves, grands et petits, Nous vous dirions : qu’ils sachent bien, qu’ils
croient fermement, qu’ils pratiquent intégralement ». (AAS 45 (1953), p.
725).
EXTRAITS
Recevant les pèlerins bretons
au lendemain de la béatification du Père Julien Maunoir, le Saint Père a
retracé le portrait spirituel de l'apôtre de la Bretagne, et en a dégagé une
belle leçon d'optimisme et d'apostolat (1).
C’est une belle leçon d'optimisme, mais d'optimisme sain, clairvoyant, actif et surnaturel, que donnent, chers fils et chères filles, la vie, l'histoire et la glorification de Julien Maunoir. En présence des incontestables misères de tous, ordres qui affligent aujourd'hui le monde, des difficultés de toutes sortes qui paralysent sa restauration, de l'insuffisance des ressources en remèdes et en hommes capables de les appliquer avec fruit, on voit et l'on entend trop d'expressions d'un pessimisme stérile et stérilisant. Pessimisme bien divers en ses manifestations. Tandis que d'aucuns, découragés, renoncent, ou sont tentés de renoncer à l'effort, tout au moins de le relâcher, semblables un peu à ce pauvre Élie, qui s'asseyait tristement à l'ombre d'un arbuste en attendant la mort (2), d'autres en prennent allègrement leur parti et, estimant qu'il n'y a plus rien à faire, ne font plus rien, à supposer qu'ils aient jamais fait quelque chose.
La situation, au temps et au pays où vivait et peinait le nouveau bienheureux, était-elle plus encourageante ? L'ignorance religieuse n'était guère moins profonde ; elle était seulement moins habilement voilée sous le fallacieux décor d'une science profane, superficielle et vaine. L'intempérance régnait avec toute la séquelle des autres vices, qui naissent d'elle ou qui l'accompagnent. Conséquences de guerres religieuses, relents d'hérésies, étaient encore aggravés par la carence du clergé, faute de vocations ou faute d'esprit sacerdotal. Par surcroît, l'effervescence populaire, les agitations sociales surexcitées par la levée des impôts, rendaient encore plus malaisés le ministère spirituel et l'apostolat. Le tableau, qui pourrait être plus complet, inviterait au parallèle avec le temps présent, et la comparaison ne serait peut-être pas au désavantage de celui-ci.
Par suite de quelle transformation la Bretagne a-t-elle réussi à mériter, depuis, d'être montrée au monde en exemple de vie ardente, morale, profondément chrétienne ? Elle-même en attribue l'honneur, après Dieu, la Vierge et ses saints Patrons, à ses missionnaires, au premier rang desquels elle vénère le bienheureux Julien Maunoir.
Qu'a-t-il donc fait et quel fut son secret ? Il fut tout simplement apôtre, mais il le fut dans toute l'extension et toute la force du terme : apôtre du Christ, formé à son école, docile à ses principes et à ses leçons, pénétré de son pur esprit. Beaucoup de catholiques fervents ont à cœur d'être aussi de ces apôtres-là, quelques-uns sans en connaître les caractères et les conditions ; bien d'autres, et Nous Nous en réjouissons, avec une notion et un programme précis. Action intense, adaptation aux dispositions et aux méthodes du temps.
... En fait d'action intense,
Maunoir peut soutenir aisément et victorieusement la comparaison avec qui que
ce soit : labeurs, fatigues, incommodités, souffrances, sans jamais se reposer
ni s'épargner dans la succession ininterrompue des missions, et quelles
missions ! sur le continent et dans les îles, prédications, processions,
catéchismes, confessions, visites des malades et le reste. A lire sa vie, on
ses demande comment un seul homme a pu suffire, à tant de travaux, comment sa
nature a pu tenir tête à un tel surmenage. Comment ? Par l'effet de l'adage
entendu au sens chrétien : Mens agitat molem (2).
Homme d'action plus que personne, il mettait au-dessus de l'action l'étude, au-dessus de l'étude la prière. Si puissant était son attrait pour elle que son maître, Michel Le Nobletz, croyait devoir le mettre en garde contre un excès qui pût compromettre l'expansion de sa vie apostolique. L'histoire montre que, de sa part, ce préjudice n'était pas à redouter; elle montre en même temps de quelle source, exubérante et pure, jaillissait sa prodigieuse activité extérieure. Il avait, dit-il lui-même, reçu de Dieu un don d'oraison qui le tenait en continuelle union avec Lui.
Avec raison, avec aussi, parfois, quelque illusion ingénue de découverte et d'innovation, on prône l'adaptation du zèle : il faut être de son temps, il faut être de son milieu. Saint Paul le disait déjà ou, mieux, il en donnait l'exemple : Omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos (3). Ainsi faisait également le bienheureux Julien Maunoir, et il faudrait bien chercher pour lui trouver en cela un émule qui le surpasse. C'est pour se mettre à la portée de tous qu'il apprend leur langue difficile, qu'il enseigne, à l'aide de grands tableaux figurés, la doctrine et la morale, qu'il les met en refrains et en couplets si bien imprimés dans la mémoire qu'on les chante encore aujourd'hui ; il sait mettre en œuvre maintes industries qui touchent la foule plus profondément encore que vivement. S'il voyage, surtout à pied et par les grands chemins, c'est dans l'espoir de rencontrer au passage et de recueillir les agneaux ; dispersés, les brebis errantes. Pareil au bon père de famille, il tire de son trésor nova et vetera (4), le vieux et le neuf, ce: qui convient pour le moment.
... Prêtres et apôtres de la Bretagne et de partout, inspirez-vous à ses exemples ; son école est sûre et de bon rendement; son intercession, de là-haut, continuera par vous son œuvre d'ici-bas.
Vous tous enfin, que la flamme de zèle dévore, qui, d'un cœur sincère et ardent, vous dévouez au salut et à la rénovation de votre temps et de votre pays, imitez le bienheureux Julien Maunoir, infatigable dans l'action, mais action qui déborde de la surabondance de sa vie intérieure surnaturelle ; imitez-le, hardi dans l'adaptation aux circonstances présentes, et fermement attaché à ce qui, dans les traditions, est toujours actuel, parce que immuable et éternel.
1. AAS 43 (1951), p. 437. Texte original fiançais.
2. Cf. 1 Rois, 19, 4.
3. Virgile, Enéide, 6, 727.
4. 1 Corinthiens, 9, 22. Je me suis fait tout à
tous, afin de les sauver tous.
5. Matthieu, 13, 52.
EXTRAITS
Cette Encyclique concerne
directement l’action missionnaire qui se développe de nos jours dans les
territoires où l’Eglise n’est pas encore établie par ses institutions
hiérarchiques stables. Elle a toutefois sa place dans ce volume sur le
sacerdoce il n’est pas de prêtre, en effet, qui ne doive avoir « l’âme
missionnaire » ; et par ailleurs combien de pasteurs, en pays de
chrétienté, affrontent aujourd’hui les difficultés d’un véritable apostolat
missionnaire ! Les extraits qui suivent répondent â cette double
préoccupation (1).
Ce qu'il faut bien avoir présent à l’esprit, et que Nous avons déjà signalé, c’est que le travail qui reste à faire demande un effort gigantesque et d’innombrables travailleurs. Rappelons-nous qu’une immense multitude de nos frères demeure assise dans les ténèbres et l’ombre de la mort (2) et que leur nombre est de l’ordre du milliard. C’est pourquoi semble résonner encore l’ineffable gémissement du Cœur très aimant de Jésus-Christ : J’ai aussi d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là également, il faut que Je les amène, et elles écouteront ma voix, et il n y aura qu’un seul troupeau et un seul pasteur (3).
Et il ne manque pas de pasteurs, comme vous le savez, Vénérables Frères, qui s’efforcent d’écarter les brebis de cet unique bercail, de cet unique port de salut ; vous savez aussi que ce péril est en certains endroits plus grand de jour en jour. C’est pourquoi, considérant devant Dieu cette immense multitude d’hommes qui sont encore privés de la vérité évangélique, et mesurant toute la gravité du danger dans lequel tant d’hommes se trouvent, soit à cause de l’extension du matérialisme athée, soit à cause d’une certaine doctrine qui se dit chrétienne mais qui est en fait imbue des idées et des erreurs communistes, Nous sommes saisi d’une vive angoisse et poussé à promouvoir partout et de toutes Nos forces les oeuvres de l’apostolat, et Nous considérons comme adressée à Nous-même l’exhortation du prophète : Crie à pleine voix, ne te retiens pas, fais retentir ta voix comme la trompette (4).
… Il convient tout d’abord de remarquer que celui qui, par une inspiration surnaturelle, est appelé à faire fleurir chez es nations païennes et lointaines la vérité de l’Évangile est destiné à une fonction des plus grandes, des plus hautes. Il consacre, en effet, sa vie à Dieu pour propager son Règne jusqu’aux extrémités de la terre. Il ne recherche pas ses propres avantages, mais ceux de Jésus-Christ (5). Enfin, il considère comme adressées particulièrement à lui-même ces phrases magnifiques de l’Apôtre des Gentils : Nous faisons fonction d’ambassadeurs... pour le Christ (6) ; si nous vivons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair (7) ; je me suis fait faible avec les faibles afin de gagner les faibles (8).
Il doit donc considérer la terre à laquelle il vient porter la lumière de l’Évangile comme une seconde patrie, et l’aimer comme il convient; en sorte qu’il ne recherche pas d’avantages matériels, ni les intérêts de son pays ou de son institut religieux, mais bien ce qui concerne le salut des âmes, Assurément il lui faut avoir un grand amour pour son pays et pour son institut, mais il doit aimer encore davantage l’Église. Et qu’il se souvienne que son institut ne tirera aucun profit de ce qui s’oppose au bien de l’Église.
Le but des Missions, comme chacun sait, est d’abord de faire resplendir pour de nouveaux peuples la lumière de la vérité chrétienne, et de susciter de nouveaux chrétiens. Mais le but dernier auquel elles doivent tendre — et qu’il faut toujours avoir sous les yeux — c’est que l’Église soit fermement et définitivement établie chez de nouveaux peuples, et qu’elle reçoive une hiérarchie propre, choisie parmi les habitants du lieu.
Dans la Lettre que, le 9 août de l’année dernière, Nous avons adressée à Notre cher Fils le cardinal Pierre Fumasoni-Biondi, Préfet de la S. Congrégation de la Propagande, Nous écrivions entre autres choses : « L’Église assurément n’a nullement le dessein de dominer les peuples ou de s’emparer du pouvoir temporel : son seul désir est de porter à toutes les nations la lumière surnaturelle de la foi, de favoriser le développement de la civilisation humaine et la concorde entre les peuples (9) ».
Dans la Lettre Apostolique Maximum Illud (10), de Notre Prédécesseur Benoît XV, datée de 1919, ainsi que dans l’Encyclique Rerum Ecclesiae (11), de Notre Prédécesseur immédiat Pie XI, il était proclamé que les Missions devaient tendre, comme à leur but suprême, à établir l’Église dans de nouvelles terres. Et Nous-même, lorsqu’en 1944, comme Nous l’avons rappelé ci-dessus, Nous avons reçu les directeurs des oeuvres missionnaires, Nous avons déclaré : « Le dessein que les prédicateurs de l’Évangile embrassent avec courage et générosité consiste à étendre l’Église à de nouvelles régions, de telle sorte qu’elle y fixe des racines toujours plus profondes, et qu’après s’y être développée elle puisse, le plus tôt possible, y vivre et y fleurir sans l’aide des oeuvres Missionnaires. Ces oeuvres Missionnaires, en effet, ne cherchent pas leur propre intérêt, mais il faut qu’elles tendent de toutes leurs forces à atteindre le but élevé dont Nous venons de parler ; lorsqu’elles l’auront atteint, elles se consacreront volontiers à d’autres entreprises (12) ». « C’est pourquoi les propagateurs de l’Évangile ne résident pas dans les champs d’apostolat déjà cultivés, comme s’ils y étaient à demeure, mais leur mission est plutôt de faire briller sur toute la terre la vérité de l’Évangile, et de consacrer cette terre par la sainteté chrétienne. L’entreprise que se sont proposée les missionnaires est, en effet, la suivante: étendre d’une contrée à l’autre, d’un pas chaque jour plus rapide, jusqu’à la demeure la plus éloignée et la plus inconnue, jusqu’à l’homme le plus éloigné et le plus inconnu, le Règne du divin Rédempteur, qui est ressuscité triomphant de la mort et à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre (13) ».
Il est clair cependant que l’Église ne peut s’établir convenablement en de nouvelles régions à moins que les institutions et les oeuvres n’y soient organisées comme il faut, à moins surtout qu’un clergé indigène à la hauteur des besoins n’y soit créé et formé. Nous aimons pour cela répéter, en les empruntant à l’Encyclique Rerum Ecclesiae, ces paroles graves et sages : « … S’il faut, prendre soin que chacun d’entre vous ait le plus grand nombre possible d’élèves indigènes, appliquez-vous en outre à les former comme il convient à la sainteté que demande la vie sacerdotale, à cet esprit d’apostolat uni au désir du salut de leurs frères, qui les rendra capables de sacrifier même leur vie pour leurs concitoyens (14) ».
L’Encyclique aborde ensuite divers sujets particuliers, tels que le concours des laïques, militants de l’Action Catholique, la formation de la jeunesse, les institutions charitables et sociales.
Nous en venons maintenant à un sujet qui n’a pas moins d’importance et de gravité : Nous voulons dire un mot de la question sociale et de sa solution dans la justice et la charité. Tandis que les théories communistes se répandent aujourd’hui partout, et facilement trompent les simples et les humbles, Nous croyons entendre retentir à Nos oreilles la parole de Jésus-Christ : J’ai pitié de cette foule (15) Il faut absolument faire passer dans la pratique, avec zèle, ardeur, énergie, les vrais principes qu’enseigne l’Église en matière sociale. Il faut absolument garder tous les peuples de ces erreurs pernicieuses ou bien, s’ils en ont été infectés, il faut les guérir de ces doctrines violentes qui présentent la jouissance des biens de ce monde comme l’unique but de l’homme en cette vie, qui attribuent à la souveraineté de l’État et à sa décision la propriété et la gestion de tous les biens, réduisant ainsi presqu’à néant la dignité de la personne humaine. Il faut absolument enseigner à tous, en public, en privé, que nous sommes ici-bas des exilés en route vers l’immortelle patrie, appelés à l’éternité, au bonheur éternel que nous devons atteindre un jour si nous nous laissons guider par la vérité et par la vertu.
Seul le Christ est le gardien de l’humaine justice et le très doux consolateur de la douleur, inévitable ici-bas ; Lui seul nous découvre le port de la paix, de la justice et de l’éternelle joie, auquel tous, rachetés par son Sang, nous devons atteindre, au terme de notre voyage terrestre.
Mais c’est aussi le devoir de tous, autant qu’il est possible, d’adoucir, d’alléger, de soulager les souffrances, les misères, les angoisses qui affligent nos frères en cette vie.
La charité peut en partie remédier à bien des injustices d’ordre social, mais c’est insuffisant ; il faut d’abord que la justice s’affirme, s’impose et soit mise en pratique (16).
Il Nous plaît à ce propos de citer ici les paroles que Nous adressions à Noël 1942 aux Cardinaux et aux Évêques réunis : « L’Église a condamné les divers systèmes du socialisme marxiste, et elle les condamne encore aujourd’hui, conformément à son devoir et à son droit permanents de mettre les hommes à l’abri de courants et d’influences qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l’Église ne peut pas ignorer ni ne pas voir que l’ouvrier, dans son effort pour améliorer sa situation, se heurte à tout un système qui, loin d’être conforme à la nature, est en opposition avec l’ordre de Dieu et avec la fin assignée par Dieu aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables, si dangereuses qu’aient été et que soient les voies suivie qui pourrait, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait demeurer sourd au cri qui monte d’en bas et réclame dans le monde d’un Dieu juste, justice et fraternité ? Le silence serait coupable, inexcusable devant Dieu, contraire au bon sens éclairé de l’apôtre qui, tout en prêchant la fermeté contre l’erreur, sait en même temps qu’il faut montrer beaucoup de délicatesse envers les égarés, aller à eux le cœur ouvert pour écouter leurs aspirations, leurs espérances, leurs raisons (17) ».
Vous vous rappelez fort bien la vive recommandation faite par l’Encyclique Rerum Ecclesiae à l’Union Missionnaire du Clergé, dont le but est d’unir les clercs de l’un et l’autre clergé et leurs grands séminaristes dans un effort commun de propagande en faveur des Missions. Nous avons suivi ses progrès avec grand plaisir, comme Nous l’indiquions plus haut. Nous désirons vivement qu’elle croisse sans cesse et stimule le zèle des prêtres et des fidèles qui leur sont confiés à aider les oeuvres missionnaires. Cette association est comme la source d’où les eaux nourricières s’épanchent, comme vers des champs fertiles, vers les autres oeuvres pontificales de la Propagation de la Foi, de Saint-Pierre-Apôtre pour le clergé indigène, de la Sainte Enfance (18).
… Enfin Nous voulons adresser à tous Nos chers ministres de l’Église cette parole d’encouragement : le zèle du peuple chrétien pour le salut des infidèles ravive sa foi, et lui fait produire des fruits excellents ; quand la ferveur pour les Missions s’accroît, la piété également s’accroît.
1. AAS 43 (1951), p. 497-528. Trad. de l’Office de Presse du Vatican.
2.
Psaume 106, 10.
3.
Jean, 10, 16.
4.
Isaïe, 58, 1.
5.
Cf. Philippiens, 2, 21.
6.
2 Corinthiens, 5, 20.
7.
2 Corinthiens, 10, 3.
8.
1 Corinthiens, 9, 22.
9.,Lettre
Perlibenti Quidem, AAS 42, (1950), p. 727. La même affirmation se
retrouve à maintes reprises sur les lèvres du Pontife. Cf. en particulier
l’Exhortation au Clergé indigène, du 28 juin 1948 (ci-dessus n° 274), et le
Discours aux directeurs des oeuvres missionnaires, du 24 juin 1944. (AAS 36
(1944), p. 207).
10.
AAS 11 (1919), p. 440 sq. Cf. T. 1, n° 313 et suivants.
11.
AAS 18 (1926), p. 65 sq. Cf. T. 1, n° 386 et suivants.
12.
AAS 36 (1944), p. 210.
13.
Cf. Matthieu, 28, 18. AAS 36 (1944), p. 208.
14.
AAS 18 (1926), p. 76.
15.
Marc, 8, 2.
16.
Cf. Lettre citée au cardinal Fumasoni-Biondi : « Les questions sociales,
en particulier tout ce qui regarde le travail, le juste salaire, les oeuvres de
prévoyance sociale et l’élévation des conditions de vie des travailleurs pour
la réalisation d’une société meilleure, sont des sujets importants que les
missionnaires doivent connaître et étudier avec soin, et auxquels ils doivent,
dans la mesure du possible, trouver une solution, comme la charité elle-même
l’exige, et comme le besoin s’en fait sentir plus vivement chaque jour ».
(AAS 42 (1950), p. 726.)
17.
AAS 35 (1943), p. 16-17.
18.
Cf. Discours aux Directeurs des oeuvres Missionnaires, du 28 avril 1952 (AAS 44
(1952), p. 426. Texte original français).
EXTRAITS
A l’occasion du XXV° anniversaire de la fondation à Rouir de leur Collège international, les Carmes Déchaussés tinrent à Rome un Congrès qui réunissait des religieux de toutes les provinces. En parcourant les principaux thèmes de leurs travaux, le Pape insiste sur quelques vertus de la vie religieuse. Les passages suivants s’appliquent pleinement à toute vie sacerdotale (1).
Vous voulez examiner attentivement et avec soin comment naît et persiste dans l’homme cette fermeté qu’il faut estimer par-dessus tout, comment se forment et se développent ces vertus dites naturelles. Il Nous semble qu’en agissant ainsi vous avez été bien inspirés. S’il est vrai, certes — et c’est même très vrai — que la nature est perfectionnée par la grâce surnaturelle et non pas abolie, l’édifice de la perfection évangélique doit se construire sur les vertus naturelles elles-mêmes. En attendant que le jeune religieux devienne un confrère d’un brillant exemple, qu’il cherche à devenir un homme parfait dans les choses ordinaires et quotidiennes. On ne peut gravir la cime des monts, si l’on ne peut marchez d’un pas aisé dans la plaine.
Qu’il apprenne donc et montre par sa conduite quelle est la beauté qui convient à l’homme et aux relations humaines ; qu’il apporte de la décence dans sa physionomie et son extérieur ; qu’il soit fidèle et sincère ; qu’il tienne ses promesses ; qu’il soit maître de ses actes et de ses paroles ; qu’il ait du respect pour tous, ne lèse pas le droit d’autrui ; qu’il soit patient, prévenant, et, par-dessus tout, qu’il obéisse aux lois de Dieu. Comme vous le savez bien, l’ensemble et l’ordonnance des vertus naturelles — comme on les appelle — sont élevés à la dignité de la vie surnaturelle, surtout quand on les pratique et qu’on les cultive dans le but de se montrer un bon chrétien ou un digne héraut et ministre du Christ (2).
... Que dirons-Nous de la chasteté ? Il y aurait à exposer longuement les questions qui y ont trait ; elles sont sérieuses et ont une grande importance. Il convient que Nous en abordions au moins quelques-unes, sinon toutes, sans insister et brièvement. Les anciens Grecs et Romains, lorsqu’ils parlaient des choses ayant trait à la chasteté, se servaient d’un terme particulier ; ils disaient aidoia - verenda, pour marquer qu’on doit traiter ce sujet d’une manière et d’un ton respectueux. Mais cette pudeur ne doit pas être entendue de telle sorte qu’on fasse un silence absolu sur ce sujet, et que dans l’éducation morale on n’en dise jamais un mot, même avec réserve et prudence. Il faut donner, sur cette matière, aux adolescents, l’instruction appropriée, et qu’il leur soit permis de s’ouvrir, de poser sans hésiter des questions et d’en recevoir la réponse une réponse sûre, claire et suffisamment explicite leur donnera lumière et confiance.
Il ne faut pas, non plus, que celui qui a résolu de garder la virginité mésestime ou méprise le mariage. Le mariage est une bonne chose, mais la virginité est meilleure ; l’état du mariage est honorable ; plus relevé, au témoignage de l’Evangile, est celui de la virginité qu’on embrasse par amour du Christ, et que féconde le fruit de la charité. La virginité perpétuelle surtout est un pur sacrifice à Dieu, une victime sainte, et, pour l’Eglise, la fleur de son honneur et de sa joie, sa grande réserve de forces qu’elle-même ne peut répudier ou négliger.
Mais, lorsqu’on doit expliquer et former la virginité, il faut encore, dès le début, que tous soient bien persuadés que la chasteté prise en général, y compris la chasteté conjugale, ne peut être gardée avec constance sans le secours de la grâce de Dieu, et ce secours céleste est encore bien plus nécessaire quand il s’agit de garder la chasteté jusqu’au dernier souffle de sa vie ; et c’est pourquoi celui qui voue à Dieu une intégrité virginale doit lutter par la prière et le zèle de la pénitence, comme Jacob avec l’ange, pour remporter cette céleste victoire.
Les oeuvres les plus diverses de l’apostolat, comme le ministère des âmes, la décoration des temples, la construction convenable des écoles et leur aménagement, les Missions, les progrès de la science et aussi le paiement de justes salaires aux serviteurs, exigent d’assez larges disponibilités, tout à fait normales et acceptables dans les temps actuels. Pourtant, que les ressources correspondent aux oeuvres et qu’on ne les recherche pas outre mesure. S’il y a du surplus, qu’il serve, dans un esprit d’émulation fraternelle, à secourir les misères de toutes sortes ce n’est pas la prévoyance humaine toujours incertaine, mais la confiance dans la miséricorde et le secours de Dieu, et cette large bonté qui l’accompagne, qui procureront à vos religieux et à leurs entreprises les véritables progrès et leur vaudront la considération des hommes.
Combien Nous Nous réjouissons de ce que vous voulez vous-mêmes inculquer plus largement à vos jeunes religieux une culture humaniste !
… Dans ces études, Nous déplorons que survienne quelque chose de triste. Hélas, le nombre et la ferveur des amateurs de la langue latine, gloire du sacerdoce, vont baissant de plus en plus. Qu’est-ce qui honore dignement cette langue impériale — comme disaient les Grecs — qui n’énonce pas la vérité mais la sculpte ; qui brille par la gravité dans les édits et les sentences ; qui, dans l’Eglise latine, jouit de l’usage liturgique ; qui enfin, pour l’Eglise catholique, est un lien d’un grand prix ? Qu’il n’y ait aucun prêtre qui ne sache la lire facilement et aisément ! Plaise à Dieu, en outre, que se lèvent parmi vous en grand nombre des hommes de qualité, capables de l’écrire d’une manière sobre et élégante ! Car la langue latine, qui — comme la langue grecque — reçut en dépôt tant d’écrits ecclésiastiques dès les premiers temps du christianisme, est un trésor incomparable. Et le ministre sacré qui l’ignore ne peut que passer pour être affligé d’un manque de culture intellectuelle lamentable.
Enfin, Nous louons votre plan de régler vos études de philosophie et de théologie en prenant pour jalonner sûrement votre route, les directives de notre récente Encyclique Humani Generis (3).
1.
AAS 43 (1951), p. 734-738. Trad. du latin dans OR. (Ed. française) du 2 octobre
1951.
2.
Le Saint Père a récemment donné comme une vivante illustration de cette page
dans le tableau qu’il traçait de saint Paulin de Noie à l’occasion du 16e centenaire
de sa naissance. Cf. Lettre du 5 novembre 1953 à l’Archevêque de Bordeaux. (AAS
45 (1953), p. 784. Trad. du latin dans OR. (Ed. française) du 11 décembre 1953.
3.
Cf. ci-dessus, n° 322 a.
EXTRAITS
Le Pape eut souvent l’occasion
de parler de l’Action Catholique en s’adressant à des groupes restreints de
militants. Mais, pour la première fois, il se trouve en présence d’un Congrès
auquel participent toutes les branches de l’apostolat et environ 70 nations.
Aussi, aime-t-il profiter de cette circonstance pour préciser la place et le
rôle de l’apostolat laïque à la lumière du passé et en tirer des consignes
d’avenir. Trois considérations principales : 1° Où commence l’apostolat
proprement dit des laïques ; 2° le clergé et les laïques ; 3° cet apostolat
s’est exercé et doit s’exercer dans tous les domaines de la vie humaine. Le
deuxième de ces trois points est ici donné intégralement (1).
L'Eglise a, vis-à-vis de tous, une triple mission à remplit : hausser les croyants fervents au niveau des exigences du temps présent ; introduire ceux qui s’attardent sur le seuil dans la chaude et salutaire intimité du foyer ; ramener ceux qui se sont éloignés de la religion, et qu’elle ne peut pourtant pas abandonner à leur misérable sort. Belle tâche pour l’Eglise, mais rendue bien difficile du fait que si, dans son ensemble, elle s’est fort accrue, son clergé toutefois n’a pas augmenté en proportion. Or, le clergé a besoin de se réserver avant tout pour l’exercice de son ministère proprement sacerdotal, où personne ne peut le suppléer.
Un appoint, fourni par des laïques à l’apostolat, est donc d’une nécessité indispensable (2). Qu’il soit d’une précieuse valeur, l’expérience de la fraternité d’armes ou de captivité, ou d’autres épreuves de la guerre, est là pour en témoigner. Elle atteste, surtout en matière de religion, l’influence profonde et efficace des compagnons de profession, de condition de vie. Ces facteurs et bien d’autres, dus aux circonstances de lieux et de personnes, ont fait ouvrir plus larges les portes à la collaboration des laïques dans l’apostolat de l’Église (3).
… 2. — Il va de soi que l’apostolat des laïques est subordonné à la hiérarchie ecclésiastique ; celle-ci est d’institution divine ; il ne peut donc être indépendant vis-à-vis d’elle. Penser autrement serait saper par la base le mur sur lequel le Christ Lui-même a bâti son Église (4).
Cela posé, il serait encore erroné de croire que, dans le ressort du diocèse, la structure traditionnelle de I’Eglise ou sa forme actuelle placent essentiellement l’apostolat des laïques en une ligne parallèle à l’apostolat hiérarchique, de sorte que l’évêque même ne puisse soumettre au curé l’apostolat paroissial des laïques. Il le peut, et il peut poser en règle que les oeuvres de l’apostolat des laïques destinées à la paroisse même soient sous l’autorité du curé. L’évêque a constitué celui-ci pasteur de toute la paroisse, et il est, comme tel, responsable du salut de toutes ses ouailles (5).
Qu’il puisse y avoir, d’autre part, des oeuvres d’apostolat des laïques extraparoissiales et même extradiocésaines — Nous dirions plus volontiers supraparoissiales et supradiocésaines —selon que le bien commun de l’Église le demande, c’est également vrai et il n’est pas nécessaire de le répéter (6).
Dans Notre Allocution du 3 mai dernier à l’Action Catholique italienne, Nous avons laissé entendre que la dépendance de l’apostolat des laïques à l’égard de la hiérarchie admet des degrés (7). Cette dépendance est la plus étroite pour l’Action Catholique ; celle-ci représente en effet l’apostolat des laïques officiel ; elle est un instrument entre les mains de la hiérarchie, elle doit être comme le prolongement de son bras ; elle est de ce fait soumise par nature à la direction du supérieur ecclésiastique. D’autres oeuvres d’apostolat des laïques, organisées ou non, peuvent être laissées davantage à leur libre initiative, avec la latitude que demanderaient les buts à atteindre. Il va de soi que, en tout cas, l’initiative des laïques, dans l’exercice de l’apostolat, doit se tenir toujours dans les limites de l’orthodoxie et ne pas s’opposer aux légitimes prescriptions des autorités ecclésiastiques compétentes.
Quand Nous comparons l’apôtre laïque, ou plus exactement le fidèle d’Action Catholique, à un instrument aux mains de la hiérarchie, selon l’expression devenue courante, Nous entendons la comparaison en ce sens que les supérieurs ecclésiastiques usent de lui à la manière dont le Créateur et Seigneur use des créatures raisonnables comme instruments, comme causes secondes, avec une douceur pleine d’égards (8). Qu’ils en usent donc, avec la conscience de leur grave responsabilité, les encourageant, leur suggérant des initiatives et accueillant de bon cœur celles qui seraient proposées par eux, et, selon l’opportunité, les approuvant avec largeur de vue. Dans les batailles décisives, c’est parfois du front que partent les plus heureuses initiatives. L’histoire de l’Eglise en offre d’assez nombreux exemples.
D’une manière générale, dans le travail apostolique, il est à désirer que la plus cordiale entente règne entre prêtres et laïques. L’apostolat des uns n’est pas une concurrence à celui des autres. Même, à vrai dire, l’expression « émancipation des laïques », entendue çà et là, ne Nous plaît guère. Elle rend un son un peu déplaisant ; elle est, d’ailleurs, historiquement inexacte. Etaient-ils donc des enfants, des mineurs, et avaient-ils besoin d’attendre leur émancipation, ces grands condottieri, auxquels Nous faisions allusion en parlant du mouvement catholique des cent cinquante dernières années ? Du reste, dans le royaume de la grâce, tous sont regardés comme adultes. Et c’est cela qui compte.
L’appel au concours des laïques n’est pas dû à la défaillance ou à l’échec du clergé en face de sa tâche présente. Qu’il y ait des défaillances individuelles, c’est l’inévitable misère de la nature humaine, et l’on en rencontre de part et d’autre. Mais, à parler en général, le prêtre a d’aussi bons yeux que le laïque pour discerner les signes du temps, et il n’a pas l’oreille moins sensible à l’auscultation du cœur humain. Le laïque est appelé à l’apostolat comme collaborateur du prêtre, souvent collaborateur très précieux, et même nécessaire à raison de la pénurie du clergé, trop peu nombreux, disions-Nous, pour être en mesure de satisfaire, lui seul, à sa mission..
1.
AAS 43 (1951), p. 784-792. Texte original français.
2.
Cette affirmation se retrouve constamment sous la plume du Souverain Pontife.
Cf. notamment Encyclique Summi Pontificatus, du 20 octobre 1939. (AAS 31
(1939), p. 502), et Exhortation Apostolique à l’épiscopat d’Italie, du 25
janvier 1950 (AAS 42 (1950), p. 248).
3.
Cf. Encyclique Summi Pontificatus (loc. cit.) : « Ce labeur
apostolique, accompli selon l’esprit de l’Eglise, consacre pour ainsi dire le
laïque et en fait un ministre du Christ, dans le sens que saint Augustin
explique en ces termes : « Quand vous entendez, mes frères, le Christ
dire Là où Je suis, là aussi sera mon ministre, gardez-vous de penser seulement
aux diligents évêques et clercs. Vous aussi, à votre manière, soyez les
ministres du Christ en vivant dignement, en faisant l’aumône, en prêchant son
Nom et sa doctrine à ceux à qui vous le pouvez ». (S. Augustin, Tractatus
in Joannis evangelium, 51, 13. Migne, PL. 35, 1768).
4.
Cf. Lettre du 30 janvier 1948 à l’épiscopat des Indes sur l’Action
Catholique : « Dans la mesure où cette action est une collaboration
directe du laïcat au travail spirituel et pastoral de l’Eglise, il est clair
qu’elle doit être subordonnée à l’autorité des évêques... Dans ses aspects
sociaux également ; là où cette action peut exercer une influence sur la
société civile, la participation du laïcat au travail apostolique de l’Eglise
doit de même être guidée et dirigée par la hiérarchie qui, pour les catholiques,
est l’autorité compétente pour juger les répercussions morales des problèmes
soulevés dans l’ordre économique et social ». (AAS 40 (1948), p. 329.
Texte anglais).
5.
Le Pape renouvelle ici, presque dans les mêmes termes, l’avertissement qu’il donnait
à l’Action Catholique italienne dans son Allocution du 3 mai 1951 (2°
partie) : « Ce serait une erreur de voir dans l’Action Catholique —
comme certains l’ont affirmé récemment — quelque chose d’essentiellement neuf,
un changement dans la structure de l’Église, un nouvel apostolat des laïques
qui serait à côté de celui des prêtres et non subordonné à celui-ci. Il y a
toujours eu dans l’Église une collaboration des laïques à l’apostolat
hiérarchique, en subordination à l’évêque et à celui à qui l’évêque a confié le
soin des âmes sous son autorité. L’Action Catholique a seulement voulu donner à
cette collaboration une nouvelle forme et organisation accidentelle pour rendre
son exercice meilleur et plus efficace ». (AAS 43 (1951), p. 376. Cf. DC 48
(1952), C. 577-581).
6.
« Il faut également reconnaître que, malgré toute l’importance des valeurs
et des énergies fondamentales et irremplaçables de la paroisse, la complexité
rapidement croissante, technique et spirituelle, de la vie moderne, peut exiger
d’urgence une extension plus large de l’Action Catholique. Mais celle-ci
demeure toujours un apostolat des laïques soumis à l’évêque ou à ses
délégués ». (Ibid., p. 377).
7.
Cf. 6° partie de l’Allocution : « L’Action Catholique n’a pas, par sa
nature même, la mission d’être à la tête des autres associations et d’exercer
sur celles-ci une charge de tutelle, quasi d’autorité. Le fait qu’elle est
elle-même placée sous la direction immédiate de la hiérarchie ecclésiastique ne
comporte pas une telle conséquence. En fait, c’est la fin propre de chaque
organisation qui détermine la forme de sa direction. Et il peut bien se trouver
que cette fin ne requiert pas, et même ne rend pas opportune, une telle
direction immédiate. Ces organisations ne cessent pas pour cela d’être
catholiques et unies à la hiérarchie ». (Ibid. p. 378).
8. Sagesse, 12, 18.
EXTRAITS
Cette Exhortation au clergé et
au peuple de Rome constitue l’un des plus solennels cris d’alarme du Souverain
Pontife devant l’immoralité et l’irréligion croissantes (1). S’adressant
aux Romains, le Pape souhaite explicitement que sa parole ait le plus large
écho dans le monde catholique ; il n’est pas douteux qu’un si vibrant appel —
qui n’a rien perdu hélas ! de son actualité — ne retentisse très profondément
dans le cœur de tout prêtre, de tout apôtre de Jésus-Christ.
Il est temps, chers fils ! Il est temps d’accomplir les autres pas décisifs (2) ! Il est temps de secouer la funeste léthargie ! Il est temps que tous les bons, tous les hommes soucieux des destinées du monde, se reconnaissent et serrent leurs rangs ! Il est temps de répéter avec l’Apôtre : Hora est jam nos de somno surgere. — C’est l’heure de nous réveiller du sommeil, car voici que s’approche notre salut (3) !
C’est tout un monde qu’il faut refaire depuis les fondations ; de sauvage, il faut le rendre humain, d’humain le rendre divin, c’est-à-dire selon le Cœur de Dieu. Des millions d’hommes, réclamant une orientation nouvelle, tournent leurs regards vers l’Église du Christ comme vers l’unique et habile pilote qui pourra diriger une telle entreprise dans le respect de la liberté humaine ; ils implorent sa direction non seulement par des paroles non équivoques, mais plus encore par les larmes qu’ils ont déjà versées, par les blessures dont ils souffrent toujours, montrant du doigt les gigantesques cimetières dont la haine organisée et armée a recouvert les continents.
Comment pourrions-Nous, Nous que malgré Notre indignité Dieu a constitué flambeau dans les ténèbres, sel de la terre, Pasteur du troupeau chrétien, comment pourrions-Nous refuser cette mission salvatrice ? De même qu’en un jour déjà lointain Nous acceptâmes, parce qu’il plaisait à Dieu, la lourde croix du Pontificat, de même aujourd’hui assumons-Nous la tâche ardue d’être, autant que Nous le permettent Nos faibles forces, le héraut d’un monde meilleur voulu de Dieu (4).
Ce que les peuples chrétiens attendent surtout, c’est l’action !
Ce n’est pas le moment de discuter, de chercher de nouveaux principes, d’assigner de nouveaux buts et objectifs. Les uns et les autres sont déjà connus et assurés dans leur substance, parce qu’enseignés par le Christ Lui-même, mis en lumière par l’élaboration séculaire de l’Église, adaptés aux circonstances immédiates par les derniers Souverains Pontifes ; ils n’attendent qu’une chose leur réalisation concrète (5).
A quoi servirait-il de scruter les voies de Dieu et de l’esprit, pratique on choisit les voies de la perdition et qu’on s’abandonne à l’aiguillon de la chair ? Quel profit de savoir et de dire que Dieu est Père et que les hommes sont frères, si l’on craint toute intervention de sa part dans la vie privée et publique ? A quoi bon discuter de la justice, de la charité, de la paix, si déjà la volonté est résolue à fuir l’immolation, le sœur déterminé à s’enfermer dans une solitude glaciale, si personne n’ose prendre l’initiative de briser les barrières de la haine qui divise, pour courir au-devant d’une sincère entente ? Tout cela ne ferait que rendre plus coupable les fils de lumière, auxquels il sera moins pardonné, s’ils ont moins aimé. Ce n’est pas avec cette inconséquence et cette inertie que l’Église changea à ses débuts la face du monde, qu’elle s’étendit rapidement et continua à travers les siècles son oeuvre bienfaisante qui lui valut l’admiration et la confiance des peuples.
Qu’il soit bien clair, chers fils, qu’à la racine des maux actuels et de leurs funestes conséquences, il n’y a pas, comme avant la venue du Christ ou dans les régions encore païennes, l’invincible ignorance des destinées éternelles de l’homme et des voies maîtresses pour les atteindre, mais bien la léthargie de l’esprit, l’anémie de la volonté, la froideur des cœurs. Les hommes atteints de cette contagion tentent, pour se justifier, de s’entourer des antiques ténèbres, et cherchent un alibi dans de nouvelles et anciennes erreurs. C’est donc sur leurs volontés qu’il faut agir.
Nous souhaitons volontiers que le puissant réveil auquel Nous vous exhortons aujourd’hui... soit promptement imité par les diocèses proches et lointains, afin que Nos yeux puissent voir revenir au Christ, non seulement les villes, mais les nations, les continents, l’humanité entière.
Mettez donc la main à la charrue laissez-vous inspirer par Dieu qui le veut, attirer par la noblesse de l’entreprise, stimuler par son urgence; que la crainte fondée du redoutable avenir qui résulterait d’une coupable inertie triomphe de toute hésitation et confirme toute volonté (6).
1.
AAS 44 (1952), p. 158-162. Trad. de l’italien par l’Office de Presse du Vatican.
Cf. DC 49 (1952), C. 193-198.
2.
L’Année Sainte fut un premier pas vers la restauration de l’esprit évangélique,
vient de déclarer le Saint Père.
3.
Romains, 13, 2.
4.
« En ces temps de si grande inquiétude et si décisifs pour le salut des
individus, pour l’ordre au sein des nations et pour la paix entre les peuples,
l’Eglise a sonné et continue de sonner le rassemblement de tous les hommes de
bonne volonté, afin qu’ils se considèrent comme mobilisés pour la lutte contre
un monde si inhumain parce que si antichrétien. Nous-même, Nous ne cessons de
répéter qu’après l’écroulement de certaines anciennes structures, il faut
entreprendre l’œuvre de la reconstruction d’un monde qui, sous de nombreux
aspects, soit différent et meilleur... L’heure présente est vraiment l’heure de
l’Evangile, maintenant qu’ont failli ou que vont faillir des systèmes ou des
doctrines qui avaient voulu se passer de Dieu ». (Allocution aux aumôniers
diocésains de la jeunesse italienne d’Action Catholique, du 9 septembre 1953.
AAS 45 (1953), p. 607-611. Trad. de l’italien dans DC 50 (1953), C. 1227-1230).
5.
Saint Pie X déclarait lui-même dans sa première Encyclique : « Il
importe peu en vérité d’agiter avec subtilité de multiples problèmes et de
disserter avec éloquence sur droits et devoirs, si tout cela n’aboutit pas à
l’action. L’action, voilà ce que réclament les temps présents ; mais une action
qui se porte sans réserve à l’observation intégrale et scrupuleuse des lois
divines et des prescriptions de l’Eglise, à la profession ouverte et hardie de
la religion, à l’exercice de la charité sous toutes ses formes, sans nul retour
sur soi ni sur ses avantages terrestres ». (Encyclique E Supremi
Apostolatus, du 4 octobre 1903. AAS 36, p. 138. Trad. du latin dans Actes
Pie X, BP., T. 1, p. 45).
6. A cette puissante Exhortation, fait écho, deux mois plus tard, l’Allocution Pascale du Souverain Pontife, le 13 avril 1952. L’accent est le même : « Nous aimerions que surgissent d’immenses phalanges d’apôtres, semblables à celles que connut l’Eglise à son aube. Que les prêtres parlent en chaire, dans les rues et sur les places, partout où il y a une âme à sauver ; et, à côté des prêtres, que parlent les laïques qui ont appris à pénétrer par la parole et par l’amour les esprits et les cœurs. Oui, pénétrez, porteurs de la vie, en tous lieux, dans les usines, dans les champs, partout où le Christ a le droit d’entrer. Offrez-vous, reconnaissez-vous entre vous, dans les divers centres du travail, dans les mêmes maisons, tous unis étroitement en une seule pensée et en une seule aspiration. Et puis, ouvrez largement les bras pour accueillir tous ceux qui viendront à vous, désireux d’une parole de réconfort et d’encouragement dans cette atmosphère de ténèbres et de malaise. Contre les professionnels du péché, mettez-vous à l’œuvre, vous les constructeurs de la maison de Dieu ! » (AAS 44 (1952), p., 370. Trad. de l’italien dans OR (Ed. française) du 18 avril 1952).
Dans une lettre au clergé de son diocèse, en date du 3 septembre 1952, S. Exc. Mgr Charue, évêque de Namur, lui communiquait en ces termes la présente Note : « Tout ce qui touche à la vocation sacerdotale s’impose à la vigilance des évêques. Aussi considérons-nous comme notre devoir pastoral d’inviter tout le clergé du diocèse à lire attentivement le document pontifical que nous publions ici et à y conformer strictement l’enseignement. Par une lettre du 13 juillet 1952, la S. Congrégation des Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires nous a transmis, par intermédiaire de la Nonciature Apostolique de Bruxelles, une Note détaillée de Sa Sainteté, en réponse à des demandes d’éclaircissements qui avaient été faites, de divers côtés, au Saint-Siège (2) ».
I. — Lorsqu’on dit qu’un prêtre qui veut tendre à la perfection doit se faire religieux ou tout au moins devenir membre d’un institut séculier ; et si, à un jeune homme qui hésite entre le sacerdoce séculier et l’entrée en religion, on répond que c’est une question de générosité ; lorsqu’on assure que celui qui se décide pour le clergé séculier prouve qu’il n’est pas assez généreux pour se donner entièrement au service de Dieu ; si, à un jeune homme qui hésite de la sorte, on pense ne pas pouvoir conseiller d’entrer au séminaire plutôt qu’en religion ; si certains vont jusqu’à dire que l’Eglise « tolère » le clergé séculier comme un pis-aller, mais que l’idéal serait que tous les prêtres soient religieux : — c’est là une fausse intelligence et une application erronée de l’Allocution du Saint Père du 8 décembre 1950. Les évêques font usage de leur droit, s’ils s’opposent à une propagande de recrutement de sociétés religieuses, qui ait des fondements théoriques inexacts et susceptibles d’induire en erreur, qui dans la pratique soit pour le moins peu loyale, et s’ils lui tracent par décision administrative de justes et fermes limites.
II. — La susdite Allocution du Saint Père avait
avant tout pour but de clarifier et mettre au point trois questions :
a) Quelle place occupe le clergé
régulier (clerus religiosus) par rapport au clergé séculier (clerus sæcularis)
dans la constitution donnée par le Christ à son Église (p. 27-29) (3) ? La
réponse était : ... ordine a Christo statuto ob oculos habito, neutra
peculiaris gemini cleri forma divini juris prærogativam tend, cum idem jus
neque alteri alteram præponat ne que alterutram emoveat (p. 28).
b) Quelle est la relation du
« clerc » et du « religieux » à l’égard de l’état « de
perfection » en tant qu’état des conseils évangéliques (p. 29) ? Il était
répondu : Clericus... non vi divini juris evangelicis consiliis
paupertatis, castitatis, obedientiæ devincitur; ac præsertim non eodem modo
devincitur eademque ratione, qua ex votis publice nuncupatis in religioso statu
capessendo hujusmodi obligatio exoritur. Id autem non prohibet, quominus
pnivatim suaque sponte clericus hæc vincula suscipiat... Clericus vero
regularis, non prout est clericus, sed prout est religiosus, evangelicæ
perfectionis conditionem et statumprofitetur (p. 29). Pour le reste, il
était expressément affirmé que même les « Instituta sæcularia »
réalisent l’essence de « l’état de perfection », propterea quod
eorum sodales evangelicis consiliis observandis aliquo modo adstringuntur
(p. 29). Si des « clercs » se réunissent en un tel « Institutum
sæculare », tum ipsi quoque sunt in statu perfectionis adquirendæ,
non utpote clerici sed utpote Sæcularis Instituti gregales (p. 30).
c) Quels sont les motifs objectifs
d’embrasser l’état religieux (p. 30) ? Ce qui, dans l’Allocution pontificale,
est dit de l’état religieux, pris en soi, en tant qu’état de perfection, ne
doit pas, comme il arrive à certaines sociétés religieuses en leur manière de
recruter, dont on se plaint, être identifié avec la vocation de l’individu à la
perfection personnelle, que ce soit dans « l’état de perfection » ou
hors de lui. Les trois éclaircissements ci-dessus ne concernent point.
immédiatement la personne individuelle, mais l’état, sa situation de droit et
sa nature intime. Ils ne touchent donc point la vocation de l’individu a un
état déterminé dans l’Église ; ni la vocation de l’individu à la perfection
personnelle dans son état ; ni la perfection atteinte de fait par l’individu
dans son état ou sa vocation,
Ce n’est donc pas la perfection personnelle de
l’individu qui est en discussion. Celle-ci se mesure au degré d’amour, de
« charité théologique », qui s’est réalisé en lui. Le critère de
l’intensité et de la pureté de l’amour est, selon les paroles du Maître, l’accomplissement
de la volonté de Dieu. L’individu est ainsi personnellement devant Dieu
d’autant plus parfait qu’il remplit plus parfaitement la volonté divine. En
cela, peu importe l’état où il vit, qu’il soit laïque ou ecclésiastique, et,
pour le prêtre, qu’il soit séculier ou régulier.
Il s’en suit qu’il ne serait pas juste de dire
que le prêtre séculier, en ce qui regarde sa sainteté personnelle soit moins
appelé à la perfection que le prêtre régulier ; ou bien, que la décision d’un
jeune homme à la vocation sacerdotale séculière soit détermination à une
moindre perfection personnelle que s’il avait choisi le sacerdoce dans l’état
religieux. Il peut se faire qu’il en soit ainsi ; il peut se faire également
que le choix par tel ou tel d’un état autre que celui de perfection vienne d’un
plus grand amour de Dieu et d’un plus haut esprit de sacrifice, que le choix de
tel autre pour l’état religieux.
En ce qui regarde le prêtre, et de même le
candidat au sacerdoce, il n’est ainsi pas difficile d’apercevoir qu’à raison de
la dignité et des devoirs de la fonction sacerdotale, il est lui aussi appelé
de façon toute particulière à la perfection personnelle. Cela vaut même là où
celui qui est revêtu de la perfection sacerdotale vit légitimement dans
1’« état de mariage », comme c’est le cas dans les Rites Orientaux.
En conclusion, il faut donc dire : la vocation
de l’individu à la sainteté ou à la perfection personnelle, l’adoption et
l’exercice permanent de celle-ci ne peuvent être confondus avec la question de
« l’état de perfection » au sens juridique du terme. L’état de
perfection se nomme ainsi et est tel, parce que, au moyen des trois conseils
évangéliques, il écarte les obstacles principaux à l’effort vers la sainteté
personnelle, ou, pour parler plus exactement, est, de par sa nature, propre à
les tenir écartés. Mais, que cet état réalise dans la vie du religieux
individuel ses virtualités, qu’il conduise effectivement à la sainteté, n’est
point donné par le fait même d’embrasser l’état de perfection ; cela dépend de
l’effort du sujet, de la mesure dans laquelle, coopérant à la grâce divine, il
actue les conseils évangéliques dans sa vie.
1. Cf. ci-dessus n. 474 a.
Allocution Annus Sacer, du 8 décembre 1950, au Congrès International des
Religieux.
2. Note sur le Discours aux
Religieux, publiée par Mgr l’évêque de Namur (Mgr Charue). Mandements,
1952, T. 2, p. 121-123.
3. Allocution Annus Sacer
(AAS 43 , p. 26-36).
EXTRAITS
A l’occasion du vingtième anniversaire de la fondation de la paroisse Saint-Saba, le clergé et les fidèles furent reçus par le Saint Père qui, après les avoir félicités du bon travail accompli, leur traça un saisissant tableau de ce que doit être une paroisse vivante. Les prêtres adonnés au ministère paroissial liront avec intérêt cette allocution (1).
Voulez-vous rivaliser dans un esprit de fraternelle émulation avec les autres paroisses de la Ville ? Alors, il est nécessaire que, prêtres et militants laïques, avec tous les fidèles, vous formiez ensemble une communauté efficiente et agissante, afin que Jésus soit la vie de toutes les âmes.
Soyez avant tout une communauté efficiente.
A Jérusalem, sous le regard de Marie, se réunit au Cénacle la communauté chrétienne, l’Eglise, commencée avec la prédication du Seigneur, consommée au gibet de la Croix et manifestée dans son unité et son universalité le jour de la Pentecôte. Elle demeurera le modèle, le prototype de toute communauté chrétienne, même de la paroisse. Celle-ci également est une famille dont les membres vivent et agissent en une fraternelle communion. Il convient donc d’éloigner d’elle, autant que possible, les excès de l’esprit individualiste, et de mettre en évidence combien faible est l’utilité d’apports séparés, sans l’aide réciproque et la collaboration mutuelle.
Il sera par conséquent nécessaire d’arriver à l’union effective de toutes les forces militantes. Nous avons dit, une autre fois, que l’unicité, du fait qu’elle détruit la variété, serait, avant tout, une erreur stratégique dans l’alignement du front catholique. Nul doute que doive être grand le respect pour les diverses Associations approuvées et bénies par l’Eglise, tout au moins tant qu’elles se maintiennent vivantes et vitales. Mais une grande variété abandonnée à elle-même, sans qu’elle retrouve pour ainsi dire l’unité au sommet, aurait des effets nuisibles dans la conduite de la lutte pacifique pour la conquête du monde au Christ.
Il y a en outre à créer et à entretenir un climat de véritable fraternité parmi les fidèles. Les cœurs des premiers chrétiens étaient si puissamment mus par la grâce de Dieu et par l’impulsion du Saint-Esprit, que les plus fortunés vendaient volontiers leurs biens pour secourir les autres, de sorte qu’il n’y avait parmi eux aucun nécessiteux (2). Récemment, dans Notre Message de Noël, Nous avons exhorté tout le monde à regarder autour de soi pour voir combien de frères ont faim et ne peuvent attendre que se mette en mouvement la lente machine des organisations charitables (3). Quel splendide spectacle donneraient les fidèles à un monde égoïste et sans cœur, si tous s’efforçaient de ne considérer aucun membre de la paroisse comme une sorte d’étranger ; si les peines et les joies de chacun étaient les peines et les joies de tous ; si l’on essayait de corriger cette criante inégalité des biens si contraire au sentiment chrétien (4).
Dans l’esprit de cette union commune, vous devez travailler inlassablement, afin que Jésus soit connu, aimé et servi par tous. N’oubliez pas que c’est là la fin de toute la vie paroissiale. Le reste est estimé en tant qu’il sert, et dans la mesure où il sert, la réalisation du but que l’Église veut obtenir. Le terrain de sport, le théâtre, le cinéma paroissial, l’école même, s’il y en a une — institutions toutes des plus utiles et souvent nécessaires — ne sont pas le centre de la paroisse. Le centre, c’est l’église, et dans l’église, le tabernacle et, à côté, le confessionnal où les âmes mortes retrouvent la vie et les malades la santé.
En conséquence, rien ne va proprement au but — que représentent les âmes à sauver et à sanctifier — s’il ne passe par ce centre idéal l’église, le tabernacle. Le sport que Nous avons Nous-même recommandé souvent dans ses justes limites, est louable ; le divertissement honnête, dans ses formes variées, est même nécessaire. Mais tout doit être mû par une force centrifuge, pour ainsi dire, et ramené par une force centripète : et le centre s’appelle « vie des âmes », s’appelle Jésus (5).
Pour agir de manière réaliste et organique, il faut apprendre à reconnaître les vrais fidèles dans la paroisse. Ceux-ci ne se comptent pas précisément au cinéma paroissial, dans les cortèges et dans les processions ; pas même non plus, pour être exact, à la seule messe du dimanche. Les vrais fidèles, les vivants, se voient au pied de l’autel, quand le prêtre distribue le Pain vivant descendu du ciel.
Nous voudrions, chers fils et filles, que naisse chez vous tous et croisse chaque jour davantage comme une sainte impatience pour trouver les moyens susceptibles de ramener la lumière là où sont les ténèbres, et de rendre la vie à ceux qui sont morts. Commencez par faire en sorte que « respirent » de nouveau les âmes frappées d’asphyxie parce qu’elles ne prient jamais et d’aucune manière. Faites que de tous les cœurs monte aux lèvres, et des lèvres au ciel, une invocation, même brève, mais répétée tous les jours : c’est là un objectif assez simple, qui mérite que soient mobilisées pour lui toutes les forces du bien. L’enfant le demandera à sa maman, à son papa ; la jeune fille réussira peut-être à convaincre son fiancé, la sœur l’obtiendra de son frère. Une paroisse dans laquelle on pense tous les jours à invoquer le Seigneur ne tardera pas à constater que la vie se réveille en elle.
Il sera d’autant plus facile d’obtenir cette renaissance si, avec la « respiration », se fait plus fréquente la « nutrition » des âmes. Plus d’un néglige d’observer même le précepte de l’Église qui prescrit la communion au moins une fois l’an ; il y en a, spécialement parmi les hommes, qui se contentent d’une nutrition annuelle, à peine suffisante pour se maintenir en vie. Voici donc un autre objectif à atteindre, en unissant toutes les bonnes volontés disponibles : qu’un grand nombre d’âmes s’approchent avec une plus grande fréquence de la Table eucharistique.
Chers fils et chères filles, Nous désirons vous indiquer en tant que communauté agissante un dernier but vous devez chercher à résoudre, de la meilleure manière également, le problème des militants catholiques, âmes de choix, se consacrant à la collaboration dans l’apostolat de la hiérarchie. C’est, avant tout, un problème de nombre... C’est, en second lieu, un problème de qualité.
1.
OR. du 21 janvier 1953. Trad. de l’italien dans OR. (Ed. française) du 30
janvier 1953.
2.
Actes, 4, 32-35.
3.
Cf. AAS 45 (1953), p. 46. Trad. de l’italien par l’Office de Presse du Vatican.
4.
La même idée est reprise par le Pape dans une Allocution à une paroisse de
l’Ombrie, du 4 juin 5953 (OR. des 5-6 juin 1953).
5.
On peut consulter sur ce même sujet le Discours du 8 mars 1952, aux Curés et
Prédicateurs de Carême de la ville de Rome. (AAS 44 (1952), p. 221-225. Trad.
de l’italien dans DC 49 (1952), c. 385-390).
EXTRAITS
Le Pape indique lui-même le thème de son discours : L’Eglise est un bercail qui a un Pasteur suprême invisible, le Christ. Celui-ci voulut cependant que tienne sa place sur la terre un Pasteur visible, le Pape. Aussi s’adresse-t-il aux curés de Rome pour dire à son tour à chacun d’eux : Tu es pastor ovium : La paroisse que Jésus vous a confiée par Notre intermédiaire est, elle aussi, un bercail, et vous en êtes le pasteur (1).
L’œuvre du pasteur, donc l’œuvre de chacun de vous, doit être premièrement de défense contre les voleurs. Chaque bercail est épié par des voleurs et des malfaiteurs, qui rêvent d’en faire le champ de leurs exploits. Quand ils s’approchent du bercail et y pénètrent furtivement, ils n’ont qu’un but voler et faire carnage : Le voleur ne vient que pour dérober, égorger et détruire (2).
Vous devez donc, et avant tout, vous appliquer à identifier et reconnaître les voleurs, en prenant garde de ne pas vous laisser guider par un certain esprit simpliste, qui vous ferait tourner votre attention, vos précautions, vers un seul côté. Comme dans le grand monde de l’Eglise universelle, de même dans le petit monde de la paroisse, 1’« ennemi » semble n’être qu’un, mais il est multiple. Nous en avons donné l’avertissement — si vous vous le rappelez — devant l’immense multitude des hommes d’Action Catholique, au cours de la radieuse journée du 12 octobre dernier (3).
Il y a bien — et il serait impossible de ne pas s’en rendre compte — un ennemi qui tient tout le monde particulièrement dans l’angoisse ; il devient chaque jour plus menaçant ; il tend ses pièges et attaque par tous les moyens, sans exclure les coups ; mais cet ennemi est devenu de tous le plus facilement reconnaissable.
D’autres ennemis, ou — si vous préférez — le même ennemi sous diverses formes et apparences, devront être découverts. Ils s’approchent souvent, déguisés en agneaux, in vestimentis ovium (4). Il faudra donc vous employer à ce que les fidèles les reconnaissent par leurs œuvres ; c’est-à-dire par les plantes qui, à cause d’eux, naissent et croissent dans le champ de Dieu, comme aussi par les fruits qui mûrissent sur ces plantes : a fructibus eorum (5).
Dans ce but, il sera utile de montrer quel désarroi et quelles ténèbres on rencontre souvent là où tout n’était auparavant que splendeur de lumière ; de discerner la haine qui oppresse certains cœurs, autrefois débordants d’amour agissant; la discorde et la guerre qui font rage là où régnait la paix ; le trouble des passions qui bouleverse les âmes là où existait la candeur de la pureté. L’ennemi décourage les jeunes, en éteignant chez eux la flamme des idéaux suprêmes ; il prive les enfants de l’innocence, les réduisant en petits forcenés révoltés contre Dieu et contre les hommes. Et quand vous verrez les pauvres privés de leurs espérances les plus hautes, les plus réconfortantes, et certains riches enfermés en un égoïsme obstiné ; quand vous demeurerez attristés devant des foyers où les époux gémissent dans le froid, parce que s’est éteint le feu de l’amour, vous direz voilà, le voleur est venu ; voilà, l’ennemi est venu, et il est venu ut furetur et mactet et perdat, pour voler et apporter le désordre et la mort.
Contre cet ennemi multiforme, il faudra réagir avec le zèle du père qui défend ses enfants, et avec l’empressement qu’impose un devoir si urgent et si redoutable.
Aujourd’hui, les conditions de vie du clergé peuvent difficilement être un motif d’attirance humaine, comme elles l’étaient peut-être en d’autres temps. Dans un monde pris plus que jamais dans les filets de l’intérêt, agité par la frénésie du plaisir, et tourmenté par la soif de domination, le sacerdoce est et apparaît comme quelque chose de rarement désirable pour ceux qui voudraient demeurer dans le monde en appartenant au monde. Vous, cher fils, vous vous efforcez de donner un splendide exemple de détachement à l’égard de tout ce qui pourrait vous donner l’apparence d’« employés » qui, dans le travail, ne chercheraient rien d’autre qu’un salaire — juste d’ailleurs — servant à leur procurer l’entretien nécessaire.
Sans aucun doute, selon la doctrine de l’apôtre Paul (6) et du divin Sauveur Lui-même (7) celui qui sert à l’autel a droit de vivre de l’autel ; mais Nous ne vous rappellerons jamais assez l’engagement sacré que vous avez pris un jour devant Dieu et l’Eglise, quand l’évêque vous confia une partie de son troupeau. Aucun de vous n’est le mercenaire, qui s’enfuit devant le loup parce qu’il n’a aucun souci des brebis. Chacun de vous en revanche veut être, chacun de vous est en fait un vrai pasteur, un bon pasteur, qui ne réclame rien, qui au contraire est prêt à immoler sa propre vie pour ses brebis. Bonus pastor animam suam dat pro ovibus suis (8).
Que le Bon Pasteur soit, chers fils, votre éclatant modèle. Le bon pasteur, le bon curé doit connaître toutes les brebis, doit s’occuper de toutes, doit se prodiguer pour toutes, afin que ne leur manquent pas les pâturages verdoyants, herbae virentes (9).
Sa première pensée volera vers les brebis qui ne sont pas dans le bercail. Chers fils, n’oubliez pas que chacun de vous est curé et pasteur pour tous ceux qui demeurent sur le territoire de sa paroisse, et que, pour le bien de tous, il porte une terrible responsabilité (10). Il ne sera donc pas difficile de se rendre compte qu’il y a des brebis qui n’appartiennent pas à ce bercail — et alias oves habeo, qua non sunt ex hoc ovili (11) — pour conclure sans délai que celles-ci doivent être réunies : et illas oportet me adducere (12). C’est le problème, comme vous le voyez, des brebis qui ne sont jamais entrées dans le bercail ; le problème de celles qui s’en sont enfuies, abandonnant la source d’eau vive, pour chercher la vase et la fange dans les citernes crevassées : dereliquerunt fontem aquae vivae et foderunt sibi cisternas, cisternas dissipatas (13).
Brebis égarées, qui n’accepteraient même pas d’être recherchées ; d’autres, en revanche, qui seraient heureuses de rencontrer le regard affectueux qui les découvre et la main pitoyable qui les recueille et les relève ; d’autres, enfin, qui s’apprêtent déjà à revenir et, peut-être, craignent d’être mal accueillies.
Nous vous conjurons, chers fils, de demeurer dans un état de sainte et pour ainsi dire continuelle inquiétude pour les brebis encore lointaines, parce qu’elles n’eurent jamais la foi ou la perdirent.
Nous ne doutons pas que, été comme hiver, nuit et jour, lorsqu’elles viendront frapper à votre porte, elles la trouveront déjà ouverte ou prête à s’ouvrir.
Quant à celles qui ne viennent pas, allez les chercher ; et celles qui voudraient rester éloignées et hostiles, atteignez-les par l’apostolat de la prière et du sacrifice, qui ne connaît pas d’obstacles et qui est le plus efficace de tous.
D’autres brebis sont dans le bercail et n’entendent point s’en éloigner en se soustrayant à l’unité de la foi ou à l’unité du gouvernement : et cependant, en demeurant victimes du péché, qui s’oppose à l’unité dans la grâce, elles sont à juste titre appelées des membres morts du Corps Mystique du Christ, qui est l’Eglise. Le pasteur, le curé doit, avant tout, rechercher les moyens les plus propres à assurer leur résurrection.
Nous avons déjà dit, en une autre circonstance (14), que les vrais fidèles, les vivants, se comptent au pied de l’autel, au moment où le prêtre distribue le Pain de vie. il ne suffit pas de les voir nombreux au cinéma paroissial, ni même, en soi, à la seule messe dominicale. Mais, s’il était même possible de se baser sur l’assistance à cette messe pour compter les fidèles vivants, n’est-il pas vrai que le spectacle ainsi offert ne serait pas toujours consolant pour vos yeux de pasteurs ? Et les blasphèmes ? Et les péchés contre le sixième commandement commis par les jeunes et par ceux qu’unit le lien sacré du mariage ? Et les vols ? Et les faux témoignages ?
A ces morts, le bon pasteur doit rendre la vie. Le prêtre qui a charge d’âmes ne peut oublier que Jésus, Pasteur suprême et universel, a déclaré qu’Il était venu en ce monde afin que les brebis aient la vie : Veni ut vitam habeant (15).
Et quand il considère les brebis qui sont vivantes, le bon pasteur, le curé ne doit pas croire qu’il peut rester tranquille. Il est vrai que, dans des circonstances particulières, il faudra laisser les quatre-vingt-dix-neuf brebis en sécurité dans le bercail pour courir à la recherche de la brebis égarée. D’ordinaire cependant, il sera nécessaire de conserver la vie chez ceux qui la possèdent, en veillant à ce que personne ne manque de la nourriture spirituelle convenable.
Il faudra même ne pas se contenter de conserver ; il faudra également accroître la vie divine dans les âmes. Veni ut vitam habeant, et abundantius habeant (16), a proclamé le Rédempteur, entendant par là que ce devrait être aussi l’angoissante préoccupation des autres pasteurs préposés aux diverses portions de son troupeau dans le bercail de l’Eglise.
Il y a le problème très urgent des catholiques militants. Nous en avons déjà parlé aux fidèles de Saint-Saba (17), et Nous voulons renouveler Notre recommandation, et Notre espoir de les voir croître en nombre et en qualité. Il sera, par ailleurs, utile de songer que ces âmes généreuses suivront plus facilement le pasteur qui sait les précéder par son exemple. Le bon pasteur, quand il fait sortir ses brebis, marche devant elles, et ses brebis le suivent (18).
… Peut-être l’un ou l’autre d’entre vous ressentira-t-il le criant contraste entre l’admirable allégorie du bon Pasteur et la brutale réalité présente. Et par là, Nous voulons faire allusion non point tellement aux difficultés que l’on rencontre dans les grandes paroisses, avec leur nombre d’âmes écrasant, mais plutôt au tourment dans lequel vivent de nombreux curés en différentes régions : affaiblissement de l’esprit de foi ; efforts acharnés des adversaires pour exclure la religion de la vie publique ; puissantes organisations orientées dans la lutte contre Dieu, le Christ et l’Eglise.
Nous ne nions pas, chers fils, que la barque de l’Eglise avance sur une mer de tempête. Toutefois, plus les difficultés sont grandes, et plus nous devons conserver le calme intérieur et élever notre cœur vers Dieu. Nous vivons de foi (19). Mais la foi comporte un abandon sans condition à Dieu, indépendamment de tout calcul humain des possibilités d’un succès favorable. Au moment même où nous commencerions à diriger notre oeuvre suivant un tel calcul, nous nous écarterions du sens de la foi. Nous devons en outre ne pas oublier que la voie de l’Eglise est le chemin de la Croix ; et que suivre Jésus portant la Croix est le premier devoir du prêtre (20).
1.
AAS 45 (1953), p. 238-244. Trad. de l’italien dans OR. (Ed. française) du 3
avril 1953.
2.
Jean, 10, 10.
3.
AAS 44 (1952), p. 830.
4.
Matthieu, 7, 15.
5.
Ibid., 7, 16.
6.
Cf. 1 Corinthiens, 9, 13-14.
7.
Cf. Matthieu, 10, 10 ; Luc, 10, 7.
8.
Jean, 10, 2.
9.
Proverbes, 27, 25.
10.
Cf. CIC, can. 1350 § 1. « Les Ordinaires locaux et les curés doivent tenir
pour recommandés à eux dans le Seigneur les non-catholiques vivant dans leurs
diocèses et leurs paroisses ».
11.
Jean, 10, 16.
12.
Ibid.
13.
Jérémie, 2, 13.
14.
Discours à la paroisse de Saint-Saba. Cf. ci-dessus n° 537.
15.
Jean, 10, 10.
16.
Ibid.
17.
Cf. ci-dessus n° 545.
18.
Jean, 10, 4.
19.
Cf. Romains, 1, 17.
20.
Cf. Discours du 8 mars 1952. AAS 44 (1952), p. 225. Trad. de l’italien dans DC
49 (1952), c. 385-390).
EXTRAITS
Le centenaire du Séminaire français de Rome. ré tant de prêtres de France reçurent leur formation, offre an Saint Père l’occasion de dire sa gratitude pour œuvre accomplie, et de donner aux élèves et anciens élèves un mot d’ordre de vie sacerdotale (1)
La divine Providence, qui ne se trompe jamais
dans ses voies mystérieuses, avait préparé les cadres du futur Séminaire en
restaurant la Congrégation du Saint-Esprit par l’œuvre du Vénérable Serviteur
de Dieu François-Marie-Paul Libermann, dont vous fêtiez l’an dernier le
centenaire de la mort (2). Il n’a pas vu en effet se réaliser son
désir d’établir sa Congrégation à Rome ; mais un de ses fils les plus
éminents et les plus pénétrés de son esprit, Louis-Marie Barazer de Lannurien,
put mettre ce projet à exécution. L’aunée même de la fondation, en 1833, les
quinze premiers élèves reçus par le Saint Père s’entendaient dire :
« Si douze prêtres ont suffi pour convertir le monde, que ne feront pas
quinze prêtres pont leur pays ! ».
Aujourd’hui, cent ans plus tard, ce ne sont pas
quinze prêtres, mais plus de trois mille qui ont été formes à Santa-Chiara, et
Nous pouvons bien dire que la prédiction de Notre Prédécesseur s’est amplement
vérifiée : quelle influence profonde n’ont pas exercée dans les Instituts
catholiques et dans plus de quarante grands Séminaires les pléiades de
professeurs venus de votre illustre
Collège ! Que dire du zèle pastoral et de l’autorité doctrinale de tant
d’évêques, d’archevêques, et de plusieurs cardinaux ! S’ils avaient pu répondre
tous à votre invitation, cinquante-deux évêques vivants seraient ici pour dire
bien haut leur reconnaissance envers le Séminaire Pontifical Français de Rome.
Cette importance et ce rôle de Rome, vous y
croyiez et les sentiez avant même de venir dans la Ville Éternelle ; mais
vous les constatez de vos yeux maintenant, et les comprenez davantage chaque
jour, à mesure que vous vous pénétrez de sa doctrine, de son histoire et de son
esprit (3). Lorsque vous venez dans la Basilique Vaticane vénérer et prier
saint Pierre, lui demandant de bénir votre sacerdoce, vous trouvez dans la
majesté même de l’édifice, dans le décor et les œuvres d’art, dans les textes
fondamentaux qui ornent la grande frise dorée des nefs et de la coupole, un
véritable traité le Romano Pontifice. Les voix les plus éloquentes de la
Tradition vous invitent avec saint Cyprien à aimer toujours plus « cette
chaire de Pierre et cette église principale, d’où l’unité du sacerdoce tire son
origine (4) ».
Plus près du foyer, la lumière est plus intense
et plus pure. Près du gouvernement suprême de la sainte Église, la sagesse
séculaire, qui doit présider à l’exercice du sacerdoce, pénètre plus facilement
et plus profondément les esprits et les cœurs. Profitez bien, chers fils, des
années précieuses que vous passez à Rome. Ne vous contentez pas du travail
intellectuel, qui demeure toutefois le principal. Les monuments, les
institutions, le souvenir de tant de saints qui ont parcouru les mêmes rues que
vous, prié dans les mêmes églises, exercé le ministère sacerdotal, sont autant
d’enseignements que vous ne trouverez nulle part réunis avec une telle
profusion.
Il serait superflu de Nous étendre plus
longuement sur un sujet que vos maîtres et vos directeurs vous exposent avec
l’autorité de leur science et l’exemple de leur vertu. L’enseignement que vous
recevez à l’Université grégorienne, la formation spirituelle et pastorale qui
vous est donnée par la Congrégation du Saint-Esprit, feront de vous, selon la
formule bien connue de Claude Poullart des Places, des prêtres prêts à
tout : in manu Praelatorum parati ad omnia. La grandeur du
sacerdoce est dans l’imitation de Jésus-Christ. Pénétrez-vous de son humilité
devant le Père, si vous voulez vraiment sauver les âmes avec Lui. Les âmes ont
besoin d’exemples, plus éloquents encore que la doctrine. Nous savons le zèle
qui brûle vos cœurs, et Nous sommes sûr que vous ne négligez rien de ce qui
peut servir les âmes. Pourvu que vous vous efforciez de reproduire en vous les
sentiments de Jésus-Christ (5), vous pouvez être professeur, directeur d’œuvres
ou tout ce que la Hiérarchie vous demandera pour le service de l’Église, vous
aurez rempli selon vos forces la fonction sublime du sacerdoce, et par là même
vous aurez été, à la suite de tant de saints prêtres et d’illustres prélats qui
vous ont précédés, de dignes élèves du Séminaire Pontifical Français de Rome.
1.
AAS, 45 (1953), p. 286. Texte original français.
2.
Cf. Lettre au Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit,16 janvier
1952.
3.
Dès les premiers mots de son Discours, le Pape avait salué le Séminaire comme
« une entreprise entièrement destinée à resserrer les liens du clergé de
France et de la France elle-même avec la Papauté ».
4.
S. Cyprien. Ep. 59, c. 14. Ed. Hartel, Corp. Script. Eccles. Lat., vol, 3, p. 2, 683.
5.
Cf. Philippiens. 2, 5.
EXTRAITS
Pour la première fois, à la demande de l'Episcopat, les organisateurs de la Semaine Sociale du Canada avaient prévu deux sessions, l'une de langue anglaise, l'autre de langue française. Le thème commun en était : la paroisse, cellule sociale. Voici, dans son texte officiel français, la Lettre adressée à cette occasion à Son Eminence le cardinal Léger par S. Exc. Mgr Montini, Pro-Secrétaire d'État de Sa Sainteté pour les Affaires Ordinaires (1).
Qu'est-ce donc qu'une paroisse ? C'est la plus petite portion de l'unique et universel troupeau confié à Pierre par le Seigneur. Sous l'autorité d'un prêtre responsable, qui a reçu de son évêque la chargé des âmes, elle est, dans l'Église de Jésus-Christ, la première communauté de vie chrétienne, communauté à la taille humaine, telle que le berger puisse connaître ses brebis et les brebis leur berger. Un territoire délimité en trace normalement les contours au sein du diocèse, et ainsi la paroisse est-elle fixée à un sol, insérée dans des traditions locales et des horizons définis. Au cœur de ce territoire, voici enfin, surmontée de son clocher, l'église paroissiale, avec, son baptistère, son confessionnal, son autel et son tabernacle, l'église, symbole de l'unité, centre de la vie commune.
Car, il importe de s'en souvenir, la paroisse est avant tout un foyer de vie religieuse et de rayonnement missionnaire ; ses vrais fidèles se comptent au pied de l'autel, quand le prêtre distribue le Pain de vie. Le curé n'est pas chef de sa communauté, au sens profane du terme (2), il est bien plutôt ministre du peuple de Dieu, n'ayant reçu autorité spirituelle sur ses ouailles que pour être parmi elles le dispensateur des mystères de Dieu afin qu'elles aient la vie et l’aient en abondance (3). Jésus connu, aimé et servi de tous : telle est, selon les propres termes du Saint Père, la fin de toute la vie paroissiale. Et Sa Sainteté ne craint pas d'insister : « Le reste est estimé en tant qu'il sert, et dans la mesure où il sert, la réalisation du but que l'Église veut obtenir. Le terrain de sport, le théâtre, le cinéma paroissial, l'école même, s'il y en a une — institutions toutes des plus utiles et souvent nécessaires — ne sont pas le centre de la paroisse. Le centre, c'est l'église... Le centre s'appelle « vie des âmes », s'appelle Jésus (4) ».
Or, c'est précisément une telle paroisse, cellule vraiment vivante et active du Corps du Christ, qui est appelée, par sa fidélité même à sa propre mission religieuse, à jouer dans la régénération de la société moderne un rôle de premier plan.
Pour mieux souligner cette vérité, les maîtres des Semaines Sociales ne manqueront pas d'attirer l'attention de leurs auditeurs sur certains traits de la situation sociale des villes et des campagnes qui préoccupent aujourd'hui à juste titre l'épiscopat canadien. Si la paroisse en effet est principalement ordonnée au Royaume de Dieu, elle ne saurait pour autant se désintéresser des institutions et réalités quotidiennes qui conditionnent le développement de la personne et la vie de la cité ; la nécessité et les bienfaits de l'action, sociale chrétienne ne sont plus à dire, et la paroisse doit évidemment y collaborer. Mais prenons garde toutefois que la plupart des grands problèmes sociaux auxquels les catholiques doivent désormais faire face débordent largement, dans leurs données comme dans leurs solutions, le cadre restreint de la paroisse ; tels; parmi, tant d'autres, les problèmes soulevés par la création, d'une grande industrie ou les migrations de populations. L'esprit de clocher nuirait ici à toute réalisation efficace ; l'impulsion et la coordination doivent normalement venir de plus haut. Et la paroisse doit respecter ces conditions nouvelles de l'action sociale.
La fonction propre de la paroisse est à la fois plus profonde et plus essentielle. Ecoutons plutôt le Saint Père : « L'Église, déclarait-il en une mémorable circonstance, s'efforce de former l'homme, de modeler et de perfectionner en lui la ressemblance divine... Et, dans ces hommes ainsi formés, l'Église prépare à la société humaine une base sur laquelle elle peut reposer avec sécurité » ; grâce à eux, « elle contribue à la cohésion et à l'équilibre de tous les éléments multiples et complexes de l'édifice social (5) ». C'est ici que le rôle des paroisses est irremplaçable. La cellule d'Église qui est la plus proche de l'homme, la plus apte à former sa vie personnelle, familiale, communautaire, n'est-elle pas à ce titre même la plus indispensable à la société ? En vérité, cette fonction sociale de la paroisse s'impose sous plusieurs aspects à la gratitude de la cité. Que Votre Eminence me permette d'en évoquer quelques-uns.
Soutien de l'édifice social, la paroisse l'est déjà par sa stabilité. « L'homme, tel que Dieu le veut et que, l'Eglise l'embrasse, ne se sentira jamais fermement fixé dans l'espace et le temps sans un territoire stable et sans traditions (6) ». Or, la paroisse, c'est l'Église implantée sur tous les sols avec ses institutions permanentes et les richesses de son expérience : autour du clocher, les générations se succèdent sans brisure, les foyers qui ont scellé leur union devant l'autel ne cessent d'y trouver le principe de leur cohésion et de leur force, tandis qu'à l'école catholique leurs enfants reçoivent l'éducation qui perpétue, avec la foi surnaturelle, les vertus ancestrales de la famille canadienne. Par le ministère du prêtre résidant au milieu de son peuple, l'Église pénètre aux intimes profondeurs de l'être humain ; elle l'atteint chez lui, parmi les siens, dans sa réalité concrète et historique qu'on ne saurait perdre de vue sans compromettre l'économie normale de la communauté humaine. Quand on sait les périls de l'exode rural, quand on a vu les désastres psychologiques et moraux des déplacements de populations, comment ne pas apprécier l'inestimable bienfait pour la société d'une paroisse forte et stable !
Plus encore, la paroisse est éducatrice de la vie sociale par ses dimensions humaines, qui permettent à la vie de communauté d'atteindre sa fin, l'union des hommes entre eux par les liens de l'amitié. Dans cette grande famille dont le prêtre est le père, où nul n'est étranger aux autres, où, autant que possible, la joie et la douleur de chacun sont la joie et la douleur de tous, le chrétien découvre les exigences quotidiennes de la charité; il mesure toute la portée de l'avertissement de saint Jean : Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit ne saurait aimer Dieu qu'il ne voit pas (7). La paroisse unie et fervente devient alors le terrain d'élection des précieuses vertus qui doivent animer les relations humaines ; elle est par excellence le champ d'action des initiatives charitables et sociales qui suppléent aux inévitables limites des organismes officiels (8). Et, avec le Saint Père, « nous voyons par la pensée les pauvres qui n'ont pas de pain, les malades qui n'ont pas de remèdes ou qui manquent du réconfort d'une bonne parole chrétienne, les découragés de l'existence... Nous pensons aux enfants orphelins, aux vieillards déclinants, aux veuves affligées. Nous pensons enfin à ceux à qui rien ne manque de ce qui concerne la vie terrestre, mais dont l'âme est morte, et qui ont ainsi, dans leurs maisons, la plus terrible des misères (9) ».
Dans notre société tragiquement divisée, la paroisse au surplus n'est-elle pas une école de paix et de justice sociale, elle qui invite tous ses fidèles, sans distinction, à s'unir autour de son autel ? Intellectuels et illettrés, pauvres et riches, employeurs et salariés, s'y rassemblent sur un pied d'égalité chrétienne ; il n'est plus question de grec ou de juif... d'esclave, d'homme libre ; il n'y a que le Christ qui est tout et en tous (10). Au regard de cette commune et éminente dignité, les légitimes différences sociales sont d'importance secondaire ; sans les méconnaître, les respectant même jusque dans la diversité de ses groupements de culture et d'apostolat, la paroisse les surmonte en demeurant ouverte à tous, mieux même, accessible et accueillante pour tous. Son esprit est celui de la paix du Christ, à laquelle nous avons été appelés pour ne former q'un seul Corps (11). Mais c'est aussi un esprit de justice, qui ne tolère ni l'impudent contraste du luxe et de la misère parmi les membres de la communauté paroissiale, ni l'hypocrisie d'une fraternité à l'église, qui ne serait pas, dans le travail, génératrice de relations sociales plus fraternelles. L'autel autour duquel se nouent les liens les plus sacrés, n'invite-t-il pas du reste quiconque s'y présente à s'examiner sur ses devoirs de justice vis-à-vis de ses frères (12) ?
Cellule sociale, la paroisse l’est enfin parce qu'elle est le centre de la prière publique. Au milieu de l'agitation des foules et de la dissipation des esprits, dans une atmosphère desséchée par les soucis temporels, l'église paroissiale, où le peuple s'assemble pour rendre gloire à Dieu et implorer sa grâce par Jésus-Christ, est pour la société entière une arche de salut. C'est au pied de l'autel du sacrifice, autour de la chaire de vérité, que le repos dominical prend sa signification plénière : halte dans le travail, détente du corps et de l'esprit, oui sans doute, — et l'on ne saurait trop louer les initiatives paroissiales destinées à offrir aux jeunes surtout la satisfaction de leurs justes désirs de culture ou de loisir — mais avant tout journée consacrée au culte de Dieu, sous la forme communautaire et sociale qui est due. Pour Léon XIII, disait récemment le Saint Père évoquant Rerum Novarum, la sanctification des dimanches et jours de fête est « un signe qui révèle si et jusqu'à quel point l'homme sain et la véritable harmonie du progrès dans la société humaine subsistent encore... La technique, l'économie et la société manifestent leur degré de santé morale par la manière dont elles favorisent ou contrarient la sanctification du dimanche (13) ».
Au terme de ces quelques réflexions, Éminence, comment ne pas saluer spécialement la paroisse canadienne, objet et bénéficiaire des travaux de ces deux prochaines Semaines ? Le Saint Père connaît les mérites qu'elle s'est acquis depuis plus de trois siècles au service du pays, et il apprécie son action bienfaisante qui se répercute en de multiples secteurs de la vie sociale. Cette action, elle la doit sans nul doute à la valeur de ses prêtres, artisans de la vie religieuse et morale des populations, qui, dans l'humble accomplissement de leur ministère sacerdotal, sont les premiers combattants « sur le front du renouveau général de la vie chrétienne sur la ligne de défense des valeurs morales, pour la réalisation de la justice sociale, pour la reconstruction de l'ordre chrétien (14) ». Elle la doit au rayonnement de ses laïques militants de l'Action Catholique, « par qui l'Église est le principe vital de la société humaine (15) » ; ils sont l'Église répandue dans le monde du travail ou de la culture, sur les chantiers et daris les foyers, et leur présence y est un ferment de régénération chrétienne. Elle la doit enfin au témoignage de sa communauté rassemblée dans la foi, la prière et la charité, témoignage dont l'étonnante puissance soulevait déjà la société aux temps apostoliques ; puisse chaque paroisse, par sa ferveur et son unité, être encore dans le monde d'aujourd'hui la révélation d'un idéal social trop méconnu, en même temps qu'un pôle d'attraction pour tous les hommes de bonne volonté !
1. OR. du 3 août 1953. Texte original français.
2. Cf. Matthieu, 20, 25-28.
3. Jean, 10, 10.
4. Discours à une paroisse de Rome du 11 janvier
1953. Cf. ci-dessus. 541-542.
5. Allocution Consistoriale du 10 Février 1946. (AAS 38 (1946), p. 143-144.)
6. Allocution Consistoriale citée, ibid., p. 147.
7. 1 Jean, 4, 20.
8. Cf. Radiomessage de Noël 1952, (AAS 45 (1953), p.
46). Cf. ci-dessus, n° 540 a.
9. Discours à une paroisse de l’Ombrie, du 4 juin
1953. (OR. des 5-6 juin 1953).
10. Colossiens, 3, 2.
11. Cf. Colossiens, 3, 15.
12. Cf. Matthieu, 5, 23.
13. Discours du 14 mai 1953 aux Associations
Catholiques Ouvrières d'Italie, pour l'anniversaire de l'Encyclique Rerum
Novarum. (AAS 45 (1953), p. 407).
14. Exhortation du 10 février1952, (AAS 44 (1952),
p. 160), En termes analogues, le Saint Père avait eu, dans une Allocution du 4
octobre 1950, un mot plein de délicatesse pour des prêtres français : « Nous
saluons avec une grande joie et une singulière affection les vaillants curés de
campagne de France, dont l'apostolat, souvent pénible, est, dans son humble
obscurité, précieux entre tous pour le relèvement, pour le maintien, pour le
progrès de la vie chrétienne dans une partie considérable et particulièrement
estimable du peuple français ». (OR. du 8 octobre 1950, Texte original
français).
15. Allocution Consistoriale citée, Ibid. p. 149.
EXTRAITS
Le Souverain Pontife, venu en personne bénir la chapelle et les bâtiments du nouveau Collège Nord-Américain à Rome, adressa aux élaves, en présence de nombreux membres de l’épiscopat américain, l’Allocution suivante sur la grandeur et les responsabilités du sacerdoce (1).
Les espoirs et les desseins caressés à votre sujet par vos évêques, caressés par Nous-même, seront-ils réalisés ? Vos cœurs ardents sont empressés à répondre oui. Mais réfléchissez un instant. Ce ne sera qu’à une condition, à savoir que vous deveniez des prêtres dignes de ce nom.
Dans le sacerdoce, l’homme est élevé à une hauteur pour ainsi dire vertigineuse, médiateur entre un monde tourmenté et le royaume céleste de la paix. Ambassadeur du Christ, gardien des mystères de Dieu, il exerce un pouvoir divin. Héritier des fonctions sacerdotales et souveraines du divin Rédempteur, il est chargé de continuer la mission de salut en conduisant les âmes à Dieu et en donnant Dieu aux âmes. N’oubliant donc jamais la suprême importance d’une telle vocation, le prêtre ne se laissera pas distraire par des futilités. Modelant sa vie sur la vie de celui qu’il représente, il se sacrifiera joyeusement et sera sacrifié pour le bien des âmes. Ce sont les âmes qu’il cherche partout et toujours et non point ce que le monde peut lui offrir.
« Etre un prêtre et être un
homme consacré au travail est une seule et même chose », écrivit le
Bienheureux Pie X ; et il aimait à citer les paroles du Synode présidé par
Saint Charles Borromée : « Que chaque clerc se répète sans cesse qu’il n’a
pas été appelé à une vie d’aises et de plaisirs, mais à travailler dur dans
l’armée spirituelle de l’Eglise ».
Ces paroles, chers fils, rappellent un autre fait qu’on ne doit pas oublier. Nous appartenons à l’Eglise militante ; et elle est militante parce que sur la terre les puissances des ténèbres sont toujours actives pour tenter de la détruire. Non seulement aux siècles lointains de l’Eglise primitive, mais à travers toutes les époques et de nos jours, les ennemis de Dieu et de la civilisation chrétienne s’enhardissent à attaquer la puissance suprême du Créateur et les droits humains les plus sacrés. Le clergé n’est épargné à aucun rang, et les fidèles — leur nombre est légion — inspirés par la courageuse endurance de leurs pasteurs et pères dans le Christ, résistent avec fermeté, prêts à souffrir et à mourir comme les martyrs de l’antiquité pour la seule vraie foi enseignée par le Christ. Dans cette milice, vous cherchez à être admis comme chefs.
L’emprisonnement et le martyre, Nous le savons, ne se profilent pas sur l’horizon qui s’offre à vos yeux... Mais l’Eglise militante est un seul Corps, avec un seul Esprit,… avec le même Seigneur, la même foi, le même baptême (2) Et cet Esprit réclame plus qu’un élan d’héroïsme chez tout prêtre qui veut être digne de ce nom, quelles que soient les circonstances extérieures de temps et de lieu. L’esprit des martyrs anime toute âme sacerdotale qui, dans la succession des devoirs pastoraux et dans ses efforts sereins et incessants pour croître en sagesse et en grâce, rend témoignage au Prince des Pasteurs, Lui qui subit la Croix et méprisa la honte quand Il Se livra Lui-même à Dieu pour nous, en offrande et en sacrifice d’agréable odeur (3).
1.
AAS 45 (1953) p. 679-682. Trad. de
l’anglais dans OR. (Ed. française) du 23 octobre 1933.
2.
Ephésiens, 4, 4-5.
3.
Ibid., V. 2. Le lendemain, 15 octobre, paraissait dans L’Osservatore Romano le
Message qu’à l’occasion de la Journée missionnaire annuelle le Pape adressa aux
missionnaires du monde entier, « message de réconfort et
d’espérance » : « Vos peines et vos préoccupations sont les Nôtres,
leur disait-il, comme vos joies et vos espérances ». Or, on retrouve dans
ce document le même accent mis sur la valeur des souffrances
apostoliques :
« Courage,
J’ai vaincu le monde ! (Jean, 16, 33.) Cette exhortation du Christ à la
veille de sa Passion rédemptrice soutient depuis vingt siècles l’élan des
messagers de la Vérité sur tous les continents. Elle vous rappelle, Vénérables
Frères, et chers fils, la valeur de vos propres souffrances pour la cause de
l’évangile et le rôle privilégié qui vous échoit dans la grande entreprise de
la propagation de la foi, dés que l’épreuve s’abat sur vous. Par la Passion, la
foi s’est affermie dans le monde c’est par elle encore que la lumière
évangélique pénètre dans les âmes et dans les sociétés, c’est par elle que se
gagnent les victoires définitives du Christ. Vous tous qui souffrez, vous êtes
les premiers dépositaires de ces grandes espérances. Avec la grâce de Dieu,
soyez dignes de l’attente de l’Eglise ! » (AAS 45 (1953), p. 694.
Texte original français).
EXTRAITS
Dans ce Discours aux maîtres, élèves et anciens élèves de l’Université Grégorienne, Pie XII passe en revue les principales disciplines qui contribuent à la formation intellectuelle du prêtre. Il joint aux recommandations traditionnelles, qu’il confirme à nouveau, certaines précisions doctrinales ou certaines préoccupations pastorales. qui font pins spécialement l’objet des extraits suivants (1).
Nous louons la méthode scolastique que l’on utilise chez vous. Nous n’ignorons pas, en effet, qu’ailleurs elle est souvent négligée et méprisée. On abandonnera une telle attitude, si l’on se souvient que les Souverains Pontifes ont souvent recommandé cette méthode, qu’ils ont même exhorté à lui garder une place d’honneur dans les cours de philosophie et de théologie.
Le but poursuivi par la méthode scolastique est de faire parcourir à la raison humaine les vérités révélées par Dieu et leurs appuis philosophiques, en précisant les notions qu’elles contiennent et en présentant les arguments qui soutiennent leur certitude ; c’est, en outre, de résoudre les objections qu’on leur propose et de s’efforcer d’harmoniser toutes les vérités, celles de la métaphysique naturelle et celles de la révélation divine tel a toujours été et tel est encore le but certain et ferme de la philosophie et de la théologie. On ne doit pas s imaginer que la connaissance des mystères de la foi et de leurs présupposés philosophiques peut s’acquérir facilement et être maîtrisée par notre intelligence sans avoir fait l’objet de longues études, de discussions méthodiques bien menées, de réflexions et de méditations prolongées.
Ne craignez pas que les études spéculatives fassent tort aux sciences positives, spécialement à la théologie positive. Il n y a en effet aucune opposition entre les unes et les autres ; bien plus, les sciences spéculatives procèdent d’autant plus sûrement qu’elles s’appuient sur les sciences positives... L’ordonnance de vos études et vos programmes annuels comportent une part abondante de matières positives, fort utiles aux prêtres de notre temps, et surtout vos traités de théologie dogmatique consacrent une place importante à la théologie positive ; plaise à Dieu que l’étude des saints Pères et des écrivains ecclésiastiques fleurisse et se développe parmi vous.
En ce qui concerne vos études et votre apostolat, évitez de mélanger la doctrine catholique, ainsi que les vérités naturelles qui s’y rattachent et que tout le monde admet, avec les essais des érudits qui tentent de les pli ou avec les principes particuliers qui distinguent les divers systèmes philosophiques et théologiques ayant cours dans l’Eglise ; il ne faut jamais se comporter comme si la prédication et l’instruction religieuse puisaient en ces derniers leur matière. Aucun de Ces systèmes ne constitue une porte pour entrer dans l’Eglise ; à plus forte raison est-il inadmissible d’affirmer qu’il en soit la porte unique. Même du plus saint et du plus prestigieux Docteur, l’Eglise n’a jamais fait et ne fera jamais la source principale de la vérité. Elle considère saint Thomas et saint Augustin comme de grands Docteurs, et elle leur accorde les plus grands éloges, mais elle ne reconnaît l’inerrance qu’aux auteurs inspirés de la Sainte Ecriture. Par mandat divin, l’Eglise seule, dépositaire de la Tradition qui vit en elle, est la porte du salut ; elle seule est par elle-même, sous la protection et la conduite du Saint-Esprit, la source de la vérité.
Les divers systèmes que l’Eglise permet de soutenir doivent concorder avec ce que la philosophie et antique et chrétienne reconnaissait depuis les débuts de cette même l'Eglise. Or, soit que l’on considère leur cohérence interne, soit que l’on s’attache à leur accord éclatant avec les vérités de la foi, ces propositions n’ont jamais été ordonnées de manière aussi lucide, aussi perspicace, aussi parfaite, elles n’ont jamais été systématisées de manière aussi solide que par saint Thomas d’Aquin.
… Parmi ces propositions auxquelles Nous venons de faire allusion, il faut compter, par exemple, ce qui a trait à la nature de notre connaissance, à celle de la vérité, aux principes métaphysiques absolus fondés sur la vérité, à un Dieu infini, personnel, créateur de toutes choses, à la nature de l’homme, à l’immortalité de l’âme, à la dignité de la personne humaine, aux devoirs que la morale naturelle lui fait connaître et lui impose.
Mais il n’y a pas lieu de ranger au nombre des propositions requérant l’assentiment certain de la raison ce qui est encore controversé chez les grands commentateurs et les meilleurs disciples de saint Thomas au sujet des vérités qui se situent au niveau de la nature.
Nous ne parlons pas non plus des questions dont on discute pour savoir si elles appartiennent à l’enseignement du saint Docteur, et comment on doit les interpréter; de même, Nous passons sous silence, parce que caduques, les simples conséquences de la connaissance imparfaite qu’avaient les anciens de la physique, de la chimie, de la biologie et des autres sciences naturelles.
Tel est bien le sens du canon 1366 § 2, par lequel le Code établit saint Thomas guide et maître de toutes les écoles chrétiennes, ainsi que l’affirmait Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Pie XI (2).
Vous savez bien, très chers fils, l’importance que l’Église attribue à l’étude de la question sociale et à sa juste solution, s’il est permis de l’espérer ; à tel point qu’il n’y a guère d’autre problème — Nous n’hésiterions pas à l’affirmer — qui ait en ces derniers temps fait l’objet de plus de soucis pour le Saint-Siège. Aussi accordons-Nous Nos éloges paternels à cet Institut des Sciences sociales fondé par vous dans le but d’y former tout particulièrement, mais non exclusivement, les prêtres et les étudiants ecclésiastiques aux disciplines sociales. Sachant comment il fonctionne, Nous ne pouvons Nous empêcher de vous féliciter de tout cœur et de vous décerner des louanges bien méritées pour l’ardeur avec laquelle vous avez débuté et pour la riche doctrine que vous enseignez aux élèves.
Cet Institut a entrepris d’enseigner la doctrine sociale de l’Église dont les principaux points sont contenus dans les documents du Saint-Siège, c’est-à-dire dans les Encycliques, les Allocutions et les Lettres Pontificales. A ce sujet, diverses écoles sociales ont vu le jour, qui ont expliqué les documents pontificaux, les ont développés et les ont mis en système. Et cela, Nous estimons qu’on a eu raison de le faire. Mais il était impossible d’éviter que, dans l’application des principes et dans les conclusions, ces mêmes écoles ne procèdent diversement et assez souvent ne diffèrent beaucoup entre elles. Aussi bien faut-t-il, également ici, se rappeler ce que Nous avons dit plus haut de l’enseignement de la foi catholique et des écoles théologiques, et veiller à ne pas confondre la doctrine sociale authentique de l’Église avec les positions différentes propres à chaque école ; ces deux aspects doivent toujours être distingués avec grand soin.
En considérant la nature de sa charge, le spécialiste en Droit Canon se persuadera que celui-ci, comme tout ce qui est dans l’Église, est orienté tout entier vers le bien des âmes et tend à ce que les hommes, en obéissant aux lois tutélaires, possèdent la vérité et la grâce du Christ, vivent, grandissent et meurent saintement, pieusement, fidèlement. Lorsqu’il administre les affaires ecclésiastiques, lorsqu’il exerce les fonctions de juge, lorsqu’il aide de ses conseils les ministres sacrés ou les fidèles, le canoniste pensera constamment au salut des âmes auxquelles il peut rendre de grands services, mais auxquelles il peut aussi nuire beaucoup et dont il devra rendre compte. Aussi, puisque les cours de Droit Canon doivent précéder l’exercice de l’apostolat, il est extrêmement nécessaire qu’ils y préparent leurs élèves avec soin et sérieux.
Nous sommes persuadé qu’il n’y a guère de branche du savoir qui l’emporte sur l’histoire ecclésiastique pour entretenir, aiguiser, parachever l’art de sentire cum Ecclesia. Encore faut-il que l’on observe la règle de mesure et de prudence qui consiste à ne pas s’arrêter plus qu’il ne faut à tel ou tel événement ou à telle difficulté ; à rapporter chaque aspect particulier à l’ensemble, et les éléments négatifs aux positifs ; à présenter les faits importants et durables comme importants et durables, les faits mineurs et passagers comme tels. Qu’on ait surtout à l’esprit ce principe, requis absolument d’ailleurs par le respect dû à la vérité bien qu’on y trouve des fautes humaines, l’Église est toujours l’Église du Christ, véritable, sainte, infaillible dans la conservation et la transmission du dépôt sacré de la foi, c’est-à-dire de la vérité et de la grâce céleste ; elle est vraiment l’Eglise de Dieu, qu’Il s’est acquise par son Sang (3). Dieu est toujours grand et admirable dans ses oeuvres, mais il faut Le considérer surtout comme tel, là où brille sa charité infinie, où s’accomplit pour nous la Rédemption surabondante, c’est-à-dire dans l’Église catholique. Continuez dans la voie où vous êtes engagés, en répétant a arole de l’apôtre saint Paul Gloire à Dieu dans l’Eglise et dans le Christ Jésus (4).
1.
AAS 45 (1953) p. 681-690. Trad. du latin dans OR. (Ed. française) du 30 octobre
1953.
2.
Le Pape cite alors l’Encyclique Studiorum Ducem, du 29 Juin 1923. Cf..
T. 1, n° 370.
3.
Actes, 20, 28.
4.
Ephésiens, 3, 21.
EXTRAITS
Le Saint Pire n’ayant pu,
cette année, en raison de son état de santé, accorder au clergé romain sa
traditionnelle audience de Carême, il tint du moins à publier l’Exhortation
suivante (1). Il y propose tout d’abord en exemple une paroisse « qui
semble s’acheminer résolument vers sa transformation en communauté chrétienne
efficace et active, et devient comme une grande famille, où les hommes, fils de
Dieu, vivent entre eux comme des frères ». Puis, dans l’esprit de son
appel du 10 février 1952 et de ses précédents Discours de Carême, il poursuit
en ces termes :
Nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’expliquer ce que Nous souhaiterions que fût la paroisse dans cet esprit de ferveur renouvelée, et Nous ne voudrions pas répéter ici les suggestions et les règles qu’il convient de mettre en pratique graduellement et avec constance. Il y a plutôt un problème dont la solution vous préoccupe déjà certainement, parce qu’elle est plus urgente que jamais, et ne pourrait laisser indifférent quiconque a reçu quelque responsabilité dans la vigne du Seigneur.
Il n’y a pas à douter, chers fils, que la parole et l’action de l’Eglise, autrement dit la parole et l’action de Jésus-Christ, ne doivent pénétrer vraiment partout, pour vivifier toute chose et toute personne. Parce que telle est la volonté de Dieu, Maître absolu du monde, il faut reconnaître à l’Evangile de Jésus le rôle d’informer intégralement la pensée de l’homme et toute son activité théorique et pratique. On ne voit pas d’autre salut pour l’humanité que de reconstruire le monde dans l’esprit de Jésus-Christ. Lui seul, en effet, est le Sauveur de l’individu, de la famille, de la société entière. Que les hommes responsables se convainquent de cette nécessité absolue ; car en faisant abstraction de Dieu ou en Le niant, ils feront surgir de nouvelles structures encore plus fragiles que les présentes.
Avec cette certitude au cœur, jetez maintenant un regard, non plus sur le monde entier, mais sur la condition de certains centres urbains, sans en exclure Notre Ville de Rome ; faites-le sans pessimisme, mais aussi en regardant les choses telles qu’elles sont. Réfléchissez avec Nous et demandez-vous : pour combien de vos paroissiens, pour combien de familles demeurant sur le territoire de votre paroisse, Jésus est-Il une réalité vivante ? Combien Le prient ? Combien se nourrissent de Lui ? Combien vivent de Lui et pour Lui ?
Tous, il est vrai, croient plus ou moins à quelque chose ; un très grand nombre ont été baptisés, et ont fait également leur première communion ; ils ont célébré leur mariage à l’église, et ils désirent, quand Dieu le voudra, recevoir les derniers sacrements et la sépulture chrétienne.
Mais, autour d’un groupe de catholiques fervents, plus ou moins nombreux, on ne peut nier l’existence de gens simplement bien disposés, d’indifférents, et jusqu’à des gens hostiles. Etant Nous-même pour ce motif dans une angoisse perpétuelle, Nous imaginons facilement votre tourment intime : Comment les atteindre tous par votre action apostolique ? Comment les mettre tous en état de puiser aux sources de la vie ? En voyant votre insuffisance en face d’un apostolat toujours plus vaste et toujours plus compliqué, vous-mêmes, peut-être, murmurez avec tristesse la plainte du divin Maître : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux (2). Nous sommes quelques prêtres, qui ne connaissons pas de trêve et ne nous accordons pas de repos, mais comment pouvons-nous faire ? Comment est-il possible d’être médiateurs entre Dieu et les milliers d’âmes qui nous sont confiées ? Et comment pénétrer dans certaines zones spirituellement plus abandonnées, Si notre présence doit y susciter, ne disons pas l’hostilité, mais l’étonnement de ceux mêmes que nous cherchons ?
Et cependant, même dans ces conditions, vous ne cessez pas d’être les pasteurs de toutes les âmes qui vivent dans votre paroisse. Vous ne pouvez reposer le soir tranquillement, si vous n’êtes pas capables de dire, avec humilité et sincérité : « Seigneur, j’ai fait tout ce qui dépendait de moi durant cette journée pour sauver les âmes ».
Oh ! Nous le savons, chers fils : vous pouvez atteindre chaque âme la plus éloignée, la plus absente, la plus réfractaire, en priant et vous immolant pour elle. Vous pouvez, en particulier, mobiliser vos enfants, vos malades, afin qu’ils fassent descendre sur les âmes qui vous sont confiées des grâces abondantes. Vous pouvez surtout offrir chaque matin pour tous le saint Sacrifice de la Messe. Nous estimons pleinement — et comment pourrait-il en être autrement — l’apport très efficace de ces armes spirituelles. Mais dans l’économie présente du salut, il reste un angoissant problème : Comment croire en Celui dont on n’a pas entendu parler ? Comment en entendra-t-on parler, s’il a personne pour prêcher (3) ?
De là dérive naturellement, chers fils, la nécessité de vous faire aider, de trouver des collaborateurs capables de multiplier vos énergies, vos possibilités, prêts à jouer votre rôle là où vous ne réussissez pas à pénétrer. D’où la grande importance de l’apostolat des laïques, qui, comme vous le savez vous-mêmes par votre expérience, peut devenir une puissante force de bien.
Le Seigneur subvient encore aujourd’hui aux nécessités de son Eglise ; et, étant donné que surgissent çà et là, près des clochers de nos églises, de vrais territoires de mission, il faut remercier Dieu du fait que se multiplient parmi les laïques les appels à la sainteté et à l’apostolat, si bien qu’il n’est pas difficile à présent de rencontrer des personnes généreuses, inscrites dans les associations catholiques ou restées hors de leurs cadres, mais également prêtes cependant à secourir le prêtre chargé d’âmes.
Il faudra donc découvrir ces âmes pour s’en servir, après les avoir solidement formées.
— les découvrir,
Savoir combien elles sont, où elles sont, ce qu’elles sont capables de faire et quelle est effectivement leur possibilité d’utilisation. Comptez les membres de l’Action Catholique, dont Nous désirons vivement que les quatre branches ne fassent défaut dans aucune paroisse ; groupez à côté d’elle les autres types d’association, sans négliger les fidèles qui n’aiment pas s’organiser mais peuvent cependant rendre de précieux services au curé qui sait les utiliser pour des actions isolées ou pour des oeuvres de soutien.
— les former,
Une fois découvertes et connues les forces auxiliaires, il faudra les former. Et ici, il faut d’abord remarquer qu’il n’est pas perdu le temps qu’on dépense à préparer et instruire ses propres collaborateurs. Ceux qui vous aideront dans l’apostolat ne peuvent être considérés comme un « poids », à moins qu’on ne veuille les comparer au poids des ailes, qui ne gênent pas les mouvements mais les facilitent.
Il ne faut naturellement pas négliger leur formation « humaine », d’autant plus qu’un développement complet des qualités naturelles, loin d’être en contraste réel avec l’héroïsme des vertus, rend plus facile et aussi plus efficace l’action apostolique.
Vous aurez un soin particulier de la formation « intellectuelle » de vos collaborateurs, en veillant spécialement à ce qu’ils aient les idées claires grâce à une connaissance vraiment profonde de la religion. Vous savez comme on a besoin aujourd’hui de gens qui sachent parler, même en public, pour éclairer tant d’esprits et pour défendre l’ Eglise des attaques qu’il n’est pas rare à notre époque d’entendre partout : sur les marchés, dans les bureaux, dans les usines, sur les chemins.
Mais surtout, soignez leur formation « spirituelle ». Revêtez-les de Jésus ; nourrissez-les de Lui ; faites de son divin Sœur un modèle dont ils s’inspirent dans leurs pensées, leurs affections, leurs vouloirs, leurs paroles, leurs actions. Faites que leur cœur s’abandonne à Jésus et dans les bras de Marie, sa céleste Mère.
— les bien utiliser.
Il faudra ensuite s’en servir. Certains de ces collaborateurs vous signaleront des besoins particuliers matériels et spirituels ; d’autres vous ouvriront les portes d’une âme fermée à toute intervention sacerdotale ; d’aucuns porteront en votre nom les secours aux pauvres, d’autres visiteront les malades ou prendront part à une souffrance ou à une joie. Vous avez besoin d’aide dans l’enseignement du catéchisme aux enfants ; il est nécessaire que dans les usines, les écoles, les grands immeubles, il y en ait qui exercent l’apostolat non seulement de la présence, mais aussi de l’action ; qui fassent naître et amènent à travailler, sous votre direction et avec votre bénédiction, une équipe de laïques « missionnaires ». Soyez exigeants dans les objectifs à leur indiquer, et constants à les y pousser. Ils ne devront pas c’est bien clair — donner des ordres, mais ils ne pourront non plus être réduits au rang de simples exécutants. Laissez-leur donc un domaine suffisant pour le développement de leur esprit d’ardente et fructueuse entreprise ; cela les rendra encore plus joyeux, actifs, et prêts à collaborer avec vous.
1.
AAS 46 (1954), p. 99-103. Trad. de l’italien par l’Office de Presse du Vatican.
2.
Matthieu, 9, 37.
3.
Romains, 10, 14.
Préoccupé de certaines erreurs qui se répandaient depuis quelques années au sujet du mariage, du célibat ecclésiastique et de l'état de chasteté parfaite des âmes consacrées à Dieu, le Souverain Pontife a jugé bon de rappeler en un document solennel du Magistère la doctrine catholique dé la supériorité de la virginité sur le mariage (1). Dans cette perspective, l'Encyclique traite à la fois de la chasteté du prêtre et de celle des religieux et religieuses.
Parmi les trésors les plus précieux qui lui sont légués par son divin Fondateur, l'Église compte sans aucun doute la sainte virginité et la chasteté parfaite consacrée au service de Dieu.
Aussi les saints Pères soulignent-ils que la virginité perpétuelle est un bien essentiellement chrétien. Ils remarquent à juste titre que, si les païens de l'antiquité exigeaient des Vestales un tel état de vie, ce n'était que pour un temps (2), et, si l'Ancien Testament ordonnait de conserver et de pratiquer la virginité ; c'était seulement comme une condition préalable au mariage (3). Saint Ambroise ajoute : « Nous lisons bien qu'il y avait des vierges au Temple de Jérusalem. Mais qu'en dit l'Apôtre ? Tout cela leur arrivait pour servir d’exemple (4), comme signe des temps à venir (5) ».
C'est en effet depuis les temps apostoliques que cette vertu croît et fleurit dans le jardin de l'Église. Dans les Actes des Apôtres, quand il est dit des quatre filles du diacre Philippe qu'elles étaient vierges (6), il est clair que l'expression désigne bien plutôt un état de vie que leur jeunesse. Un peu plus tard, saint Ignace d'Antioche salue les vierges de Smyrne, qui constituaient déjà, avec les veuves, un élément important de cette communauté chrétienne (7). Au second siècle, saint Justin rapporte qu'« il y avait déjà beaucoup d'hommes et de femmes, âgés de soixante et de soixante-dix ans, qui se gardaient intacts depuis leur enfance par fidélité à l'enseignement du Christ (8) ». Peu à peu, le nombre s'accrut des hommes et des femmes qui consacraient leur chasteté à Dieu et, en même temps, leur rôle dans l'Église prit une importance considérable, comme, Nous l'avons montré dans Notre Constitution Apostolique Sponsa Christi (9).
Par ailleurs, les saints Pères — tels Cyprien, Athanase, Ambroise, Jean Chrysostome, Jérôme, Augustin et bien d'autres encore — consacrèrent des écrits à la louange de la virginité. Or leur doctrine, enrichie au cours des siècles par les Docteurs de l'Église et par les maîtres de l'ascèse chrétienne, est bien de nature à susciter, chez les chrétiens et les chrétiennes, la consécration à Dieu de leur chasteté et à les confirmer jusqu'à la mort dans leur résolution.
Le nombre des fidèles ainsi consacrés à Dieu, depuis les débuts de l'Église jusqu'à nos jours, est incalculable : les uns ont conservé intacte leur virginité, les autres ont voué leur veuvage au Seigneur après la mort de leur conjoint, d'autres enfin ont choisi une vie chaste après avoir fait pénitence de leurs péchés. Mais tous ont entre eux ceci de commun qu'ils se sont engagés à s'abstenir pour toujours des plaisirs de la chair par amour pour Dieu. Que l'enseignement des saints Pères sur la grandeur et le mérite de la virginité soit donc pour toutes les âmes consacrées un soutien, une force et aussi une invitation à persévérer dans le sacrifice accompli, sans jamais reprendre la moindre parcelle de l'holocauste déposé sur l'autel du Seigneur.
La chasteté parfaite est la matière de l'un des trois vœux constitutifs de l'état religieux (10) ; elle est exigée des clercs de l'Église latine qui ont reçu les ordres majeurs (11) et des membres des Instituts séculiers (12). Mais elle est aussi pratiquée par de nombreux laïques : ces hommes et ces femmes vivent dans le monde sans se fixer dans un état de perfection, mais ils ont pris la résolution ou ont même fait le vœu privé de ne pas se marier et de s'abstenir complètement des plaisirs de la chair, afin de servir avec plus de liberté leur prochain et de s'unir à Dieu librement et plus intimement.
Nous Nous adressons d'un cœur paternel à tous ces fils et à toutes ces filles très chers qui ont consacré à Dieu leur corps et leur âme, à quelque titre que ce soit, et Nous les exhortons à s'affermir dans leur sainte résolution et à lui rester fidèles de toute leur volonté et avec zèle.
De nos jours, certains ont dévié du droit chemin sur ce point : ils exaltent tellement le mariage qu'ils le placent en pratique au-dessus de la virginité, et ils déprécient la chasteté consacrée à Dieu et le célibat ecclésiastique. Aussi la conscience de Notre charge apostolique Nous pousse-t-elle aujourd'hui à mettre en lumière et à défendre par-dessus tout la doctrine de l'excellence de la virginité, afin de protéger la vérité catholique contre de telles erreurs.
C'est des lèvres mêmes de son Époux divin, remarquons-le tout d'abord, que l'Église tient l'essentiel de son enseignement sur la virginité.
Les disciples étaient frappés des servitudes du mariage, soulignées par le divin Maître, et ils Lui disaient : Si telle est la condition de l'homme envers la femme, il n'est pas expédient de se marier (13). Jésus leur répondit que tous ne comprenaient pas ce langage, mais ceux-là seulement à qui cela était donné, car, si certains sont de naissance incapables de se marier et si d'autres le sont devenus par la violence et la malice des hommes, il y en a aussi qui d'eux-mêmes s'abstiennent du mariage en vue du royaume des cieux. Et Il conclut ces paroles en disant : Comprenne qui le peut (14).
Par là, le divin Maître ne désigne pas les empêchements physiques au mariage, mais bien la résolution libre et volontaire de s'en abstenir à jamais, ainsi que des plaisirs de la chair. Lorsqu'il compare les hommes qui renoncent spontanément au mariage à ceux que la nature ou la violence prive de son usage, le divin Rédempteur ne nous enseigne-t-il pas le caractère perpétuel indispensable à la chasteté pour être vraiment parfaite ?
Il en résulte que, selon l'enseignement très clair des saints Pères et des Docteurs de l'Église, la virginité n'est vertu chrétienne que si elle est pratiquée en vue du royaume des cieux (15), c'est-à-dire en vue de vaquer plus facilement aux choses divines, d'obtenir plus sûrement la béatitude et de conduire aussi plus aisément les autres au ciel.
Ne peuvent donc pas revendiquer le titre de vierges les personnes qui s'abstiennent du mariage par pur égoïsme, par peur d'en assumer les charges, comme le remarque ; saint Augustin (16), ou encore par un amour pharisaïque et orgueilleux de leur intégrité corporelle : le Concile de Gangres condamne, en effet, la vierge ou le continent qui s'éloigne du mariage comme d'un état abominable, et non à cause de la beauté et de la sainteté de la virginité (17).
L'Apôtre des Gentils remarque en outre, sous l'inspiration du Saint-Esprit : L’homme qui n'est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire à Dieu... Et la femme sans mari, comme aussi la vierge, a souci des affaires du Seigneur, elle cherche à être sainte de corps et d'esprit (18). Telle est donc la résolution primordiale et la raison principale de la virginité chrétienne : se soucier uniquement des choses de Dieu et tourner son esprit et son cœur vers Lui seul, Lui plaire en toutes choses et ne penser qu'à Lui, Lui consacrer totalement son corps et son âme.
C'est bien ainsi que les saints Pères ont compris l'enseignement du Christ et la doctrine de l'Apôtre des Gentils : dès les premiers siècles chrétiens, ils ont conçu la virginité comme une consécration du corps et de l'âme à Dieu. Aussi saint Cyprien demande-t-il aux vierges « qui se sont données au Christ par le renoncement aux convoitises charnelles, de se vouer à Dieu plus par l'esprit que par le corps, et de ne plus chercher à se parer ni à plaire à personne, si ce n'est au Seigneur (19) ». Saint Augustin va même plus loin encore : « La virginité n'est pas honorée pour elle-même, mais pour sa consécration à Dieu... Nous n'exaltons pas les vierges parce qu'elles sont vierges, mais pour leur virginité vouée à Dieu par une pieuse continence (20) ». Les princes de la théologie, saint Thomas d'Aquin (21) et saint Bonaventure (22), s'appuient sur l'autorité de saint Augustin, pour enseigner que la virginité ne possède la fermeté de la vertu que si elle procède du vœu de se conserver pur à jamais. S'obliger à s'abstenir pour toujours du mariage par un vœu perpétuel, c'est donc mettre aussi complètement et parfaitement que possible en pratique l'enseignement du' Christ à ce sujet ; se réserver au contraire une porte de sortie pour pouvoir résilier son engagement ne saurait passer pour meilleur et plus parfait.
Les saints Pères ont considéré ce lien de chasteté parfaite comme une sorte de mariage spirituel, entre l'âme et le Christ ; certains sont même allés jusqu'à comparer à un adultère la violation de cette promesse de fidélité (23). Saint Athanase écrit, au sujet des vierges, que l'Église catholique a pris coutume de les appeler épouses du Christ (24). Et saint Ambroise dit de l'âme consacrée : « Est vierge celle qui est mariée à Dieu (25) ». Bien plus, les œuvres du Docteur de Milan attestent déjà (26), au quatrième siècle, la ressemblance entre le rite de la consécration des vierges et le cérémonial de la bénédiction nuptiale, encore en usage aujourd'hui (27).
Aussi les saints Pères encouragent-ils les vierges à aimer leur Époux divin plus ardemment qu'une femme son mari, et à conformer leurs pensées et leurs actions à sa volonté (28) : « Aimez de tout votre cœur le plus beau des enfants des hommes, leur écrit saint Augustin. Vous en avez tout le loisir : votre cœur est libre des liens du mariage... Si donc vous eussiez été obligées à un grand amour envers vos maris, combien plus devez-vous aimer Celui pour qui vous n'avez pas voulu avoir de mari. Qu'il soit fixé dans tout votre cœur Celui qui, pour vous, a été fixé sur la Croix (29) ». Tels sont bien d'ailleurs les sentiments et les résolutions que l'Église elle-même réclame des vierges au jour de leur consécration, lorsqu'elle les invite à prononcer ces paroles rituelles : « Le royaume du monde et tout l'ornement du siècle, je les ai méprisés pour l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, que j'ai vu, que j'ai aimé, en qui j'ai cru, que j'ai préféré (30) ». C'est donc l'amour seul qui attire avec douceur la vierge à consacrer son corps et son âme au divin Rédempteur, comme saint Méthode d'Olympe le fait si joliment dire à l'une d'elles : « C'est Toi-même, Toi, ô Christ, qui es absolument tout pour moi. Je me garde pure pour Toi et, portant des lampes brillantes, mon Époux, je viens à ta rencontre (31) ». Oui, c'est bien l'amour du Christ qui persuade à la vierge d'aller s'enfermer pour toujours derrière les murs d'un monastère, pour y contempler et aimer à loisir son Époux céleste, et qui lui inspire d'user toutes ses forces jusqu'à la mort au service du prochain dans les œuvres de miséricorde.
Quant aux hommes qui ne se sont pas souillés avec des femmes — car ils sont vierges (32), l'apôtre saint Jean affirme qu’ils suivent l'Agneau partout où Il va (33). Méditons le conseil que leur donne saint Augustin : « Suivez l'Agneau, car la chair de l'Agneau est vierge elle aussi... Vous avez bien raison de Le suivre, par la virginité du cœur et de la chair, partout où II va. Qu'est-ce en effet que suivre sinon imiter ? La preuve, c'est que le Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple, comme dit l'apôtre saint Pierre, pour que nous suivions ses traces (34). En vérité, tous ces disciples et toutes ces épouses du Christ ont embrassé l'état de virginité, observe saint Bonaventure, « pour la conformité au Christ leur Époux, auquel cet état rend les vierges conformes (35) ». Leur ardente charité envers le Christ ne pouvait se contenter avec Lui des simples liens du cœur : elle entendait se prouver aussi par l'imitation de ses vertus et, d'une façon spéciale, par la conformité à sa vie toute livrée pour le salut du genre humain.
Si les prêtres, si les religieux et les religieuses, si tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont consacré leur vie au service de Dieu, observent la chasteté parfaite, c'est en définitive parce que leur divin Maître est resté Lui-même vierge jusqu'à sa mort : « Fils unique de Dieu, s'écrie saint Fulgence, Fils unique de la Vierge, unique Époux de toutes les vierges consacrées, fruit, ornement et récompense de la sainte virginité, tel est le Christ à qui la sainte virginité a donné un corps, Lui à qui la sainte virginité s'unit par des noces spirituelles, Lui qui rend féconde la sainte virginité sans détruire son intégrité, Lui qui la pare pour la rendre belle, et qui lui donne sa couronne pour qu'elle règne glorieuse dans l'éternité (36) ».
Nous croyons opportun, Vénérables Frères, de montrer avec plus de précision pour quelle raison l'amour du Christ pousse ces âmes généreuses à renoncer au mariage, et quels liens secrets existent entre la virginité et la perfection de la charité chrétienne. L'enseignement du Christ rapporté plus haut laissait déjà entendre que la parfaite abstention du mariage dégage les hommes de lourdes charges et de graves devoirs. Inspiré par l'Esprit de Dieu, l'Apôtre des Gentils donna la raison de cette libération : Je voudrais vous voir exempts de soucis. L’homme marié a souci des affaires de ce monde, des moyens de plaire à sa femme et le voilà partagé (37). Cependant, remarquons-le, l'Apôtre ne blâme pas le mari de penser à sa femme, ni l'épouse de chercher à plaire à son mari ; mais il constate que leur cœur est partagé entre l'amour de leur conjoint et leur amour de Dieu, et qu'ils sont trop accaparés par les soucis et les obligations de la vie conjugale pour pouvoir se livrer aisément à la méditation des choses divines. Car le devoir est là, très clair, impérieux : Ils seront deux en une seule chair (38). Les époux sont liés l'un à l'autre, dans le malheur comme dans le bonheur (39).
On comprend dès lors pourquoi les personnes qui désirent se consacrer au service de Dieu embrassent l'état de virginité comme une libération, afin d'être plus entièrement à la disposition de Dieu et du prochain. Comment, par exemple, un missionnaire de l'Évangile comme saint François-Xavier, un père des pauvres comme saint Vincent de Paul, un éducateur de la jeunesse comme saint Jean Bosco, une « mère des émigrés » comme sainte Françoise-Xavier Cabrini, auraient-ils pu accomplir des œuvres aussi grandes et aussi pénibles s'ils avaient dû pourvoir aux besoins matériels et spirituels d'une femme ou d'un mari et de plusieurs enfants ?
Mais il y a encore une autre raison pour laquelle les âmes avides d'une totale consécration au service de Dieu et du prochain embrassent l'état de virginité. Les saints Pères ont fait ressortir tous les avantages d'un complet renoncement aux plaisirs de la chair pour le progrès dans la vie spirituelle. Sans doute, ils l'ont d'ailleurs clairement rappelé, un tel plaisir, légitime dans le mariage, n'est pas à réprouver en lui-même : bien plus, le chaste usage du mariage est ennobli et sanctifié par un sacrement. Et pourtant, il n'en faut pas moins le reconnaître, par suite de la chute d'Adam, les facultés inférieures de la nature humaine n'obéissent plus à la droite raison et entraînent même parfois l'homme à accomplir des actes déshonnêtes. Au dire du Docteur Angélique, l'usage du mariage « occupe l'âme et l'empêche de se consacrer tout entière au service de Dieu (40) ».
C'est pour permettre à ses ministres sacrés d'acquérir cette liberté spirituelle du corps et de l'âme et ce dégagement des soucis temporels que l'Église latine exige d'eux qu'ils s'obligent volontairement à la chasteté parfaite (41). « Si une telle loi, affirme Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie XI, ne lie pas à ce point les ministres de l'Église orientale, chez eux aussi, pourtant, le célibat ecclésiastique est en honneur et, dans certains cas, surtout lorsqu'il s'agit des degrés les plus élevés de la hiérarchie, c'est une condition nécessaire et obligatoire (42) ».
Mais les ministres sacrés ne renoncent pas uniquement au mariage à cause de leur ministère apostolique, mais bien aussi en raison du service des autels. Car, si les prêtres de l'Ancien Testament devaient déjà s'abstenir de l'usage du mariage pendant leur service au Temple, de peur d'être déclarés impurs par la Loi comme le reste des hommes (43), à combien plus forte raison ne convient-il pas que les ministres de Jésus-Christ possèdent la parfaite chasteté, eux qui offrent chaque jour le Sacrifice eucharistique ? Saint Pierre Damien; exhorte les prêtres à la parfaite continence par cette question : « Si notre Rédempteur a tant aimé la fleur d'une pudeur intacte que non seulement Il est né d'un sein vierge, mais qu'il a reçu les soins d'un père nourricier vierge, et cela lorsqu'il vagissait, encore enfant, dans son berceau, à qui donc, dites-moi, veut-Il confier son Corps, maintenant qu'il règne, immense, dans les cieux (44) ? »
C'est avant tout pour cette raison que, selon l'enseignement de l'Église, la sainte virginité l'emporte en excellence sur le mariage. Déjà le divin Rédempteur en avait fait un conseil de vie plus parfaite (45). Et saint Paul, après avoir dit au père qui marie sa fille qu'il fait bien, ajoute aussitôt : Celui qui ne la marie pas fera mieux encore (46). Plusieurs fois, au cours de sa comparaison entre le mariage et la virginité, l'Apôtre confie le fond de sa pensée : Je voudrais bien que tout le monde soit comme moi... Aux célibataires et aux veuves, je dis donc qu'il leur est bon de demeurer comme moi (47).
La virginité est préférable au mariage, comme Nous l'avons dit, en tout premier lieu parce qu'elle a une fin plus haute (48) ; elle est un moyen très efficace pour se consacrer tout entier au service de Dieu, tandis que le cœur des personnes mariées restera toujours « partagé (49) ».
1- dans la vie apostolique.
Mais l'excellence de la virginité prendra un plus grand relief encore si nous en considérons la fécondité : « C'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre (50) ».
Nous sommes profondément ému à la pensée de l'innombrable phalange des vierges et des apôtres qui, depuis les premiers siècles de l'Église jusqu'à nos jours, ont renoncé au mariage pour se dévouer plus aisément et plus complètement au salut du prochain, et Nous sommes rempli d'une douce joie à la vue des admirables entreprises de religion et de charité qu'ils ont menées à bien. Nous ne voulons certes pas méconnaître les mérites des militants de l'Action Catholique et les fruits de leur apostolat : par leurs services, ils peuvent souvent toucher des âmes que les prêtres et les religieux ou les religieuses ne sauraient atteindre. Et pourtant, c'est à ces personnes consacrées qu'on doit sans aucun doute attribuer en majeure partie les œuvres de charité.
On rencontre de ces âmes généreuses près des hommes de tout âge et de toute condition, toujours prêtes à les assister. Et, quand ces serviteurs et ces vierges défaillent, épuisés ou malades, ils lèguent leur mission sacrée en héritage à leurs successeurs. A peine né, l'enfant est souvent accueilli par des mains virginales qui suppléent autant qu'elles le peuvent à l'amour de sa mère ; à l'âge de raison, il est confié à des éducateurs ou à des éducatrices qui veillent à son instruction chrétienne, en même temps qu'à la culture de son esprit et à la formation de son caractère. S'il est malade, l'enfant ou l'adulte trouvera toujours des infirmiers ou des infirmières, mus par l'amour du Christ, qui le soigneront avec un dévouement inlassable. Orphelin, tombé dans la misère matérielle ou morale, prisonnier, il ne sera pas abandonné : ces prêtres, ces religieux, ces vierges consacrées verront en lui un membre souffrant du Christ, et ils se souviendront des paroles du divin Rédempteur : J'ai eu faim et vous M'avez donné à manger, J'ai eu soif et vous M'avez donné à boire, J'étais un étranger et vous M'avez accueilli, nu et vous M'avez vêtu, malade et vous M'avez visité, prisonnier et vous êtes venu Me voir... En vérité, Je vous le dis, tout ce que vous avez fait au moindre de mes frères, c'est à Moi qui vous l'avez fait (51). Et qui louera jamais assez les missionnaires qui se dépensent, au prix des plus grandes fatigues, loin de leur propre patrie, à la conversion des masses infidèles ? Que dire enfin des épouses du Christ qui leur rendent de si précieux services ?
A tous et à toutes, Nous
appliquons volontiers ces paroles de Notre Exhortation Apostolique Menti
Nostrae : « Par cette loi du célibat, bien loin de perdre entièrement la
paternité, le prêtre l'accroît à l'infini, car la postérité qu'il ne suscite
pas à cette vie terrestre et passagère, il l'engendre à la vie céleste et
éternelle (52) ».
2- dans la vie contemplative.
Mais la virginité n'est pas seulement féconde par les œuvres extérieures auxquelles elle permet de se dévouer plus aisément et plus pleinement ; elle l'est aussi par ces formes très parfaites de charité envers le prochain que sont la prière et le support volontaire et généreux de toutes les épreuves pour ce motif. Elle produit surtout ces fruits chez les serviteurs et les épouses du Christ qui s'y consacrent, leur vie entière, derrière les murs d'un monastère.
Enfin, la virginité consacrée au Christ comporte par elle-même un tel témoignage de foi dans le Royaume des cieux et une telle preuve d'amour à l'égard du divin Rédempteur qu'il n'est pas étonnant de lui voir porter des fruits aussi abondants de sainteté. Innombrables sont les vierges et les apôtres voués à la chasteté parfaite qui sont l'honneur de l'Église par la haute sainteté de leur vie. En effet, la virginité donne aux âmes une force spirituelle capable de les mener jusqu'au martyre : c'est l'enseignement manifeste de l'histoire, qui propose à notre admiration une telle foule de vierges, d'Agnès de Rome à Maria Goretti.
La virginité mérite bien le nom de vertu angélique ; Saint Cyprien le rappelle aux Vierges : « Ce que nous serons, vous déjà, vous avez commencé de l'être. Vous possédez déjà dans ce monde la gloire de la résurrection ; vous passez par le temps sans les souillures du temps. En persévérant chastes et vierges, vous êtes les égales des anges de Dieu (53) ». A l'âme assoiffée de vie pure et embrasée du désir de posséder le Royaume des dieux, la virginité s'offre donc comme une perle de grand prix pour l'achat de laquelle elle vend tout te qu'elle possède (54). Aux personnes mariées, et même à ceux qui se roulent dans la fange du vice, la vue des vierges révèle souvent la splendeur de la pureté et inspire le désir de dépasser les plaisirs des sens. Si saint Thomas a pu affirmer « qu'on attribue à la virginité la plus grande beauté (55) », c’est bien parce que l'exemple des vierges est entraînant : par leur chasteté parfaite, tous ces hommes et ces femmes ne donnent-ils pas la preuve la plus éclatante que cette maîtrise de l'esprit sur le corps est un effet du secours divin et un signe de solide vertu ?
On le constate avec plaisir, le fruit le plus délicat de la virginité réside en ceci : les vierges manifestent par leur simple existence la virginité parfaite de leur Mère l'Église et la sainteté de son union intime avec le Christ. Dans le rite de la consécration des vierges, le Pontife prie Dieu « pour qu'il existe des âmes plus hautes qui, dans l'union de l'homme et de la femme, dédaignent la réalité charnelle pour désirer le mystère qu'elle représente, et refusent d'imiter ce qui se fait dans les noces pour aimer ce qui est signifié par les noces (56) ».
La plus grande gloire des
vierges, c'est d'être les images vivantes de la parfaite intégrité de l'union
de l'Église à son Époux divin. Et cette société fondée par le Christ se réjouit
vivement de voir que les vierges sont le signe merveilleux de sa sainteté et de
sa fécondité, comme l'écrit si bien saint Cyprien : « C'est là la fleur de
l'Église, la beauté et l'ornement de la grâce spirituelle, une cause de joie,
œuvre parfaite et intègre, un hommage de louange, image de Dieu, une réponse à
la sainteté du Seigneur, portion la plus illustre du troupeau du Christ. Par
elles, notre Mère l'Église s'ouvre à la joie, sa glorieuse fécondité s'épanouit
en elles : plus le nombre des vierges augmente, plus s'accroît la joie de cette
Mère (57) ».
Cette doctrine de l'excellence de la virginité et du célibat, et de leur supériorité sur le mariage, avait été révélée, comme Nous l'avons dit, par le divin Rédempteur et l'Apôtre des Gentils ; de même, elle a été solennellement définie comme un dogme de foi divine par le saint Concile de Trente (58) et expliquée de la même façon par tous les saints Pères et Docteurs de l'Église. Enfin, Nos Prédécesseurs et Nous-même l'avons souvent exposée et vivement recommandée en toute occasion. Mais, devant de récentes attaques à cette doctrine traditionnelle de l'Église, et à cause du péril qu'elles constituent et du mal qu'elles font dans l'âme des fidèles, Nous sommes conduit par le devoir de Notre charge à en reprendre l'exposé dans cette Encyclique, et à réprouver ces erreurs si souvent proposées sous les apparences de la vérité.
Tout d'abord, on s'écarte du sens commun, dont l'Église fait toujours si grand cas, quand on considère l'instinct sexuel comme la plus importante et la plus profonde des tendances humaines, et quand on en conclut que l'homme ne peut l'étouffer toute sa vie durant sans danger pour son organisme et sans nuire ainsi à l'équilibre de sa personnalité.
Selon la juste observation de saint Thomas, la plus profonde des inclinations naturelles est l'instinct de conservation ; l'instinct sexuel ne vient qu'en second lieu. En outre, c'est à l'inclination rationnelle, privilège singulier de notre nature, qu'il appartient de régler l'exercice de ces instincts plus fondamentaux et de les ennoblir en les dominant (59).
Certes, le péché d'Adam a profondément troublé nos puissances corporelles et nos passions, au point qu'elles cherchent à asservir la vie des sens et même la vie de l'esprit, en obscurcissant la raison et en affaiblissant la volonté. Mais la grâce du Christ nous est donnée, spécialement par les sacrements, pour nous aider à tenir notre corps en servitude et à vivre de l'esprit (60). La vertu de chasteté ne nous impose pas l'insensibilité à l'aiguillon de la concupiscence, mais sa subordination à la raison et à la loi de grâce, par un effort total vers les fins les plus nobles de la vie humaine et chrétienne.
Or, pour acquérir cette emprise parfaite de l'esprit sur la vie des sens, il ne suffit pas de s'abstenir seulement des actes directement contraires à la chasteté, mais il est nécessaire de renoncer aussi avec générosité à tout ce qui offense de près ou de loin cette vertu : l'esprit pourra alors régner pleinement sur le corps et mener sa vie spirituelle dans la paix et la liberté. Comment ne pas voir, à la lumière des principes catholiques, que la chasteté parfaite et la virginité, bien loin de nuire au développement normal de l'homme et de la femme, les élèvent au contraire à la noblesse morale la plus haute ?
Nous avons récemment blâmé avec tristesse l'opinion qui présente le mariage « comme le seul moyen d'assurer à la personnalité humaine son développement et sa perfection naturels (61) ». Certains soutiennent, en effet, que la grâce communiquée ex opere operato par le sacrement sanctifie l'usage du mariage, au point d'en faire un instrument plus efficace que la virginité pour unir les âmes à Dieu, étant donné que le mariage chrétien est un sacrement, et non pas la virginité. Nous dénonçons dans cette doctrine une erreur dangereuse. Certes, le sacrement accorde aux époux la grâce d'accomplir saintement leur devoir conjugal et il renforce les liens d'affection réciproque qui les unit ; mais le but de son institution n'est pas de faire de l'usage du mariage le moyen le plus apte en lui-même à unir à Dieu l'âme des époux par les liens de la charité (62). Lorsque l'apôtre saint Paul reconnaît aux époux le droit de s'abstenir pour un temps de l'usage du mariage afin de vaquer à la prière (63), n'est-ce pas précisément parce qu'un tel renoncement procure à l'âme la liberté de vaquer aux choses divines et de prier ?
Enfin, on ne saurait affirmer, à là manière de certains, que « l'aide mutuelle (64) » recherchée par les époux dans le mariage soit un secours plus parfait pour parvenir à la sainteté que la « solitude du cœur » des vierges et des continents. En effet, malgré leur renoncement à l'amour humain, les âmes vouées à la chasteté parfaite n'appauvrissent pas pour autant leur personnalité humaine, car elles reçoivent de Dieu Lui-même un secours spirituel bien supérieur à « l'aide mutuelle » des époux. C'est précisément par leur soumission à Celui qui est leur principe et qui les fait participer à sa vie divine, qu'ils s'enrichissent eux-mêmes. Qui donc peut s'appliquer avec plus de raison que les vierges ces paroles de l'apôtre saint Paul : Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi (65) ?
Telle est la raison pour laquelle l'Église a maintenu le célibat des prêtres : elle sait quelle source de grâces spirituelles et d'union plus intime avec Dieu il sera pour eux.
Nous croyons opportun de mentionner brièvement une autre erreur encore : certains détournent les jeunes d'entrer au Séminaire ou dans la vie religieuse, sous prétexte que l'Église a beaucoup plus besoin aujourd'hui de leur aide et du témoignage de chrétiens mariés vivant au milieu des autres hommes que de prêtres et de vierges séparés du monde par leur vœu de chasteté. Il est bien évident, Vénérables Frètes, que ce raisonnement est faux et pernicieux.
Notre pensée n'est certes pas de nier la fécondité du témoignage que les époux chrétiens peuvent porter par l'exemple de leur vie et par les fruits de leurs vertus, en tous lieux et en toutes circonstances. Mais c'est renverser l'ordre réel des choses que d'invoquer cette raison pour persuader quelqu'un de préférer le mariage à la vie consacrée à Dieu. Sans doute, Vénérables Frères, Nous souhaitons ardemment que l'on ne se contente pas d'enseigner aux fiancés et aux jeunes époux les devoirs des parents, mais qu'on les instruise aussi sur le témoignage qu'ils ont à donner aux autres par leur foi et leurs vertus. Nous devons cependant blâmer avec force les mauvais conseillers qui détournent les jeunes d'entrer au Séminaire ou dans la vie religieuse sous prétexte qu'ils feront plus de bien comme pères ou mères de famille, par leur profession publique de la foi chrétienne. On ferait bien mieux d'exhorter les nombreux laïques mariés à coopérer aux œuvres d'apostolat comme membres auxiliaires que de s'acharner à détourner du service de Dieu les trop rares jeunes gens qui désirent s'y consacrer. Saint Ambroise le rappelle avec opportunité : « Ce fut toujours la grâce propre aux prêtres que de jeter la semence de la pureté et de stimuler à la profession de la virginité (66) ».
Il est d'ailleurs tout à fait faux, pensons-Nous, d'affirmer que les personnes consacrées à la chasteté parfaite deviennent étrangères à la société. Les religieuses qui se dépensent toute leur vie au service des pauvres et des malades, sans aucune distinction de race, de condition sociale et de religion, ne s'unissent-elles pas intimement à leurs misères et à leurs souffrances et n'y compatissent-elles pas comme si elles étaient leurs vraies mères ? Et le prêtre n'est-il pas le bon pasteur qui, à l'exemple de son divin Maître, connaît ses brebis et les appelle chacune par son nom (67) ? Or, c'est précisément la chasteté parfaite qui a permis à ces prêtres et à ces religieux et religieuses de se donner à tous les hommes:et de les aimer de l'amour même du Christ.
Les contemplatifs et contemplatives contribuent beaucoup, eux aussi, au bien de l'Église, par leurs prières et par l'offrande de leur immolation pour le salut d'autrui ; et comme dans les circonstances présentes, ils se livrent à l'apostolat et aux œuvres de charité d'après les normes édictées dans Notre Lettre Apostolique Sponsa Christi (68), pour ce motif aussi ils doivent être très spécialement approuvés. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme étrangers à la société, mais bien plutôt, à ce double titre, comme des ouvriers de son bien spirituel.
Venons-en maintenant, Vénérables Frères, aux conséquences pratiques de cette doctrine de l'Église sur l'excellence de la virginité.
Tout d'abord, il importe de le dire clairement, la supériorité de la virginité sur le mariage n'implique nullement qu'elle soit un moyen obligatoire de perfection chrétienne. On peut parvenir à la sainteté sans vouer à Dieu sa chasteté, comme le prouve l'exemple de nombreux saints et saintes, objet d'un culte public dans l'Église, qui furent des maris et des épouses modèles, d'excellents pères et mères de famille. Bien plus, il n'est pas rare de rencontrer également des personnes mariées qui tendent à la perfection avec une grande générosité.
En outre, remarquons-le, Dieu n'a pas imposé la virginité à tous les chrétiens ; comme l'enseigne l'apôtre saint Paul : Pour ce qui est des vierges, je n'ai pas de précepte du Seigneur, mais je donne un conseil (69). La chasteté parfaite n'est donc qu'un simple conseil, un moyen capable de conduire plus sûrement et plus aisément à la perfection évangélique et au Royaume des cieux les âmes auxquelles cela a été donné (70). « Elle n'est pas imposée, mais proposée », note saint Ambroise (71).
Aussi la chasteté parfaite exige-t-elle, de la part des chrétiens, une option libre avant leur offrande totale au Seigneur, et, de la part de Dieu, elle réclame un don, une grâce (72). Déjà le divin Rédempteur nous en avait Lui-même prévenus : Tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui cela a été donné... Comprenne qui le peut (73). Sur cette parole du Christ, saint Jérôme invite « chacun à considérer ses forces, pour savoir s'il pourra observer les préceptes de la virginité. En elle-même, la chasteté est agréable et attire tout le monde. Mais il faut bien mesurer ses forces : Comprenne qui le peut. C'est comme si la voix du Seigneur appelait ses disciples et les invitait à la récompense de la virginité. Comprenne qui le peut : combatte qui le peut, qu'il vainque et qu'il triomphe ! (74) »
La virginité est une vertu ardue. Pour qu'on puisse s'y engager, il ne suffit pas d'avoir pris la résolution ferme et expresse de s'abstenir à jamais des plaisirs légitimes du mariage ; il faut aussi maîtriser et calmer par une vigilance et uni combat constant les révoltes de la chair et les passions du cœur, se garder des sollicitations du monde et vaincre les tentations du démon. Saint Jean Chrysostome avait bien raison de le dire, « la racine et le fruit de la virginité, c'est une vie crucifiée (75) ». Selon saint Ambroise, la virginité est comme un sacrifice, et la vierge est l'hostie de la pudeur, la victime de la chasteté (76) ». Saint Méthode d'Olympe compare même les vierges aux martyres (77) et saint Grégoire le Grand enseigne que la chasteté parfaite remplace le martyre : « Le temps de la persécution est passé, mais notre paix a son martyre : si nous ne mettons plus notre cou sous le fer, nous tuons d'un glaive spirituel les désirs charnels de notre âme (78) ». La chasteté consacrée à Dieu exige donc des âmes fortes et nobles, prêtes au combat et à la victoire pour le Royaume des cieux (79).
Avant de s'engager dans cette voie étroite, si l'on se sent trop faible en ce domaine, on fera donc bien d'écouter humblement l'avertissement de l'apôtre saint Paul : S'ils ne peuvent garder la continence, qu'ils se marient : mieux vaut je marier que de brûler (80). Pour beaucoup, en effet, la continence perpétuelle serait d'un poids trop lourd et ne saurait leur être conseillée. De même, les prêtres chargés de la direction de jeunes qui croient avoir une vocation sacerdotale ou religieuse ont le grave devoir de conscience de les exhorter à l'étudier avec soin et de ne pas les laisser s'engager dans une voie où ils ne pourraient espérer marcher avec fermeté et succès. Que ces prêtres examinent prudemment leurs aptitudes et écoutent l'avis des médecins chaque fois que cela convient; puis, si un doute sérieux subsiste encore, surtout au sujet de leur vie passée, qu'ils interviennent avec autorité pour leur faire renoncer à embrasser l'état de chasteté parfaite ou pour empêcher leur admission aux ordres sacrés ou à la profession religieuse.
Mais, si la chasteté consacrée à Dieu est une vertu ardue, sa pratique fidèle et parfaite est possible à ceux qui, après avoir bien pesé toutes choses, ont répondu d'un cœur généreux à l'invitation du Christ Jésus et font tout ce qu'ils peuvent pour la conserver. En effet, par leur engagement même dans l'état de virginité ou de célibat, ils ont reçu de Dieu le don de la grâce capable de les aider à exécuter leur promesse. C'est pourquoi, s'il s'en trouvait « qui ne sentent pas avoir reçu le don de la chasteté (même après l'avoir vouée) (81) », ils ne sauraient mettre en avant leur incapacité de satisfaire à leur obligation dans ce domaine. « Car "Dieu ne commande jamais l'impossible, mais, par son commandement, II avertit de faire ce que l'on peut et de demander ce que l'on ne peut pas (82)" et Il aide à pouvoir (83) ».
Nous rappelons aussi cette vérité réconfortante aux malades dont la volonté s'est affaiblie à la suite de troubles nerveux, et auxquels certains médecins, parfois même catholiques, conseillent trop facilement de se faire dispenser de leurs obligations, sous prétexte qu'ils ne peuvent pas observer la chasteté sans nuire à leur équilibre psychique. Comme il serait plus utile et plus opportun d'aider ces malades à renforcer leur volonté et de les convaincre que la chasteté n'est pas impossible pour eux non plus : Dieu est fidèle : Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. A côté de la tentation, Il placera la grâce nécessaire pour vaincre (84).
MOYENS DE SAUVEGARDER LA CHASTETÉ :
Les moyens recommandés par le divin Rédempteur Lui-même pour une sauvegarde efficace, de notre vertu sont une vigilance assidue, par laquelle nous faisons de notre mieux ce qui est en notre pouvoir, et une constante prière, par laquelle nous demandons à Dieu ce que nous ne pouvons faire en raison de notre faiblesse : Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l'esprit est ardent, mais la chair est faible (85).
Une vigilance de tous les instants et en toutes circonstances est absolument nécessaire, car la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair (86). Si l’on accorde un tant soit peu aux séductions du corps, on sera très vite entraîné jusqu'en ces œuvres de la chair énumérées par l'Apôtre (87), vices les plus honteux de l'humanité.
Aussi faut-il veiller avant tout sur les mouvements des passions et des sens et les maîtriser par une vie volontairement austère et par la mortification corporelle ; pour les soumettre à la droite raison et à la loi divine : Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises (88). L'Apôtre des Gentils avoue à son propre sujet : Je meurtris mon corps et le tiens en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé (89). Tous les saints et saintes ont ainsi veillé sur leurs sens et en ont réprimé les mouvements, parfois très violemment, selon renseignement même du divin Maître : Je vous le dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son cœur l'adultère avec elle. Si ton œil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : il t'est plus avantageux de perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps jeté en enfer (90). Cette admonition le met bien en lumière : notre Rédempteur exige avant tout que nous ne consentions jamais au péché, même en pensée, et qu'avec la dernière énergie nous retranchions en nous tout ce qui pourrait ternir même légèrement la belle vertu. Sur ce point, nul excès de vigilance ni de sévérité n'est possible. Et si une mauvaise santé ou d'autres raisons ne nous permettent pas de pénibles austérités corporelles, jamais elles ne nous dispensent de la vigilance et de la mortification intérieure.
D'ailleurs, selon le sentiment commun des saints Pères (91) ; et des Docteurs de l'Église (92), on se dégage plus facilement des attraits du péché et des séductions des passions en les fuyant de toutes ses forces qu'en leur résistant de front. D'après saint Jérôme, pour conserver la pureté, la fuite vaut mieux que le combat à découvert : « Je m'enfuis pour ne pas être vaincu (93) ». Cela consiste à s'éloigner avec diligence des occasions du péché et surtout à élever notre esprit vers les réalités divines pendant les tentations, en le fixant sur le Christ à qui nous avons voué notre virginité : « Regardez Celui qui vous aime », recommande saint Augustin (94).
Or, cette fuite et cette vigilance à ne pas s'exposer aux occasions du péché, à la manière des saints et des saintes de tous les temps, ne semblent plus comprises aujourd'hui de tout le monde. D'après certains, les chrétiens et en particulier les prêtres ne doivent plus être des séparés comme autrefois, mais être présents au monde : il leur faut affronter le risque et exposer leur chasteté pour la mettre à l'épreuve. Les jeunes clercs doivent tout regarder pour s'habituer à tout voir sans, trouble et pour s'immuniser ainsi contre n'importe quelle tentation ; on les autorise aisément à fixer sans vergogne tout ce qui tombe sous leurs yeux, à fréquenter les cinémas, et même pour y voir des films interdits par les censeurs ecclésiastiques, à feuilleter n'importe quels périodiques, fussent-ils obscènes, à lire des romans à l'Index ou interdits par le droit naturel. On leur concède tout cela sous prétexte qu'aujourd'hui la plupart des gens se repaissent de ces spectacles et de ces publications, et qu'il faut comprendre leur façon de penser et de sentir pour les aider. Il est facile de voir combien une telle manière de former le clergé et de le préparer à la sainteté de sa mission est fausse et dangereuse : Celui qui aime le danger y tombera (95). L'admonition de saint Augustin est toujours aussi opportune en la matière : « Ne dites pas que vos âmes sont chastes si vos, yeux ne le sont pas, car un oeil impur est le messager d'un cœur impur (96) ».
Cette funeste méthode repose sur une grave confusion. Le Seigneur a bien dit de ses Apôtres : Je les ai envoyés dans le monde (97), mais Il venait d'affirmer auparavant : Ils ne sont pas du monde, comme Moi je ne suis pas du monde (98), et il avait prié son Père : Je ne Te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal (99). L'Église, inspirée par ces principes, a pris de très sages mesures pour préserver les prêtres vivant dans le monde des tentations qui les entourent (100) : ces normes ont pour but de mettre la sainteté de leur vie à l'abri des soucis des laïques et de leurs divertissements.
A plus forte raison faut-il séparer les jeunes clercs de l'agitation du siècle pour les former à la vie spirituelle et à la perfection sacerdotale et religieuse avant de les engager dans les luttes de la vie. Aussi doivent-ils rester longtemps au Séminaire ou au Scolasticat et y recevoir une éducation soignée, apprenant peu à peu et avec prudence à prendre contact avec les problèmes de notre temps, comme Nous le prescrivions dans Notre Exhortation Apostolique Menti Nostrae (101). Quel jardinier exposerait jamais de jeunes plantes d'espèce rare aux intempéries, sous prétexte de les éprouver ? Or les séminaristes, les novices, sont des plantes jeunes et délicates à protéger et à aguerrir progressivement.
Les éducateurs de la jeunesse cléricale feraient bien mieux d'inculquer à ces jeunes gens les lois de la pudeur chrétienne. Cette vertu n'est-elle pas la gardienne de la virginité et la prudence de la chasteté ? Elle devine le danger et inspire la fuite dans les occasions où de moins prudents s'exposent. La pudeur n'aime pas les paroles déshonnêtes et déteste la tenue immodeste ; elle se garde d'une familiarité suspecte avec les personnes de l'autre sexe, car elle remplit l’âme d'un profond respect pour le corps, ce membre du Christ (102), ce temple du Saint-Esprit (103). L'âme vraiment pudique a horreur du moindre péché d'impureté et se retire au premier éveil de la séduction.
La pudeur suggère encore aux parents et aux éducateurs les termes appropriés à la conscience des jeunes en matière de pureté. Certes, comme Nous le rappelions récemment, « cette pudeur ne doit pas être confondue avec un silence absolu allant jusqu'à, exclure de la formation morale toute manière prudente et réservée d'en parler (104) ». Cependant, trop souvent de nos jours, certains éducateurs se croient obligés d'initier les âmes innocentes aux secrets de la procréation d'une façon qui offense la pudeur. Or celle-ci impose précisément une juste mesure.
La pudeur se nourrit de la crainte de Dieu, cette crainte filiale qui se base sur une profonde humilité et qui inspire l'horreur du moindre péché. Notre Prédécesseur saint Clément Ier l'affirmait déjà : « Celui qui est chaste dans sa chair ne s'en vante pas, conscient de tenir d'un autre le don de la continence (105) ». Personne n'a sans doute mieux montré que saint Augustin l'importance de l'humilité chrétienne pour la sauvegarde de la virginité : « La continence perpétuelle, et plus encore, la virginité, est un si grand bien chez les saints de Dieu qu'il faut empêcher avec une extrême vigilance sa corruption par l'orgueil, ce voleur qui le déroberait. Ce bien de la virginité, nul ne le garde que Dieu qui l'a donné ; et Dieu est charité (106). La gardienne de la virginité, c'est donc la charité, mais la demeure de cette gardienne, c'est l'humilité (107) ».
Ce n'est pas tout : pour conserver la chasteté, la vigilance et la pudeur ne suffisent pas. Il faut aussi recourir aux moyens surnaturels : la prière, les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, une ardente piété à l'égard de la Très Sainte Vierge.
La chasteté parfaite, ne l'oublions pas, est un don de Dieu. « II a été donné (108) à ceux qui l'ont demandé, remarque saint Jérôme, à ceux qui l'ont voulu, à ceux qui ont travaillé pour le recevoir. Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira (109) ». De la prière, ajoute saint Ambroise, dépend la fidélité des vierges à leur Époux divin (110). Et, comme l'enseigne saint Alphonse de Liguori (111), aucun moyen n'est plus nécessaire et plus sûr pour vaincre les tentations contre la belle vertu qu'un recours immédiat à Dieu.
A la prière, il faut ajouter la pratique fervente et fréquente du sacrement de Pénitence : c'est un remède spirituel qui purifie et guérit. Il faut encore se nourrir de l'Eucharistie : Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII la désignait comme le meilleur « remède contre la concupiscence (112) ». Plus une âme est chaste, plus elle a faim de ce Pain, où elle puise la force contre toute séduction impure, et par lequel elle s'unit plus intimement à son divin Époux : Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en Moi et Moi en lui (113).
Mais, pour garder et entretenir la chasteté, il existe un moyen dont l'expérience des siècles montre toujours mieux la valeur insigne : une forte et ardente dévotion à la Sainte Vierge. D'une certaine façon, tous les autres moyens se résument dans cette dévotion : quiconque s'en inspire sincèrement et profondément est poussé à veiller et à prier, à s'approcher du tribunal de la Pénitence et de la sainte Table. Aussi exhortons-Nous d'un cœur paternel les prêtres, les religieux et les religieuses à se mettre sous la protection de la sainte Mère de Dieu : Vierge des vierges, elle est, selon le mot de saint Ambroise, « la maîtresse de la virginité (114) », la Mère très puissante des âmes consacrées à Dieu.
La virginité est entrée dans le monde par elle, remarque saint Athanase (115), et « la dignité virginale a commencé avec la Mère de Dieu », précise saint Augustin (116). Après saint Athanase encore (117), saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de la Vierge Marie : « Imitez-la, Ô filles (118)… Que la vie de Marie vous présente comme en un miroir la beauté de la chasteté et l'idéal de la vertu. Puisez en elle l'exemple de votre vie : vous y trouverez ce que vous devez corriger, copier, conserver... Elle est l'image de la virginité. Marie fut telle que sa vie à elle seule suffit à renseignement de tous (119)... Que Marie elle-même règle votre vie (120) ». « Si grande était sa grâce qu'elle ne gardait pas pour elle celle de sa virginité, mais qu'à tous ceux qui l'approchaient, elle donnait le privilège de la chasteté (121) ». Saint Ambroise avait bien raison de s'écrier : « O richesse de la virginité mariale ! (122) » Et il est encore bien utile aux vierges d'aujourd'hui, comme aux religieux et aux prêtres, de contempler la virginité de Marie pour observer avec plus de fidélité et de perfection la chasteté de leur état.
La méditation des vertus de la
Bienheureuse Vierge Marie ne vous suffit pourtant pas, très chers fils et
filles : recourez à elle avec une confiance absolue et suivez le conseil de
saint Bernard : « Cherchons la grâce et cherchons-la par Marie (123) ». Et,
tout spécialement en cette Année Mariale, confiez-lui le soin de votre vie
spirituelle et de votre perfection, à l'imitation de saint Jérôme : « Pour moi,
la virginité est consacrée en Marie et au Christ (124) ».
Dans ces temps difficiles que traverse l'Église, c'est une grande consolation pour Notre cœur de Pasteur Suprême, Vénérables Frères, de voir l'estime et l'honneur réservés à la virginité dans le monde entier, aujourd'hui comme autrefois, malgré des erreurs que Nous voulons croire passagères.
Nous ne cachons pas cependant qu'à Notre joie se mêle une certaine tristesse devant la diminution du nombre des vocations, ces derniers temps, en plusieurs pays. Nous en avons suffisamment décelé les causes principales pour ne plus avoir à y revenir. Les éducateurs de la jeunesse tombés dans ces erreurs les répudieront, Nous en avons confiance, à peine les auront-ils reconnues, et ils s'efforceront de les réparer. Ils aideront de tout leur pouvoir les jeunes qui se sentent appelés par une inspiration surnaturelle au sacerdoce ou à la vie religieuse, et ils les assisteront de leur mieux dans la poursuite de ce but élevé de leur vie. Plaise au ciel, qu'alors une nouvelle pléiade de prêtres, de religieux et de religieuses se lève, prête à répondre aux besoins actuels de l'Église pour cultiver au plus tôt la vigne du Seigneur.
En outre, comme la conscience de Notre charge apostolique le réclame, Nous exhortons les parents à offrir de bon gré à Dieu leurs enfants appelés à son service. S'il leur en coûte, s'ils en éprouvent de la tristesse ou de l'amertume, qu'ils méditent ces réflexions de saint Ambroise aux mères de famille de Milan : « J'ai connu un grand nombre de jeunes filles désireuses de devenir vierges et empêchées de le faire par leurs mères... Si vos filles voulaient aimer un homme, les lois mêmes leur permettraient de choisir qui elles voudraient. Ainsi, qui a le droit de choisir un homme n'aurait pas le droit de choisir Dieu (125) ? »
Que les parents pensent donc au grand honneur d'avoir un fils prêtre ou une fille épouse du Christ. « Vous avez entendu, parents, s'écrie saint Ambroise... La vierge est un don de Dieu, une offrande des parents, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l'hostie de la mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère divine (126) ».
Nous ne voulons pas terminer cette Encyclique, Vénérables Frères, sans tourner Notre pensée et Notre cœur vers les âmes consacrées qui souffrent persécution en certains pays. Qu'elles prennent exemple sur ces vierges de la primitive Église qui subirent le martyre pour leur virginité (127).
Qu'elles persévèrent avec courage dans leur résolution de servir le Christ jusqu'à la mort (128). Qu'elles se souviennent de la grande valeur de leurs souffrances physiques et morales et de leurs prières devant Dieu pour l'instauration de son règne dans leur pays et dans l'Église tout entière. Qu'elles sachent bien que ceux qui suivent l'Agneau partout où Il va (129) chanteront éternellement un cantique nouveau (130), que personne d'autre ne pourra chanter.
Notre cœur paternel s'émeut de compassion à l'égard de ces prêtres, de ces religieux et de ces religieuses qui confessent vaillamment leur foi jusqu'au martyre. Nous prions pour eux, ainsi que pour toutes les âmes consacrées du monde entier, afin que Dieu les confirme, les fortifie et les console. Nous vous invitons, Vénérables Frères, à prier et à faire prier vos fidèles, en union avec Nous, afin d'obtenir pour ces âmes les célestes réconforts et les secours divins.
Nous vous accordons Notre Bénédiction Apostolique, à vous, Vénérables Frères, à tous les prêtres, à toutes les vierges consacrées, à ceux, tout spécialement, qui souffrent persécution pour la justice (131) et à tous vos fidèles. Qu'elle vous concilie les grâces divines et qu'elle soit un témoignage de Notre paternelle bienveillance.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de l'Annonciation de la Sainte Vierge, le 25 mars de l'année 1954, la seizième de Notre Pontificat.
1.
AAS XLVI (1954), p. 161 à 191. Trad. du latin publiée par l'Imprimerie
Polyglotte Vaticane (1954).
2.
Cf. S. Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 4, 15 ; De virginitate, c. 3, 13.
PL 16, 193, 269.
3.
Cf. Exode, 22, 16-17; Deutéronome, 22, 23-29 ; Ecclésiastique, 42, 9.
4.
1 Corinthiens, 10, 11.
5.
S. Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 3, 12. PL. 16, 192.
6.
Cf. Actes, 21, 9.
7.
Cf. S. Ignace d'Antioche, Ep. ad Smyrn., c. 13. Ed. Funk-Diekamp, Patres
Apostolici, vol. 1, p. 286.
8. S. Justin, Apol. I pro christ., c. 15. PG.
6, 349.
9. Constitution Apostolique Sponsa Christi, du 21 novembre
1950. (AAS 43 (1951), p. 5-24).
10.
CIC, can. 487 : « L'état religieux, ou mode de vie en commun stable, par
lequel les fidèles, en plus des préceptes communs, s'engagent aussi à la
pratique des conseils évangéliques par des vieux d'obéissance, de chasteté et
de pauvreté, doit être honoré par tous ».
11. CIC, can. 132 § 1.
Cf., T. 1, n° 229.
12.
Cf. Constitution Apostolique Provida Mater, du 2 février 1947, art. 3 §
2. (AAS 39
(1947), p. 121).
13.
Matthieu, 19, 10.
14.
Matthieu, 19, 11-12.
15.
Matthieu, 19, 12.
16.
S. Augustin, De sancta virginitate, c. 22, PL. 40, 407.
17. Cf. Can. 9. Mansi. Coll. concil., 2, 1096.
18. 1 Corinthiens 7, 32, 34.
19.
S. Cyprien, De habitu virginum, 4. PL. 4, 443.
20.
S. Augustin, De sancta virginitate, c. 8, 2. PL. 40, 400, 401.
21.
S. Thomas, Somme théologique, II-II, q. 152, a. 3, ad. 4.
22.
S. Bonaventure, De perfectione evangelica, q. 3, a. 3, sol. 5.
23.
Cf. S. Cyprien, De habîtu virginum, c. 20. PL. 4 ; 459.
24. Cf. S. Athanase, Apol. ad.
Constant. 33. PG. 25, 640.
25.
Cf. S. Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 8, 52. PL. 16, 202.
26. Ibid., L. 3, c. 1-3, n. 1-14 ; De institutione virginis, c. 17,
104-114. PL.
16, 219-224, 333-336.
27. Cf. Sacramentarium Leonianum, 30. PL. 55, 129 ; Pontifical Romain : De benedictione et
consecratione virginum.
28.
Cf. S. Cyprien, De habitu virginum, 4 et 22. PL. 4, 443-444 et 462 ; S.
Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 7, 37. PL. 16, 199.
29.
S. Augustin, De sancta virginitate, c. 54-55. PL. 40, 418.
30.
Pontifical Romain : De benedictione et consecratione virginum.
31.
S. Méthode d'Olympe, Convivium decem virginum, orat. 11, c. 2. PG. 18, 209.
32
et 33. Apocalypse, 14, 4.
34.
1 Pierre, 2, 21 ; S. Augustin, De sancta virginitate, c. 27. PL. 40, 411.
35.
S. Bonaventure, De perfectione evangelica, q. 3, a. 3.
36.
S. Fulgence, Epist. 3, c. 4, 6. PL. 65, 326.
37. 1 Corinthiens, 7, 32-33.
38.
Genèse, 2, 24 ; Cf. Matthieu, 19, 5.
39.
Cf. 1 Corinthiens, 7, 39.
40.
S. Thomas, Somme théologique, II-II, q. 186, a. 4.
41. CIC, can. 132, § 1.
Cf. T. 1, n° 229.
42. Encyclique Ad Catholici sacerdotii. (AAS 28 (1936), p. 24-25). Cf. T.
1, n° 485.
43.
Cf. Lévitique, 15, 16-17 ; 22, 4 ; 1 Samuel, 21, 5-7 ; S. Sirice, Pape, Ep. ad. Himer, 7. PL.
56, 558-559.
44.
S. Pierre Damien, De cœlibatu sacerdotum, c.
3. PL. 145, 384.
45.
Cf. Matthieu, 19, 10-11.
46.
1 Corinthiens, 7, 38.
47.
1 Corinthiens, 7, 7-8 ;
Cf. Ibid. 1 et 26.
48.
Cf. S. Thomas, Somme théologique, II-II, q. 152, a. 3-4.
49.
Cf. 1 Corinthiens, 7, 33.
50.
Matthieu, 12, 33.
51.
Matthieu, 25, 35-36, 40.
52.
AAS 42 (1950), p. 663. Cf. ci-dessus, n° 353.
53.
S. Cyprien, De habitu virginum, 22. PL. 4, 462 ; Cf. S. Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 8, 52. PL. 16, 202.
54.
Matthieu, 13, 46.
55.
S. Thomas, Somme théologique. 2, q. 152, a. 5.
56.
Pontifical Romain : De benedictione et consecratione virginum.
57.
S. Cyprien, De habitu virginum, 3. PL. 4, 443.
58.
Sess. 24,
can. 10.
59.
Cf. S. Thomas, Somme théologique, I-II, q. 94, a. 2.
60.
Cf. Galates, 5, 25 ; 1 Corinthiens, 9, 27.
61.
Discours aux Supérieures Générales des Ordres et Congrégations de religieuses,
15 septembre 1952. (AAS 44 (1952), p. 824).
62.
Cf. Décret du Saint-Office, De matrimonii finibus, 1er avril 1944. (AAS 36 (1944), p. 103).
63.
Cf. 1 Corinthiens, 7, 5.
64.
CIC, can. 1013, § 1 : « La fin première du mariage est la procréation et
l'éducation des enfants ; la fin seconde est l'aide mutuelle et le remède à la
concupiscence ».
65.
Galates, 2, 20.
66.
S. Ambroise, De virginitate, c. 5, 26. PL. 16, 272.
67.
Cf. Jean, 10, 14 ; 10, 3.
68.
Constitution Apostolique du 21 novembre 1956. (AAS 43 (1951).
69.
1 Corinthiens, 7, 25.
70.
Matthieu, 19, 2.
71.
S. Ambroise, De viduis, c. 12, 72. PL. 16, 256. Cf. S. Cyprien, De habitu virginum, c. 23. PL. 4, 463.
72.
Cf. 1 Corinthiens, 7, 7.
73.
Matthieu, 19, 11-12.
74.
S. Jérôme, Comment, in Matth. 19, 12. PL. 26, 136.
75.
S. Jean Chrysostome, De virginitate, 80. PG. 48, 592.
76.
S. Ambroise, De virginitate, L. 1, c. 11, 65.
PL. 16,
206.
77.
Cf. S. Méthode d'Olympe, Convivium decem virginum, Orat. 7, c. 3. PG. 18, 128-129.
78.
S. Grégoire le Grand, Hom. in Evang. L. 1, hom. 3, 4. PL. 76, 1089.
79.
Matthieu, 19, 12.
80.
1 Corinthiens, 7, 9.
81.
Concile de Trente, sess. 24, can. 9.
82.
S. Augustin, De natura et gratia, c. 43, 50. PL. 44, 271.
83.
Concile de Trente, sess. 6, can. 11.
84.
1 Corinthiens, 10, 13.
85.
Matthieu, 26, 41.
86.
Galates, 5, 17.
87.
Cf. Galates, 5, 19-21.
88.
Galates, 5, 24.
89.
1 Corinthiens, 9, 27.
90.
Matthieu, 5, 28-29.
91.
Cf. S. Césaire d'Arles, Sermo 41. Ed. G. Morin, Maredsous, 1937. Vol. 1, p. 372.
92.
Cf. S. Thomas, In Ep. 1 ad Cor. 6, lect. 3 ; S. François de Sales, Introduction à la
vie dévote, part. 4, c. 7 ; S.
Alphonse de Liguori, La vera sposa di Gesù Cristo, c. 1, 16 ; c.
15. 10.
93.
S. Jérôme, Contra Vigilant., 16. PL. 23, 352.
94.
S. Augustin, De sancta virginitate, c. 54. PL. 40, 428.
95.
Ecclésiastique, 3, 27.
96.
S. Augustin, Epist, 211, 10. PL. 33, ,961.
97.
Jean, 17, 18.
98.
Jean, 17,
16.
99.
Jean, 17,
15.
100.
Cf. CIC, can. 124-142. Cf. T. 1, n° 223 à 237
: Obligations générales des clercs.
101.
AAS 42 (1950), p. 690-691. Cf. ci-dessus, n° 424-428.
102.
Cf. 1 Corinthiens, 6, 15.
103.
Cf. 1
Corinthiens, 6, 19.
104.
Discours à l'Ordre des Carmes, du 23 septembre 1951. (AAS 43 (1951), p. 736).
Cf. ci-dessus, n° 507.
105.
S. Clément, Ad Corinthios, 38, 2 ; Éd. Funk-Diekamp, Patres Apostolici, Vol. 1, p. 148.
106.
1 Jean, 4, 8.
107.
S. Augustin, De sancta virginitate, c. 33, 51. PL. 40, 415, 426. Cf. c. 31-32,
38 ; 412-415 ; 419.
108.
Cf. Matthieu, 19, 11.
109.
Cf. Matthieu, 7, 8 ; S. Jérôme, Comm. in Matth. 19, 11. PL. 36, 135.
110.
Cf. S. Ambroise, De virginibus, L. 3, c. 4,
18-20. PL. 16, 225.
111.
Cf. S. Alphonse de Liguori, Pratica di amar Gesù Cristo, c. 17, 7-16.
112.
Léon XIII, Lettre Encyclique Mirae caritatis, 28 mai 1902. (ASS 34, p. 641).
113.
Jean, 6,
57.
114.
S. Ambroise, De institutione Virginitate ; c. 6, 46. PL. 16, 320.
115.
Cf. S. Athanase, De Virginitate. Ed. Lefort, Muséon, 42, 1929, p. 247.
116.
S. Augustin, Sermon 51, c. 16, 26, PL. 38, 348.
117.
S. Athanase, Ibid., p. 244.
118.
S. Ambroise, De institutione virginis, c. 14, 87. PL. 16, 328.
119.
S. Ambroise, De virginibus, L. 2, c. 2, 6, 15.
PL. 16, 208,
210.
120.
Ibid., c. 3, 19. PL. 16, 211.
121.
S. Ambroise, De institutione virginis, c. 7, 50. PL. 16, 319.
122.
Ibid., c. 13, 81. PL. 16, 339.
123.
S. Bernard, In nativitate B. Marias Virginis, Sermo de aquaeductu, 8. PL.
183, 441-442.
124.
S. Jérôme, Epist. 22, 18. PL. 22, 405.
125.
S. Ambroise, De virginibus, L. 1, c. 10, 58 ;
PL. 16, 205.
126.
Ibid., c. 7, 32. PL. 16, 198.
127.
Cf. S. Ambroise, De virginibus, L. 2, c. 4,
32. PL. 16,
215-216.
128.
Philippiens, 2, 8.
129.
Apocalypse, 14, 4.
130.
Apocalypse, 14, 3.
131. Matthieu, 5, 10.