Le service pétrinien du dialogue œcuménique
avec les communautés réformées :
le don de l’autorité
par le prof. Gerhard Ludwig Müller
Le collège des évêques, qui est au service de l’unité de l’Église, doit porter en lui-même le principe de sa propre unité. Ce principe ne peut pas être purement causal (décision de la majorité, délégation des droits à un groupe dirigeant élu, etc.). Et puisque l’essence profonde de l’épiscopat réside dans le témoignage personnel, le principe de l’unité de l’épiscopat s’incarne dans une personne. Selon la conception catholique, le principe personnel de l’unité réside, à l’origine et dans son application actuelle, dans l’évêque de Rome. Comme évêque, il est le successeur de Pierre qui, en qualité de premier apôtre et de premier témoin de la résurrection, a incorporé dans sa propre personne l’unité du collège des apôtres. D’une importance décisive, en vue d’une théologie de la primauté, sont la caractérisation de l’office pétrinien comme mission épiscopale et la reconnaissance que cet office n’est pas de droit humain, mais de droit divin, ne pouvant être exercé que sur mandat du Christ et en vertu d’un charisme accordé personnellement à son détenteur.
Même certains théologiens protestants admettent aujourd’hui la nécessité d’un principe d’unité dans l’Église universelle. Cela a été exprimé récemment dans un document intitulé " Communio Sanctorum " élaboré en Allemagne dans le cadre du dialogue œcuménique.
Le point important en ce qui concerne la primauté, est cependant de savoir s’il s’agit d’une simple fonctionnalité sociologique ou d’une nécessité essentielle. La position théologique catholique est que la primauté du Successeur de Pierre fait partie de la nature théologique de l’Église elle-même. Du respect de ce principe et de sa reconnaissance de la part de la théologie des communautés réformées dépendra si, et dans quelle mesure, il sera possible de faire des progrès dans le dialogue œcuménique.
Vatican II a en effet confirmé la " doctrine de l’institution, de la perpétuité, de la valeur et de la raison de la sacrée primauté du Pontife romain et de son infaillible magistère " (LG 18), et il l’a encore précisée en éclaircissant la nature collégiale de la hiérarchie ecclésiastique, où primauté et épiscopat sont étroitement liés (LG 22). La doctrine de la primauté de Vatican I, formulée en catégories juridiques, s’inscrit désormais dans le cadre d’une ecclésiologie de la communion renouvelée et reformulée en catégories théologiques d’origine biblique et patristique. La primauté dans l’infaillibilité et dans la juridiction est décrite comme " principe et fondement de l’unité de la foi et de la communion " (LG 18).
Une importance décisive est donnée à la liaison et à l’union dynamique de tous les membres de l’Église et aux principes sur lesquels repose la constitution ecclésiale (apostolat des laïcs : LG 12 ; épiscopat, collégialité des évêques, prêtres et diacres : LG 22 ss.). À propos de la nature collégiale de la hiérarchie ecclésiastique, le Concile affirme expressément : " Ce Collège, en tant qu’il est composé de plusieurs membres, reflète la variété et l’universalité du Peuple de Dieu ; et en tant qu’il est rassemblé sous un seul chef, il signifie l’unité du troupeau du Christ. C’est à l’intérieur de ce Collège que les évêques, tout en respectant fidèlement la primauté et la prééminence de leur Chef, exercent leur propre pouvoir pour le bien de leurs fidèles et même de toute l’Église, tandis que le Saint-Esprit en assure constamment la cohésion et la concorde " (LG 22).
(Si et comment la théologie de la primauté romaine doit être fondée du point de vue ecclésiologique, et comment cette primauté peut s’exercer concrètement sans préjuger des droits divins de l’épiscopat, est à l’origine de la controverse entre l’Église catholique et l’Église d’Orient. C’est la raison pour laquelle les Églises orthodoxes voient dans la doctrine de la primauté romaine une des causes du schisme d’Orient, même si elles ne contestent pas que l’Église romaine est la " prima sedes " dans la communion des Églises. Une étape importante sur le chemin qui porta à la division furent les polémiques avec le Patriarche Fotius au IXe siècle. Le schisme d’Orient entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe fut scellé en 1054 par une excommunication réciproque. Depuis lors, les tentatives de réunification n’ont pas manqué, parmi lesquelles il vaut la peine de mentionner l’union rétablie au Concile de Florence en 1439, une union qui fut cependant remise en cause par l’Église d’Orient).