La formation des catéchistes

Prof. Stuart C. Bate OMI

I. Considérations générales

Au début de son pontificat, le pape Jean Paul II écrivait :

Je tiens à vous remercier au nom de toute l’Eglise, vous, catéchistes paroissiaux, laïcs, hommes, et femmes en plus grand nombre encore, qui partout dans le monde vous êtes dévoués à l’éducation religieuse de nombreuses générations… Combien sommes-nous qui avons reçu de personnes comme vous les premières notions de catéchisme et la préparation au sacrement de pénitence, à la première communion et à la confirmation ? (CT 66).

Le service souvent effacé et méconnu de la catéchèse est, en fait, au centre de la mission de l’Église. C’est là que la puissante armée du peuple de Dieu, ceux qui sont le sel de la terre, donne sa contribution chrétienne, en contribuant ainsi à nous transformer tous. Les catéchistes ont été qualifiés d’" agents spécialisés, témoins directs, évangélisateurs irremplaçables, qui représentent la force de base des communautés chrétiennes, particulièrement dans les jeunes Églises " (RM 72). C’est une force dont l’Église a besoin, car dans un monde chaque jour plus pluraliste et en même temps interconnecté, la communication efficace de la foi est devenue une question plus complexe. Cela ne fait qu’accroître le besoin d’une formation solide et adéquate des catéchistes, à tous les niveaux de l’Église. La " formation de catéchistes qui aient une foi profonde " est une " tâche prioritaire " de la catéchèse et de la formation est l’un des éléments essentiels qui permettent à la catéchèse " d’exprimer sa vitalité et son efficacité " (DGC 33).

La formation dans la vie de l’Église

Le Saint-Père nous rappelle qu’" au cœur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth " (CT 5). Alors que nous suivons les traces de Jésus, l’Esprit Saint nous ouvre continuellement à sa présence et nous forme doucement à " refléter et goûter pleinement " l’image de ce Dieu qui nous a créés (cf. Adult...11 ; RM 46). L’effort catéchistique doit toujours se refléter notre relation à Jésus. Cela devrait nous aider tous à approfondir notre compréhension et notre expression de cette relation.

La formation est un processus qui touche tous les aspects de la vie. En fait, elle fait partie d’un projet durant toute la vie de la communauté chrétienne dans sa suite de Jésus. La suite de Jésus ne signifie pas copier servilement sa vie, mais plutôt faire de son choix de vie notre propre choix, selon nos possibilités et à l’endroit où nous nous trouvons. C’est pour cette raison que la formation doit s’ancrer dans le contexte humain et que l’Église particulière doit en assumer la responsabilité. C’est une exigence de l’Incarnation : notre Sauveur nous a aimés au point de camper parmi nous comme l’un d’entre nous (Jn 3,16 ; 1,14). L’Incarnation du Verbe en Jésus nous donne la garantie que le corps du Christ est le corps vivant de tous ceux qui sont nés " de l’eau et de l’Esprit " (cf. Mt 3,11). La formation est orientée à la vie humaine vécue en communauté, rachetée par le Christ et en marche dans l’Esprit. Le Directoire Général pour la Catéchèse en parle comme du " chemin vers la perfection " à la quelle le " baptisé, toujours animé par l’Esprit, nourri par les sacrements, par la prière et par la pratique de la charité, et aidé par les multiples formes d’éducation permanente à la foi, cherche à faire sien le désir du Christ : ‘Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait’. C’est l’appel à la plénitude adressé à tout baptisé " (GDC 56).

Le rôle de l’Église particulière dans la formation des catéchistes

La responsabilité de la formation des catéchistes est confiée aux Églises particulières (cf. DGC 232 ; Adult... 80). Cette responsabilité est l’une des multiples tâches confiées à l’Église particulière dans le cadre de son attention pastorale pour les catéchistes. Parmi les autres tâches on peut citer : promouvoir les vocations à la catéchèse, encourager la spécialisation chez les catéchistes et fournir des animateurs de la catéchèse aux niveaux diocésain, régional et paroissial. Les évêques doivent veiller à la qualité et à la vigueur de l’activité catéchistique de l’Église particulière, en s’efforçant de faire en sorte que des catéchistes soient employés à plein temps. Outre cette attention pastorale, les Églises particulières doivent veiller à ce que les catéchistes bénéficient d’un bon accompagnement. Cela signifie mettre en place des mécanismes destinés à " soigner l'attention personnelle et spirituelle aux catéchistes et au groupe des catéchistes en tant que tel ". Ces tâches sont souvent confiées aux prêtres des paroisses où les catéchistes travaillent (DGC 233).

Si tous les chrétiens sont appelés à être responsables de la catéchèse, certains sont appelés et formés tout spécialement à un service plus actif comme catéchistes. Ces catéchistes sont des agents de l’Église particulière. Pour être reconnu comme un catéchiste, une personne doit suivre un programme de formation et recevoir un mandat ecclésial pour ce service (DGC 221). Ce mandat est donné par les évêques, qui sont " les tout premiers responsables de la catéchèse, les catéchètes par excellence " (CT 63). De même, les évêques devront veiller à ce que les catéchistes reçoivent une formation efficace, en supervisant les programmes de formation et en s’assurant qu’ils sont adaptés aux conditions sociales et culturelles locales.

La tâche de définir et d’appliquer les programmes de formation peut être confiée à des spécialistes de l’Église particulière ou de la paroisse, mais toujours sous la responsabilité et sous la haute direction de l’évêque. Ceux qui dirigent des programmes de formation, les formateurs, doivent donc être considérés comme les représentants de l’évêque. Dans cette relation, le respect et l’engagement mutuels sont importants. L’évêque ne renonce pas à ses responsabilités en déléguant à d’autres le soin d’élaborer le programme. De même, les formateurs mettent leurs dons et leurs talents dans l’application du processus de formation, sans considérer la formation comme une tâche et une mission personnelles. Ainsi peut s’instaurer un système de responsabilité mutuelle entre ceux qui offrent une formation dans l’Église particulière ou dans la région ecclésiastique et les autorités ecclésiastiques. C’est pourquoi il est très important que les autorités ecclésiastiques aient des contacts réguliers avec les organisateurs des programmes de formation. Durant leurs réunions, les formateurs feront un compte-rendu des programmes de formation qu’ils ont entrepris, et de son côté, l’évêque fera les commentaires voulus pour faciliter la mise en œuvre concrète du programme (cf. DGC 223).

Les qualités humaines des catéchistes

Tout le monde n’est pas capable de remplir le rôle du catéchiste dans une communauté. Les communautés chrétiennes devront donc s’efforcer d’identifier les personnes ayant les qualités humaines et spirituelles appropriées pour ce service. Une maturité d’adulte et une foi active sont des qualités essentielles chez ceux qui souhaitent catéchiser les autres. Et cela, parce que la maturité et l’engagement spirituel sont les fondations sur lesquels se construit la formation chrétienne. Les catéchistes seront donc choisis parmi ceux qui ont une foi adulte et qui vivent cette foi dans le contexte de la communauté ecclésiale à laquelle ils appartiennent (Adult... 71-72). La première façon pour les catéchistes de catéchiser est le témoignage d’une vie chrétienne engagée dans la communauté. En effet, l’essence de la formation du catéchiste est " identique à celle du chrétien adulte " (Adult... 78).

 

II. Aspects spécifiques de la formation des catéchistes

Le travail spécifique de formation des catéchistes présente divers aspects. Je me bornerai à en mentionner brièvement les principaux.

Un appel au service

Par leur baptême, tous les chrétiens ont la vocation de communiquer la foi dans laquelle ils ont été accueillis. Cet appel est encore renforcé par la confirmation. Lors d’une visite ad limina des évêques des États-Unis en 1998, le Saint-Père leur demanda d’" encourager les catéchistes à considérer leur travail comme une vocation : c’est en effet une façon privilégiée de prendre part à la mission de transmettre la foi et de rendre compte de l’espérance qui est en nous " (in Hoyos 1998). Comme résultat de leur relation à Jésus, beaucoup de laïcs vivent un appel au service catéchistique dans l’Église, souhaitant s’engager plus pleinement comme catéchistes. La formation doit s’attacher tout d’abord à approfondir cette relation avec le Seigneur, afin de distinguer la nature de leur appel et lui permettre éventuellement de s’exprimer pleinement dans le choix de s’engager dans l’activité missionnaire de la catéchèse. Cela conduira certainement à une meilleure intériorisation de certains autres aspects de la formation, comme la formation initiale aux aptitudes et aux connaissances requises pour le service catéchistique et l’approfondissement permanent de cette vocation dans les réunions suivantes (DGC 231).

Le but de la formation

Le but de la formation est de développer la capacité du catéchiste de communiquer la Bonne Nouvelle du salut et les enseignements de l’Église (DGC 235-6). La communication n’est pas la simple présentation de ces idées et de ces enseignements. Il faut aussi que le message soit entendu, reçu et assimilé de la façon souhaitée. La vraie communication comprend la construction de relations et de communautés humaines. La communion est à la base de la communication. Pour que la communication soit efficace, il faut que les catéchistes soient aussi des leaders et des animateurs, et pas simplement des participants. La formation doit s’efforcer d’aider les formants à développer les valeurs et les aptitudes au leadership. Le leadership n’est pas l’imposition de sa volonté aux autres, mais plutôt la capacité d’instiller la confiance dans un groupe, de telle sorte qu’il se fie à la vision et à la capacité du catéchiste de le conduire sur le chemin du Seigneur. Les catéchistes doivent aussi être des animateurs ayant la capacité de déléguer à d’autres membres de la communauté. Les animateurs aident les autres à reconnaître la présence de Dieu en eux et les encouragent à une participation zélée à la vie de l’Église. Ces exemples montrent que la communication du message chrétien est une réalité complexe, qui a des dimensions spirituelles, doctrinales, anthropologiques et méthodologiques. Ils nous aident aussi à comprendre pourquoi les programmes de formation pour catéchistes doivent traiter chacune de ces dimensions (Hoyos 1998).

Formation spirituelle

Au cœur de la formation, il y a l’Esprit Saint, celui qui " poursuit dans le monde, grâce à l’Église, l’œuvre de la Bonne Nouvelle du salut " (DeV 3). Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit " (DeV 4). C’est pourquoi la formation spirituelle est essentielle à la croissance des catéchistes, appelés à être des hommes et des femmes de l’Esprit, capables par la prière et la dévotion de discerner sa présence et de porter ses fruits dans les relations interpersonnelles, l’engagement social, l’enseignement et la célébration de la vie chrétienne dans la liturgie. Le but de la formation spirituelle est de " renforcer les convictions, ouvrir à de nouveaux horizons et aider à persévérer dans la prière et dans les engagements de la sequela Christi " (GDC 71).

Formation intellectuelle et théorique

Toute vraie formation doit avoir également une composante intellectuelle et théorique, afin que les catéchistes soient capables de présenter les vérités de la foi de façon convaincante et compréhensible. Cette composante est particulièrement importante pour aider les catéchistes à répondre aux défis intellectuels qui se posent à l’Église aujourd’hui (Adult... 79 ; DGC 240). Cette formation doit être centrée sur la Parole de Dieu et sur la théologie, qui aide à développer systématiquement les thèmes chrétiens particuliers, en montrant leur cohérence. Le Catéchisme de l’Église Catholique constitue un outil de recherche précieux en vue de ce travail. À côté de la formation théologique, il est très important de fournir aux catéchistes une solide formation intellectuelle dans les sciences humaines, en particulier en psychologie et sociologie. Ces disciplines, présentées de façon pratique, peuvent être utiles pour développer une approche adéquate tant à l’inculturation de la foi qu’au développement de réponses pastorales aux questions sociales de notre temps, comme le sida et la pauvreté (GDC 242).

Aspects pratiques et méthodologiques de la formation

Les programmes de formation doivent être attentifs à la méthodologie. En premier lieu, les programmes doivent être systématiques. Des objectifs précis doivent être formulés pour l’ensemble du programme et pour ses différents modules. De cette manière, une approche holiste à la formation sera plus clairement assurée. Les programmes de formation ne doivent pas être uniquement une série de cours ex cathedra. La mission du catéchiste étant un service pratique, pastoral, dans l’Église, une partie importante de leur formation devrait se concentrer sur l’acquisition des aptitudes nécessaires et sur une formation pratique pour accomplir leur travail. Les évêques s’assureront que " les catéchistes sont préparés convenablement à leur tâche ", ce qui demande, entre autres, qu’ils " apprennent dans la théorie et la pratique les lois de la psychologie et les matières pédagogiques  " (DGC 223). La formation des catéchistes doit tenir compte des groupes spécifiques de personnes qu’ils devront catéchiser, pour donner une formation selon une approche différente, par exemple, aux enfants, aux adolescents et aux adultes. Ainsi, la catéchèse des adolescents est bien différente de celle destinée aux petits enfants. Les adolescents sont engagés sur le chemin qui les mène de l’enfance à l’âge adulte. La question de l’indépendance prend une plus grande importance à cet âge, et le rôle du catéchiste doit s’inspirer davantage de celui de l’accompagnateur que de celui de l’enseignant. Dans beaucoup de cultures africaines, des rites d’initiation sont prévus pour les jeunes à cet âge. En outre, les programmes catéchistiques qui ne tiennent pas compte du contexte socioculturel des participants peuvent rencontrer des difficultés ou être désertés par ceux qui sont catéchisés.

Inculturation de la formation

" Le semeur sait que la semence pénètre en des terreaux concrets et qu'il lui faut absorber tous les éléments nécessaires pour porter du fruit " (DGC 20). Le lieu de la catéchèse est une communauté humaine imprégnée d’un monde de culture. Aussi, la question de l’inculturation est-elle toujours présente dans la catéchèse, qu’on en soit conscient ou pas. L’inculturation de la formation est donc une composante nécessaire de la formation du catéchiste. Cela signifie que les formateurs et les directeurs des programmes de formation doivent tenir compte du milieu social d’où le catéchiste est issu et où il sera appelé à travailler. Cela peut demander une forme d’insertion dans le milieu social et dans sa réalité, comme partie de la dimension pratique ou de terrain de la formation catéchistique. Un séminaire de réflexion sur ces expériences pourrait être organisé pour aider à l’acquisition pratique effective d’aptitudes catéchistiques sociales et culturelles. Le partage entre catéchistes et catéchistes en formation sur les questions liées à la vie quotidienne de la communauté chrétienne peut être un excellent outil pour aider les catéchistes à apprendre comment traiter les questions dans le contexte de l’Église particulière.

En Afrique, il existe de nombreux centres de formation pastorale où sont donnés des programmes de formation adaptés aux nécessités locales. Au Zimbabwe, une étude est en cours afin de formuler des suggestions visant à améliorer l’efficacité des programmes de formation catéchistique. Encore une fois, c’est un signe que la catéchèse est un travail en constant devenir. Elle fait partie de la mission confiée par Jésus de faire des disciples en qui il sera avec nous " jusqu’à la fin de l’âge " (Mt 28,20).

 

Documents cités

Adult Catechesis in the Christian Community. Some Principles and Guidelines. International Council for Catechesis (COINCAT). St Paul Publications, 1990.

CEC Catéchisme de l’Église Catholique.

CT Catechesi Tradendae. Exhortation apostolique de Jean Paul II, 16 octobre 1979.

DeV Dominum et vivificantem Lettre encyclique du Souverain Pontife Jean Paul II, sur l’Esprit Saint dans la vie de l’Église et du monde, 18 mai 1986.

DGC Directoire général pour la Catéchèse. Congrégation pour le Clergé, Cité du Vatican, 1997.

Hoyos, D. Castrillon. The Role of Priests in Catechesis. 15 novembre 1998.

R M Redemptoris Missio Lettre encyclique du Pape Jean Paul II, sur la validité permanente du mandat missionnaire de l’Église, 8 décembre 1990.