Prof. Gerhard Ludwig Müller, Ratisbonne/Germania

18 dec 2004

L’histoire du salut est une expression composite d’une grande complexité, puisqu’elle conjugue deux réalités de nature opposée : le concept de " salut ", qui se réfère à une réalité entièrement transcendante, puisque l’histoire ne permet d’avoir qu’une expérience temporaire de la rédemption globale ; et le concept d’" histoire ", qui semble à première vue une notion totalement immanente, contenue dans les catégories mondaines de l’espace-temps. C’est une dimension dont Dieu est exclu, son intervention directe dans l’histoire étant vue uniquement comme une action ponctuelle dans une situation donnée.

En réalité, une compréhension adéquate de l’histoire du salut et de l’association terminologique complexe qui l’exprime exclut toute séparation radicale entre les concepts de salut, histoire et monde, car cette compréhension se base sur la conviction fondamentale qu’il ne peut exister un monde totalement profane, et que toute l’histoire du monde, depuis son commencement jusqu’à son accomplissement, est habitée par la présence salvifique de Dieu. Pourtant, bien souvent, les hommes ne sont pas capables de déceler et d’apprécier cette présence salvifique dans l’histoire.

Lorsque la présence salvifique de Dieu est accueillie librement par l’homme, l’histoire du salut vit dans l’histoire comme acceptation de Dieu. Il ne s’agit plus alors d’une intervention ponctuelle car, par le fait même que l’homme a accueilli l’offre de salut présentée par Dieu, l’histoire profane devient le lieu historique universel de la rédemption accueillie par l’homme, autrement dit, elle devient histoire du salut. L’homme qui accueille Celui qui crée et qui accomplit devient le représentant du salut commencé au moment de la création.

Le fait que le Dieu Tout-Puissant s’est révélé par son Fils dans l’histoire finie, en introduisant une promesse de salut ferme et définitive dans le rapport entre Dieu et l’homme, montre que le cours de l’histoire humaine ne peut pas être compris sans la présence de Dieu et sa volonté de salut. Par la création, expression tangible du salut, et par son accomplissement en Jésus Christ, nous sommes insérés concrètement dans une histoire qui se déroule dans l’espace et le temps, et qui ne peut être distincte du monde profane. Chaque rencontre avec le divin dans les sacrements, et en particulier dans l’Eucharistie, s’inscrit dans l’histoire. L’acceptation par l’homme de l’offre de salut dans l’événement de l’incarnation du Christ, un événement que nous aurons la joie de célébrer concrètement dans les prochains jours, devient elle-même histoire du salut, par le fait que Dieu nous fait participer directement à sa volonté de salut.